La Revue populaire (p. 59-60).

XI


Le glas de la messe de neuvaine, au milieu de la glorieuse matinée d’août, faisait encore vibrer le vieux clocher d’Aulos ; on quittait l’église après la cérémonie.

Voilée de crêpe et les yeux rougis, Marie, laissant le cortège de deuil rentrer sans elle au château, voulut, sous la conduite de Madeleine, se diriger vers le cimetière.

Marie n’était pas encore allée prier sur la chère tombe ; ceux qui l’aimaient avaient redouté pour elle ce nouveau contact avec la mort ; maintenant, elle exigeait, et nul ne se sentait le droit de refuser à l’orpheline cette visite à tout ce qui lui restait de ses parents.

Au milieu des tombes modestes, se dressait le caveau où reposaient déjà plusieurs générations de Lissac. Une ceinture de cyprès le protégeait de son ombre épaisse et deux saules-pleureurs aux angles, mettaient une note pâle au milieu des arbres noirs. L’enclos était plein de chants d’oiseaux. Dans cette paix, Marie, agenouillée sur les marches de marbre du mausolée, sentit son chagrin s’atténuer tout à coup. Instinctivement craintive de la vie, l’image du calme éternel se présenta, séduisante, à son esprit.

« — Comme je serai tranquille, pensa-t-elle, quand on me couchera là, avec maman, avec mon pauvre papa ! »

Elle avait, dans son enfance maladive, connu peu de joies, l’avenir terrestre ne la flattait d’aucune espérance ; c’est pour­quoi, maintenant, elle aimait la mort, et soupirait après l’infini repos.

Et, comme figée elle-même, elle s’oubliait dans une sorte de prostration qui n’était plus la prière, qui n’était pas même l’entretient avec les âmes des absents, mais seulement l’annihilation de son être, une espèce de mort anticipée et partielle dans laquelle sa personnalité semblait s’abolir pour faire d’elle une pauvre chose inconsciente, sans souffrance et sans volonté.

Madeleine, inquiète, dut l’emmener ; elle la suivit, passive, et, tout le jour durant, garda cette attitude effacée, et, sans larmes, continua à vivre de cette vie machinale, d’où l’âme paraît absente. On eût dit la fleur délicate de cette âme flétrie irrémissiblement par le premier passage de la douleur.