(livret du drame musical)
SCÈNE I…… | PRÊTRES ET SACRIFICATEURS PYTHIQUES — puis IÔN |
- « Voyez le jeune archer, Roi du monde changeant »3
SCÈNE II…… | IÔN seul. (STROPHES et CHASSE AUX OISEAUX) |
- « Pour moi, mêlant le myrthe aux laines violettes »27
SCÈNE III…… | LES FEMMES DE LA REINE — puis IÔN |
- « Que ce bois de lauriers et de myrthes épais »44
SCÈNE IV…… | LES MÊMES — KRÉOUSA — puis KRÉOUSA et IÔN seuls |
- « Mais d’où naissent les pleurs qui coulent de tes yeux ? »55
SCÈNE V…… | LES FEMMES — KRÉOUSA et IÔN |
- « Un bruit strident d’airain arrive jusqu’à nous »74
SCÈNE VI…… | LES MÊMES — XOUTHOS et les guerriers — puis les SACRIFICATEURS PYTHIQUES |
- « Salut, rocher célèbre antre mystérieux »78
SCÈNE VII…… | LES MÊMES, sauf XOUTHOS |
- « Apollôn ! Apollôn, ne l’as-tu pas aimée »87
SCÈNE VIII…… | LES MÊMES — XOUTHOS |
- « Ô mon fils, mon cher fils, Loxias a parlé »96
- PRÉLUDE137
SCÈNE I…… | KRÉOUSA et LE VIEILLARD |
- « Ô Vieillard, serviteur de l’antique maison
De mes pères »138
SCÈNE II…… | KRÉOUSA seule |
- « Il va tomber tranché dans son fragile orgueil »166
SCÈNE III…… | KRÉOUSA, L’OMBRE D’APOLLÔN — LES FEMMES de la Reine |
- « Maîtresse, déjà l’ombre est plus haute »181
- NYMPHES ORÉADES — LE VIEILLARD — PEUPLE DE PYTHÔ189
SCÈNE…… | KRÉOUSA et ses FEMMES — puis, dans le lointain LE PEUPLE DE PYTHÔ |
- « Je dors sans doute et rêve »267
- « INTERLUDE pendant les décors mouvants »292
SCÈNE I…… | KRÉOUSA et ses FEMMES |
- « Entoure de tes bras l’image tutélaire »298
SCÈNE II…… | LES MÊMES — IÔN et les SACRIFICATEURS |
- « Femmes retirez-vous du sanctuaire »300
SCÈNE III…… | LES MÊMES — LA PYTHONISSE |
- « Arrière, enfant ! laisse l’épée »309
SCÈNE IV…… | LA PYTHONISSE, IÔN et KRÉOUSA évanouie |
- « Quitte Pythô, mon fils, innocent, les mains pures »313
SCÈNE V…… | IÔN et KRÉOUSA — puis les FEMMES |
- « Humble corbeille, où j’ai connu la vie amère »320
- VOIX PROPHÉTIQUES « Apollonide Iôn ! »349
L’APOLLONIDE
ACTE PREMIER
Scène I
À gauche, le temple d’Apollôn, auquel on monte par quelques marches. Architecture très primitive, frondaisons dominant le temple. À droite, l’entrée d’un bois de lauriers et de myrthes. Sur le devant de la scène, du même côté, un rocher d’où coule une source vive. Un chemin à travers les rochers. Au fond un horizon immense bordé par une ligne de montagnes.
Premières lueurs du jour naissant. (Quelques serviteurs et sacrificateurs du Dieu entrent en scène.)
Le char du soleil apparaît. Apollôn, revêtu d’une armure éclatante conduit un quadrige. Cette vision, fort vague au début et voilée par les brouillards du matin qui se dissipent peu à peu, projette une lumière sans cesse grandissante tandis que les serviteurs et sacrificateurs entrent en scène de tous côtés.
Voyez ! Voyez ! Voyez ! le jeune archer ! le jeune Archer !
Roi du monde changeant ! Voyez ! Voyez !
Beau, fier, chevelu d’or
Voyez ! Voyez !
et cuirassé d’argent !
Voyez ! Voyez ! Voyez ! Voyez ! Voyez ! Voyez !
L’apparition s’élève toujours et devient de plus en plus lumineuse.
Du fond de l’ombre antique et des mers refluées,
Pousse son char splendide à travers les nuées !
Le quadrige hennit ! Le quadrige hennit !
l’éclair sort de l’essieu
Voyez ! l’éclair sort de l’essieu
(joyeusement)
Éâ ! Éâ ! Éâ ! Éâ !
Et la haute Pythô s’illumine d’un Dieu !
Éâ ! Éâ ! Éâ ! Éâ ! Ah !
Gloire à toi ! Gloire à toi ! Gloire à toi !
Gloire, gloire, gloire à toi !
cher Dieu qui fécondes
Les bois, les fleurs, les moissons blondes,
Et les immensités profondes,
D’où jaillit ton char immortel !
Les portes du temple s’ouvrent ; IÔN vêtu de blanc apparaît sur le seuil du temple resplendissant de lumière ; Il tend les bras vers la lumineuse apparition qui monte… monte toujours.
Gloire à toi ! Gloire à toi ! Gloire à toi !
Les sacrificateurs Pythiques qui se disposaient à monter les marches du temple sont arrêtés par IÔN. Tous ont le regard fixé sur lui.
Ô sacrificateurs du divin Latoïde,
Purifiez vos mains dans l’Onde Kastalide.
Allez et sur l’autel encor silencieux,
Brûlez en un feu clair l’encens délicieux.
Les prêtres tendent les bras vers la lumineuse apparition qui, à partir de ce moment, décroît d’intensité et s’efface lentement.
Protège-nous, archer sublime,
Le chœur de droite se dirige solennellement vers le fond de la scène où il s’arrête. Le second chœur, tout en chantant, sort lentement par le fond de la scène à gauche, derrière le temple.
Et descends sur l’auguste cime, et descends
Où la myrrhe et l’encens parfument ton autel.
Le 2d chœur est sorti. Le 1er chœur du fond de la scène.
Protège-nous, archer sublime,
Et descends sur l’auguste cime,
Le premier chœur sort à son tour, lentement en chantant. Peu à peu l’apparition disparaît complètement.
Où la myrrhe et l’encens parfument ton autel.
Un dernier rayon de l’astre tombe sur IÔN resté seul sur le seuil du temple.
IÔN tend les bras et reste en contemplation.
Scène II
Une belle lumière matinale éclaire cette scène.
Pour moi, mêlant le myrthe aux laines violettes,
Il détache ses bandelettes.
Je vais suspendre ici les saintes bandelettes
Il les baise religieusement et les suspend à un myrhte.
Joyeusement
Et j’en écarterai les ailes de l’oiseau ;
Car ce temple sacré
avec religiosité, contemplant le temple.
Il jette des regards de joie et d’admiration autour de lui.
Il parcourt joyeusement la scène
Ô Laurier des jardins célestes
qu’arrose l’aube aux belles mains,
Il cueille un rameau de laurier et le contemple.
