L’Enclos du Rêve/07/Inconstance

Alphonse Lemerre (p. 115-116).

INCONSTANCE

Je ne te dirai plus que je t’aime toujours.
Les amours d’ici-bas ne sont pas éternelles
Et j’en sais qui longtemps furent nobles et belles
Et moururent après des morsures des jours.

Et si mon cœur, soumis autrefois, te résiste,
Ce n’est pas par orgueil, encor moins par mépris,
Car tu passes parmi les hommes éblouis
Souverainement belle et divinement triste.

Non. Si je t’ai menti, si ma voix et mes pas
Se sont ligués entre eux pour me faire infidèle,
C’est que mon cœur humain est faible et qu’il recèle
D’amères facultés que je ne savais pas.


Et lorsque j’oubliai — pardonne, mon amie, —
Le serment que j’avais tant de fois répété,
Et ta douceur, et ta tristesse, et ta beauté,
Ma conscience était lâchement endormie.

Au réveil je compris que je ne t’aimais plus,
Et que sombraient tous nos bonheurs dans la déroute,
Et que, pour nous trouver sur une même route,
Nos efforts seraient vains et nos cris superflus.

Lors je m’éloignerai, menant mon cœur d’argile
Vers les faciles buts de la vie, au hasard,
Et toi tu nous plaindras parce qu’il est trop tard
Pour rebâtir le nid de notre amour fragile.