CHAPITRE CINQUIÈME


LES ARYENS HISTORIQUES


Grecs. — Le tréfonds ethnique de la Grèce est entièrement inconnu. Les traces d’une occupation à l’époque paléolithique sont rares. On a trouvé quelques haches acheuléennes, mais rien de la fin du quaternaire. Pas de dépôts de grottes avec instruments de type magdalénien, pas même de néolithique ancien. Quelques haches polies, un petit nombre d’instruments représentent seuls la belle époque néolithique. Les traces des anciens habitants ne deviennent abondantes qu’à l’époque énéolithique, et même pour ce temps relativement rapproché nous n’avons aucun crâne, rien qui nous indique la race des aborigènes.

On suppose, gratuitement, que ces derniers étaient des brachycéphales vivant à l’état sauvage, et bien près de l’animalité. Les raisons sur lesquelles on s’appuie sont que les brachycéphales paraissent avoir été plus nombreux, aux époques très anciennes, dans les régions de l’Europe plus rapprochées de l’Asie Mineure, et que les Grecs représentent comme peuplées de brutes vivant de glands, avant l’introduction de la civilisation venue des îles.

Les Pélasges représentent le plus ancien fonds de population civilisé, et le premier groupe ethnique dont nous parle l’histoire grecque. Il est probable que sous ce nom les Grecs ont compris des éléments ethniques fort divers, possédant en commun la civilisation dite mycénienne. Les Pélasges paraissent avoir été surtout des tribus errantes, courant les terres et les mers, se montrant un peu partout sans arriver à constituer un ensemble de peuples stables, et à couvrir la Grèce et ses environs d’un système d’états définis et contigus. Ils répondent dans un certain sens à ce que les Égyptiens appelaient, d’une manière aussi vague, les peuples de la mer.

Les traditions grecques nous parlent de perpétuelles migrations et de rapports très complexes des premiers peuples de la Grèce avec ceux de l’Asie Mineure, des îles, de la Phénicie, de l’Égypte et de la Cyrénaïque. Nous comprenons maintenant ces rapports qui embarrassaient fort les anciens érudits. Nous savons que les Danouna avaient une de leurs tribus en Palestine, de même que les Pulesta de Palestine appartenaient certainement au fond pélasgique. Les rois d’Égypte avaient, dès les xve siècle, des Proto-Grecs à leur solde, et entre les mercenaires ou les colons d’Égypte, de Phénicie d’un côté, les habitants de la Grèce de l’autre, les relations et les migrations se poursuivaient sans interruption.

Nous voyons aussi plus clair dans le problème des rapports anciens de la Grèce et des Phéniciens. Il existe de nombreuses théories dont les unes attribuent aux Pélasges et les autres aux Phéniciens l’éducation première de la civilisation grecque. En réalité, tout le monde a raison. Vers le xve siècle avant notre ère, la différentiation qui s’est produite plus tard entre le monde grec et les Phéniciens n’existait pas encore. Si au point de vue de la langue la différence était sensible, les peuples de la mer parlant surtout des dialectes de souche grecque, ceux de la Phénicie surtout des dialectes chananéens, dont l’hébreu et son frère le phénicien nous sont seuls connus, pour tout le reste il n’y avait pas de grandes différences entre tous ces peuples qui se pénétraient réciproquement.

La civilisation parait avoir gagné la Grèce en venant des îles. Celles-ci, et d’abord la Crète, paraissent avoir été le premier milieu de développement des Proto-Grecs. Quelques tribus avaient pu descendre de la région danubienne par terre, mais le mode principal d’invasion paraît avoir été par mer, par l’Adriatique, le Péloponnèse, la Crète, et l’objectif était le pillage de l’Égypte. C’est seulement après avoir échoué de ce côté que les Grecs se rejetèrent sur les côtes de l’archipel, où ils furent bientôt plus étroitement confinés par le développement de la puissance phénicienne.

C’est par une lente évolution que les peuples grecs se dégagèrent du fond pélasgique. Nous savons que les Achéens avaient déjà une existence comme peuples distincts dès l’époque de la splendeur de Mycènes. Les Doriens sont le seul des peuples helléniques dont l’arrivée soit de date historique. Ils débarquèrent, vers 1100, sur la côte occidentale du Péloponnèse, et leur précédent séjour était dans les montagnes, entre la Thessalie et l’Épire. Il est probable que ce dernier ban des Hellènes était descendu depuis peu de l’Illyrie dans la Doride. La langue et la civilisation des Doriens étaient bien moins avancées en évolution que celles des autres peuples grecs. La race était aussi plus pure. Les Spartiates ont été un des plus beaux types d’Europæus qui aient existé dans l’antiquité. Ce furent certainement, en Grèce, les Aryens des Aryens, et si leurs institutions n’avaient pas paralysé leurs aptitudes, il est probable qu’ils auraient fait plus qu’être d’incomparables soldats.

J’ai consacré le xive chapitre des Sélections sociales à la Grèce ancienne et je n’ai pas l’intention de me redire, Je reprendrai seulement quelques chiffres relatifs à l’indice céphalique et je compléterai l’étude de la couleur.

Chez les crânes grecs, très rares, qui ont été étudiés, le type Europæus est manifeste. Les archéologues, en Grèce comme ailleurs, ne recherchent guère les crânes et dissertent plus volontiers sur les peuples qu’ils ne les étudient. Nicolucci a publié, il y a trente ans passés, une série de 26 sujets, dont l’indice est 75.8. Une autre série de 18, qui figure dans les Sélections, donne 75, Nous ne savons d’ailleurs à peu près rien sur l’origine sociale des individus si peu nombreux dont je parle. Il est à présumer que dans le nombre se trouve une majorité d’esclaves. S’il en était ainsi, il faudrait conclure que même parmi ces derniers le type Europæus était fort répandu. Les Grecs d’aujourd’hui, dont l’indice est de plus de 81, se rattacheraient donc en majorité à des éléments brachycéphales, descendus de la région des Balkans depuis le commencement de notre ère. La dolichocéphalie, la haute taille et la couleur blonde ne se rencontrent guère aujourd’hui que chez les débris des Doriens, autour de Sparte et en Crète, dans les montagnes. Sur 1.172 Grecs mesurés par Ornstein, il n’y avait que 65 cas d’yeux bleus, dont 26 chez des blonds (Berliner Gesch. fur Anthropologie, 1879, 306). Stephanos est arrivé aux mêmes résultats (Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, S. III, VI, 658).

Les renseignements sur la couleur viennent de deux sources, les peintures et les indications des auteurs classiques.

On sait maintenant que les Grecs peignaient leurs statues. La poésie de la blancheur des marbres ne les touchait guère, et le snobisme aidant, elle ne touchera sans doute plus les artistes de l’avenir. Le coloris était souvent conventionnel, les Grecs ont usé de la couleur dans un but décoratif et leur polychromie ne visait pas toujours à l’exacte reproduction de la nature. Sous cette réserve, il faut signaler l’emploi général, presque constant, des teintes jaunes et rougeâtres pour le coloris des cheveux. Les rares exceptions portent sur des représentations d’esclaves, d’étrangers, de gens de la classe la plus infime. Les Grecs, en un mot, voyaient blond tout ce qui était personnage d’ordre relevé : blonds les dieux, blonds les héros, les grands hommes, les citoyens libres, blondes les femmes de condition, les grandes courtisanes.

Cet idéal se retrouve dans la littérature. Il faut distinguer d’ailleurs entre deux sortes d’indications.

Les unes se rapportent aux dieux, aux nymphes, aux héros. Pour ces derniers, qui peuvent avoir existé, le type que leur attribuent les anciens écrivains grecs pouvait être traditionnel, et l’expression de la réalité. Pour les dieux, les descriptions ne valent que comme indication de l’état d’âme des Grecs. Ils prêtaient à leurs divinités le type qui leur semblait le plus parfait. Ces descriptions se retrouvent fidèlement copiées par les auteurs postérieurs et par ceux de l’époque romaine. Il faut rapprocher de ces descriptions celles de personnages imaginaires, expression aussi de l’idéal. Les autres indications ont une valeur documentaire. Ce sont ou des portraits sommaires de personnages réels par des contemporains, ou des caractéristiques de peuples.

J’ai commencé un recueil des indications anthropologiques contenues dans les auteurs de l’antiquité, même du haut Moyen Age. Le travail est laborieux, facilité souvent par de bonnes éditions avec index, quelquefois vain, car beaucoup de gros ouvrages ne contiennent pas une seule indication. On trouvera en appendice le résultat du dépouillement d’un certain nombre d’auteurs.

L’Iliade et l’Odyssée sont les plus importantes des sources anciennes. Nous avons dans les poèmes homériques des documents de la plus haute valeur pour l’époque protohistorique, et ces documents sont tous concordants. Les dieux et les héros sont toujours grands, toujours blonds, toujours aux yeux bleus. Je ne connais que deux exceptions, Hector et Ulysse, tous deux étrangers au monde grec. Hector est, au douzième chant, représenté traîné par le char, les cheveux noirs épars : « ἀμφὶ δὲ χαῖται χυάνεαι πίλναντο ». Les cheveux d’Ulysse sont du même noir bleu, couleur de violette, comme disaient d’ordinaire et si singulièrement les Grecs : « Οὔλας ἦκε κόμας, ὑακινθίνῳ ἄνθει ὁμοίας. »

Tous les Grecs sont blonds, hommes et dieux. Au premier chant de l’Iliade Minerve saisit Achille par sa blonde chevelure : « ξανθῆς δὲ κόμης ἕλε Πηλείωνα ». Au vingt-troisième chant il est encore question de la chevelure blonde d’Achille, quand il l’offre aux mânes de Patrocle : « ξανθῆν ἀπεκείρατο χαίτην ». Nous savons qu’Achille était réputé d’origine scythique. Au quatorzième chant nous apprenons qu’il était grand, ce que nous savons aussi d’Agamemnon. Nous trouvons sans cesse Minerve appelée : aux yeux bleus, et Ménélas qualifié de ξανθός. Ce sont des épithètes qui accompagnent presque toujours leurs noms. Au second chant de l’Iliade, on nous parle du blond Méléagre et de la blonde Briséis, au troisième de la blonde Vénus, au cinquième de la blonde Cérès, au huitième, au onzième, etc., de la blonde Hélène. Au neuvième chant il est question, à propos d’Amyntor, d’une blonde captive ; au onzième, au quatorzième de la blonde Amathée, et au dix-neuvième revient Briséis semblable à la blonde Vénus. Je m’arrête et dis un mot seulement de l’Odyssée. Rhadamante, au quatrième chant, est représenté blond, au cinquième il est question de la blonde Aurore, ce qui n’aurait pas isolément de valeur ethnographique.

Les dieux et les héros de Pindare sont blonds : Minerve Ne. vii, 96 ; Ne. x, 7 ; Ol. vii, 11 ; Fr. xxxiv, 9), Apollon (Is. vi, 49 ; Ol. vii 7 32 ; Ol. vi, 41), les Grâces (Ne. v, 54), Ménélas (Ne. vii, 28), Achille (Ne. iii, 43), Evadné (Ol. vi, 30). Une seule exception concerne les Muses « φλέγεται δ’ ἰοπλόκοισι Μοίσαις (Is. vi, 23) ».

De même ceux de Théocrite : Minerve (xx, 24 ; xxvii, 1), Vénus (vii, 116), Ménélas (xviii, 1), Hylas, ami d’Hercule (xiii, 36). Il applique l’épithète de κυάνοφρυς à trois personnages féminins : Vénus, (vi, 59), Éripyle (xvii, 53), Amaryllis (iii, 18). Puis viennent quelques personnages réels, tous blonds : le roi Ptolémée (xvii, 103), Delphis et Eudamippe, deux mignons du poète (ii, 78), la magicienne Périmède (ii, 16). Aucune mention de type brun.

Bacchylides représente blonds : Apollon (iv, 2), Junon(x, 50), Briseis (xii, 135), et comme personnages réels, un Athénien, dolichodrome aux Isthmiques (ix, 14), Automedes de Phliase, pentathle des Némésiennes (viii, 51). Il qualifie Amphitrite de βοῶπις, ce qui n'a pas un sens bien précis. Thésée est représenté blond (xvii, 51), avec des yeux noirs (xvi, 17), ce que d’autres indices semblent avoir fait remarquer chez les Grecs. Il qualifie la ville de Thèbes de κυανοπλόκαμος. Les Thébains avaient-ils les cheveux noirs ? Faut-il voir dans l’épithète une allusion aux sombres ombrages ? Des Lacédémoniennes il dit qu’elles sont blondes ξανθαί (xix, 1.).

Euripide, Herakles, oppose la chevelure blonde d’Hercule à la crinière rousse de la peau de lion : « Πυρσῷ δ’ ἀμφεκαλύφθη ξανθὸν κρᾶτ’ ἐπινω­τίσας ». Il parle aussi de la chevelure blonde de Lycus.

Dans Pausanias je n’ai noté qu’un passage précité relatif aux yeux bleus de Minerve (I, 14, 6).

Aristote dit des gens de mer qu’ils ont les cheveux roux (Problemata, xxxviii, 2 ; Περὶ χρωμάτων, iv, 21). La mention est assez curieuse, car elle semble ne pas s’appliquer seulement à ceux de la Grèce, peut-etre aussi aux fabricants de pourpre de la Phénicie.

