L’Autre monde (Cyrano de Bergerac)/Histoire posthume

Texte établi par Frédéric Lachèvre, Garnier (p. lv-lxvi).


Histoire posthume de Cyrano de Bergerac


Plus d’une année s’était écoulée depuis la mort de Cyrano quand son ami Henry Le Bret, dans l’intention de satisfaire à ses dernières volontés (il « l’avait formellement chargé de ce soin ») sollicita un privilège pour la publication de l’Histoire Comique, titre fantaisiste sous lequel il présentait la première partie de L’Autre Monde. Une fraction des manuscrits de Cyrano avait été dérobée, ou plutôt perdue, au moment où le malade quittait l’Hôtel d’Arpajon ; mais le Voyage dans la Lune était heureusement sauvé, grâce aux copies qui en avaient été faites. Le Bret qui venait de recevoir la prêtrise et professait ainsi des idées religieuses opposées à celles de Cyrano, se trouvait en face d’une situation délicate : Devait-il mettre au jour une œuvre nettement hostile à la religion et aux bases mêmes de l’État, pouvant entraîner des poursuites contre l’éditeur, ou devait-il, au contraire, la détruire ? Il résolut « ce cas de conscience » en omettant les passages par trop osés des États et Empires de la Lune et en indiquant par des points le début des suppressions. Amputé de la sorte, le testament philosophique et scientifique de Cyrano, travesti en « histoire comique » perdait toute importance. Il fut achevé d’imprimer le 29 mars 1657 et mis en vente chez les libraires dans le courant du mois d’avril. Sans passer complètement inaperçu, l’ouvrage obtint un succès relatif, une seconde édition suivit deux ans après.

Les Lettres des Œuvres diverses de 1654, parues du vivant de Cyrano, avaient eu un certain retentissement à l’étranger ; leur style alambiqué séduisit un Anglais qui en donna à Londres en 1658 une adaptation sous le titre : Satyrical Characters and handsome Descriptions, in Letters written to several person of quality… précédée dés lignes suivantes :


Ses productions [de Cyrano] abondent en pensées antithétiques et en scintillements d’esprit ; elles sont piquantes, aiguisées, étincelantes comme les fragments d’un pilier de glace brisé quand le Soleil luit sur eux… La présente collection fut le fruit de ses années de jeunesse, les épanchements de ses fantaisies vierges, le Mai de son intelligence

Qui de son vert giron jette

le jaune coucou et la pâle primevère, fécondé vraiment par toute l’exhubérance vigoureuse d’un sol riche et non labouré… Qu’une pensée se présente d’elle-même, et il la poursuit droit à travers tous ses tours et détours, jusqu’à ce qu’il se perde agréablement lui-même dans les méandres de sa propre fantaisie… Cyrano possédait un singulier jet d’esprit qui nous surprend avec les ressemblances les plus inouïes, les discordances les plus neuves ; mais il les mélange cependant avec la plus exquise observation de la Nature et les imaginations les plus magnifiques. Le faux, l’affecté et le vrai, alternativement et dans une succession rapide, telle que rarement ils peuvent être séparés, « prennent les sens emprisonnés, et les enveloppent dans un Elysée ».

Telle est la vigueur et telles sont les rêveries de Cyrano (16).

Cet éloge s’explique sous la plume d’un étranger.

À son tour, l’année suivante, l’Histoire Comique passe le détroit : Selenarchia (en caractères grecs) or the Government of the World in the Moon. A Comical history… par T. St. Serf.

Les trois privilèges accordés à Ch. de Sercy, pour les diverses parties des Œuvres de Cyrano, les 16, 30 décembre 1653 et 23 décembre 1656, expiraient en 1662 et 1663 ; cette échéance prochaine engage Antoine de Sommaville, son confrère, à réunir (septembre 1661) à l’exception de La Mort d’Agrippine, en un seul volume, les Lettres, Le Pédant joué et l’Histoire Comique. Ch. de Sercy, aussitôt averti, s’empresse le 22 septembre, de faire opérer chez Sommaville la saisie d’un certain nombre d’exemplaires restant sur les quinze cents — ils se vendaient trois livres pièce — de cette contrefaçon. Sommaville résiste. Dès le lendemain 23, il riposte par une assignation tendant à ce que la dite saisie soit déclarée injurieuse, et spécifie que les privilèges des 30 décembre 1653 et 23 décembre 1656 sont faux. Sommaville ayant usé de toutes les ressources de la procédure, l’instance traîne en longueur. Enfin le 5 juin 1663, un arrêt du Parlement condamne le contrefacteur à 400 livres parisis de dommages et intérêts et 37 livres d’amende.