Désir des Dieux et des humains
Charmeur puissant des jours funestes !
des murs, du faîte et du parvis,
dissipe l’impure poussière,
Et laisse éclater la lumière
éblouissante Aux yeux ravis !
Il va déposer pieusement le rameau de laurier sur le seuil du temple,
puis se dirige vers le rocher d’où coule une source vive.Eaux vives, jamais épuisées,
Qui coulez immortellement
Sur la pente du mont charmant
parmi les lys lourds de rosées !
Il prend une coupe qui se trouve sur le rocher.
Épanchez vos coupes d’azur sur le seuil de l’antre Pythique.
Il puise de l’eau avec la coupe.
Et puisse mon jour fatidique
Il met un genou en terre.
Couler comme vous, chaste et pur !
Se tournant vers le temple il fait une libation. Subitement il s’arrête. Consultant le ciel et l’horizon.
Mais, une ombre soudaine et de confus murmures
Viennent des pics neigeux ou sortent des ramures.
Ce sont les oiseaux, je les vois !
Hors de lui.
Ils passent au ciel clair sur le temple et les bois !
Faisant le geste de chasser les oiseaux avec le bras.
Éâ ! Éâ ! Éâ ! Éâ !
Fuis, grand aigle aux fauves prunelles,
Augural messager des Dieux,
qui tiens les foudres éternelles.
Éâ
Fuis, ô Cygne mélodieux !
Dont l’aurore empourpre les ailes !
Et vous, colombes et ramiers,
Retourez aux nids familiers,
Dans les forêts sombres et fraîches.
Il court vers son arc et ses flèches suspendus au temple. L’arc en main il vient précipitamment vers le milieu de la scène.
Éá ! Éá !
Ô doux oiseaux, vous m’êtes chers,
Mais docile au Dieu que je sers,
Je vous percerais de mes flèches !
Éá ! Éá !
Il remonte vers le fond de la scène, l’arc tendu, et disparaît. Dans l’extrême lointain on entend le chœur des sacrificateurs Pythiques qui se purifient dans les eaux saintes.
La scène reste vide un moment.
Protège-nous, archer sublime,
Et descends sur l’auguste cime !
Scène III
Que ce bois de lauriers et de myrthes épais
respire, ô chères sœurs, l’innocence et la paix !
L’innocence et la paix !
Et que son ombre est douce… où de fines lumières
glissent par gouttes d’or, des feuilles printanières
Et cette eau qui jaillit du rocher ruisselant,
Qu’elle est pure ! Q’elle est pure !
Qu’elle est pure !
qui sur le seuil tombe du fronton blanc.
Ô maison vénérable ! ô pieuses offrandes !
Femmes, ce temple est beau comme ceux d’Athènâ !
Loxias le protège et de ses mains l’orna !
Éâ ! Éâ !
IÔN rentre joyeusement en scène son arc et son carquois à l’épaule ; il se dirige vers le seuil du temple. Subitement apercevant les étrangers, il s’arrête.
Ô jeune homme debout sur le seuil solitaire
Est-il permis d’entrer au divin sanctuaire !
vous entendrez parler la pâle prophétesse.
Du fond de la scène.
Voici notre Reine, étranger !
à IÔN, en allant rejoindre les autres.
Et s’il te plaît ainsi,
IÔN attiré par la curiosité suit les étrangères au fond de la scène.
Tu peux l’interroger !
Premier mouvement d’admiration d’IÔN.
Si j’en crois sa beauté que nulle autre n’égale,
Cette femme sans doute est de race royale !
Scène IV
KRÉOUSA s’avance lentement soutenue par ses femmes, le regard baissé, perdue dans un rêve infini.
Mais d’où naissent les pleurs qui coulent de ses yeux ?
Levant subitement les yeux, apercevant le temple d’Apollôn, KRÉOUSA s’échappe des mains de ses femmes et court sur le devant de la scène.
Ô douleurs ! Ô remords ! noirs attentats des Dieux !
Pourquoi ce morne ennui sur son visage auguste ?
avec impatience
Quelle est ta race
avec vénération
respectée ?
Je suis Kréousa, Reine et du sang d’Érekhthée.
Et j’habite Athènâ la cité de Pallas
Ô ville illustre ! Enfant d’un noble père !
Hélas ! que me sert, étranger, le sang dont je suis née !
En ai-je moins subi la sombre destinée ?
Est-il vrai que le Dieu, le Roi des flots sans frein
D’un seul coup de son trident d’airain,
Dans Makrâ qui s’entrouve ait englouti ton père ?
Makrâ ! ne parle pas de cet impur repaire.
C’est un lieu vénérable et d’Apollôn aimé
Dans cet antre fatal que ta bouche a nommé
Un crime fut commis sans y laisser
(presque parlé)
de trace !
Prostration absolue immobile — le regard fixé vers la terre.
Quelques suivantes de KRÉOUSA traversent lentement la scène, allant déposer des offrandes derrière le temple. IÔN, désireux de rester seul avec la Reine et d’en connaître davantage, congédie du geste les femmes de KRÉOUSAMais quel est ton époux ? Est-il de noble race ?
Il se nomme Xouthos, Il sort de Zeus tonnant
Et sur la sainte Attique, il règne maintenant
sans traîner
Ayant conquis pour nous l’île aux vertes olives
lives
Qu’un orageux détroit sépare de nos rives
(solennel)
Il gravit la montagne et nous venons tous deux
Consulter de Pythô l’oracle hasardeux.
Pour vos enfants sans doute, honneur de l’hyménée
Nous n’avons point d’enfants :
Quoi tu n’as point d’enfant !
Apollôn le sait bien :
Subitement son regard tourné vers le temple tombe sur le jeune homme qui l’interroge et qu’elle regarde pour la première fois. (avec surprise et avec une curiosité croissante)
Mais toi, cher étranger, quel pays est le tien ?
Que ta mère est heureuse, hélas !
Mes parents, mon pays…
(à part)
Si jeune encore,
(Elle l’observe de plus en plus) (vivement)
Tu n’as jamais connu ta mère ?…
(avec une grande candeur)
Dans les langes de lin où, dit-on, je dormais,
Ce temple m’a reçu comme un oiseau sans ailes
(avec enthousiasme)
Et le Dieu m’a nourri de ses mains immortelles.
Il tend ses mains ravies vers le temple.
Je sais une autre femme, hélas, qui pleure aussi
L’enfant qu’elle a perdu jadis. Je veux ici
Dans Pythô, demander pour elle… j’ose à peine,
Par pudeur, révéler…
Il faut parler, ô Reine
Cette femme, outrageant Pallas et la vertu
Des vierges…
(solennel)
eut un fils d’Apollôn.
Une mortelle… un Dieu !
(avec enthousiasme)
Certe Apollôn lui-même !
Que pouvons-nous, hélas, contre un Dieu qui nous aime !
Dans l’antre de Makrâ, cet enfant vit le jour
(gémissant)
Et des bras maternels disparut sans retour.
Est-il mort ?