De ce texte il faut rapprocher celui de Polémon, reproduit par Adamantius (ii, 24), qui représente les Grecs de condition libre comme μεγάλοι, εὐρύτεροι, ὄρθιοι, εὐπαγεῖς, λευκότεροι τὴν χρὸαν, ξανθοὶ. L’élément brun était étranger ou servile, et réciproquement la remarque d’Aristote montre que les bruns dominaient dans les basses classes. C’est d’ailleurs ce que confirment les représentations figurées, qui donnent parfois à des esclaves un type brachycéphale. Les physionomistes grecs estimaient d’ailleurs peu les gens noirs et frisés. Ils les regardaient comme fourbes et cupides. Adamantius dit (417, 5), : « ἄνδρα οὐλότριχα δειλὸν καὶ κερδαλέον λέγε, » et (418, 7) : « μέλαινα κόμη δειλίαν καὶ πολυκερδίαν ἀπαγγέλλει. »

Les Latins ont fidèlement copié les Grecs. Toujours les personnages mythologiques sont représentés blonds. Juvénal : Méléagre (Sat. v, 115). Catulle : Ariane (64), Thésée (64), Protésilas (68). Tibulle : Cérès (I, i, 15). Ovide : Europe (F. v, 609), le centaure Cyllare (Met. xii, 395), Esculape (M. xv, 669), Aurore (M. v, 440 ; Am. i, 13, 2), le Lapithe Charaxès (M. xii, 273), Médée (Her. xii, 11) ; Phaëthon (M. ii, 319), Ariane (Ars, 1.530), Œnone (Hér. i, 122), Oreste et Pylade (Pont. iii, 2, 74), Cérès (M. vi, 118 ; Am. iii, 10, 3, F. iv, 424), une suivante d’Alcmène (M. ix, 306), Apollon (Am. i, 15, 35 ; Mét. xi, 165), le pilote Mélanthus (M. iii, 617), Minerve (Ars, ii, 659 ; Am. i, 1, 7 ; F. vi, 652 ; Tr. i, 18, 1), Ianthe (ix, 714), la nymphe Laodice (E. xix, 113), la fille de Chiron (M. ii, 635), Calaïs et Zétès (M. vi, 715). Stace : Achille (Ach. i, 611), Phébus (Th. iii, 407 ; i, 698), Minerve (Th. iii, 507), Diane et Minerve (Th. ii, 238), Atalante (Th. iv, 314), son fils Parthénopée (Th, vi, 262 ; vi, 607), les guerriers grecs Hypanis et Polytes (Th. viii, 492), le guerrier grec Cydon (Th. v, 220). Lucain : Cérès (Ph. iv, 411). Claudien : Proserpine (xxxvi, 86), Phébus (xliv, 55). Sénèque : Bacchus (Œd. ii, 420).

Il faut faire exception toutefois pour les divinites des eaux, qui d’ordinaire sont représentées bleues, non seulement de barbe ou de cheveux, mais de peau. Ovide : Panope, sœur de Thétis (Ad. Liv., 435), Neptune (F. iii, 874 ; M. i, 275), Cyane (M. v, 431), divinités de la mer (M. ii, 8-12), Triton (M. i, 333), Protée (F. i, 375), Psamathée (M. xi, 398), navires changés en nymphes (M. xiv, 555), Nérée (Ep. ix, 14), Acis (M. xiii, 895), Doris (M. xiii, 742), les nymphes Cyrène (F. i, 365) et Liriope (M. iii, 342), Thétis (M. xiii, 288), Glaucus (M. xiii, 960). Je ne prolongerai pas davantage l’énumération.

Très peu de personnages réels sont décrits par les Latins, quelques demoiselles de Corinthe, comme on dit dans la Belle Hélene, et des Grécules de profession indécise, mais semblable. Encore sous ces noms grecs peuvent se cacher des personnes fort étrangères à la Grèce. La Lycoris et la Chione de Martial sont noires, oh ! trop noires (vii, 13 ; iii, 34). La Phyllis et la Chloé d’Horace sont blondes (Od. ii, 4, 14 ; iii, 9, 19). Je renvoie simplement au recueil des textes, en appendice.

Comme mention ethnographique, je ne trouve à noter dans les auteurs latins que le passage déjà transcrit de Manilius qui classe la Grèce per coloratas gentes. A cette époque les Grecs historiques étaient déjà éteints, il n’y avait plus que des Grécules.

Romains. — L’importance historique du peuple romain, je veux dire des citoyens de la Rome républicaine, ferait désirer d’être fixé sur son type anthropologique. Il n’en est pas ainsi. La coutume de la crémation, contraire aux usages des Sabins et des Étrusques, commence à l’emporter dès le temps des rois et devient générale sous la République. Quelques familles, parmi lesquelles plusieurs des plus importantes, conservèrent le vieux rite de l’inhumation, mais nous ne possédons aucun crâne de cette origine. On pourrait, en revanche, se procurer des crânes de la classe inférieure. Il existe encore sur l’Esquilin beaucoup de tombes à inhumation, parmi les sépultures à incinération. La pratique de la crémation était coûteuse, elle se trouvait hors de la portée du pauvre diable. Les documents de cette nature ne sauraient nous éclairer. Du type des esclaves ou des affranchis nous n’aurions pas le droit de conclure à celui des citoyens, et surtout de l’aristocrate gouvernante.

La crâniologie romaine est donc basée seulement sur quelques pièces d’origine douteuse, trouvées isolément. Nous retrouvons chez elles le faciès dominant des crânes anciens de l’Esquilin, c’est-à-dire de la série pré ou protohistorique décrite par Sergi : Europæus dominant, meridionalis accessoire, pas de brachycéphales, croisement presque constant avec contractus, dont l’influence se manifeste par la forme hémisphérique du crâne postérieur, un bombement marqué postéro-inférieur entre l’inion et l’opisthion, et un certain raccourcissement du maxillaire supérieur. Ces caractères sont, d’ailleurs communs à tous les peuples du Latium.

Les indications relatives à la couleur sont très rares pour l’époque de la République. Le grand poète national a marqué d’une manière voulue le type Europæus des Italiques de l’époque légendaire, mais il ne s’est pas trouvé de Virgile pour chanter les guerres de la République. Les historiens ne commencent à comprendre la nécessité de décrire les personnages que dans les premiers siècles de notre ère. Donc, point d’indications légendaires, point de portraits historiques. Tout au plus des allusions plus ou moins claires au visage de Sylla, et des noms caractéristiques, comme celui d’Ahenobarbus. Le Corpus inscriptionum regorge de Fulvius, de Flavius, de Rufus, mais dans la plupart des cas il s’agit de noms traditionnels, voire patronymiques, et rarement le nom prend d’une manière évidente la valeur d’une épithète descriptive. Il résulte néanmoins de l’emploi de ces épithètes que les Fulvius et les Rufus se distinguaient par leur couleur de la généralité des Romain. La coloration claire était donc, dès l’époque républicaine, plutôt une exception.

Pour les derniers temps de la République, on commence à trouver quelques indications. Le portrait de Caton par un anonyme est célèbre (Anth. pal., v, 22, 1) :

« Πύρρον πανδακέτην, γλαυκόμματον, οὐδέ θανόντα
Πόρκιον εἰς Ἀίδην Φερσεφόνη δέχεται.
 »

Ces indications se multiplient dès les premiers temps de l’Empire, mais il ne convient de retenir que celles relatives aux familles d’origine authentique. C’est ainsi qu’on nous montre Messaline cachant ses cheveux noirs sous une perruque blonde. Poppée était blonde. Néron avait chanté sa chevelure pareille à l’ambre jaune (Pline, Hist. nat., xxxvii, 3, 50.)

Je néglige avec intention les indications sans valeur historique. Je crois que Virgile, archéologue consommé, décrivait les anciens Italiques d’après des données légendaires, mais je doute qu’il faille voir autre chose qu’une fantaisie dans les portraits de Romulus et de Lucrèce par Ovide :

 « Suberat flavae jam nova barba comae (F. iii, 60) »
« Forma placet, niveusque color, flavique capilli (F. ii, 736). »

Ces deux portraits ne sont probablement qu’une imitation des poètes grecs, qui ne peignaient jamais autrement les héros et les héroïnes, et il n’est pas bien certain que Virgile n’ait pas, dans une certaine mesure, subi la même influence.

Pour la taille, les indications ne sont guère plus nombreuses. Les historiens insistent sur la taille élevée de quelques personnages, mais on ne peut en déduire celle des hommes ordinaires. Végèce (Instituta rei militaris, I, 5) dit cependant « Proceritatem tironum ad incommam scio semper exactam, ita ut senos pedes, vel certe quinos et denas uncias habentes inter alares equites vel in primis legionum cohortibus probarentur. » Une taille de 1.80 exigée de la cavalerie et de ce que nous appellerions les grenadiers, c’est beaucoup. Je ne vois guère de peuple moderne qui puisse se payer le luxe de tels corps de géants. Si Végèce n’exagère pas, il doit parler non des armées de la République, mais de celles dont la force se recrutait parmi les barbares. L’impression produite sur les Romains par les Gaulois, puis par les Germains, semblerait indiquer plutôt une taille moyenne chez les légionnaires de la République.

Il y aurait peut-être des indications précieuses à tirer de monnaies consulaires. Il faudrait les étudier par la méthode de Collignon et de Ujfalvy, mais il n’a encore, à ma connaissance, été fait dans cette voie que des travaux sans précision. Quant à la statuaire, les statues-portraits, communes pour l’époque de l’Empire, font à peu près défaut pour celle de la vieille Rome et des Romains authentiques[1].

Gaulois. — Je suis obligé d’intercaler l’étude des Gaulois entre celle des Romains et celle des peuples de l’Empire. Il est inutile d’insister sur la nécessité historique de cet ordre, les Gaulois ayant conflué avec les Romains et maints autres peuples dans le vaste ensemble des populations soumises aux Empereurs.

Les Gaulois apparaissent d’abord dans la région des Alpes autrichiennes, où ils représentent la population du premier âge du fer. On a trouvé dans cette région d’immenses cimetières à inhumation qui ont fourni un matériel très riche aux collectionneurs d’antiquités. Il a été aussi recueilli à Halstatt et sur d’autres points des séries assez importantes d’ossements et surtout de crânes. Ces pièces ne représentent qu’une infime partie de celles qui ont été trouvées et bouleversées par les archéologues. Un travail d’ensemble et bien fait sur l’anthropologie des Gaulois halstattiens est encore à attendre. On sait seulement que les nécropoles alpines ont fourni une très grande majorité de crânes de type Europæus et une minorité de brachycéphales. La Bavière et les régions voisines ont également fourni de très nombreux cimetières et des tumulus isolés que l’on rapporte aux premiers Gaulois. Très peu de pièces ont été décrites isolément, mais le type Europæus est à peu près le seul signalé jusqu’ici. Toutes ces sépultures sont antérieures, quelques-unes de beaucoup, au VIe siècle avant notre ère. À partir de cette époque, dans les Alpes et en Bavière, la crémation, rare au début, se substitue d’une manière habituelle à l’inhumation, et les documents ostéologiques deviennent plus rares. Il faut remarquer cependant que l’inhumation continue à être pratiquée de préférence pour les grands personnages.

Vers le vie siècle, peut-être un peu avant, les Gaulois de Germanie se sont étendus sur l’est et le nord-est de la France. Hamy a décrit deux crânes d’Auvenay, Côte-d’Or, dont l’indice moyen est 74.8. Broca a étudié une série plus nombreuse des environs de Châlons-sur-Marne. L’indice céphalique de 15 sujets est 76.9. Il a trouvé pour indice nasal, sur 34 sujets, 45.8, pour indice facial (de Broca), sur 38 sujets, 66.8, pour indice fronto-zygomatique, sur 27 sujets, 92.8, pour capacité, sur 24 hommes 1.592, sur 10 femmes 1.457 ; l’indice orbitaire (de Broca) est 86.3, l’indice palatin 76.8. Ces chiffres montrent que la série est presque entièrement composée d’Europæus du type le plus pur. Les brachycéphales et métis de toutes sortes ne représentent qu’une fraction peu importante. Il a été fouillé dans l’Aisne, la Marne et les départements voisins plus de quinze mille sépultures gauloises des environs du vie siècle avant notre ère. C’est à peine si l’on a conservé quelques douzaines de crânes, dispersés un peu partout. Il reste encore, à la disposition des fouilleurs sérieux, de nombreuses sépultures, mais les grandes nécropoles, saccagées par les archéologues et notamment par Moreau, ne peuvent donner désormais que des débris remaniés. La destruction des cimetières, tant dans les Alpes que dans la Marne, rendra désormais plus difficile l’étude approfondie des Gaulois, mais les séries préservées sont assez homogènes pour que l’on soit déjà fixé, d’une manière générale, sur leur type à leur arrivée en Gaule.

La taille des Gaulois n’était pas aussi grande qu’on l’imagine. Diverses séries d’os longs de la Marne indiquent une taille de 1.66 environ, et si l’on a trouvé des individus de très haute taille, ils ne représentent que des exceptions individuelles.