Dans l’intervalle pour affirmer son bon droit, Sercy ayant recouvré un manuscrit de la seconde partie de L’Autre Monde ; Les États et Empires du Soleil, quelques Lettres, les Entretiens pointus et un Fragment de Physique, groupe le tout sous le titre de : Nouvelles Œuvres et cela en vertu du privilège de cinq années du 23 décembre 1656, alors bien près de son expiration. Aussi en sollicite-t-il un nouveau. Il l’obtient le 21 décembre 1661, pour dix années, peu de jours avant d’avoir achevé d’imprimer les Nouvelles Œuvres (7 janvier 1662).

Il faut croire que la contrefaçon d’Antoine de Sommaville, le trop malin libraire, avait absorbé, malgré la saisie du 22 septembre 1661, les demandes du public en Œuvres de Cyrano, car Sercy met quatre années à donner par fractions le complément des Nouvelles Œuvres. La réimpression des Lettres est terminée seulement en vertu du privilège de 1661 le 9 juin 1663, celles : du Pédant joué le 12 décembre suivant, de l’Histoire Comique le 2 avril 1665 et de La Mort d’Agrippine, le 15 mars 1666, avec cette particularité que les trois premières portaient : Achevé d’imprimer pour la première fois !

Pourquoi Ch. de Sercy supprime-t-il dans les États et Empires du Soleil le paragraphe suivant (du phonographe) qui se lisait dans les trois éditions antérieures ?

Lorsque j’ai depuis réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des Livres, je ne m’étonne plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédoient plus de connoissances à seize et dix-huit ans, que les barbes grises du nôtre ; car sachant lire aussitôt qqe parler, ils ne sont japiais sans lecture ; à la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à la ceinture, une trentaine de ces Livres dont ils n’ont qu’à bander un ressort pour on quïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s’ils sont en humeur d’écouter tout un Livre. Ainsi, vous avez éternellement autour de vous tous les grands Hommes et morts et vivans qui vous entretiennent de vive voix. Ce présent m’occupa plus d’une heure, et enfin me les étant attachés en forme de pendans d’oreille, je sortis pour me promener ; mais je ne fus pas plutôt au bout de la rue, que je rencontrai une trouppe assez nombreuse de personnes tristes.


Est-ce à cause de l’impertinence « envers les barbes grises ? » Quoi qu’il en soit les réimpressions faites désormais à Paris, et sous la rubrique inexacte d’Amsterdam (Paris ou Trévoux) seront toutes amputées de ce passage.

Un de nos premiers critiques, celui à qui on a attribué à tort le roman Francion, Charles Sorel dans sa Bibliothèque françoise (1664) parle de Cyrano avec équité dans deux de ses chapitres.

L’amour-propre de notre Parisien aurait subi un rude choc en apprenant la condamnation de son frère Abel le 23 juillet 1668 à 330 livres d’amende pour n’avoir pu justifier de sa noblesse. Comment son caractère irascible aurait-il pris la chose en voyant Abel se désister spontanément de toute prétention à cet égard ? Cyrano lui-même avait communiqué à Palliot ses armoiries, elles figurent dans la Vraye et parfaite Science des Armoiries, 1660, Notons cependant que Royer de Prade, un de ses intimes, semble en ignorer l’existence dans son Trophée d’armes héraldiques, éditions de 1650 et 1654.

En 1671, l’avocat Gabriel Guéret met en scène Cyrano dans La Guerre des Auteurs dont il raille spirituellement les Lettres.

L’attaque de Guéret rappelle à Ch. de Sercy que son privilège général du 31 décembre 1661 approche de son terme ; il cherche à en obtenir le renouvellement. Le roi le lui accorde pour sept années, à partir du 29 septembre 1671.