(tendant ses mains vers IÔN)
Il te ressemblerait… il aurait le même âge.
(IÔN l’arrête du geste)
Scène V
IÔN très ému, tout en ne quittant pas KRÉOUSA des yeux s’éloigne d’elle de quelques pas. La Reine le contemple avec une admiration croissante. Quelques suivantes de KRÉOUSA réapparaissent au fond de la scène à gauche et semblent consulter l’horizon. Une fanfare très lointaine se fait entendre.
Un bruit strident d’airain arrive jusqu’à nous ;
IÔN et surtout KRÉOUSAne voient et n’entendent rien du tout de ce qui se passe. — Tous deux sont plongés dans une contemplation infinie.
Chère Reine, voici Xouthos ton noble époux !
Il vient impatient de l’oracle infaillible
Et le Dieu va parler sur le trépied terrible !
Les guerriers de XOUTHOS commencent à entrer en scène. — Les femmes se dirigent vers leur souveraine. Les femmes éplorées entourent KRÉOUSA et semblent la conjurer de reprendre possession d’elle-même avant l’arrivée de son époux. Trompettes entrant en scène et se tenant au fond de la scène annonçant le Roi. En grande hâte, les femmes de KRÉOUSA lui jettent le manteau royal sur les épaules.
Scène VI
XOUTHOS entre en scène avec toute la majesté souveraine, le regard fixé sur le temple d’Apollôn.
Salut, rocher célèbre, antre mystérieux :
Oracle Pythien, cher aux hommes pieux !
(solennel)
Salut ô Loxias ! dans ta haute demeure !
Salut ô Loxias ! dans ta haute demeure
Femme ! voici le jour et l’heure
Où nous retournerons, heureux et triomphants
Ou privés à jamais d’espérance et d’enfants !
Les ministres et les sacrificateurs pythiques qui étaient allés se purifier dans les eaux saintes rentrent en scène, montent les marches et entrent dans le temple de Pythô. Tout le monde s’incline sur leur passage. — IÔN les a précédés et ouvert les portes. — KRÉOUSA ne l’a pas quitté des yeux.
Protège-nous, archer sublime !
Protège-nous, archer sublime !
Et descends sur l’auguste cime,
Et descends
Où la myrrhe et l’encens parfument ton autel !
Dès que le dernier des sacrificateurs est entré, XOUTHOS se rapproche vivement du temple.
Jeune homme, mène-nous à ton Dieu redoutable.
Que Loxias t’exauce, Étranger vénérable,
Je ne puis t’obéir, il ne m’est point permis
D’abandonner le seuil dont le soin m’est commis.
D’autres sont là, veillant auprès des saintes flammes ;
Mais entre seul… le temple est interdit aux femmes.
IÔN quitte les marches, laissant l’entrée libre à XOUTHOS.
Prends ces rameaux de laurier verdoyant,
Reine, et demande au Dieu qu’il nous soit bienveillant !
Il gravit quelques marches puis se retournant
Puissent les destinées
Accorder des enfants à nos vieilles années !
Il monte les derniers degrés, puis s’adressant à ses guerriers qui s’apprêtaient à le suivre :
Pour vous mes compagnons, guerriers de la Hellas
Restez et suppliez Artémis et Pallas !
Il entre dans le temple dont les portes se referment lourdement
Scène VII
Quelques femmes et IÔN brulent des parfums sur un petit trépied que l’on place devant le temple ; les autres suivantes sont derrière la Reine. — Les guerriers occupent tout le fond de la scène.
avec un sentiment profond
Apollôn ! Apollôn !
très doux
ne l’as-tu pas aimée
Cette vierge tremblante entre tes bras divins.
Qui, mère sans enfants, et d’ennuis consumée
Gémit, Gémit en proie aux noirs chagrins ?
Apollôn ! Apollôn !
Ô Lumière ! Ô Prophète !
Sa prière devient tout intime ; la voix de plus en plus douce et caressante comme si son Dieu était à ses côtés et qu’elle lui rappelât le mystère de leur amour. —
Rends-lui ce fils
Rends-lui ce fils conçu dans un rêve enchanté !
Elle termine cette strophe en pleine extase.
Dont tes célestes yeux doraient la blonde tête.
Reflet charmant de ta beauté
Subitement rappelée à la réalité, elle retombe en prostration complète. Elle retombe à genoux.
Ou du moins si la mort, dans la pâle prairie,
A couché cet enfant sur les funèbres fleurs.
Les bras ouverts et tendus vers le temple.
Parle, parle, afin que sa mère, à cette ombre chérie
sans traîner (entrecoupé)
Élève une humble tombe et la baigne de pleurs,
Sur le doux sol de la patrie !
Parle ! Parle !
Silence solennel.
Émotion générale. KRÉOUSA toujours àgenoux et affaissée cherche à entendre l’oracle de la Pythonisse que l’on n’entend que très faiblement et très vaguement malgré le mystérieux silence.
Sors… celui que tes yeux… auront
vu le premier sera ton fils !
Au milieu de l’immobilité générale IÔN, seul, se dirige lentement et solennellement vers le temple ; il gravit peu à peu les marches tout en observant la scène. Arrivé en haut des marches, il pousse des deux mains les portes qui s’ouvrent devant lui. XOUTHOS paraît subitement et se dresse à deux pas devant IÔN.
Ô mon fils, mon cherfils
Scène VIII
KRÉOUSA et ses femmes se relèvent et reculent précipitamment à droite de la scène. IÔN descend rapidement quelques marches.
Loxias a parlé.
IÔN continue à descendre
Viens dans mes bras, enfant si longtemps appelé !
|
IÔN | ||||
Étranger, que dis-tu ? ta parole est peu sage. | |||||
Les Dieux ont-ils troublé tes yeux et ta raison ? | |||||
XOUTHOS | |||||
Que je baise tes mains et ton jeune visage. |
Ce jeune homme est son fils ? Que dit-il ?
à XOUTHOS
Ton fils ?
KRÉOUSA |
IÔN |
XOUTHOS
| ||
Son fils ? | Son fils ? | Mon fils ! | ||
ce jeune homme est son fils ? Que dit-il ?
à IÔN
son fils ?
KRÉOUSA |
IÔN |
XOUTHOS
| ||
Son fils ? | Ton fils ? | Ton fils ? | ||
Qui te l’a révélé ? Parle
Du Dieu qui t’a nourri dans cette auguste enceinte !
Elle m’a répondu : Sors… celui que tes yeux…
Auront vu le premier… sera ton fils.
À combien de douleurs m’avez-vous condamnée
|
KRÉOUSA | ||||
Ô mes larmes pleurez le jour où je suis née ! | |||||
IÔN | |||||
Et ma mère ? sais-tu quelle est ma mère ? | |||||
XOUTHOS | |||||
L’oracle de Pythô ne m’a point dit son nom… |
Es-tu ma mère, ô Reine, ô fille d’Érekhthée ?
plus vivement avec une impatience croissante.
Es-tu mamère, ô Reine, ô fille d’Érekhthée ?
