L’Arbre de Noël/Note et Notice

Amable Rigaud, libraire-éditeur (p. 11-13).

NOTE ET NOTICE.


Décembre 1863.


Un soir ou deux avant la veille de Noël de l’an dernier, il me passa sous les yeux la gravure d’un tableau ayant pour sujet l’Arbre de Noël.

Je ne l’eus pas plutôt vu que je fus charmé, séduit : ce tableau m’apparut comme un suave et ravissant poème, et aussitôt s’empara de moi un besoin irrésistible de le traduire en strophes.

Je me mis immédiatement à l’œuvre, et, au bout de trois soirées, j’eus terminé la pièce que l’on vient de lire.

Alors je songeai à en faire parvenir une copie au peintre dont la composition m’avait inspiré !

Pour tous renseignements j’avais son nom au bas de la gravure.

J’eus bientôt fait mes recherches.

Qu’on juge de mon étonnement en même temps que de ma sympathie… Je venais de faire connaissance avec un nouveau Giotto !

Théodore Mintrop est né, le 17 avril 1814, d’une famille de paysans bavarois. Orphelin dès son enfance, il a travaillé à la charrue jusqu’à l’âge de trente ans. Le goût de l’art s’éveilla en lui pendant ses contemplations de la nature, et, sans guide ni maître, il faisait éclater une haute poésie dans les paysages qu’il reproduisait.

Découvert et recueilli par M. Ed. Geselchap, il est aujourd’hui l’un des plus étonnants et des plus délicieux dessinateurs de l’école de Dusseldorf.

Devant des circonstances pareilles, j’étais deux fois heureux, et c’est avec une véritable joie que je lui adressai mon poème.

Quelque temps après, je reçus, en réponse, une ravissante photographie du tableau, accompagnée de la lettre suivante, en allemand, et dont je donne une traduction littérale :

« Dusseldorf, 19 mai 1863.
Très-honoré monsieur Fertiault,

Avec le plus grand regret, je ne puis qu’aujourd’hui répondre à votre lettre amicale.

Je vous envoie, par la présente, ma reconnaissance la plus profonde, ainsi que ma surprise pour votre beau poème. Je me réjouis qu’un sentiment sympathique avec le mien ait lui si chaleureusement dans votre cœur.

Mon silence a été occasionné parce que je voulais vous envoyer un souvenir permanent de mon Arbre de Noël en une photographie ; mais mes espérances de vous voir le plus tôt possible en possession de cette reproduction ont été détruites par le retard du photographe.

Enfin aujourd’hui il m’envoie la première épreuve, et je m’empresse de vous la transmettre. Agréez-la comme un faible témoignage de ma gratitude, ainsi que de mes sentiments sympathiques.

Je tiens pour le plus grand honneur que vous veuillez bien publier et me dédier ce poème, et je ne doute pas qu’il ne soit accueilli du public avec la même joie que j’en ai éprouvée.

Recevez, Monsieur, l’assurance de ma plus haute considération,

Votre dévoué,
Th. Mintrop. »

Je me trouvai largement payé de mon travail !


J’espère que mes lecteurs voudront bien me pardonner cette Note un peu personnelle en faveur de l’intérêt qui s’attache à l’éminent artiste qu’elle leur fait connaître.

F. Fertiault.