Il n’est guère question de Cyrano de 1672 à 1675. Boileau lui accorde à peine une simple mention dans son Art poétique, 1674 :

J’aime mieux Bergerac et sa burlesque audace
Que ses vers où Motin se morfond et nous glace

En 1676 Sercy se décide à faire une édition complète à pagination suivie des Œuvres de Cyrano ; la dernière était de 1662-1666. On peut croire que l’Histoire Comique, pas plus que les Lettres, n’attirait un grand nombre de lecteurs.

Ce n’est pas leur mévente relative qui a nui à la réputation dont Cyrano jouissait auprès de quelques lettrés. Le sieur Corbinelli ayant compilé des Extraits de tous les plus beaux endroits des ouvrages des plus célèbres auteurs de ce temps le cite dans le quatrième tome. La moisson est variée sans être abondante : quelques passages des États et Empires de la Lune et du Soleil, des Lettres, du Pédant joué, etc.

Sommaville avait porté la guigne à Ch. de Sercy. Son privilège de 1671 expire le 29 septembre 1678, sans que l’édition de 1676 ait été épuisée, et c’est seulement le 18 avril 1681 que Sercy en obtient le renouvellement, cette fois pour vingt ans. Il s’en sert pour remettre en circulation, sous le couvert d’un nouveau titre à la date de 1681, les exemplaires invendus.

En 1687, à Londres, A. Lowell apporte une nouvelle version, du Voyage dans la Lune et il traduit pour la première fois les États et Empires du Soleil. Cette édition, ornée d’un curieux frontispice, ne paraît pas avoir été réimprimée.

Le Père Daniel, dans son curieux Voyage au Monde de Descartes (1691) mentionne Cyrano en se refusant à admettre que la lune soit habitée.

Avec le sieur Phérotée de La Croix, il reçoit une petite compensation. Ce maître de langues, de géographie et de mathématiques qui avait publié en 1675 L’Art de la Poésie françoise (Lyon, Thomas Amaulry), en donne en 1694 une nouvelle édition, revue et considérablement augmentée. Dans la section III des Auteurs Anciens et Modernes avec leurs ouvrages, celle qui concerne le théâtre français, il range Cyrano de Bergerac parmi les dix-neuf auteurs de premier ordre, alors que le grand Corneille et son frère, ainsi que Racine figurent dans les neuf poètes dramatiques de troisième ordre. Voilà un classement que la postérité n’a pas encore ratifié !

Après les Ménagiana (1694) Cyrano rentre dans l’ombre alors que l’on constate les progrès de l’esprit philosophique dont il avait été l’initiateur ; ils se manifestent par l’attention accordée aux utopistes du xviie siècle, on les voit renaître de leurs cendres. Cyrano bénéficie de cette vogue ; deux éditions de ses Œuvres en 1699, une autre en 1700, deux en.1709, une en 1710 ; Les Aventures de Jacques Sadeur, du cordelier défroqué Gabriel de Foigny, publiées à Genève (sous la rubrique Vannes) en 1676, réimprimées à Paris en 1692 (avec des suppressions), vont l’être encore en 1705 ; l’Histoire des Sévarambes (1677-1679) du protestant Denis Veiras d’Alais, est réimprimée en 1702 et 1716.

Dans l’intervalle un des admirateurs de Cyrano lui octroie en 1704 dans le Recueil de plusieurs Sermons récréatifs (Cologne) un Sermon burlesque de ce curé de Golignàc ; très malmené au début, des États et Empires du Soleil, au moment même ou un fidèle de Dassoucy publie sa facétie : Combat de Cyrano avec le singe de Brioché au bout dû Pont-Neuf. La coïncidence serait curieuse, au cas où Sermon appartiendrait à Cyrano.

