L’Enclos du Rêve/01/L’Aurore a mis

Alphonse Lemerre (p. 11-13).

L’AURORE A MIS…

Laurore a mis au firmament
Des velours bleus poudrés de rose.
Le ciel est une rose éclose
Dont le cœur brille à l’Orient,
Car le Soleil, ce lapidaire,
Y déploie, en grand appareil,
Des pendentifs faits d’or vermeil
Des velours bleus poudrés de rose.Et des émaux de pourpre claire.

Du haut de son divin pavois
D’argent, d’onyx et de porphyre,
Il illumine d’un sourire
La cime onduleuse des bois.
Au bord de la mer endormie,
Il ose à peine se poser
Et la réveille d’un baiser,
Car la mer est sa grande amie.


Dans l’étable où sont les troupeaux,
Sournois, il glisse par les fentes,
Chevauchant les brebis bêlantes,
Appuyant sa lèvre aux pipeaux ;
Il se mire dans les fontaines,
Qu’il éclabousse de rayons
Et câline tous les sillons
Éparpillés au fond des plaines.

Il joue à travers les buissons,
Salue en passant les fauvettes,
Les pierrots et les alouettes
Qui lui répondent en chansons ;
Il chauffe, au seuil de leur chaumière,
Les éclopés, les décrépits,
Et nimbe d’or les tout petits
Qui se baignent dans sa lumière.

Enfin, lui, le grand chemineau,
Qui dans les cieux toujours chemine,
Vers tous les errants il s’incline…
Si l’un d’eux dort sur le coteau,
Patient il est à l’écoute ;
Et quand vient l’heure du réveil,
Il dit : « C’est moi, moi le soleil !
Hardi, mon compagnon, en route ! »


Aussi, quand il passe au ciel bleu
En manteau de cérémonie,
Une clameur monte, infinie,
Vers cet envoyé du Bon Dieu,
Soleil fécondant les semences
Dont les effluves, sans pareils,
Font mûrir des grains plus vermeils
Aux vignes de nos espérances.