Les Gaulois paraissent n’avoir pénétré qu’assez tardivement dans le reste de la Gaule. Leurs sépultures y sont peu nombreuses, du moins celles à inhumation, qui sont les plus anciennes. On en a trouvé cependant jusque dans les Cévennes, en Bretagne et au pied des Pyrénées. Les quatre crânes ruthènes dont je parle dans la monographie de l’Aveyron accusent des indices nettement dolichocéphales : 77.4, 73.6, 75.4, 74.61. Un crâne féminin trouvé avec les trois derniers à Saint-Georges-de-Luzençon est un peu plus voisin de la brachycéphalie. Il a pour indice 79.5 et un faciès plutôt voisin de contractus. Il appartient peut-être à la population antérieure. Le Dr Marignan a trouvé dans l’arrondissement du Vigan de nombreuses tombelles, dont les crânes sont tous Europæus. Les crânes trouvés dans le Gers, en Bretagne, etc., sont aussi nettement du même type. Les envahisseurs appartenaient donc à une population relativement pure.

Nous ne connaissons guère l’élément préexistant, les populations antérieures pratiquant universellement la crémation, que les Gaulois ne tardèrent pas à adopter. On a supposé que ces populations étaient brachycéphales, pour expliquer la brachycéphalie actuelle de la région centrale. Cette hypothèse n’a plus grand crédit aujourd’hui. Le Nord-Est et l’Est, qui ont reçu la plus forte couche de Gaulois et de Germains, ne sont guère moins brachycéphales que le Centre, et ils l’étaient déjà en puissance à l’époque énéolithique, où le Centre était encore très dolichocéphale jusqu’à la Méditerranée. Les populations des derniers temps gallo-romains, dans le Centre, n’accusent pas encore une forte tendance à la brachycéphalie, et cette dernière, dans cette région comme dans bien d’autres, parait surtout due aux sélections sociales, et de date récente.

On a regardé ces populations comme représentant un mélange de très anciennes races locales avec un premier ban de Gaulois, arrivé de longs siècles avant ceux de l’invasion marnienne. On a voulu opposer ces premiers Gaulois, sous le nom de Celtes, aux seconds qualifiés de Galates. Il n’est guère possible de voir, à mon avis, dans ces différents noms de Galli, Galatæ, Celtæ, autre chose qu’un même nom prononcé d’une manière différente, à des époques différentes, par des peuples étrangers parlant des langues de tendances phonétiques différentes. Je ne nie en aucune façon la possibilité d’une occupation partielle de la Gaule septentrionale, et même de la Grande-Bretagne, par des populations gauloises, à une époque antérieure à l’invasion marnienne, mais je tends de plus en plus à croire que jusqu’à une époque voisine de notre ère la Gaule fut, dans toute sa partie méridionale, occupée par des populations italiques. La conquête fut même, dans certaines régions, assez tardive et assez superficielle pour que les idiomes italiques aient survécu jusque sous la domination romaine.

Comment j’ai été amené à cette opinion, je l’ai dit dans deux mémoires, Le berceau des Ombro-Latins, et La langue de la Gaule avant les Gaulois. Cette question étant toute neuve, j’insisterai d’une manière brève. Une série d’inscriptions, trouvées entre le Vidourle et les Alpes, a révélé un dialecte italique nouveau, auquel j’ai, donné le nom de namausique, les inscriptions les plus importantes provenant de Nîmes, et notamment le texte célèbre : Iarta bidillanoviacos dede Matrebo namausicabo bratoude. Ce dialecte est par certains détails plus archaïque que l’osque et l’ombrien, et présente en même temps des caractères absolument romans dans la syntaxe, la phonétique et la morphologie. Il se place entre l’osque et le latin, mais comme branche distincte dès l’origine. L’inscription de Rom, Deux-Sèvres, de date postérieure car elle est du IVe siècle de notre ère, est certainement italique, et j’ai pu lui trouver un sens suivi, d’ailleurs provisoire dans certains détails. Les caractères généraux sont ceux, du namausique, mais le dialecte est différent. Enfin la région rhénane elle-même a fourni des traces de dialectes non gaulois, très voisins du groupe italique, avec des affinités peut-être du côté des dialectes illyriens et du vénète.

Le dialecte des Gaulois lui-même était bien plus proche du groupe italique que du vieil irlandais, le plus ancien dialecte connu du groupe linguistique appelé celtique. Cela ne doit pas nous étonner outre mesure, les Gaulois ayant vécu dans la région alpine au milieu de peuples italiques, puis en Gaule dans les mêmes conditions, paraissent avoir été plus italisés qu’on ne l’aurait cru autrefois. Ainsi s’explique ce fait singulier que leurs noms propres et les noms de lieu soient à peu près seuls à pouvoir s’interpréter par les dialectes celtiques modernes.

Les Gaulois subirent, au point de vue des coutumes, l’influence locale des anciens habitants de la Gaule et adoptèrent d’une manière générale la crémation. Nous ne possédons par suite à peu près rien pour l’époque comprise entre le ve siècle et la période gallo-romaine.

L’invasion ne se borna pas à la Gaule, elle s’étendit sur l’Espagne, le nord de l’Italie, les îles Britanniques, et, à une époque ultérieure, sur l’Europe centrale et même l’Asie Mineure. On possède très peu de crânes celtibères. Ils sont tous dolichocéphales. On n’en possède pas un seul des Gaulois d’Italie, ce qui a permis d’affirmer qu’ils étaient brachycéphales, idée courante en Italie et fondée sur ce seul fait que la région nord est aujourd’hui brachycéphale. Je crois que les Gaulois ne sont pour rien dans cette brachycéphalie, au contraire Pour les Îles Britanniques, les crânes gaulois antérieurs à la domination romaine sont rares, mais on peut faire état des 109 Romano-Bretons de Beddoe. Pour les autres régions de l’Empire, je sépare avec soin les pièces antérieures à la conquête de celles du commencement de notre ère, l’immigration ayant apporté de nombreux éléments hétérogènes, non pas romains, car il n’en restait guère à Rome même, mais italiens ou empruntés à toutes les populations romanisées, l’Afrique et l’Asie comprises. Ce grand mouvement de brassage des peuples n’a guère intéressé les Îles Britanniques, où les Romains ne furent jamais que campés. La série commence à 68, et se termine à 82, avec un cas isolé à 86. Elle est essentiellement composée d’Europæus, avec quelques brachycéphales et méditerranéens qui peuvent provenir du fonds antérieur.

En Bavière, en Vindélicie, les sépultures gauloises ont été fouillées en grand nombre, mais il a été conservé peu de crânes, et un travail d’ensemble serait fort à désirer. Les matériaux sont à peu près entièrement inédits, et il faut attendre. Le type était le même qu’ailleurs, mais la taille paraît avoir été plus grande en Vindélicie. Reinecke attribue à trois femmes des tailles de 1.54, 1.60, 1.59, à deux hommes celles de 1.79 et 1.69, soit une moyenne égale à celle d’Europæus actuel. En Bohème l’indice qui se tenait avant l’époque du fer aux environs de 72.2 s’élève à l’époque gauloise à près de 80 pour redescendre à l’époque slave à 78 juste. Il semble donc que les Gaulois aient entraîné avec eux un élément brachycéphale ramassé en route, et de fait, parmi les crânes, les uns sont nettement Europæus, et les autres, en minorité et surtout féminins, brachycéphales. Je ne connais aucune pièce provenant des Gaulois d’Asie, dont le type est seulement connu par les monuments figurés, et les récits des historiens. Ils avaient le profil et le tempérament lymphatique des Gaulois d’Occident.

Nous arrivons aux documents écrits. Ceux-ci sont innombrables, et d’une concordance parfaite. Je renvoie en note la transcription des textes[2]. La plupart des textes grecs figurent dans les Extraits des auteurs grecs concernant la géographie et l’histoire des Gaules, publiés par la Société de l’histoire de France. Je suis, dans la mesure du possible, l’ordre et les leçons de ce recueil, qu’il importe d’étudier en entier pour se faire une idée complète des connaissances sur la Gaule et les Gaulois. Pour beaucoup de textes ce recueil est à peu près le seul accessible, les bibliothèques des Universités elles-mêmes étant loin de posséder tous les auteurs. Chaque volume contient une table chronologique des auteurs qui aurait rendu grand service à Mortillet dans la rédaction d’une liste, pages 48-50 de la Formation de la nation française, durement et justement critiquée par Reinach. Je recommande encore aux personnes désireuses d’étudier l’ancienne Gaule le Altcelticher Sprachschatz de Holder (Leipzig, Teubner). On trouvera sous chaque nom de peuple ou de ville la transcription de tous les passages grecs et latins où ce nom figure. Ces indications ajoutent souvent aux citations si copieuses des nombreux mémoires de Lagneau, qui restent les meilleurs travaux d’érudition sur les anciennes populations de la Gaule.

Tout le monde est d’accord que les Gaulois étaient de grands blonds aux yeux bleus. Je n’ai donc que deux points à établir. Le premier que nul texte ne parle de populations brunes mêlées et subordonnées aux Gaulois, et qui représenteraient les ancêtres de nos brachycéphales. Cela tend à faire croire que ces ancêtres des brachycéphales étaient assez peu nombreux et localisés, autrement on en trouverait quelques mentions, sinon dans les auteurs très anciens, du moins chez ceux du iie siècle et depuis. Les vieux cadres sociaux établis à l’époque de l’indépendance gauloise étaient depuis longtemps brisés, et l’aristocratie gallique, à peu près détruite, ne pouvait plus dissimuler le type général des populations. Or nous trouvons seulement l’indication que les Gaulois, comparés aux Germains, étaient moins roux. Le second point est que les Gaulois d’Italie, de Gaule et de Grande-Bretagne sont décrits d’une manière identique. Carnutes, Ruthènes, Bretons sont dépeints sous les mêmes traits.

J’insiste un peu sur ce second point parce qu’on a voulu établir une distinction entre les Celtes, premiers connus, et les Galates représentant l’arrière-ban des Gaulois. J’ai déjà dit que la différence des noms est de peu d’importance. La transcription des noms des peuples congolais, depuis les premiers navigateurs portugais jusqu’à Stanley et de Brazza nous montre de bien autres variations. Les Celtes auraient représenté un mélange de Gaulois purs avec des peuples brachycéphales, et seraient les ancêtres de nos brachycéphales du centre, si malheureusement baptisés race celtique par Broca, au temps des débuts de l’anthropologie. Il est au moins vraisemblable que les premières tribus immigrées n’ont pas conservé toute la pureté de leur sang, mais je ne crois pas que le mélange se soit fait avec des brachycéphales. Ces derniers ne formaient eux-mêmes qu’une minorité dans le peuple préexistant. C’est pourquoi nous ne devons pas nous étonner de voir appeler flavi les Ruthènes, dont le pays est si brachycéphale aujourd’hui. Nous verrons plus loin quelle était, à l’époque romaine, la population de cette région. Retenons seulement cette importante vérité, souvent méconnue encore : les brachycéphales du Centre, des Alpes, de la Haute-Italie, ne représentent pas la descendance des Celtes, considérés comme fraction des Gaulois, mais celle de populations innommées, faisant partie, dans une proportion inconnue, de la couche pré-gauloise. Je ne veux d’ailleurs point dire que les tribus purement gauloises, celles de la conquête, ne contenaient pas elles-mêmes quelques éléments brachycéphales. Le mélange des races, causé par la politique ou le simple besoin sexuel, est un accident qui n’a jamais été évité même chez les peuples rigoureusement endogames, et ce n’était point le cas des Gaulois. Les tribus gauloises devaient en outre traîner avec elles des esclaves de diverses races, plus nombreux probablement que leurs maîtres. Ce que j’affirme, c’est qu’il n’existait pas des Gaulois-Celtes, brachycéphales, et des Gaulois-Galates, dolichocéphales.

Les peuples de l’Empire romain. — Il faut distinguer entre Romains et Romains. Le Romain du iiie siècle avant notre ère est le citoyen de la ville de Rome, citoyen, c’est-à-dire exclusion faite des étrangers établis dans la ville et des esclaves. Ces deux dernières catégories appartenaient d’ailleurs, à peu d’exceptions près, aux populations italiennes les plus voisines. Le Romain du iiie siècle de notre ère n’a du premier que le nom. Il descend de Gaulois, de Grecs, d’Ibères, d’Africains, de Syriens conquis et assimilés, mais il n’a d’ordinaire aucune goutte de sang des Quirites, même quand il habite à Rome. Pour distinguer les Romains des deux époques, les Allemands ont deux mots. En français, un seul, ce qui est assez dans l’esprit de la nation, disposée en toutes choses à regarder surtout l’étiquette.

Il existe encore une prodigieuse quantité de cimetières romains. On en défriche chaque année un grand nombre, et le rétablissement des vignobles, entraînant des défoncements plus profonds, a causé la ruine de nécropoles entières. Beaucoup de ces cimetières ont été pillés par les archéologue, aussi dangereux que les phosphatiers pour l’anthropologie. Dans beaucoup de régions de l’Empire, les Romains avaient acclimaté la crémation, qui a duré, d’une manière plus ou moins générale, jusqu’au triomphe du christianisme. Les cimetières n’auraient donc pas tous fourni des crânes et des tibias, mais on aurait cependant fait de très amples récoltes, si on l’avait voulu. En général, on n’a pas daigné. Des crânes néolithiques, passe encore, mais à quoi bon recueillir des crânes gallo-romains ? Ce raisonnement pèche. Il serait d’un haut intérêt de savoir exactement, et par régions limitées, la répartition géographique et sociale des races au commencement de notre ère.

