L’Enclos du Rêve/04/Le vieux Mur

Alphonse Lemerre (p. 48-49).

LE VIEUX MUR

À ma Mère.


La maison de grand-père avait pour horizon
Un vieux mur tapissé d’odorantes glycines.
Sur les rameaux chenus, sous les lianes fines,
Des oiseaux s’abritaient à la belle saison.

Je revois ce vieux mur et ses molles dentelles,
Et les yeux violets de ses grappes en fleurs,
Et ses nids suspendus et ses oiseaux siffleurs
Qui le peuplaient avec leurs cris et leurs querelles.

Mais, de l’ancien logis battu par les autans,
Pourquoi ce souvenir soudain dans ma mémoire,
Et de cet horizon qui s’encadrait de gloire,
Avec ce très vieux mur habillé de printemps ?


Pourquoi la vision que je croyais perdue ?
Vieux mur enguirlandé, vieux mur étincelant,
Qui fus le tendre ami de mes rêves d’enfant,
Et par qui la saveur du passé m’est rendue ?

Me reconnaîtrais-tu si je te revenais ?
Et des doux entretiens pleins de choses profondes,
De tes feuillages verts et de mes lèvres rondes,
Dis, t’en souviendrait-il, très vieux mur que j’aimais ?

Je n’irai pas rôder à l’entour de ta porte,
Car mon regret, vois-tu, s’aggraverait encor
Si je trouvais, au lieu du frémissant décor,
Des gravats effrités sur ta parure morte.

Mais je conserverai le souvenir très cher
D’un mur qui me parlait lorsque j’étais petite,
D’un vieux mur que mon cœur naïf comprit bien vite,
D’un vieux mur familier, d’un vieux mur souple et clair.

Et dans mon âme aussi, lors des jeunes années,
Un mur blanc s’élevait d’espérances fleuri,
Et les jours sont venus et le mur aujourd’hui
S’écroule en maints endroits sur des branches fanées.