L’Enclos du Rêve/05/Mater Dolorosa

Alphonse Lemerre (p. 72-74).

MATER DOLOROSA

À Mademoiselle de C…


Sur ses genoux tremblants, la mère des douleurs
Tient le crucifié, roidi, sanglant et blême,
Et, pliant sous le faix de la peine suprême,
Cette mère n’a plus de plaintes ni de pleurs.

Ses doux regards emplis d’indicible tristesse.
Fixent le corps divin du fils de Jéhovah,
La blessure au côté que le fer souleva,
Et l’âme de Marie est pleine de détresse :

« Est-ce là mon Jésus, le plus beau des enfants,
Celui qui souriait, nu, sur la paille fraîche,
Quand les pâtres pieux apportaient à la crèche
Les chevreaux nouveau-nés et les agneaux bêlants ? »


Oui, c’est là ton Jésus, ô mère infortunée !
Dieu te l’avait donné, les hommes te l’ont pris ;
Et tu le vis en croix avec les pieds meurtris
Et la tête penchant d’épines couronnée…

De noirs pressentiments te l’avaient dit tout bas
Qu’il serait immolé par les hommes parjures ;
Mais qu’il subirait tant d’outrages et d’injures,
Ô mère du Sauveur ! tu ne le savais pas.

Et c’est pourquoi, le cœur déchiré mais sans haine,
Pâle comme la Mort aux portes des tombeaux,
En étreignant ton fils qu’ils mirent en lambeaux,
Ô Vierge ! tu souffris comme une mère humaine.