Les documents tangibles sont donc assez peu nombreux, et qui plus est, presque tous inédits.

Pour Rome et l’Italie, nous avons quelques séries publiées par Nicolucci, par Sergi et d’autres. Dans son Antropologia del Lazio (Napoli, 1873), Nicolucci attribue à une série de 44 Latins anciens les données suivantes : longueur 184, largeur 144, indice 78.2, capacité 1.525. Une série de 19 femmes donne 176, 138, 78.4, 1.338. Le type dominant est un contractus modifié. Six crânes romains d’Arpino publiés par Hamy (Crania, 117) donnent un indice un peu plus faible, 77.2. Dans son Antropologia dell Etruria, Nicolucci avait attribué à une série de 50 crânes romains l’indice 77.4. Cent crânes de Pompéi donnent 77.5. L’indice est un peu plus faible dans le midi, un peu plus fort dans le nord de l’Italie, mais on ne connaît pas de série dont la moyenne dépasse 80. À mesure qu’on s’éloigne du Latium vers le nord, c’est Europæus qui remplace contractus comme type fondamental, et vers le sud c’est meridionalis, mais on trouve partout les trois races, et avec elles divers brachycéphales et même de vrais Acrogonus, aussi bien dans les cimetières romains de Palerme que dans ceux du Trentin. En somme, le nord seul diffère profondément par l’indice dans le temps, le relèvement moyen ayant été d’une ou deux unités seulement dans le midi et le centre, et de quatre à sept dans le nord.

Pour la Gaule, les séries publiées, ou qui sont à ma disposition, ne permettent pas encore de faire un travail d’ensemble. Mon ami Carrière a réuni au Musée de Nîmes une belle série de crânes gallo-romains, dont beaucoup trouvés dans des sarcophages avec noms. Tous sont au-dessous de 80, et les types dominants sont Europæus et meridionalis, celui-ci assez abondant pour abaisser l’indice à 75 environ, malgré la présence d’un peu de sang brachycéphale dans les mélanges. Les séries de l’Hérault sont aussi très riches, et surtout celles de ma collection, de la collection Marignan et du Laboratoire de zoologie de l’Université de Rennes. Le type Europæus domine d’une manière très marquée, pur ou croisé avec meridionalis et contractus. Ce dernier est représenté par plusieurs femmes dans les séries de Gignac, Tréviès, Restinclières. À Gignac, les plus anciennes tombes sont à peu près du viie siècle avant notre ère. Marignan y a trouvé une stèle à raquette de type villanovien très caractérisé. Les plus récentes sont à peu près d’époque carolingienne, sans qu’il y ait intérêt à distinguer, les races ayant très peu varié. Il existe aussi dans les séries de Castelnau une très grande quantité de crânes d’époque romaine, mais l’indice est relevé par la présence de nombreux crânes de date postérieure. On a inhumé à Castelnau depuis l’époque argarienne jusqu’à nos jours. Les indices des diverses séries romaines de l’Hérault varient entre 75 et 77. Castelnau en bloc donne 78.1. Les séries de la région biterroise et de l’Aude sont entre 74 et 76.

Pour l’Aveyron 7 crânes de l’époque impériale donnent 70.2, à peine plus que les 5 crânes du premier âge du fer.

Presque tous ces crânes sont purement ruraux et proviennent de sépultures sans mobilier ou avec des mobiliers très pauvres. Je rappelle qu’aujourd’hui les indices du Gard, de l’Hérault et de l’Aveyron sont sur le vivant 83.1, 81.3 et 86.0.

Dans le nord, l’aspect général des séries gallo-romaines est un peu différent. M. de Maricourt a étudié 23 crânes gallo-romains de Hermes (Les sépultures de l’Oise, Congr. scient. des catholiques, 1888, II, 710-717). Il y a six crânes de 80 et au-dessus. L’élément meridionalis est remplacé par des brachycéphales et probablement contractus joue un rôle important. Nous savons déjà que depuis longtemps les brachycéphales occupaient l’Est et les régions voisines avant de s’être multipliés sur le plateau central. A l’époque gallo-romaine le Nord est toujours plus brachycéphale que le Midi : c’est aujourd’hui l’inverse. La série va de 73 à 85, la moyenne qui n’est pas donnée doit être comprise entre 78 et 79. L’indice du vivant dans l’Oise est aujourd’hui 82.6, et il faut tenir compte de ce que la nécropole d’Hermes était un cimetière rural.

Dans beaucoup de cimetières francs on trouve une minorité de femmes franques, et une majorité de femmes d’un type indigène qui se rapproche beaucoup de contractus. Le fait a été reconnu par Hamy dans les cimetières du Boulonnais, par Coutil à Muids (Eure), et paraît à peu près général dans l’Est et dans le Nord. En Belgique ce type dérivé de contractus est très rare. L’indice des séries féminines de cette catégorie varie de 78 à 80. Il semblerait que le résultat de l’usure sociale en Gaule et dans l’ancienne Italie ait été ce type dérivé de contractus, comme le brachycéphale est celui de l’usure des populations médiévales et modernes en France et dans l’Europe centrale. Ce résidu ancien, bien que tendant à la brachycéphalie, n’a rien de commun ni comme indice ni comme faciès avec celui dont Alpinus est le type le plus connu.

Dans les cimetières de date tardive, l’élément Europæus augmente et l’on reconnaît aisément le type germanique. Ce renforcement de l’élément aryen, surtout dans les campagnes, est marqué au point que certaines nécropoles pourraient, si les armes ne faisaient défaut, être prises pour des cimetières de l’époque mérovingienne. L’histoire nous explique cette apparente anomalie. Pendant quatre siècles, les Barbares ont été reçus, quelquefois par centaines de mille, sur le territoire de l’Empire, et leurs bandes réparties dans les régions incultes. Cette invasion interstitielle, favorisée par la politique impériale pour compenser l’insuffisance de la natalité, introduisit au moins cent fois autant de sang barbare que les invasions armées.

Nous sommes très loin du temps où l’on concevait l’établissement des Barbares dans l’Empire comme un fait unique et violent, une conquête brutale par des bandes armées. En réalité les populations germaniques, à l’étroit sur un sol infécond, ne cherchaient dans les conquêtes qu’un moyen de se procurer des terres. Dès l’époque néolithique, l’agriculture était répandue jusqu’en Scandinavie, où l’on a trouvé des grains d’orge dans la pâte de poteries de date antérieure au bronze. Il suffit de relire les historiens romains pour comprendre le caractère de cette mendicité armée, de ces nations se présentant à la frontière pour demander des terres, et acceptant, pour les recevoir, d’être désarmées, dispersées et réduites à un état légal défini par les constitutions impériales, supérieur à l’esclavage car l’homme reste de condition libre, mais inférieur au servage, car il est plus étroitement rivé à la glèbe.

La population serve du Moyen Age, il ne faut jamais l’oublier, descendait en très grande partie de ces colons barbares. La classe serve est la continuation de celle des esclaves gallo-romains et des colons germains, avec quelques éléments en plus et en moins.

Pour n’avoir pas à y revenir, je ferai remarquer que les Germains de la conquête se fixèrent aussi, presque sans exception, dans les campagnes, où une partie déterminée des terres cultivables leur fut attribuée. Livi, dans un travail récent (La distribuzione geografîca dei caratteri antropologici, Riv. it. di sociol., 1898. 415-433) cherchait à expliquer la moindre brachycéphalie des urbains en France par l’établissement des Germains dans les villes, et par la survivance de leurs descendants depuis la conquête. C’est une double hérésie. Les Germains ont à peu près délaissé les villes aux Gallo-Romains, et il suffit de parcourir les documents du temps pour se rendre compte que les rois eux-mêmes semblaient fuir la vie urbaine. Quant à supposer qu’il puisse subsister encore dans une ville quelconque une seule famille datant de quinze siècles, je n’oserais pour ma part le faire, tant cette hypothèse, même restreinte à un cas unique, serait invraisemblable en présence des lois bien connues de l’extinction des populations urbaines.

Les monuments figurés d’époque impériale sont innombrables : statues, bas-reliefs et médailles. Les mosaïques et les peintures renseignent à la fois sur les formes et les couleurs. Il serait utile de faire un travail d’ensemble sur ces documents mais on ne possède jusqu’ici rien de semblable, tout au plus des études partielles et d’ordinaire faites sans esprit scientifique.

La littérature latine est riche en mentions de couleur. Les Romains de la décadence et leurs parasites sont dépeints par les poètes et les historiens, plus par les premiers que par les seconds. Je laisse de côté tout ce qui concerne les personnages mythologiques : l’influence des Grecs est visible et rend les témoignages de leurs copistes plus que suspects.

La Delia de Tibulle est blonde (I, v), mais le poète est brun (III, v). Martial parle de plusieurs personnages blonds : Claudia Rufina (xi, 53, 1), Zoïle (xii, 54, 1), la femme de Vacerra (xii, 32, 4), Philoenis (ii, 32, 2), mais il s’en trouve autant de bruns : Olus (iv, 36, 1), Clytus (viii, 64, 7), Meloenis (vii, 29, 8), Lycoris (vii, 13), Chione (xii, 34). Le Lycus d’Horace est brun (O., i, 32, 11), Telephus (O., iii, 19, 25) l’est aussi, mais les femmes sont blondes : Pyrrha (O., i, 5, 4), Phyllis (O., ii, 4, 14), Chloe (O., iii, 9, 19). Juvénal nous apprend que Messaline avait les cheveux noirs (vi, 120). La Cynthie de Properce, une grande dame bien romaine, était grande et blonde (El. 2). La Lydie de Gallus est blonde, blonde Gentia (Fr. 2), et aussi le prétendant de Lycoris. Blond, le berger Alcon de Calpurnius (vi, 15). De trois personnages, tous trois féminins, dépeints par Claudien, Maria Fescennina, épouse d’Honorius, est brune (x, 265), Celerina, fiancée de Palladius, est blonde, mais comme Claudia Rufina, elle est d’origine barbare : « patrium flavis testatur crinibus Istrum » (xxxi, 125), Serena, mère de Maria Fescennina, est brune (x, 242). Ovide était brun (Trist., 14, 8, 1) et ses amies Chio et Pitho, Grécules et mérétricules, étaient blondes (Am., iii, 7, 23). L’Africain Apulée nous apprend que lui-même était grand, mince, coloré sans être rubicond et que sa chevelure était blonde.

En résumé, beaucoup de bruns, et en revanche beaucoup de blondes, mais nous savons que les dames de ce temps ne dédaignaient point de se teindre. Elles portaient même au besoin perruque : « Nunc tibi captivos mittit Germania crines », disait déjà Ovide (Am., i, 1). V. aussi Properce, El., II, xiv, 25 ; Caton, Or. ; Tertullien, De cultu femineo ; Pline, xxvi, 93, 1.

Ammien Marcellin décrit d’une manière assez complète plusieurs empereurs de son temps : Constance, brun et trapu (xxi, 16), Valentinien, grand blond aux yeux bleus (xxx, 9), Valens, qui était brun (xxxi, 14). L’agitateur Valvomeres est grand et roux (xv. 7).

Cresconius Corippus nous représente blonds deux hauts personnages militaires, Marcentius (Johan., iv, 534), et Gentius (iv, 473).

Horace avait du goût pour le type brun (A. P., 36) :

« Spectandum nigris oculis nigroque capillo. »

Ovide aimait et la brune et la blonde (Am., ii, 4, 39) :

« Candida me capiet, capiet me flava puella ;
est etiam fusco grata colore Venus.
Seu pendent nivea pulli cervice capilli,
Leda fuit nigra conspicienda coma ;
seu flavent : placuit croceis Aurora capillis. »

Maximianus était éclectique et son idéal composite (El., I, 92) :

« Aurea caesaries, demissaque lactea cervix.
Vultibus ingenuis visa decere magis,
nigra supercilia, et frons libera, lumina clara. »

Germains. — La piété nationale des Allemands a sauvé un nombre considérable de crânes germains, et, pour je ne sais quelle raison, les restes des envahisseurs barbares ont été aussi recueillis chez nous en grand nombre. Les collections renferment beaucoup plus de crânes francs que de gaulois. Ces documents sont d’ailleurs presque tous inédits, enfouis dans des collections privées, ou qui pis est, dans des collections publiques mais soigneusement fermées aux anthropologistes étrangers à la maison. Le type de ce dernier genre est le Museum, où je n’ai jamais pu étudier un crâne autrement qu’en vitrine, aux heures d’ouverture, même et surtout ceux emportés jadis par Gervais, et qui appartiennent à la Faculté des Sciences de Montpellier.

