L’Art de bien prononcer et de bien parler la langue françoise/Épître dédicatoire

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À
MONSEIGNEUR
LE DUC
DE
BOURGOGNE


MONSEIGNEUR,


Ie n’ay pas assez de presomption pour me persuader que ce petit ouvrage soit absolument necessaire à vostre Instruction ; Les personnes illustres, à qui elle est commise, sont les Maîtres du beau langage ; Vous estes né au milieu de la politesse même ; Elle vous est naturelle et familiere, & j’ose dire que bien loin d’avoir besoin de ces preceptes, que je prens la hardiesse de vous presenter ; Vous serez vous même bien-tost la Regle & le Modele de ce qu’il y a de plus parfait & de plus poli dans nôtre Langue. Cepandant, Monseigneur, je me suis flaté que cette Methode ne vous seroit pas desagreable par l’utilité que le public en pourra retirer. Elle est courte, & si facile, que les enfans mêmes la pourront comprendre ; & si vous daignez l’honorer de vostre protection, c’est à vous, Monseigneur, que nostre Langue sera redevable de son plus grand ornement, qui consiste en la bonne prononciation, d’où dépend tout son agrément & toute sa delicatesse : Nos Provinces les moins polies dans le langage le deviendront lors que cette Methode y sera enseignée, & elles ne produiront plus de cette jeune Noblesse que l’on voit souvent paroistre rude & grossiere faute d’instruction. La sçavante Grece avoit ses Maîtres pour aprendre à la jeunesse la belle prononciation, & c’est ce qui la rendoit autrefois la mere de l’Eloquence. Paris, Monseigneur, ne le cede point à Athenes ni en politesse ni en beaux genies, mais j’ose dire que le nombre y seroit plus grand, si la mesme coutume s’y pratiquoit aussi bien que dans toute l’estenduë du Royaume. J’espere, Monseigneur, que ce bonheur arrivera à la France par la faveur que vous aurez la bonté d’acorder à ce petit essay, qui laissera le champ libre à de plus sçavantes plumes que la mienne : Et cependant nous attendrons l’accomplissement des ces hautes esperances que vous donnez à tout le monde, & que vous soutiendrez quelque jour par des actions éclatantes, & dignes du sang Auguste dont vous sortez. Je stimeray trop heureux, Monseigneur, si ces grandes idées ne vous font pas dédaigner ce petit ouvrage que je vous suplie de recevoir comme une marque de mon zele inviolable, & du profond respect avec lequel, je suis.


MONSEIGNEUR,


Vôtre tres-humble & tres-obeïssant
serviteur J. H.