De l’amour d’un fils je suis déshéritée ;
Nous n’avons jamais eu d’enfants. Tu ne m’es rien !
Par Apollôn et Zeus Ouranien,
Voici mon fils l’héritier de ma gloire !
Qui suis-je, ô Loxias, et que me faut-il croire ?
avec solennité
À l’ombre de ces murs sacrés,
Toi qui fleurissais plein de grâce,
Beau jeune homme aux cheveux dorés,
Reconnais ton père et ta race !
|
KRÉOUSA pathétique | ||||
Quels maux égalent ma détresse ! | |||||
Quels malheurs sont pareils aux miens ? | |||||
avec désespoir | |||||
Quels maux égalent ma détresse ! | |||||
IÔN | |||||
Ah ! laisse-moi plutôt jouir obscurément | |||||
Des humbles biens goûtés sans trouble et sans tourments | |||||
XOUTHOS à IÔN avec bonté | |||||
Sache obéir au Dieu que tu révères ! | |||||
Un jour nouveau luit sur ton horizon | |||||
Après les jeux viennent les temps sévères, | |||||
Le fruit mûrit après la floraison | |||||
Sache obéir au dieu que tu révères | |||||
SUIVANTES | |||||
Réprime ton cœur et retiens tes larmes | |||||
Ô chère maîtresse |
Le sceptre au poing, les tempes couronnées,
Tu jugeras les foules inclinées
Ou sur ton char aux lourds moyeux d’airain
Chef courageux de la cité guerrière,
Tu pousseras à travers la carrière,
Ton noir quadrige impatient du frein
Je n’ai jamais versé, fidèle aux saintes règles
Que le sang des corbeaux voraces et des aigles ;
Et l’épée et la lance et les coups furieux
Tu verseras le noble sang des hommes
Et sur ton front croîtra le vert laurier.
Il germe ici plus beau, verdoyant dans l’aurore
Aussi doux qu’une Lyre, il chante au vent sonore
Et la muse divine avec ses belles mains
Ne la pose jamais sur des fronts inhumains
Notre Pallas, toujours
Devant sa lance glorieuse,
Dispersera les barbares tremblants.
Et tu verras passer dans la tempête
Se rapprochant mystérieusement d’IÔN
Gorgô, le monstre immortel ! Gorgô, le monstre immortel !
Gorgô dont la tête a pour cheveux des reptiles sanglants !
Gorgô ! Gorgô !
(rires)
Ah ! ah ! ah !
Ah !
comme s’il avait la vision de toute son existence passée.
la myrrhe et l’encens
Dans une extase pleine d’admiration, KRÉOUSA ne quitte plus IÔN des yeux.
Les roses parfumant les tresses dénouées…
Les songes doux charmeur de mon léger sommeil
Et le chant des oiseaux dans le matin vermeil !
Au destin sacré qui t’entraîne
Enfant, tu résistes en vain,
Ne sens-tu pas le sang divin
De tes aïeux gonfler ta veine ?
Laisse là ton arc innocent,
Prends le sceptre resplendissant.
Mets le glaive hors de la gaine !
Sur ton front que la vie en fleur parfume encor,
Reçois cette couronne au triple cercle d’or.
Il est donc vrai je suis ton fils… moi sans patrie
Et sans nom… Ô mon père !
Mouvement de KRÉOUSA. — Le nom de Père donné à XOUTHOS la rappelle à sa douleur. Iôn s’approche respectueusement de XOUTHOS, et reste incliné devant lui. Le Roi le couronne et le serre dans ses bras. — Les Guerriers les entourent étendant et élevant au dessus d’eux leurs lances et leurs boucliers. Les Prêtres, du haut des marches, bénissent en étendant les mains.
Xouthos avait un fils
avec désespoir
et j’ai perdu le mien !
en s’éloignant
Triomphe, Ô Dieu cruel Il ne me reste rien !
Elle sort lentement à reculons, regardant le temple… ses femmes l’entourent et la suivent. Elle disparaît par le petit chemin à travers les rochers. Les guerriers relèvent leurs lances et leurs boucliers et l’on se livre tout à la joie.
Hâtons-nous, compagnons, fleurs de la sainte Attique,
Couronnés de lauriers et de myrthes joyeux
Portons dans Athènâ la parole Pythique !
Portons dans Athènâ la parole Pythique !
Couronnés de lauriers et de myrthes joyeux.
Toi, reste cher enfant, que me gardaient les dieux,
En ce jour, le meilleur de ma vie éphémère,
Appelle tout ce peuple au festin solennel.
|
GUERRIERS | ||||
Qu’ils viennent tous, la tempe ceinte | |||||
de myrthe et de lys radieux | |||||
Et que la joie éclate aux yeux | |||||
Éâ ! Éâ ! Éâ ! Éâ ! | |||||
PRÊTRES SACRIFICATEURS, (ténors) | |||||
C’est assez, regagnons nos tentes | |||||
Et que nos clameurs éclatantes | |||||
Appellent au festin joyeux | |||||
le peuple de Pythô la sainte | |||||
Éâ ! Éâ ! Éâ ! Éâ ! | |||||
PRÊTRES SACRIFICATEURS, (basses) | |||||
Enfant, suis-nous, bannis l’inquiétude amère | |||||
et salue en partant le fatidique autel | |||||
Éâ ! Éâ ! Éâ ! Éâ ! Éâ ! |
ACTE II
[1ER TABLEAU : Les Jardins sacrés]
Scène I
Le rideau se lève lentement — Bois et rochers à droite et à gauche — Une grande tente fermée occupe tout le fond de la scène — Le jour baisse. — Au lever du rideau, KRÉOUSA abîmée dans une profonde douleur est assisse sur un banc de pierre à droite.
LE VIEILLARD paraît et entre d’un pas assez précipité.
À la vue de la Reine, LE VIEILLARD s’arrête respectueusement au fond de la scène.
Sinistres pensées de KRÉOUSA
Ô vieillard, serviteur de l’antique maison
de mes pères Les Dieux ont troublé ma raison
Et d’un âpre chagrin mon âme est tourmentée !
Viens… approche…
Entends-moi, sage ami d’Érekhthée
je n’ai plus d’espérance et les Dieux ont rendu
Au père clandestin un fils… longtemps perdu,
Certes, dans Athènâ la rumeur est venue
Qu’un beau jeune homme né d’une mère inconnue,
Vieillard, mais non le mien !
Cette joie, ô ma fille, hélas, te fut ravie
De voir ainsi renaître et refleurir ta vie
Nous savons tes douleurs… tu n’as pas eu d’enfant !
Je te le dis, la honte en vain me le défend
Ô cruel souvenir d’une ivresse éphémère
Par le crime d’un Dieu dès longtemps je suis mère !
Ô fille d’Érekhthée Ô Reine, que dis-tu ?
Non ! ton cœur a gardé l’infaillible vertu.
Tais-toi
Mais, où ce fils a-t-il vu la lumière ?
avec autorité
Quel est ce dieu fatal et sourd à ta prière ?