Le Germain des Reihengräber allemands est presque toujours un Europæus plus ou moins pur, mais il ne faudrait pas croire que les séries soient exemptes d’éléments étrangers. Kollmann a publié (Korresp.-Blatt für Anthr., 1882, 107) le tableau de 675 crânes germains d’Allemagne. L’indice est bien en moyenne de 75, mais la série va de 64 à 92, c’est-à-dire qu’elle comprend aux deux extrémités des éléments étrangers tout à fait purs, meridionalis, Alpinus, contractus, acrogonus. Les indices au-dessous de 70 ne font d’ailleurs que 6%, mais ceux au-dessus de 80 font 15 %.

L’indice des Germains passés en Gaule est à peu près le même. Hovelacque a trouvé sur une série de Burgondes de Savoie 75.4. La série, composée de 14 sujets, va de 72.4 à 78.7. L’indice nasal est 40, l’indice orbitaire 85 (Le crâne des Burgondes, R. d’Anthr., 1879, 205-209). Le type de Belair de Rutimeyer et His (Crania Helvetica) est établi d’après des crânes burgondes. L’indice est 73.8.

Hamy donne pour indice des Francs de Wasselonne 74.2 (Crania ethnica, 499). Les séries de France oscillent autour de 75. Une série de 98 Francs de Hernies, étudiée par M. de Maricourt dans son mémoire sur les sépultures de l’Oise, se répartit ainsi : de 65 à 69, 7 ; de 70 à 75, 51 ; de 75 à 79, 37 ; de 80 à 85, 3. Les éléments hétérogènes sont peu nombreux. L’indice nasal est 49, contre 45 chez les Gallo-Romains.

Broca donne pour une série de 31 crânes du cimetière de Chelles, du ve au viiie siècle, 70.3. Dans la région des Vosges, l’élément brachycéphale est très sensible à l’époque mérovingienne. Une série de crânes du Vieil Aitre, décrite par Collignon (Observations sur les crânes du Vieil-Aitre, Mém. Soc. d’arch. lorraine, 1895), comprend sept sujets très dolichocéphales, en moyenne 72, et deux très brachycéphales, à 90 et 91. C’est la région de la haute brachycéphalie préhistorique, et les mesures de Blind montrent qu’au Moyen Âge les Vosges étaient très brachycéphales. Dans l’Eure, Coutil a trouvé trente crânes de l’époque mérovingienne dans un cimetière de type barbare. L’indice va de 67.7 à 83 pour les hommes, de 70 à 87.7 pour les femmes, au nombre seulement de 6. L’indice moyen des hommes est 76.6, ce sont des Germains presque purs, celui des femmes est 80.7, ce sont des indigènes (Coutil, Cimetière mérovingien et gallo-romain de Muids, AFAS, 1894, 761-708). À Paix, près les Andelys, le même chercheur a déterré une série de même époque dont l’indice est 76. Les cimetières mérovingiens de Normandie étudiés par Serres, par Cochet, ont donné à peu près les mêmes résultats, sauf quand une série de femmes indigènes venait se superposer à celle des barbares.

Dans son mémoire sur les Crânes du Boulonnais (Anthr., 1893, IV, 513-534), Hamy est arrivé à des résultats semblables. A Hardenthun les indices sont pour les hommes : céphalique 73.0, orbitaire 87.1, nasal 41.1, facial 71.3. Pour les femmes, ils deviennent 75.9, 86.8, 51.0, 67.7. Pour les séries du Boulonnais, les indices sont moins différents, hommes 73.2, femmes 74.2. Les séries de Hamy sont de race plus pure, et l’élément féminin gallo-romain n’intervient qu’à Hardenthum. L’auteur a très bien distingué la fonction perturbatrice et éliminatrice de l’élément indigène, contractus plus ou moins altéré. Il est regrettable qu’il ne donne pas plus souvent de pareilles monographies, et que le seul anthropologiste officiel de France ne publie presque rien sur l’anthropologie.

En Belgique, l’indice céphalique est presque toujours plus bas qu’en France ; les séries féminines indigènes sont gauloises et n’apportent pas de perturbation dans l’indice céphalique et l’indice nasal (Houzé, Les Francs des cimetières de Belgique, Bull. Soc. d’Anthr. de Bruxelles, 1892).

Gildemeister a étudié une série de 72 cranes provenant de tombes des environs de Brême analogues aux Reihengräber. Les indices sont pour les hommes : céphalique 73.6, nasal 46.6, pour les femmes 71.4 et 47.9. L’indice céphalique des femmes est relevé surtout par la présence de quelques crânes d’un type analogue à celui qu’il appelle batave et dont la moyenne est 79. Ce type prétendu batave a de remarquables analogies avec contractus, dont il paraît un dérivé par croisement. Cette analogie permet de se demander si le type contractus n’a pas eu autrefois une grande extension, à une époque postérieure au néolithique, antérieure au Moyen Age, mais jusqu’ici impossible à préciser. Le Graverow-typus de Gildemeister est celui des Germains de la région maritime. Il est purement Europæus. Nous le retrouvons en Angleterre dans les tombes anglo-saxonnes. Beddoe, dans son mémoire sur l’Histoire de l’indice céphalique dans les Îles Britanniques, auquel je renvoie pour plus amples détails, donne pour indice de 70 crânes saxons masculins 74.6, et de 30 féminins 75.3, en moyenne 74.8. Le crâne saxon est d’ailleurs aussi difficile à distinguer du breton que celui du Germain l’est du gaulois. La série totale de 100 Saxons va de 65 à 82, les éléments hétérogènes sont donc représentés par une demi-douzaine de sujets plus ou moins nettement métissés. On trouvera dans le Crania britannica de bonnes figures, accusant le type Europæus le plus marqué.

En Scandinavie, les crânes de l’époque du fer sont Europæus, à peu près sans exception.

Si l’on se reporte vers l’est et le sud de la Germanie, les documents deviennent plus rares. En Bavière, Ranke a trouvé 14 % de crânes au-dessus de 80 dans une série de 200 sujets des Reihengräber. En Autriche, la proportion est à peu près la même. En Bohème, le seul crâne germain décrit dans le Crania bohemica de Matiegka provient de Uherec ; les indices sont : céphalique 73.4, orbitaire 82.0, nasal 41.5.

Le type des Germains est donc profondément homogène. Quand dans une série les crânes voisins de 80 deviennent nombreux, c’est qu’il s’y trouve compris des crânes de femmes indigènes. Quand les Germains ne se trouvent pas superposés à des éléments de ce genre, l’indice oscille autour de 74 ou 75 et le type est franchement Europæus.

Fig. 26. — H. Europæus. Type germain.

Les Francs présentent souvent une anomalie. La face est trop courte, le nez trop large et pas assez haut, indice 51 au lieu de 46. Le faciès a des analogies avec le spelæus pour quiconque ne connait pas ce dernier d’une manière exacte. Un examen plus approfondi montre que ces sujets, fréquents dans certains cimetières de France, très rares en Belgique et dans la région du Rhin, n’ont aucun rapport généalogique avec spelæus.

Fig. 27. — H. Europæus. Type germain.

Les caractères particuliers de ce dernier, surtout ceux de l’apophyse orbitaire externe et de la base de l’occipital sont absents. La première est arrondie, au lieu d’être droite, la seconde est renflée au lieu d’être aplatie. Ces sujets anormaux me paraissent le résultat d’un croisement malheureux avec contractus. La morphologie de la face est intermédiaire, le crâne à peine modifié, dans sa partie occipitale seulement. Il est probable que beaucoup de sujets énéolithiques et sidérolithiques rapportés légèrement à spelæus sont seulement le résultat de pareils croisements, et il est possible que le type néandertaloïde de Restinclières se rattache aux mêmes origines. Je puis, en tout cas, être affirmatif pour certaines séries énéolithiques des grottes cévenoles, spécialement certains exemplaires du musée de Nîmes publiés par Carrière.

Lehman Nitsche (Die Körpergrosse der Sudbayerischen Reihengräberbevölkerung, Beiträge zur Anthr. Bayerns, 1894, xi) a étudié sur de grandes séries et d’après la méthode de Manouvrier la taille des Germains de la Bavière. En distinguant les sexes, il attribue aux Bajuvares 1.68 et 1.57, aux Souabes et aux Alamans 1.68 et 1.53. La taille moyenne des Francs varie suivant les régions et le degré de pureté des séries entre 1.66 et 1.68. La taille des Saxons et Germains de la région maritime varie de 1.67 à 1.69. En somme, la taille est un peu plus grande que celle des Gaulois, plus grande encore que celle de l’Europæus néolithique, mais inférieure à celle des Anglais, des Scandinaves, des Américains de nos jours. La moyenne a augmenté depuis 1 500 ans de deux unités, c’est-à-dire autant que pendant les quatre millènes précédents, et le rythme d’accélération paraît s’accuser encore chez les populations actuelles de type Europæus.

Comme renseignements sur la couleur, nous avons quelques restes de cheveux blonds trouvés dans diverses sépultures nordiques, de rares peintures et mosaïques d’époque impériale, et les documents littéraires.

J’ai déjà cité à divers propos plusieurs passages où il est question des Germains : celui de Galien, qui les compare aux Scythes pour la chevelure rousse (Περὶ κράσεων, ii, 5, v. p. 78 et 252), celui de Manilius (Astronomicon, iv, 713) : « Flava per ingentes surgit Germania partus. » On trouvera également à la note relative aux textes concernant les Gaulois des passages de Denys le Periégète, de Strabon, et un troisième passage de Galien, tous assimilant pour le physique les Gaulois et les Germains, ainsi qu’un texte de Tertullien dans le même sens. Je renvoie en note les textes classiques concernant les Germains, et quelques textes byzantins[3].

Dans tous ces textes il n’est question que du type dolicho-blond. Il faut se reporter à un passage bien connu de la Rigsthula2 pour apercevoir, sous la couche aryenne, une couche ethnique rousse et subordonnée, et encore sous celle-ci, une race foncée, demi-sauvage ou esclave. Je ne crois pas utile d’insister beaucoup sur les Germains. Wilser et Penka se sont livrés dans leurs divers travaux à des développements étendus, qui me permettent de ne point parler des diverses divisions des peuples germaniques, de migrations et de leurs habitats successifs. C’est la région Scandinave, ou plus exactement la région entre la Baltique et la Mer du Nord, qui parait avoir été leur berceau.

Slaves. — De la brachycéphalie des populations du Plateau central, Broca s’était cru autorisé à conclure à la brachycéphalie des anciens Celtes. Retrouvant en Pologne et jusqu’aux environs de Moscou les mêmes indices, il avait conclu à la brachycéphalie des Slaves, et réuni les deux peuples en une seule race, qu’il appela celtique ou celto-slave. Cette doctrine très risquée reste en crédit auprès du public, mais elle est aussi fausse pour les Slaves que pour les Celtes. Tous les documents ostéologiques et historiques nous montrent dans les Slaves un ensemble de populations dolichocéphales et blondes, mais il faut aller chercher les premiers dans les très anciens cimetières, et les seconds dans les plus anciens textes, car dans les pays slaves comme dans la France centrale le vieux fonds Europaeus est aujourd’hui dissimulé par un développement prodigieux de populations brachycéphales. En d’autres termes les Polonais, les Galiciens, les Serbes ne sont pas plus slaves que les Lozerots ou les Aveyronnais ne sont celtes.

On possède peu de crânes de Slaves occidentaux, c’est-à-dire des tribus voisines de la Baltique et de l’Elbe. Un crâne du Löchnitz, décrit par Virchow (Ein im Bette der Löchnitz gefundener Schadel, Verh. der Berliner Gesellschaft fur Anthropologie, 1895, XXVI, 424-425) est nettement dolichocéphale. Virchow a décrit un autre crâne semblable du cimetière slave de Neuburg, près Potsdam, indice 74.7 (Slavische Schädel, Verh., 1895., xxvii). On en a trouvé une douzaine dans ce cimetière, tous pareils, et de type Europæus très pur. Les divers autres crânes slaves occidentaux ne diffèrent en rien des germaniques. La population du Brandebourg, nettement dolichoïde, descend en majorité de ces Slaves. Celle de la Saxe a été au contraire amenée à un indice supérieur à 80 par la multiplication des brachycéphales.

Ce phénomène s’est produit avec plus d’intensité dans les pays occupés par les Slaves du Sud. Les Serbes, les Croates, les Bosniaques sont aujourd’hui brachycéphales, à 83 et au-dessus. Les immigrants slaves du même nom étaient au contraire de type Europæus. Le nom reste, la race a changé. En Bosnie l’élément serbe a été absorbé de bonne heure. Weisbach a décrit (Altbosnische Schädel, Mitth. der anthrop. Gesellsch. in Wien, 1897, xxvii, 80-85), une série de 14 crânes du Moyen Age et modernes, qui va de 78.2 à 88.5. L’indice a donc peu changé depuis quatre siècles. Cela est d’autant plus curieux que les Slaves s’étaient superposés eux-mêmes à une population plutôt dolichocéphale, le cimetière halstattien de Glasinatz donnant 76 % de dolichocéphales, et les tombes d’époque romaine indiquant la continuation de l’ancienne population jusqu’à l’arrivée des Serbes. De la Serbie propre on a quelques crânes serbes anciens, tous dolichocéphales. De même pour les Croates.

