L’Encyclopédie/1re édition/ÉPITROPE
ÉPITROPE, s. f. figure de Rhétorique, appellée par les Latins concessio, par laquelle l’orateur accorde quelque chose qu’il pourroit nier, afin que par cette marque d’impartialité, il puisse obtenir à son tour qu’on lui accorde ce qu’il demande.
Ainsi M. Despreaux a dit de Chapelain par épitrope :
Qu’on vante en lui la foi, l’honneur, la probité ;
Qu’on prise sa candeur & sa civilité :
Qu’il soit doux, complaisant, officieux, sincere ;
On le veut, j’y souscris, & suis prêt de me taire.
Mais que pour un modele on montre ses écrits,
Qu’il soit le mieux renté de tous les beaux esprits ;
Comme roi des auteurs, qu’on l’éleve à l’empire,
Ma bile alors s’échauffe & je brûle d’écrire.
Épitrope, s. m. (Hist. mod.) sorte de juge, ou plutôt d’arbitre que les chrétiens grecs qui vivent sous la domination des Turcs, choisissent dans plusieurs villes pour terminer les différends qui s’élevent entre eux, & pour éviter de porter ces différends devant les magistrats Turcs.
Il y a dans chaque ville divers épitropes : M. Spon remarque dans ses voyages qu’à Athenes il y en a huit, qui sont pris des différentes paroisses & appellés vecchiardi, c’est-à-dire vieillards. Mais Athenes n’est pas le seul endroit où il y ait des épitropes : il y en a dans toutes les îles de l’Archipel.
Quelques auteurs latins du cinquieme siecle appellent épitropi, ceux qu’on appelloit plus anciennement villici, & qu’on a dans la suite appellé vidames. Voyez Vidame.
Dans des tems encore plus reculés, les Grecs employoient le terme ἐπίτροπος dans le même sens que les Latins employoient celui de procurator : c’est-à-dire, que ce mot signifioit chez eux un commissionnaire ou intendant. Voyez Procurator.
Ainsi les commissionnaires des provisions dans les armées des Perses sont appellés epitropi par Hérodote & Xénophon : dans le nouveau Testament, ἐπίτροπος signifie le steward ou supérieur d’une maison, que la vulgate traduit par procurator. Voyez le Dict. de Trévoux & Chambers. (G)