G. Masson Éditeur (p. v-viii).

PRÉFACE


Le succès de l’Art de greffer s’accentue, c’est une dette de reconnaissance qui s’impose à l’auteur.

Le texte de la 5e édition a été revu minutieusement ; de nouvelles gravures aussi correctes que les précédentes sont venues le compléter.

Un honorable rapporteur de la Société nationale d’horticulture de France a déclaré que cet ouvrage était en quelque sorte le « Code du greffeur ». Nous voulons qu’il reste digne d’une aussi bienveillante appréciation.

La pratique du greffage, loin de rester le secret de la pépinière ou de la serre marchande, a pénétré dans le jardin de l’amateur qui veut écussonner ses rosiers ou hâter la fructification de ses poiriers ; elle a franchi l’enclos de la ferme et remplacé les broussailles stériles ou les sauvageons encombrants par des plantations de rapport et de commerce pour la consommation, pour le pressoir ou pour le marché.

Avec la greffe, le botaniste rapproche sur le même sujet les sexes des plantes dioïques, et le sylviculteur étudie l’avenir forestier des résineux ou des feuillus étrangers, comme nos pères ont apprécié, il y a cinquante ans, le rôle du Pin noir et du Pin Laricio, devenus si populaires aujourd’hui sur nos friches de Sologne ou de Champagne.

Le semeur d’arbres et d’arbustes, à la recherche de l’inconnu, désire-t-il hâter l’expansion de ses joies — ou de ses déceptions — paternelles, il a recoure à la greffe ; l’arboriculteur veut-il rectifier l’ossature défectueuse de ses espaliers, un peu de chirurgie végétale lui donnera satisfaction ; et n’est-ce pas à la greffe que le fleuriste devra la majeure partie des charmants arbrisseaux floribonds ou dressés sur tige, qui décorent nos appartements et nos parterres ?

Les générations qui nous ont précédés auraient-elles jamais supposé que le greffage viendrait offrir une planche de salut à la viticulture défaillante ?

Cependant l’Europe tient tête à l’invasion phylloxérique avec cette arme victorieuse : la greffe sur plant résistant.

Le premier peut-être, nous l’avons proclamé : les faits nous ont donné raison. En présence des résultats qui permettent d’espérer la reconstitution du vignoble à bref délai, les hésitants se sont ralliés sans arrière-pensée, devenant eux-mêmes les champions de la greffe en fente ou de la greffe anglaise, si habilement mises en œuvre dès à présent par le vigneron et sa famille.

Mais le progrès marche, la greffe ligneuse ne suffit plus ; le cultivateur demande au jardinier d’autres systèmes encore, évitant surtout le buttage obligatoire de la greffe d’hiver.

Voici venir l’écussonnage et la greffe herbacée ; ils quittent la coupole vitrée des vineries destinées aux raisins de table et s’installent au vignoble de grande culture.

Notre cinquième édition leur en facilitera l’entrée par un supplément de paragraphes et de dessins inédits.

Désormais, la Greffe a ses institutions : écoles, cours publics, moniteurs, champs d’expériences et de démonstrations… Aucune force humaine ne saurait en arrêter l’essor.

Et le surgreffage si important dans son rôle effacé, équilibrant ou fusionnant les adaptations et les affinités indécises ou inégales, rapprochant jusqu’aux antipathies, viendra-t-il, à son tour, avec son précieux intermédiaire assurer le succès final ? Nous l’espérons !

Depuis notre dernière édition, vigoureusement encouragée par la Direction des colonies, nos investigations se sont portées une seconde fois au cœur même de nos possessions lointaines, actionnées par la nature exceptionnelle du climat, du sol et par les conditions de travail. Combien de richesses latentes chez les végétaux économiques d’outre-mer le greffage peut aider à faire surgir au profit de la métropole et des exploitants, nos rivaux en politique coloniale l’ont déjà compris !…

Merci aux administrations et aux amis qui ont pris l’Art de greffer sous leur patronage. L’État le répand dans ses Écoles et dans ses Bibliothèques ; des Sociétés, des Comices l’honorent de hautes récompenses et le décernent en prix ; des Établissements d’horticulture ou de viticulture le distribuent à leur personnel. N’oublions pas, enfin, que la traduction dans les Deux-Mondes en a consacré les débuts.

N’est-ce pas le plus beau succès qu’un auteur puisse espérer ?

Charles Baltet.