Nous sommes bien documentés sur les Slaves du Centre par le Crania bohemica de Matiegka (Prag, Gautsch, 1891) Une série de 110 crânes, allant de 62 à 91, donne une moyenne de 78.02. L’indice orbitaire est 82.6, l’indice nasal 50.1. Un écart de 30 unités prouve un profond mélange de races. Les planches montrent en effet de tout. Le type dominant est Europæus, mais on y trouve aussi contractus (Libcan 2 b), le type de Borreby (Libsic 3 b), et divers métis brachycéphales d’un classement plutôt difficile. Le crâne 10 de Lévy Hradec me parait meridionalis ou de la très ancienne forme d’Europæus fréquente dans les long-barrows anglais. Ce type est le plus ancien en Bohême, il se retrouve à toutes les époques depuis la pierre polie, en proportion décroissante. L’élément brachycéphale n’apparaît que dans les cimetières les moins anciens, et d’abord dans l’Ouest et le Sud-Ouest. Chose singulière, cet élément est surtout abondant parmi les femmes. Les crânes brachycéphales féminins représentent 52 %, les masculins 32.8. Les crânes dolichocéphales vrais féminins ne font que 9.5 %, les masculins 28.1. L’écart est trop fort pour pouvoir être attribué à la différence sexuelle des indices dans une même race. La forme contractus, ici comme partout, est propre surtout aux femmes.

La marche de l’indice en Bohême est la suivante. Époques de la pierre et du bronze 72.2, époque du fer, près de 80, époque slave 78, xvie siècle 81.7, cimetières contemporains 83.3. L’indice actuel du vivant est 85, à peu près celui des Aveyronnais. Il est profondément comique de voir, sous prétexte d’antagonisme de race, les Tchèques et les Allemands de Bohème en venir aux mains. Qu’il parle tchèque ou allemand, l’habitant actuel du losange bohémien n’est ni slave ni germain, mais brachycéphale. Puisse cette sentence réconcilier les frères ennemis !

Dans les cimetières slaves de Pologne, l’élément Europæus se superpose à un substratum brachycéphale représenté par des femmes. Ce substratum n’est d’ailleurs connu que par les sujets trouvés dans les tombes slaves. J’ai déjà parlé du cimetière de Slaboszewo, où les hommes ont un indice de 74.3 et les femmes un indice de 78.4, et je prie le lecteur de se reporter à la page 237.

Les Slaves de Russie, reconnaissables comme ceux du centre et de l’ouest à leurs pendants d’oreilles en S et à d’autres ornements particuliers, se retrouvent en grands cimetières dans la région voisine de la Pologne. Ils n’ont pénétré plus loin qu’à une époque tardive, en plein Moyen Age. Sur toute l’étendue des territoires qu’ils ont occupés on les retrouve avec le même type Europæus que dans l’Europe centrale. La proportion de brachycéphales est plus forte au voisinage de la Pologne, comme si les brachycéphales ordinaires étaient venus de la région des Carpates. Vers l’Oural, on retrouve encore des brachycéphales en nombre, mais de race hyperboreus. Cette répartition est la même qu’à l’époque scythique, et les Slaves ne se différencient pas des Scythes, identiques eux-mêmes aux indigènes préhistoriques par tous leurs caractères physiques. Les peuples, les civilisations, les langues ont changé dans les vicissitudes des migrations, la race est la même. Les brachycéphales seulement deviennent plus nombreux dès le commencement de notre ère, et se multiplient, s’étendent au Moyen Age, surtout à la suite de la conquête et de la domination mongoliques. Le vieux fonds scythe et slave a été altéré d’une manière ineffaçable par la superposition des Mongols. Finalement vaincus, les Asiatiques sont presque tous restés dans le pays, et leurs descendants contribuent à placer la Russie parmi les peuples relativement brachycéphales.

Le guide le meilleur pour l’époque slave est toujours Bogdanow. Je reproduis simplement les principaux chiffres. Dans la région de Kiev, les crânes préhistoriques réunis ne comprennent que 33 % de sujets au-dessus de 80 ; dans les séries slaves, on en compte 38, et dans les séries du Moyen Age 36. Dans la région de Novgorod, les brachycéphales, rares avant le Moyen Age, atteignent au contraire 49 % à cette époque. Chez les Bulgares de Kazan, 24 % de brachycéphales ; on en compte aujourd’hui 25 chez les Bulgares du Danube. Les kourgans slaves de Tschernigow contiennent seulement 14 % de brachycéphales, les tombes du xiie et du xiiie siècle en contiennent 53. Chez les Mérianes de Jaroslaw, 14 % de brachycéphales. Dans la région de Moscou, les brachycéphales, assez peu nombreux dans les tombes préhistoriques et slaves, atteignent 53 % dans les cimetières du xvie au xviiie siècle. C’est surtout sur ce point que la richesse des séries a permis de suivre les progrès de la brachycéphalie.

Les documents littéraires sont assez nombreux, les Byzantins, les voyageurs arabes et juifs ayant décrit assez souvent les Antes, les Russes et autres Slaves. Les Antes étaient grands et d’un châtain roux, selon Procope, De bello Gothico, iii, 14 : « Εὐμήκεις τε καὶ ἄλκιμοι διαφερόντως εἰσὶν ἄπαντες, τὰ δὲ σώματα καὶ τὰς κόμας οὔτε λευκοὶ ἐς ἄγαν ἢ ξανθοὶ εἰσιν οὔτε πη ἐς τὸ μέλαν αὐτοῖς παντελῶς τέτραπται, ἀλλ’ ὑπέρυθροὶ εἰσιν ἂπαντες ». C’est à peu près la description des Alains par Ammien, xxxiii, 2 : « Proceri autem Alani pœne sunt omnes et pulchri, crinibus mediocriter flavis, oculorum temperata torvitate terribiles. » Ahmed ben Foszlan, Schem Eddin, Ibn Hankal nous montrent au contraire les Russes de la Volga grands comme des palmiers, jaunes ou rouges de poil. Cette différence semble montrer que les Antes étaient déjà altérés par le croisement avec les brachycéphales, et que la race des Russes était plus pure. Aujourd’hui, comme on peut le voir par la carte de Ripley, l’indice est plus faible dans la région russe que dans celle qui avoisine la Pologne.

Moyen Age. — Le Moyen Age est caractérisé par le développement graduel des brachycéphales, sauf en Angleterre et dans les péninsules ibériques et italique. De siècle en siècle la proportion des brachycéphales va augmenter, et leurs aires de répartition feront tache d’huile, devenant plus grandes et tendant à se réunir. Ce phénomène se suit d’une manière régulière de l’Atlantique à l’Oural. Dans les Îles Britanniques seulement la proportion des brachycéphales ne tendra pas à s’accroître, mais à diminuer, et cette tendance ira en s’accusant à mesure que la tendance inverse deviendra plus marquée sur le continent.

Cette substitution rapide d’une race à une autre, sans invasion, sans combat, par le seul effet d’une aptitude inégale à la servilité, voilà certes un problème d’histoire sociale des plus importants et des plus faciles à résoudre. Les cimetières du Moyen Age et des temps modernes sont en nombre infini, les ossements sont en bon état, les matériaux devraient donc abonder. Que nous sommes loin cependant de connaître siècle par siècle et province par province la marche progressive de l’inondation brachycéphale ! C’est tout au plus si quelques séries ont été publiées dans chaque grande région de l’Europe.

Dans l’Aveyron, la série urbaine du Moyen Age compte 25 crânes de Rodez compris entre 75 et 84, moyenne des hommes 78.7, des femmes 79.9. Une série rurale de Sainte-Radégonde a pour indice 78.6. Cette moyenne est confirmée par la dolichocéphalie des crânes d’autres cimetières aveyronnais du Moyen Age, jugés à vue. Avant le xiie siècle la brachycéphalie n’était représentée, même dans les campagnes, que par une minorité d’individus. Dans l’Hérault, le Tarn, le Tarn-et-Garonne, le Gard, les séries, même rurales, du Moyen Age, sont toujours au-dessous de 80. L’indice varie aujourd’hui entre 82 et 86.

À Paris, la marche de l’indice est la suivante : Saint-Marcel, ive au viiie siècle, 77.6, Saint-Germain-des-Prés, viiie siècle, 78.4. Cité, xiie siècle, 79.1. L’élément Alpinus, rare au début, abondant à la fin du Moyen Age, élimine rapidement l’élément Europæus et le contractus. Depuis la fin du Moyen Age, l’indice a cessé de s’élever. Il tendrait aujourd’hui à descendre, et les Parisiens sont de trois unités environ au-dessous de la moyenne des Français.

Dans sa thèse de doctorat, Blind a publié d’importantes séries des Vosges d’Alsace (Mittheilungen über… Schädelformen der elsässischen Bevölkerung, Strasbourg, 1897). Nous trouvons la brachycéphalie installée dès le xie siècle. Elle ne fait pas de progrès depuis. A Scharrachbergheim, xie siècle, 84.03, Zabern, xii-xiiie, 84.2, Ammerschweyer, xive, 84.3, Dambach, xive 82.6. Dans ces régions, l’indice du vivant est aujourd’hui 85 environ.

Ranke vient de publier une importante série de Lindau en Bavière, datant du xe au xiie siècle (Frühmittelalterliche Schädel aus Lindau, Sitz. der bayer. Akad. der Wissenschaften, 1897, xxvii). Le pourcentage des indices, comparé à celui des époques antérieure et postérieure donne :
Reihengräber
de Bavière.
Lindau  Ossuaires bavarois
modernes.
Dolichocéphales  42 32   1
Mésaticéphales 44 36 16
Brachycéphales 14 32 83

Le travail de Ranke montre avec une rare netteté le procès d’élimination d’Europæus au bénéfice de la race servile.

Nous avons vu la brachycéphalie s’installer au Moyen Age en Bosnie et en Bohême. Pour la Russie, nous avons de même les chiffres de Bogdanow sur lesquels je ne reviendrai pas.

En Angleterre, Beddoe a trouvé sur 135 crânes du Moyen Age l’indice 78.5, correspondant à 80 sur le vivant. La série va de 70 à 87, avec des cas isolés : 64, 67 et 90. La brachycéphalie, commune à l’époque du bronze, tend ainsi à reprendre le dessus, mais pour peu de temps. Au Moyen Age l’Angleterre avait un indice très voisin de celui de la France, mais tandis que la France marchait avec une vitesse croissante vers l’indice actuel du vivant 83.0, en Angleterre le mouvement inverse ramenait l’indice du vivant à 77.6, et celui du crâne sec à 76. Les îles Britanniques devenaient ainsi sans cesse plus aryennes, l’Europe continentale sans cesse plus brachycéphale.

Les documents figurés du Moyen Age abondent. Les miniatures dont sont ornés les manuscrits sont parfois naïves et presque inutilisables, mais il y en a beaucoup dont les personnages sont très nettement figurés. En général les personnages sacrés ou de haute classe sont blonds, élancés, les exceptions sont rares. On trouve au contraire beaucoup de types brachycéphales parmi les vilains, les étrangers, les démons.

Il en est de même pour la littérature. Autant les anciens ont été économes de portraits écrits, autant les écrivains du Moyen Age aiment les multiplier. Depuis le commencement de notre ère jusqu’à nos jours le besoin de représenter les personnages s’accuse et grandit. Il ne faudrait pas prendre au pied de la lettre les descriptions de personnages historiques, quand elles sont faites à une époque tardive, et surtout par les poètes, mais les types généraux sont exacts. Le trouvère, par exemple, en décrivant ses chevaliers ou ses grandes dames, ne peut guère s’écarter des caractères habituels de la classe aristocratique de son temps.

Les données sont nombreuses dans les œuvres des historiens, encore plus dans les chansons de geste. La thèse de Loubier (Ideal der Schönheit bei den altfranzösischen Dichtern, Halle, 1890) contient le relevé de tous les passages des écrivains de langue d’oïl du xiie et du xiiie siècle. Ce riche répertoire est une mine ouverte, à laquelle je renvoie le lecteur. Un travail analogue avait été commencé sur les poètes de langue d’oc par un de mes élèves, qui l’était aussi de M. Chabaneau. Ce travail n’a pas été terminé. Pour la littérature allemande un répertoire semblable à celui de Loubier avait été dressé par Alwin Schutz (Quid de perfecta corporis humani pulchritudine Germani sæculi xii et xiii senserint, Breslau, 1866).

Le portrait d’Auberi nous donne l’ensemble presque complet des caractères physiques du parfait chevalier. Il existe plusieurs portraits aussi complets, celui d’Auberi est le plus concis :

Moult le voit grant et creu et formé
Et avenant et cointé et membre,
Gros par épaules, graile par le baudré ;
Les bras ot gros, le poing grant et quarré,
Blont ot le poil, mais il lot hurepé,
Large visaige et le front fenestré,
Les yex ot vairs et le nes bien mollé.
(Aub., 28, 27.)

Le portrait du vilain est tout autre :

 « Un grant vilain

Noir cenu et de noir pelain,
(Chev. aux 2 espées, 2746.)
Et li vilain fu hericiés
Et kenus et noirs a outrage.
(Ib., 3812.)