Ce renouveau — il aurait pu réjouir Cyrano dans l’au-delà s’il pensait encore à se survivre — a malheureusement pour lui une contre-partie pénible. Sa propre famille perd pour la seconde fois ses titres de noblesse et l’un de ses membres couvre de honte le nom de Cyrano. Son cousin Jérôme-Dominique, un des fils de Pierre II, seigneur de Cassan, dans la maison duquel il était mort, est condamné par défaut, le 13 novembre 1704, par les commissaires du roi chargés de la recherche des inscriptions de noblesse à 3.000 livres d’amende, et le mercredi 7 novembre 1707, dans l’Église Notre-Dame-de-Paris, le Suisse arrête celui qui aurait été son neveu, Pierre de Cyrano, fils de son frère Abel, pour « exhibitionnisme ». Ce mot ne s’employait pas dans la langue médicale du temps ; mais la chose précède toujours le mot. À la décharge de ce malheureux disons qu’il invoque pour excuser sa turpitude, le vin, l’eau-de-vie et la fainéantise ;

Vingt-neuf ans se passent et il semble bien que Cyrano est oublié. Il a l’honneur cependant de figurer en 1736, dans le tome XXXVI des Mémoires pour servir à l’histoire des Hommes illustres dans la République des Lettres du Père Nicéron, barnabite. Faut-il attribuer à cette notice la nouvelle édition de ses Œuvres de 1741, en 3 volumes, sous la rubrique supposée d’Amsterdam, et que, vingt ans après, on cherchait encore à écouler en en rajeunissant les titres ?

Un philosophe amateur, Benoît de Maillet, diplomate et voyageur, ayant eu une vision, crut qu’il était appelé à révéler aux hommes l’origine du monde et médita sur ce sujet. Le résultat fut son Telliamed (anagramme de Maillet) ou entretiens d’un Philosophe Indien avec un Missionnaire François. Maillet dédia son livre à Cyrano de Bergerac. Quelque doute avait-il surgi un matin dans son esprit sur sa mission. On serait tenté de le penser ; il considère notre Parisien comme un extravagant qui lui avait montré le chemin à suivre. Maillet mourut en 1738 sans avoir mis au jour son Telliamed ; un ami, J.-A. Guers, se chargea de sa publication sous la rubrique : Amsterdam, 1748 ; une seconde édition augmentée en 2 volumes est de 1755.

Cette épître de Maillet à Cyrano allait servir d’arme aux adversaires de Buffon à seule fin de railler son hypothèse que la Terre était une partie du Soleil détachée par le choc d’une comète ; ils comparaient les Époques de la Nature aux Voyages dans la Lune et le Soleil de Cyrano : « Que ne m’annonciez-vous pas, disent, parlant à Buffon, les Lettres à l’Américain, que vous travailliez dans le genre de Cyrano de Bergerac. » Et Guettard, garde du Cabinet du duc d’Orléans, dans le brouillon d’une lettre satirique que l’on conserve au Muséum écrit : « Jusqu’à quand ferez-vous le Cyrano de Bergerac ? » Il y avait sûrement quelque exagération à rapprocher l’utopie cyranesque de l’œuvre scientifique d’un des plus grands hommes dont s’honore la France.

De 1755 il nous faut passer à 1839 (17) ; mais si le xviiie siècle avait été plutôt réservé à l’égard de l’auteur du Voyage dans la Lune, le xixe siècle le ressuscitait et à l’aube du xxe nous assisterons à l’apothéose d’un autre Cyrano, créé par un virtuose en versification : Edmond Rostand.


XIXe ET XXe SIÈCLES


Celui qui devait sortir Cyrano de l’oubli n’était autre qu’un bibliophile parisien, charmant esprit doublé d’un admirable prosateur, le bon et spirituel Charles Nodier. Un étourdissant article, paru dans le Bulletin dit Bibliophile de 1838, déchire tous les voiles et proclame Cyrano presque un grand écrivain.

L’éloquente plaidoirie de Nodier, comme toutes les plaidoiries, est souvent en marge de la vérité ; le perspicace Franc-Comtois s’est trompé en affirmant que son héros « n’a jamais offensé dans ses écrits ni la religion ni les mœurs ».

Après Nodier, il semble qu’aucune voix plus éloquente et plus autorisée n’était capable de célébrer Cyrano, et cependant la notice de Théophile Gautier dans ses Grotesques (1844) éclate comme un coup de tonnerre et égale, si elle ne la dépasse, celle de son prédécesseur. L’homme lui appartient autant que l’œuvre ; son nez et son Voyage dans la Lune se valent toutes proportions gardées : L’un est le chef-d’œuvre de la nature, l’autre le chef-d’œuvre de son esprit.

