L’Autre plaine (Verhaeren)

Poèmes (IIIe série)Société du Mercure de France (p. 131-132).

L’AUTRE PLAINE


Sur les visages des floraisons d’or,
Voici qu’un auroral soleil se penche
Et les frôlant, de branche en branche,
Dans une clarté pourpre éclate en baisers d’or.

Pulpeux et lourds, comme des bouches rouges
Et lumineux de leurs sèves hautaines,
Sous des rameaux feuillus, qui cachent des fontaines,
L’aube caille le sang des raisins rouges.

On écoute les ruisselets et leurs lumières
Sauter, sur des escaliers clairs ;
Des insectes d’or et de vair,
Contre des vitraux bleus, casser de la lumière.


Des feuillages chantent. Il s’en dénoue,
De temps en temps, de longs rubans de vols ;
Et les heures tournent, comme des roues,
Autour des yeux moussus des tournesols.