Cette opposition de caractères est d’autant plus curieuse qu’il n’est guère possible de l’expliquer, comme le faisaient Gobineau et Broca, par l’effet de la conquête franque. L’aristocratie féodale se recruta aussi bien parmi les dignitaires romains de la Gaule et les familles sénatoriales gauloises que parmi les chefs venus avec Clovis. Sur ce point les documents historiques ne permettent aucune discussion. D’autre part la noblesse mérovingienne et carolingienne avait déjà presque entièrement disparu avec les croisades, et les nouveaux nobles sortaient d’ordinaire directement de la classe des serfs. C’étaient des hommes d’armes remarqués par leur bravoure que les seigneurs faisaient chevaliers et s’attachaient en leur accordant des fiefs.

Les serfs, d’autre part, comprenaient à l’origine autant et plus de colons germains trouvés sur les terres de l’Empire que d’esclaves d’origine gauloise ou étrangère. Pendant la période troublée du commencement du Moyen Age, la classe moyenne ou libre des campagnes, formée surtout de descendants des Francs, tomba volontairement en condition de serfs. Les cartulaires ont conservé nombre d’actes par lesquels des familles libres, impuissantes à se défendre, se donnent à des seigneurs laïques ou à des abbayes pour obtenir une protection. Les conditions si dures du servage étaient encore préférables à la liberté, car elles procuraient à l’homme la protection collective du seigneur et de ses vassaux. Le seigneur était tenu de défendre son serf, et le défendait, parce qu’il était son bien. Nul n’avait le devoir de protéger l’homme libre.

L’opposition sociale du type aryen et du brachycéphale n’était d’ailleurs point si absolue. Parmi les crânes de seigneurs du Moyen Age, depuis la Bavière jusqu’au Languedoc, et aussi en Italie, on trouve une certaine proportion de brachycéphales. Certaines familles nobles étaient loin d’être dolicho-blondes, celle notamment des comtes de Gilli, étudiée par Ranke. D’autre part, les cimetières du Moyen Age, même tardif, contiennent d’ordinaire beaucoup plus de dolichocéphales que de brachycéphales, et la proportion ne se renverse, dans la plus grande partie des provinces, que vers le xviiie siècle. Pour l’ensemble de la France, compensation faite de la brachycéphalie relative du N. E. et de la dolichocéphalie du reste, je crois que l’indice du crâne sec, aujourd’hui voisin de 82, ne dépassait pas 77 à l’époque gauloise, 78 à l’époque romaine et 80 à la fin du Moyen Age.

Temps modernes. La conquête du globe. — À la fin du Moyen Age, la race Europæus a perdu le N. et l’O. de l’Asie, le N. de l’Afrique. Les Péninsules ibérique et balkanique, où elle avait à peine pied, tombent aux mains de races étrangères venues d’Afrique et d’Asie-Mineure. La brachycéphalie se développe avec intensité autour de trois centres principaux : Vosges et Forêt-Noire, Alpes, Carpates. Un centre secondaire dans la Haute-Normandie et dans la Haute-Bretagne fournit un courant d’immigration vers l’Angleterre. Dans l’Europe centrale et en France, la brachycéphalie se multiplie dans les classes inférieures, surtout dans les campagnes, sous l’influence des sélections sociales. La race a perdu les neuf dixièmes, et les meilleurs, de son aire d’habitation. Elle est confinée dans les îles Britanniques, la région Scandinave, les alentours de la Baltique et le centre de la Russie, toutes régions encore à demi sauvages, couvertes d’eaux stagnantes et de forêts, peuplées au plus de dix millions d’individus.

Dans les régions où fleurissait la civilisation, Espagne, France, Allemagne du Sud, Italie, la race représentait une fraction seulement, une moitié, un quart et moins de la population totale. Dans tout l’Orient, dans le nord de l’Afrique, elle était à peine représentée. Ces régions les plus civilisées du monde, que l’aryen y fût maître ou non, ne pouvaient être désormais regardées comme son véritable domaine, car le sort des aristocraties est de s’éteindre en peu de siècles. Cent millions d’hommes habitaient ces régions desquelles Europæus disparaissait lentement.

Bloquée du côté de la terre par des nations puissantes et populeuses, la race aryenne fut obligée d’évoluer sur place, jusqu’au jour où elle put oser prétendre à la domination des mers. Les peuples restés autour du berceau de la race grandirent d’abord lentement. Pauvres, moins civilisés, tirant péniblement leur vie d’un sol ingrat, rocheux, argileux ou sableux, n’ayant aucune des cultures riches et faciles qui font l’aisance des peuples du midi, les Anglais, les Hollandais, les Allemands du Nord, les Scandinaves subirent, sous l’influence de conditions nouvelles dans un milieu identique, une sélection d’aptitude au travail qui augmenta leurs facultés psychiques sans altérer le type fondamental du corps et de l’esprit. Ils conservèrent l’audace et le sang-froid comme les cheveux blonds et les yeux bleus de leurs ancêtres, mais ils acquirent un sens pratique et une habileté dont les barbares n’avaient jamais donné de preuves. De tous les peuples aryens de l’antiquité, les Grecs seuls avaient subi une évolution semblable, et l’éclosion précoce de leur génie avait été promptement suivie de l’extinction de leur race. La maturité plus lente des Bretons, des Germains et des Scandinaves ne parait point les avoir épuisés. De longs siècles de floraison semblent promis à leurs descendants, et peut-être la domination perpétuelle du globe.

Les temps modernes commencent par la conquête de l’Amérique. Colomb ouvre le Nouveau-Monde à la cupidité de l’Espagne. Les Antilles, le Mexique, le Pérou sont pillés, occupés, pressurés. Tout ce que l’Espagne compte d’éléments actifs et audacieux se jette sur l’Amérique. Les portraits et les écrits du temps nous montrent que l’élément Europæus était encore abondant en Espagne. Il est rare aujourd’hui dans la péninsule, moins rare dans les colonies espagnoles d’Amérique. Cet exode fut mortel à l’Espagne. L’élément plus ancien, indolent, s’habitua à vivre des colonies. L’influence des sélections religieuses fit le reste. L’Espagne est aujourd’hui un cadavre, et la mer elle-même ne défendra peut-être plus longtemps son territoire contre l’entreprise des peuples vigoureux et débordants de population. Son tour parait marqué après celui de la Chine et de la Turquie, elle est un Maroc d’Europe, que prendra le plus hardi.

Les Hollandais, puis les Anglais, grandis pendant que l’Espagne devenait faible, lui succédèrent dans l’empire des mers. La Hollande était trop petite, avait trop peu d’hommes à déverser dans des colonies lointaines. Son ambition fut plus grande que sa résistance. L’Angleterre sut augmenter sans cesse la population de son territoire national, tout en déversant sur le globe entier des milliers, puis des millions de colons. Cette heureuse fécondité la fit reine.

Aujourd’hui le globe entier est au pouvoir des nations de l’Europe, ou sorties d’elles. Le lot pris autrefois par les colons espagnols leur reste, à peine diminué, la Russie s’est étendue sur la moitié de l’Asie, mais toute terre touchée par la mer, ou dont la voie d’accès est par la mer, est du domaine de l’Angleterre. Les territoires possédés par l’Allemagne et la France sont à tous les yeux des possessions précaires, dont l’Angleterre sera maîtresse quand elle voudra les payer à prix de conquête. La mer entière, la majeure partie du globe est aux Anglo-Saxons, et ce n’est point le plus méprisable de leurs domaines.

La colonisation aryenne a couvert de ses essaims l’Amérique du Nord, moins le Mexique. La race Europæus est là chez elle, plus robuste et plus exubérante que partout ailleurs. À l’heure présente son centre n’est plus la mer du Nord, mais l’Atlantique. Les États-Unis et le Canada font face à l’Angleterre, à l’Allemagne du Nord et à la Scandinavie. Et les jeunes Gallo-Saxons d’Amérique, descendants légitimes des Gaulois et des Germains à la fois, l’emportent par la fougue et l’audace sur les Anglo-Saxons purement germains. En Australie, la même race se forme, mêlée d’Écossais, de Gallois, d’Irlandais, tous Gaulois d’origine, Celtes de langue, et d’Anglo-Saxons.

En Russie, l’élément Grand-Russien est le plus pur. C’est lui qui essaime en Sibérie, dont la population nouvelle, très inférieure en pureté de race aux colons d’Amérique, est cependant plus noble que celle d’aucun grand peuple d’Europe. La sélection qui s’opère nuira sans doute à la Russie, mais va ouvrir des territoires immenses à l’expansion de l’Europæus.

Cette exubérance de colonisation, l’accroissement rapide des populations dolicho-blondes en Europe ont rendu à la race l’importance numérique relative des anciens temps, et dans un siècle ou deux il est probable que l’élément dolicho-blond sera très prépondérant en nombre dans l’ensemble des populations blanches. L’intervention de la sélection systématique, à laquelle les Américains s’exercent résolument, pourra exagérer cette prépondérance.

Pour le moment, c’est à plus de cinquante millions qu’il faut évaluer le nombre des Aryens de race pratiquement pure, c’est-à-dire réunissant les caractères fondamentaux de taille, de couleur et d’indice, et aptes à les transmettre par hérédité à la grande majorité des leurs enfants. Pour la définition de la race pratiquement pure, v. Sélection sociales, p. 3-10.

J’ai essayé d’établir une statistique par nations. Elle est assez facile pour les pays où la population ne comprend guère que les éléments dolicho-blonds et brachycéphales. Si l’on regarde comme Europæus les sujets au-dessous de 76, brachycéphales ceux au-dessus de 86 et métis les intermédiaires, on arrive par un calcul très simple au dosage général des sangs. Il faut pour les autres pays, déduire à l’actif des races méditerranéennes une portion du quantum de sang dolichocéphale. D’autre part, le dosage total ne donne pas la proportion de sang dépourvu d’alliage. Il faut procéder à une seconde opération, en calculant d’après les statistiques anthropologiques, le pourcentage des individus réunissant tous les caractères. On arrive ainsi à connaître deux quantités, celle de sang Europæus total, celle d’individus de type pur.

Pour la France, l’Italie et surtout l’Espagne, la proportion de pur type Europæus est faible ou très faible par rapport à celle du sang dolichocéphale absolu, en raison de l’abondance relative ou très grande d’éléments dolicho-bruns. Dans les pays où le mélange est très profond, France, Suisse, Allemagne du Sud, c’est-à-dire les plus brachycéphales, la même proportion est affaiblie en raison de la grande abondance des sujets de type Europæus imparfait.

La dernière colonne du tableau a servi à calculer, en fonction de la population totale, le nombre d’Europæus pratiquement purs compris dans chaque nation.

La dernière colonne du tableau a servi à calculer, en fonction de la population totale, le nombre d’Europæus pratiquement purs compris dans chaque nation.

Angleterre 10 000 000
France   1 600 000
Russie   9 000 000
Scandinavie   2 300 000
Allemagne   6 000 000
États-Unis 15 000 000
Hollande  600 000
Espagne  100 000
Italie  500 000
Autriche   1 800 000
Suisse  100 000
Canada, Australie, Cap    1 000 000
Amérique espagnole   1 500 000
Reste du monde  500 000
---------------
Total 51 000 000

Ces tableaux montrent deux choses entre beaucoup d’autres. La première est que la race Europæus est encore représentée en France (1.600.000), en Suisse (100.000), en Italie (500.000) par un nombre absolu d’individus de race pure probablement égal à celui qui existait au premier âge du fer. Ce qui a diminué, c’est la proportion relative, les autres éléments ayant augmenté dans des proportions considérables. Dans les autres pays d’Europe, il a subi une augmentation absolue énorme. Il n’y a jamais eu, en sujets de race pure, dix millions de Bretons dans les îles Britanniques, neuf millions de Slaves ou de Scythes en Russie, 600.000 Germains en Hollande, huit millions en Germanie, ce qui n’empêche pas d’ailleurs Europæus d’être en minorité dans plusieurs de ces pays.

L’importance relative, et surtout l’importance future des nations est assez exactement proportionnelle au nombre absolu d’individus de pure race Europaeus. L’ordre en effet est le suivant, avec la population Europæus exprimée en millions : États-Unis 15, Angleterre 10, Russie 9, Allemagne 6, Autriche 1.8, France 1.6. Il faut observer que la présence d’une énorme proportion de brachycéphales, dans un pays démocratique, peut paralyser l’activité utile des dolicho-blonds. C’est le cas de la France. Il faut également observer qu’un pays très petit, du moins comme parties utiles et population, peut avoir une importance moindre que ne comporterait le nombre absolu de sa population Europæus. Ainsi la Scandinavie, la Hollande, n’ont pas l’importance relative de l’Italie, mais la Suède, la Norvège, le Danemark, la Hollande n’en sont pas moins, malgré leur qualité de petits États, infiniment plus vivants, plus actifs que l’Italie. La supériorité psychique de la race compense, dans la mesure du possible, l’insuffisance du nombre et du territoire, et l’expansion devient prodigieuse quand la race, le nombre et le milieu concourent à la grandeur de la nation, comme il arrive aux États-Unis.