KRÉOUSA comme perdue dans un rêve immobile
Parle et bien que cruel, Ô Reine, pour tous deux
Confie à mon amour ce secret douloureux !
De ses ceintures longtemps closes
L’aube faisait pleuvoir ses roses
Au ciel étincelant et frais
Le vent chantait sur la colline !
Les lys que la rosée incline
Parfumaient d’une odeur divine
L’air léger que je respirais !
J’allais, foulant les herbes douces,
Éveillant l’oiseau dans les mousses
Avec mes rires ingénus !
J’entrelaçais en bandelette
L’hyacinthe et la violette.
Dans l’eau vive qui les reflète,
Je baignais mes pieds blancs et nus.
(solennel)
Et tu vins, Roi des Piérides,
Ceint du fatidique laurier.
Pareil au chasseur meurtrier.
Qui poursuit les biches timides…
Apollôn ravisseur impur
Tu m’emportas dans l’antre obscur
Suspendue à tes mains splendides !
Ô douleur !
Et c’est là dans ce funeste lieu
Que j’enfantai ce fils né de l’amour d’un dieu !
KRÉOUSA toute entière au souvenir de son enfant
Il souriait naissant à peine
Qu’il était beau joyeux !
fièrement
La splendeur paternelle éclatait dans ses yeux !
Et j’oubliais ma honte en baisant son visage !
KRÉOUSA au comble du ravissement ; comme si elle revoyait son enfant KRÉOUSA revenant subitement à la réalité
Mais une nuit… dans la grotte sauvage.
il me fut enlevé Par les bêtes des bois
sans doute,
avec une douleur profonde
Et je l’ai vu pour la dernière fois !
Lentement, elle lève son regard vers le ciel
Le regard de la Reine retombe… Elle semble anéantie ; indifférente à tout ce que dit le vieillard
Par l’immortel et l’homme à la fois outragée,
Reine, rassure-toi car tu seras
s’animant peu à peu.
vengée
vivement, s’animant peu à peu.
L’âge a courbé ma tête et rompu ma vigueur,
Mais la neige des ans n’a point glacé mon cœur !
indigné
Quoi ! je verrais d’une âme lâche et vile
Cet étranger siégeant sceptre en main, dans ta ville,
Insulter à ton fils qui n’a point de tombeau
Et mêler à ta race antique un sang nouveau ?
Comme s’il allait se venger du Dieu
(résolument)
J’irai dans cette tente où le festin s’apprête
Et là, d’une main sûre et dévouant ma tête
Il tire une hache de sa ceinture.
J’abattrai…
La Reine l’arrête du geste.
à mon illustre aïeul, Le sang empoissonné
d’un monstre est contenu dans cet or… Qu’il s’en mêle
une goutte au vin pur dont la coupe étincelle,
Qu’elle effleure sa lèvre et l’éclair dans les cieux
est moins prompt Que la mort qui fermera ses yeux.
Iô Paiân ! Iô Paiân !
Voici l’heure fatale où commence la fête…
Iô Paiân ! Iô Paiân !
Donne.
Iô Paiân ! Iô Paiân !
KRÉOUSA en proie à une violente lutte intérieure court vers le fond de la scène les mains levées.
Le VIEILLARD, immobile, la suit des yeux.
Puis, semblant prendre une résolution subite, elle revient auprès du VIEILLARD. Elle détache lentement l’anneau de son bras.
Elle lève les yeux sur le VIEILLARD et d’un mouvement rapide, elle lui remet le poison.
Sa main reste tendue, les yeux fixés sur le VIEILLARD jusqu’à sa complète disparition.
Ta volonté, ma fille, sera faite…
Le VIEILLARD se retire à pas lents, toujours regardant la Reine.
Scène II
De légers et sombres nuages emplissent peu à peu la scène.
Il va tomber touché dans son fragile orgueil.
Aussi bien sa fortune insultait à mon deuil
(vivement)
Par les Dieux ! la vengeance est certes légitime
Toute entière au souvenir et à l’amour de son enfant
Ô mon enfant, reçois cette jeune victime
Digne de toi, sans doute, Innocente qu’elle est !
(solennel)
Et qu’un Dieu me foudroie ensuite s’il lui plaît !
La Reine se livre tout entière à la joie de la vengeance.
La scène s’obscurcit continuellement jusqu’à la fin.
Pourtant… ce meurtre est lâche et mon cœur en murmure
(avec effroi)
Il mettra sur mon nom une longue souillure !
Cet éphèbe si beau dans sa jeunesse en fleur
A-t-il causé ma honte et voulu ma douleur ?
Et dès que je l’ai vu sur les marches sacrées
Du temple couronné de ses boucles dorées
L’arc en main souriant dans la lumière et tel
Que m’apparut jadis l’éclatant Immortel
Que m’apparut jadis l’éclatant Immortel
Un invincible attrait ne m’a-t-il point charmée ?
Mon fils ! j’ai cru revoir ta tête bien aimée !
L’émotion de la Reine est arrivée à son comble : la
scène est toute assombrie.
Ah ! que n’est-il ce fils doux et cher à mes yeux.
Iô Paiân !
Qu’ai-je fait ?
(avec effroi)
Le sang prodigieux
de Gorgô Va glacer sa jeune âme trahie
Elle cherche le vieillard
Vieillard ! Vieillard !
(cri désespéré)
Ah ! trop vite obéie !
Enfant ! crains de toucher à l’horrible liqueur.
Courons ! Courons !
Des nuées très épaisses envahissent la scène.
Mes yeux s’obscurcissent ! mon cœur s’éteint
Elle cherche à se frayer un chemin à travers l’obscurité qui l’aveugle
Cher Apollôn
(avec défi)
Je ne veux plus qu’il meure !
Scène III
Un éclair fend les nuages et Apollôn apparaît dans toute sa splendeur ; les nuages sont devenus subitement éclatants comme une mer de feu. KRÉOUSA ravie, émerveillée, se relève lentement. Les femmes de KRÉOUSA entrent en scène.
Maîtresse, déjà l’ombre est plus haute Elle effleure
les sommets qu’un dernier rayon d’or éblouit :
Les astres vont briller dans la divine nuit
Et des souffles glacés tombent du lourd feuillage.
Viens
KRÉOUSA immobile… en extase.
Viens !
Apollôn !
Où s’égarent tes yeux ?
Vers qui tends-tu les bras ?
C’est ta céleste image
Elle tombe pâmée entre les bras de ses femmes consternées.
KRÉOUSA reste comme inanimée, étendue à terre. Ses femmes éplorées l’entourent.
Les femmes relèvent KRÉOUSA.
Les femmes emportent la Reine évanouie. Le Dieu vainqueur, toujours resplendissant, reste seul en scène, immobile comme une statue. Il tourne lentement sur lui-même, s’élevant au-dessus du sol. Il disparaît peu à peu à gauche de la scène entraînant avec lui les nuages.
Ceux-ci peu à peu s’éclaircissent et s’entrouvrent laissant apercevoir l’intérieur de la tente où se donne le festin.
