L’Encyclopédie/1re édition/ACCORDER

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 80).
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ACCORDER des instrumens, c’est tendre ou lâcher les cordes, allonger ou raccourcir les tuyaux jusqu’à ce que toutes les parties de l’instrument soient au ton qu’elles doivent avoir.

Pour accorder un instrument, il faut d’abord déterminer un son qui doit servir aux autres de terme de comparaison ; c’est ce qu’on appelle prendre ou donner le ton : ce son est ordinairement l’ut pour l’orgue & le clavecin, & le la pour le violon & la basse, qui ont ce la sur une corde à vuide, & dans un medium propre à être aisément saisi par l’oreille : telle est la chanterelle du violoncelle & la seconde du violon.

A l’égard des flûtes, hautbois, & autres instrumens semblables, ils ont leur ton à peu près fixe, qu’on ne sauroit gueres changer qu’en changeant quelque piece de l’instrument. On peut encore les allonger un peu à l’emboîture des pieces, ce qui baisse le ton de quelque chose : mais il doit nécessairement résulter des tons faux de toutes ces variations, parce que la juste proportion est rompue entre la longueur totale de l’instrument, & les intervalles d’un trou à l’autre.

Quand le ton est déterminé, on y fait rapporter tous les autres sons de l’instrument, qui doivent être fixés par l’accord selon les intervalles qui leur sont assignés. L’orgue & le clavecin s’accordent par quintes & par octaves ; la basse & le violon par quintes ; la viole par quartes & par tierces. En général on choisit toûjours des intervalles consonans & harmonieux, afin que l’oreille soit mieux en état de juger de leur justesse.

On remarque que les instrumens dont on tire le son par inspiration, comme la flûte & le hautbois, montent sensiblement quand on en a joüé quelque tems, ce qui vient, selon quelques-uns, de l’humidité qui, sortant de la bouche avec l’air, les renfle & les raccourcit ; ou plûtôt c’est que la chaleur & la raréfaction que l’air reçoit pendant l’inspiration rendent ses vibrations plus fréquentes, diminuent son poids ; & augmentant ainsi le poids relatif de l’atmosphere, rendent le son un peu plus aigu, suivant la doctrine de M. Euler.

Quoi qu’il en soit de la cause, il faut, au moment de l’accord, avoir égard à l’effet, & forcer modérément le vent quand on donne le ton avec ces instrumens ; car pour qu’ils restent d’accord durant le concert, il faut qu’ils soient un peu trop bas en commençant. (S)