  1. Dans un travail fait avec grand soin, et accompagné d’un atlas très pratique, le prof. Pullè a réuni tous les renseignements utiles sur les peuples de l’Italie ancienne, et aussi tout ce qu’il faut savoir de l’anthropologie physique et sociale de l’Italie actuelle (Profilo anthropologico dell’Italia, Firenze, Landi, 1898). Ce travail très bien fait renferme la substance des travaux de Pauli, de Sergi et de beaucoup d’autres, et il trouve le moyen d’avoir en outre son originalité propre.
  2. Commentaire d’Eusthate sur Denys le Periégète, v. 285 : « Οἱ Γερμανοί… γνήσιοι Γαλάταις, οἷς ἐοίκασιν ἐν μορφαῖς καὶ βίοις καὶ ἧθεσι, πλεονάζοντες μόνον ἀχοιότητι μεγέθει τε καὶ ξανθότητι… »

    Strabon, VI, I, 2 : « Γερμανοί… μικρὸν ἐξαλλάττουτες τοῦ Κελτικοῦ φύλου τῳ τε πλεονασμῷ τῆς ἀγριότητος καὶ τοῦ μεγέθους καὶ τῆς ξανθότητος, τἆλλα δὲ παραπλήσιοι καὶ μορφαῖς καὶ ἤθεσι καὶ βίοις ὄντες…… ». Ce passage se retrouve avec quelques changements de mots dans les Chrestomathies, épitome de Strabon fait par un Grec du vie siècle. Le même auteur (iv, v. 2), dit des Bretons : « Οἱ δὲ ἄνδρες εὐμηκέστεροι τῶν Κελτῶν εἰσι, καὶ ἦσσον ξανθότριχες, χαυνότεροι δὲ τοῖς σώμασι. »

    Timagène, auteur grec du ier siècle av. J.-C., fragments conservés en traduction dans le xve livre d’Ammien Marcellin, § 12 : « Celsioris staturæ et candidi pæne Galli sunt omnes, et rutili, luminumque torvitate terribiles, avidi jurgiorum, et sublatius insolescentes. Nec enim eorum quemquam adhibita uxore rixantem, multo fortiore et glauca, peregrinorum ferre potuerit globus : tum maxime cum illa inflata cervice suffrendens, ponderansque niveas ulnas et vastas, admistis calcibus emittere coeperit pugnos, ut catapultas tortilibus nervis excussas. Metuendæ voces complurium et minaces, placatorum juxta et irascentium : tersi tamen pari diligentia cuncti et mundi… Ad militandum omnis ætes aptissima, et pari pectoris robore senex ad procinctum ducitur et adultus, gelu duratis artubus et labore adsiduo, multa contempturus et formidanda… Vini avidum genus, adfectam ad vini similitudinem multiplices potus ; et inter eos humiles quidam obtusis ebrietate continua sensibus… raptantur discursibus vagis. »

    Diodore, v, 28 : « Οἱ δὲ Γαλάται τοῖς μὲν σώμασίν εἰσιν εὐμήκεις, ταῖς δὲ σαρξί κάθυγροι καὶ λευκοί, ταῖς δὲ κόμαις οὐ μόνον ἐκ φύσεως ξανθοί, ἀλλὰ καὶ διὰ τῆς κατασκευῆς ἐπιτηδεύουσιν αὔξειν τὴν φυσικὴν τῆς κρόας ἰδιότητα, v. 23 : τὰ δὲ παιδία παρ’ αὐτοῖς ἐκ γενετῆς ὑπάρχει πολιὰ κατὰ τό πλεῖστον· προβαίνοντα δὲ ταῖς ἡλικίαις εἰς τὸ τῶν πατέρων χρῶμα ταῖς χρόαις μετασχηματίζεται »

    Dion, dans son livre LXII (2), dont nous n’avons que l’abrégé de Xiphilin, décrit ainsi la reine bretonne Boadicea : « Ἦν δὲ καὶ τὸ σῶμα μεγίστη καὶ τὸ εἶδος βλοσυρωτάτη, τό τε βλέμμα δριμυτάτη, καὶ τὸ φθέγμα τραχῦ εἶχε, τὴν δὲ κόμην πλείστην τε καὶ ξανθοτάτην οὖσαν μέχρι τῶν γλουτῶν καθεῖτο. »

    J’ai déjà transcrit deux textes du Περὶ κράτεων de Galien, p. 78 et 252. On peut y joindre ce passage du commentaire sur le iiie livre des Épidémies d’Hippocrate : « Παρατιθέντες γοῦν τά τε βρέφη καὶ Κελτοὺς καὶ Γερμανούς, ὑγροτέρους μὲν ὄντας ὁμολογουμένως τῇ κράσει, ψυχροτέρους δ’οὐκέθ’ὁμολογουμένως »

    J’ai également reproduit p. 262, un texte de Clément d’Alexandrie. Les textes latins sont très nombreux. Virgile, Æn., VIII, 659 :

    « Aurea cæsaries ollis atque aurea vestis,
    Virgatis lucent sagulis ; tum lactea colla
    Auro innectuntur ; duo quisque alpina corruscant
    Gæsa manu, scutis protecti corpora longis. »

    Tibulle, I, 7, 12 :

    « Carnuti et flavi cærula lympha Liger. »

    Silius Italicus, Pun., IV, 200 :

    « Obcumbit Sarmens, flavam qui ponere victor
    Cæsariem crinemque tibi, Gradive, vovebat,
    Auro certantem et rutilum sub vertice nodum. »

    Tive-Live, XXXVIII, 17 : « Procera corpora, promissæ et rutilatæ comæ ; … mollia corpora, molles ubi ira consedit animos, sol, pulvis, sitis, ut ferrum non admoveas, prosternunt . »

    Claudien, Stil, II :

    « Tum flava repexo Gallia crine ferox. »

    Manilius, Astron., IV, 714 :

    « Gallia vicino minus est infecta rubore. »

    Lucain, Ph., I, 402 :

    « Solvuntur flavi longa stalione Puteni. »

    — III, 77 :

     « Celsos ut Gallia currus
    Nobilis et flavis sequeretur mixta Britannis. »

    Tacite, Ag., XI :

    « Rutilæ Caledoniam habitantium comæ. »

    Jordanes, Hist. Goth., II : « Sylorum colorati vultus, torto plerique et nigro nascuntur, Caledoniam vero incolentibus rutilæ comæ, corpora magna sed fiuida, qui Gallis sive Hispanis a quibusque attenduntur assimiles. Unde conjectavere nonnulli quod ea ex his accolas continuo vocatos acceperit. »

    Tertullien, De cultu femineo : « Video quasdam et capillum croco vertere. Pudet eas etiam nationis suæ, quod non Germanæ aut Gallæ sint procreatæ : ita patriam capilli transferunt. »


  3. Avienus, Descript. orbis, 418 : « Flavaque cæsariem Germania… ».
    Lucain, II. 51 : « Fundat ab extremo flavos aquilone Suevos Albis ».
    Claudien, VIII, 446 : « Ante ducem nostrum flavam sparsere Sicambri Cæsariem ». XXIV, 18 : « Mine flaventes Sicambri Cæsarie, nigris hinc Mauri crinibus irent ». XXVI, 419 : « Agmina quinetiam flavis objecta Sicambris ». XXI, 37 : « Nec fida Valenti dextera duxisset rutilantes crinibus aras ». Auxiliaires germains. XXI, 202 : « Ingentia quondam Nomina, crinigero flaventes vertice reges ». Rois germains vaincus. VIII, 53 : « Quum geticis ingens premeretur Mysia plaustris ». Goths envahisseurs. XXXV, 65 : « Seu flavos stravere Getas ».
    Tacite, Germ., IV, 5 : « Truces et cœrulei oculi, rutilæ comæ, magna corpora ».
    Ovide, Am., I, 14 145 : « Nunc tibi captivos mittit Germania crines… 48 dices… 49 nescio quam, pro me laudat nunc iste Sicambram ».
    Silius Italicus, Punica, III, 608 : « Jam puer auricomo formidate Batavo ».
    Martial, VI, 60, 3 : « Sic leve flavorum valeat genus Usipiorum ».
    Horace, Ep., 16, 7 : « Nec fera cærulea domuit Germania pube ».
    Juvénal, XI II, 164 : « Cærula si quis stupuit Germani lumina, Flavam cæsariem ».
    Calpurnius Flaccus, Decl., II : « Rutili sunt Germaniæ vultus et flava proceritas ».
    Sidoine Apollinaire, Pan. Aviti, 42 : « Flavis in pocula fracti Sicambris ». VIII, 9 : « Istic Saxona Cærulum videmus ». Pan. Majoriani, 220 : « Nubebat flavo similis nova nupta marito ». Pan. Major., 75 : « Rutili quibus arce cerebri ad frontem coma tract a jacet… turn lumine glauco Albet aquosa acies ».
    Priscos de Panium, Ιστ. Βυζ., XVI : « Ὄν κατὰ τὴν Ρώμην εἴδομεν πρεσβευόμενον, μήπω ἐούλον ἀρχόμενον, ξαυθὸν τὴν κόμην τοῖς αὐτοῦ περικεχυμένην διὰ μέγεθος ὤμοις ». Un prince franc.
    Procope, De bello Vandalico, 1, 2 : « Γοτθικὰ ἔθνη… μέγιστα καὶ ἀξιολογώτατα. Γότθοι τέ εἰσι καὶ Βανδίλοι καὶ Οὐεσίγοτθοι καὶ Γήπαιδες. Πάλαι μέντοι Σαυρομάται καὶ Μελάγχλαινοι ὠνομάζοντο. Εἰσὶ δὲ οἱ καὶ Γετικὰ ἔθνη ταῦτ' ἐκάλουν. Οὔτοι ἄπαντες ὀνόμασι μὲν ἀλλήλων διαφέρουσιν, ὥσπερ εἴρηται, ἄλλῳ δὲ τῶν πάντων οὐδενὶ διαλλάσσουσι. Λευκοὶ γὰρ ἄπαντες τὰ σώματα τέ εἰσι καὶ τὰς κόμας ξανθοὶ, εὐμήκεις τε καὶ ἀγαθοὶ τὰς ὄψεις, καὶ νόμοις μὲν τοῖς αὐτοῖς χρῶνται, ὁμοίως δὲ τὰ ἐς τὸν θεόν αὐτοῖς ἤσκηται ».

    Les textes mérovingiens, carolingiens et germaniques sont nombreux. Je ne les citerai pas, mais je ferai exception pour un très curieux passage de la Rigsthula, un des plus anciens poèmes islandais, qui fait partie de l’Edda de Saemund. Ce texte contient une ethnogénie des peuples du nord qui est très voisine de ce que nous arrivons à constater par l’anthropologie. Il exprime très bien la succession des époques (Edda, Amma, Modir, l’ancienne, la grand’mère, la mère) et des races (Thrael, Karl, Jarl, l’esclave, l’homme, le noble). Fustel de Coulanges (Invasion germanique, 271) a reproduit une traduction latine très libre de ce passage. Le texte que je donne est celui du Corpus poeticum boreale (Oxford, Clarendon Press, 1883), I, p. 235 et suivantes. Le dieu Rig descend trois fois sur la terre, et féconde trois mortelles de chacune desquelles sort une race supérieure à la précédente. « 22 Iod ol Edda, ioso vatni… hævi svartan, heto Thrael… vas thar a hændom hrokkit skinn, kropnir knuar… fingr digrir, fulligt andlit, lotr hryggr, langir hælar. Nam hann meir at that magns at kosta, bast at binda, byrdar goerva, bar hann heim at that hris gcrstan dag… 77 Iod ol Amma, ioso vatni ; kællodo Karl… raudan ok riodan, ridodo augo… œxn nam at temja, ardr at gærva, hus at timbra, hlœdor at smida, karta at gærva, ok keyra plog… 130 Svein ol Modir, silki valdi, ioso vatni, Iarl leto heita. Bleikt var har, biartir vangar ; ætul varo augo sem yrmlingi… lind nam at skelfa, leggja strengi, aim at beygja, œrvar skopta, flein at fleygja, frækkov dyja, bestom rida, hunom verpa, sverdom bregda, sund at fremga. »
    Je traduis :
    « 22 Edda accoucha d’un garcon, le purifia avec de l’eau… à cause de sa peau brune on l’appela Thrael… La peau de ses mains était rugueuse, les jointures fléchies, les doigts épais, la face laide, la taille épaisse, les talons longs. Il commença à déployer sa force, enlevant des bandes d’écorce, faisant des liens et apportant des fagots à la maison à fatigantes journées… 22 Amma accoucha d’un garcon, le purifia avec de l’eau. Elle l’appela Karl… Il était roux et rubicond, ses yeux mobiles… Il commença à dompter les bœufs, à construire des cbarrues, à faire des charpentes de maison, construire des granges, des chariots, conduire la charrue… 130 Modir accoucha d’un fils, l’essuya avec de la soie, le purifia avec de l’eau, et l’appela Iarl. Sa chevelure était blonde, ses joues vermeilles, ses yeux vifs comme ceux d’un jeune serpent… il se mit à tailler un bouclier de tilleul, fixer une corde à un arc, le bander, emmancher des flèches, lancer la javeline, manier la lance, monter à cheval, manier l’épée et à nager. »
    Karl, fils à la troisième puissance du dieu, fut père de Kin, qui inventa les sciences, les arts et les lettres.
    Tous les enfants de Thrael, Karl et Iarl ont des noms significatifs. Je renvoie au texte pour ces listes assez longues.