Les nuages se dissipent de plus en plus. L’on entend les chants dans la tente.
Iô Païân ! Iô Païân !
[2E TABLEAU : Le Festin]
Le festin finit par apparaître dans toute sa splendeur.
À droite et à gauche de vastes tables chargées de mets, de kratères et de coupes d’or et d’argent. — On chante l’hymne à Apollôn « Iô Paiân » tout le monde est incliné respectueusement. — Attitudes religieuses.
Iô Païân ! Iô Païân !
Iô Iô Paiân ! Iô Paiân !
Iô ! Paiân !
SCÈNE DANSÉE ET MIMÉE.
Trois danseuses représentent à IÔN son prochain départ.
Trois nouvelles danseuses se joignent aux premières et miment à IÔN les regrets que leur inspire son départ — les premières continuent leur pas animé.
Un 3e groupe personnifiant la Gloire vient saluer majestueusement IÔN, les deux groupes continuent leurs pas respectifs
Les deux premiers groupes seuls.
Nouvelle entrée du 3e groupe la Gloire.
Peu à peu les trois groupes se retirent.Iô Paiân ! Iô Paiân ! Iô ! Iô ! Iô !
Iô Paiân ! Iô Paián ! Iô Pain !
Elles s’appellent ; d’autres arrivent ; nouveaux appels.
Elles courent de tous côtés sur la scène.La fleur de l’aubépine aux fronts,
Cher jeune homme, nous accourrons
Du sommet des monts solitaires,
Des bois pleins de mystères,
Où bondissent nos pieds errants !
Du bord des lacs et des torrents
Ou boivent les grands cerfs nocturnes
Qui brament Aux cieux taciturnes !
D’autres nymphes oréades dansantes entrent en scène en courant et agitant des tambourins. Elles appellent les premières qui semblent préoccupées de la mélancolie d’IÔN.
Les premières se retournent expliquant par des signes au second groupe qu’elles ne comprennent rien à la tristesse du jeune homme.D’où viennent ce silence et ce front soucieux ?
Pourquoi cette ombre, Iôn, qui passe dans tes yeux ?
Regrettes-tu ce temple où fleurit ta jeunesse
Songe à ton père, au trône, au peuple qui s’empresse.
Les assistants et les nymphes le regardent et cherchent à deviner la cause de sa mélancolie.
Hélas ! le noir essaim des soucis mécontents
Vole, dit-on, autour des trônes éclatants ;
et l’imprécation de l’opprimé qui pleure
Épouvante les rois dans leur riche demeure !
Trois nymphes oréades s’approchent d’IÔN et lui chantent leurs adieux. — les autres nymphes dansantes miment la séparation par des attitudes éplorées.
Ô bel archer tes légers traits
Sous le feuillage des forêts
Qui frémit et que le matin dore
ne suivront plus dans l’air sonore.
le vol des sauvages ramiers
Et jamais plus par les halliers
que parfume l’odeur des sèves,
vers midi pour charmer tes rêves,
joyeuses nous ne danserons
la fleur de l’aubépine aux fronts.
Elles s’écartent doucement et de la main lui disent des adieux désolés. Une grande partie des nymphes dansantes sortent à reculons envoyant des adieux de la main.
Lève ton front pensif et parle,
Ô cher jeune homme, ce Dieu t’aime
il convient que ta bouche le nomme !
IÔN reste impassible, la tête appuyée sur la main. Trois nymphes dansantes s’approchent doucement de lui Elles dansent légèrement, cherchant à attirer son attention. Elles sentent que leurs efforts sont vains et s’interrogent entre elles.
Elles appellent d’autres nymphes dansantes à leurs secours. Elles s’approchent d’un pas léger. Elles semblent demander au jeune homme les causes de sa tristesse.
Elles boudent, voyant l’inutilité de leurs efforts.
Subitement IÔN lève la tête. IÔN semble être en proie à une sombre vision. Le vieillard entre par un des côtés de la scène. (étonnement des nymphes)
IÔN semble de plus en plus poursuivi par sa visionÉtonnement des assistants.
Tout mon cœur est rempli d’un noir pressentiment.
Je ne sais, mais
violemment
quelqu’un me hait assurément
Les nymphes rentrent en scène joyeusement. Celles qui ont essayé de distraire IÔN vont à leur rencontre. Elles leur disent que leur danse était vaine. Mélancolie des nymphes. Les nouvelles arrivées, enguirlandées de lierre, dansent à leur tour. Étonnement des nymphes voyant IÔN insensible. Elles s’approchent d’IÔN. Elles semblent dire : « Pourquoi ce silence obstiné ? »
Découragées, elles s’apprêtent néanmoins à danser de nouveau Elles dansent mélancoliquement
Nourri par Loxias dans la maison divine
où toi même ignorais ta royale origine
Il sied qu’entrelaçant ce lierre à tes cheveux
Tu mêles à nos voix sa louange et tes vœux !
Daimôn qui protégeas ma vie et mon enfance,
Pardonne ô Loxias ! ce trouble qui t’offense !
Au fond de la scène l’orgie éclate et, peu à peu, devient générale.
Mêlons pour Zeus et Phoibos
Le miel attique, au vin parfumé de Byblos
Et versons, versons à pleins bords leur écume empourprée,
Et versons, versons à pleins bordsÉâ ! Leur écume empourprée,
Phoïbos
Mêlons le miel attique au vin parfumé de Byblos !
Et versons à pleins bords leur écume empourprée
Et versons, versons à pleins bords, Éâ ! leur écume empourprée,
Éâ ! mêlons, amis ! mêlons Pour Zeus, Pallas et Phoïbos
Ô cher prince, Voici la coupe préparée ;
reçois-la
(se rapprochant encore)
de ma main, au nom de tes aïeux.
(de plus en plus humble et servile)
Ma chevelure est blanche, enfant, je suis très vieux,
Et je mourrai content si tu daignes permettre
que je serve le fils du Roi Xouthos… mon maître !
Donne, Il m’est doux, vieillard, d’honorer tes longs jours,
Que Pallas, bienveillante, en prolonge le cours !
(il prend la coupe des mains du Vieillard) (il se lève)
(avec une ferveur croissante il adresse au Dieu ses supplications)
Apaise de mon cœur l’inquiétude amère,
Pendant ce temps l’orgie s’est calmée ; les convives suivent avec intérêt les moindres mouvements d’IÔN. — L’anxiété du Vieillard est à son comble.
Ne m’abandonnepas, ô céleste Immortel !
(avec une exaltation de plus en plus grande)
Cher Apollôn, saint temple et fatidique autel,
avec une douceur infinie
Soyez-moi bienveillant
avec une douceur infinie
et rendez-moi ma mère !
Un premier rayon de jour naissant, du fond de la scène, tombe sur IÔN. Le jour s’accentue.
Iô ! Paiân !
Le jour s’accentue.
Iô ! Paiân !
l’imite. IÔN reste en méditation.
Ô temple, mon berceau, clair feuillage des bois.
Recevez une part de la coupe où je bois.
