L’Armée nouvelle/Préface

L’Humanité. Édition populaire (p. v-vi).



PRÉFACE




En réimprimant, en pleine guerre, l’Armée Nouvelle, on ne satisfait pas seulement à des demandes nombreuses et pressantes. On rend à la clairvoyance prophétique de son auteur l’hommage le plus mérité. Personne n'avait prévu comme lui le caractère de l'attaque formidable qui nous menaçait. Personne surtout n’avait montré, avec la même lumineuse précision, le seul moyen d’y résister et de vaincre.

Sans doute, si nous avions le bonheur de le posséder encore, il aurait mis à profit la leçon des événements. Au spectacle de cette guerre prodigieuse, il aurait modifié certaines de ses vues ; des conceptions nouvelles auraient jailli de son imagination féconde, de sa pensée à la fois si hardie et si avisée. Mais il n’aurait eu à abandonner aucun de ses principes directeurs. Le développement de la guerre a confirmé, d’une manière éclatante, l’idée maîtresse qui anime tout son livre.

Outre sa valeur historique et militaire, l’Armée Nouvelle a le précieux avantage d'apporter au lecteur les convictions réfléchies de Jaurès sur un grand nombre de questions importantes. C’est un livre gros de pensée politique. L’Armée Nouvelle comme on sait, devait être, dans l'esprit de son auteur, un ouvrage préliminaire. Avant d'expliquer comment il concevait la société française de l'avenir, avant de proposer les réformes profondes qui devaient préparer la transformation, Jaurès voulait que la France fût mise d'abord à l'abri de toute agression. De là est née l’Armée Nouvelle, œuvre d'un grand socialiste, œuvre d'un grand Français. Mais déjà dans ce premier volume, par une sorte de pressentiment et comme s’il avait craint de ne jamais écrire les autres, il a exprimé les idées qui lui étaient les plus chères, celles que son génie politique, mûri par l’expérience, avait définitivement élaborées.