Les suites logiques de l’apologie de Cyrano, tentée par Ch. Nodier et Théophile Gautier, tardent onze années. En 1855, Le Blanc publie à Paris et à Toulouse une édition partielle des Œuvres de Cyrano ; elle est suivie en 1855 de celle — complète — de Paul Lacroix, dans la Bibliothèque gauloise, enrichie d’une notice dithyrambique en faveur du « gascon » libre penseur. Malgré cette excellente réclame, il faut attendre 1875 Pour relire Cyrano, et c’est à une femme, Mme Quivogne de Montifaud, dite Marc de Montifaud, qu’on doit les Voyages fantastiques de Cyrano de Bergerac ; la préface s’inspire de P. Lacroix en accentuant encore la note libertine.

Négligeant plusieurs réimpressions insignifiantes des États et Empires de la Lune et du Soleil, nous arrivons à la thèse de Pierre Brun ; elle fait état, pour la première fois, des manuscrits de L’Autre Monde, du Pédant joué et des Lettres entrés à la Bibliothèque nationale. Mais cet universitaire distingué s’abstient d’en faire ressortir l’importance…

La thèse de Pierre Brun, justement par « tout ce qu’elle tait » laissait somnoler la figure de Cyrano quand le 28 décembre 1897 la trompette de la Renommée commence à sonner aux quatre coins de l’Univers le nom, désormais célèbre, de l’auteur du Voyage dans la Lune ! Il est certain que le héros d’Edmond Rostand est tout autre que le « vrai Cyrano » ; ce dernier ne se reconnaîtrait pas dans l’amoureux platonique de Roxane. S’il en avait la possibilité, il protesterait avec indignation contre sa caricature : il attendait, avec raison, la célébrité de ses conceptions philosophiques et scientifiques, en avance de cent ans sur l’époque où il vivait, et il l’obtient au titre d’une délicatesse de cœur dont son père et ses amis les plus intimes avaient constaté l’absence. A-t-on jamais vu pareille mystification ?

Cependant, il faut le dire, grâce à la comédie d’Edmond Rostand, une compensation méritée a été accordée à Cyrano, il l’a reçue du plus fin analyste, du plus délicat des lettrés et d’un des premiers écrivains de notre époque : Rémy de Gourmont l’a fait entrer dans sa Collection des plus belles pages (1908) avec l’essentiel de son œuvre. Une légère tache seulement, la part faite aux « fantaisies » de P. Lacroix sur la Confrérie de l’index (18).

À la suite de notre édition des Œuvres libertines de Cyrano de Bergerac contenant les passages inédits des Manuscrits de la Bibliothèque nationale, un éminent critique étranger, M. Richard Aldington publie à Londres une nouvelle traduction anglaise des États et Empires de la Lune et du Soleil, précédée d’une judicieuse introduction.

Il serait cruel et injuste d’oublier « l’Essai » de Mlle Henriette Magy : Le véritable Cyrano de Bergerac (1927). À ses yeux, les recherches sont nuisibles, les documents authentiques bons à rejeter ou à détruire, la légende seule — celle qui a cours dans le populaire — est vraie. Combien en adoptant cette manière de voir était inutile la Vie romancée de Cyrano de Bergerac de M. Louis-Raymond Lefèvre, bien qu’elle eût cette supériorité aux yeux de Mlle Magy de n’apporter rien de nouveau sur le personnage. Espérons cependant que ce ne sera pas la dernière.

Nous passons sous silence les manifestations visant le Cyrano d’Edmond Rostand (particulièrement les romans de Lucien Pemjean et de Paul Féval fils), elles n’ont aucun lien qui les rattache au vulgarisateur scientifique, au philosophe de l’Autre Monde et à l’auteur dramatique de la Mort d’Agrippine et du Pédant joué.


Notes

16. Traduction de P. Brun.

17. Nous ne mentionnons que pour mémoire la réimpression des États et Empires de la Lune et du Soleil dans la collection des Voyages imaginaires. Sur les voyages dans la Lune publiés aux xviie, xviii et xixe siècles consulter : Camille Flammarion, Les Mondes imaginaires et les Mondes réels, 1865. Depuis il y a eu Les premiers hommes dans la Lune, de H. G. Wells, etc., etc.

18. Voir : Le Libertinage au xviie siècle. Mélanges : L’édition originale du Voyage dans la Lune.