Il verse à terre le contenu de son verre et reste en prière. Les convives font de même.
Subitement, dans le rayon lumineux du fond de la scène, apparaît lentement un vol de colombes blanches.
Voyant la liqueur répandue, elles viennent boire.
Doux oiseaux ! colombes fidèles,
Qui veniez, au matin,
Les colombes se promènent sur la scène, buvant à droite et à gauche.
effleurer mon front endormi,
Adieu ! n’espérez pas qu’un temps si cher renaisse,
Ô compagnes de ma jeunesse,
Vous ne verrezplus votre ami !
Une seule colombe a bu la liqueur empoisonnée. Celle-ci empoisonnée traîne l’aile — les autres s’envolent et disparaissent. IÔN et les convives se lèvent subitement.
Dieux ! voyez celle-ci l’aile ouverte… Qu’a-t-elle ?
Regardez…
(épouvantés)
Elle a bu cette liqueur mortelle
Et ne respire plus
Ô terreur ! Trahison !
Trahison détestable ! La coupe est pleine de poison !
comme s’il était encore en rêve.
Qui de vous a voulu me vouer à la tombe ?
Qui me versa ce vin dont meurt cette colombe ?
N’est-ce point toi, Vieillard,
Vieillard, n’est-ce point toi ?
malheureux, réponds !
Oui, oui, nous l’avons tous vu, saisissez-le, c’est lui !
Les nymphes s’enfuient précipitamment. On s’empare du vieillard. Grand tumulte.
Éâ ! Éâ ! Éâ !
Un Dieu t’a préservé de la mort !
Soit… je livre au fer
le peu de jours qui me restait à vivre…
Vieillard, dis-moi, que t’ai-je fait ? que t’ai-je fait ?
s’animant davantage, voyant ses pressentiments réalisés.
Mais quelqu’autre, sans doute a pour ce vil forfait
Armé tes vieilles mains lâchement homicides
Le peuple accourt pour protéger le fils de XOUTHOS. Toute la scène se remplit.
Non ! j’ai voulu venger les vaillants Éreckhtides
sur le fils de Xouthos le tyran !
(comme s’il défiait Apollôn)
Nul n’a su
ma haine et mon dessein. Moi seul ai tout conçu !
À mort ! à mort ! à mort !
On se jette sur le vieillard.
Et qu’on l’entraîne !
Tout à coup, au bras du vieillard on découvre l’anneau fatal.
Le sang de Gorgô ! Dieux ! l’anneau de la Reine !
Consternation et terreur de la foule
Dieux ! Le sang de Gorgô ! Dieux ! l’anneau de la Reine !
Laissez là ce vieillard, il n’a fait qu’obéir.
C’est Kréousa, ce n’est pas lui qu’il faut punir !
vivement
La fille d’Éreckhthée !
Kréousa !
À toi cette victime
Hélas ! mes mains d’enfant puniraient un tel crime…
Oui ! l’Erynnis qui suit les meurtriers sanglants
Se rit des sceptres d’or et des fronts insolents
À mort ! À mort !
Et les précipitant de leur orgueil superbe
Elle les foule aux pieds comme la fange et l’herbe
Prends ce glaive… les Dieux au pouvoir surhumain
Ordonnent que son sang soit versé de ta main !
Tout le peuple engageant IÔN à s’emparer du glaive. IÔN au comble de l’émotion et tout hésitant n’ose saisir l’épée…
À mort ! À mort ! À mort ! À mort ! À mort ! À mort !
À mort ! À mort ! À mort !
au moment où IÔN va s’emparer du glaive, l’on entend au loin les nymphes
Et jamais plus par les halliers
Que parfume l’odeur des sèves
Vers midi, pour charmer tes rêves,
Joyeuses, nous ne danserons,
La fleur de l’aubépine aux fronts.
À mort ! À mort ! À mort ! À mort !
IÔN saisit le glaive et, suivi de la foule, se précipite vers le fond de la scène.
ACTE III
Scène I.
Une petite tente faite avec des peaux de bêtes. KRÉOUSA sommeille sur un lit de repos ; auprès d’elle, ses femmes éplorées. Quelques-unes regardent anxieusement par les ouvertures de la tente.
Je dors… sans doute… et rêve…
Femmes, sont-ils ouverts à la clarté des cieux ?
Touchez mes belles mains… parlez… Si je sommeille,
Vos chères voix seront douces à mon oreille.
Éveillez-moi ! l’horreur du songe où je gémis
Fuira, si je repose entre vos bras amis.
Éveillez-moi ! l’horreur du songe où je gémis
Dernière fleur des Érekthides
Ô Reine, enfant des rois anciens,
Que n’ai-je les ailes rapides
Des grands aigles ouraniens !
Je t’emporterais par les nues
Jusques aux rives inconnues
Où l’homme Où l’homme et les Dieux sont meilleurs ;
Où le temps qui charme nos peines
Te verserait à coupes pleines
le doux oubli de tes douleurs
Mais non ! Non ! ce n’est point un vain songe ; ma honte
Est certaine ; le flot inévitable monte ;
Rien ne peut m’arracher à cet embrassement
Mortel !
À mort ! à mort ! à mort ! à mort !
À mort ! à mort ! à mort ! à mort !
Ô Reine…
Ô Daimôn inclément !
Qui me vois malheureuse à tes pieds abattue.
Toi qui m’aimas jadis, c’est ta main qui me tue !
Loxias Apollôn ! Dieu cruel, dieu du jour,
J’ai vécu de ta haine et meurs de ton amour !
Reine, il n’est plus pour toi qu’un refuge suprême,
Cours vers l’inviolable autel,
Que ce Dieu qui te hait te défende lui-même
Et te sauve du coup mortel !
Salut, ô beau ciel, ô lumière,
Ô collines de la Hellas !
Et toi qu’abrita la première
Le bouclier d’or de Pallas,
Qui resplendis parmi les hommes
Du nom sacré dont tu te nommes,
Athènâ Athènâ salut ! Je t’aimais,
Berceau des aïeux, ville sainte !
Que les vents te portent ma plainte,
Je t’ai quittée et pour jamais
Ne désespère point. Hausse la tête et l’âme,
Souviens-toi du sang des aïeux.
À mort ! À mort ! À mort !
Et s’il te faut mourir,
meurs noblement, ô femme,
Elles saisissent la Reine et l’entraînent malgré elle.
En face de l’homme et des dieux !
Décor mouvant — Dès que la Reine et les femmes sont sorties, la tente glisse à gauche —
À mort ! À mort ! À mort ! À mort !
À mort ! À mort ! À mort ! À mort !
Le temple d’Apollôn apparaît dans toute sa majesté. Le décor mouvant s’arrête
[2e TABLEAU : L’intérieur du temple de Pythô]
Le sanctuaire de Loxias. — À gauche, la porte d’entrée. — À droite quelques marches, puis une superbe statue d’or d’Apollôn. — Au gauche, un peu plus au fond, le trépied sacré.
Les femmes de KRÉOUSA, épuisées de fatigue, sont, les unes à genoux, les autres étendues par terre.
KRÉOUSA entre lentement, majestueusement, comme hypnotisée par la statue du Dieu.
Entoure de tes bras l’image tutélaire
D’Apollôn le divin archer,
Sans outrager sa gloire
Les bras suppliants elle s’avance.
et braver sa colère.
Nul ne pourra t’en arracher
Elle gravit les marches, et entoure de ses bras l’image d’Apollôn.
Scène II
Femmes retirez-vous du sanctuaire.
Les portes s’ouvrent avec fracas. Entrent les Sacrificateurs et IÔN, le glaive en main.
(solennelle)
La sainteté du temple environne ma tête
Loxias me défend contre toi, meurtrier,
Et l’autel que j’embrasse est mon sûr bouclier,
vivement
N’approche pas, va… crains ton Dieu !
Obéis à ce Dieu qui la condamne !
C’est toi, toi dont l’audace invoque ici son nom,
En méditant ma mort, qui l’as offensé !
Tu n’étais plus à lui,
(avec ironie)
mais à Xouthos ton père.
Loxias m’a nourri dans sa maison prospère,
Je suis son fils aussi…
Te saisir du pays, du sceptre et du palais
Des aïeux, au mépris de leur race, en outrage
À leur sang.
Tous ces biens sont mon juste héritage.
Xouthos les a sauvés et conquis.
(pompeux)
Il est Roi
D’Athènâ par l’épée et Pallas.
C’est trop tarder ! C’est trop tarder !
Il faut que son crime s’expie. Quitte l’autel…
Viens donc m’en arracher, impie !
Trouble la majesté terrible de ce lieu ;
Ose souiller de sang l’image de ton dieu !
avec solennité
Je ne quitterai point le sacré sanctuaire
avec ferveur et amour
J’embrasse tes genoux, ô Loxias !
Elle reste prosternée au pied de la statue
Je n’ose l’approcher, puisqu’un dieu la défend.
Les suppliants sont chers aux daimones.
Les Juges de Pythô t’ont commis cette épée ;
Cette femme est coupable et doit être frappée.
Crains, si tu n’obéis, d’irriter l’Immortel !
Arrachons-la plutôt vivante de l’autel ;
Traînons-la hors du temple !
Allons !
Dieux !
Scène III
KRÉOUSA s’évanouit. Au moment où IÔN et les Sacrificateurs vont porter la main sur KRÉOUSA, la grotte de la PYTHONISSE s’éclaire subitement. KRÉOUSA (cri) La PYTHONISSE s’avance lentement et majestueusement… elle s’arrête ; elle avance de nouveau
Enfant ! laisse l’épée ; exauce sa prière
Ne souille point le temple et l’autel respecté !
Vous, sacrificateurs, obéissez, sortez.
Les Sacrificateurs saisis d’une sainte terreur sortent à reculons.
La PYTHONISSE contemple KRÉOUSA.
Sur un signe de la PYTHONISSE les femmes se retirent.
Scène IV
Quitte Pythô, mon fils, innocent, les mains pures
De toute violence et sous d’heureux augures…
Pardonne oublie, et pars vers l’illustre Athènâ…
Reçois cette corbeille où l’on t’abandonna
Les yeux à peine ouverts au jour qui nous éclaire,
où, sur le seuil sacré du temple tutélaire,
Je te trouvai, pleurant dans ton humide berceau,
Faible, charmant et nu comme un petit oiseau !
Ô prophétesse !
Alors, te voyant sans défense,
Pour plaire à Loxias, j’élevai ton enfance.
Tu vécus, tu grandis aupres de ses autels…
sombre, mystérieux
Mais sa pensée auguste est cachée aux mortels
Je me tais.
Et cherche avec amour celle qui fut ta mère.
La lumière décroît de plus en plus. La PYTHONISSE disparaît peu à peu.
Divinatrice, en qui parle l’esprit d’un dieu,
Je te salue et te révère.
Adieu !
Elle disparaît. — La grotte se referme.
Scène V
[Grande scène de la reconnaissance]
Humble corbeille où j’ai connu la vie amère,
Où j’ai versé mes premiers pleurs,
Ouvrage de ses mains, témoin de ses douleurs,
Ah ! le sais-tu le doux nom de ma mère ?
Récit
Je n’ose dénouer tes fragiles liens…
ce nom, tu l’as gardé peut être ?
Je brûle de l’entendre… et tremble de connaître
ce cher secret que tu contiens.
Vous, que j’avais filés de mes mains, Ô doux langes
Du bien aimé que j’ai conçu,
Gorgô, de son image, ornait votre tissu,
Et ses cheveux formaient vos franges.
Que dit-elle, grands Dieux ?
autour de ton cou rose et frêle,
Luire, collier splendide et parure immortelle,
Deux serpents aux écailles d’or.
Les voici… ce sont eux ! Ô surprise ! Ô pensées !
Puis avec un baiser Je posai doucement
L’olivier de Pallas aux feuilles enlacées
(avec une exaltation croissante)
Ô mon fils, Ô mon fils, Ô mon fils sur ton front charmant.
Dieux ! tout mon cœur frémit d’espérance et de joie…
Ma mère !
À ce cri, elle se lève effarée, et se sauve vers le devant de la scène, se croyant poursuivie, comme jadis, par Apollôn. Elle s’arrête tout à coup devant les langes.
Mon enfant ! Oh! viens que je te voies,
KRÉOUSA et IÔN tombent dans les bras l’un de l’autre et se tiennent étroitement enlacés.
Que je te serre enfin contre mon cœur charmé !
Et je voulais ta mort, ô mon fils bien aimé !
Ô ma mère ! est-ce toi que je presse
Dans mes bras ? parle… dis.
Oui ! par mes pleurs d’ivresse,
Par les dieux, par l’Aither vaste et resplendissant
Après tant de longs jours j’ai retrouvé mon sang !
Tu vois ta mère… C’est ta mère qui t’embrasse !
Elle se jette de nouveau dans ses bras.
Gloire à toi, cher Dieu je te rends grâce
Ô Protecteur sacré de l’enfant orphelin !
Je ne vieillirai point dans un morne déclin,
Stérile et gémissant sous le toit solitaire ;
(fièrement et joyeuse)
La race a refleuri des enfants de la terre…
(avec une joie et une exaltation croissante)
Éclatez, ô transports de mon cœur triomphant
Apollôn ! Apollôn m’a rendu mon enfant !
Elle contemple IÔN avec admiration.
Ma mère !
(avec une tendresse infinie)
Mon enfant !
(presque parlé)
Ô ma douce lumière !
Charme et vivant reflet de mon aube première
Qui resplendis dans l’ombre où je me consumais…
Rien… Rien… Rien ne pourra plus nous séparer jamais !
Pendant que Iôn et Kréousa sont perdus dans leur mutuelle extase, des bruits viennent du dehors.
Éâ ! Éâ !
Éâ ! Éâ !
Le roi Xouthos revient ! Ah ! nous sommes perdues !
Malheur à nous, hélas !
Glorifiez les Dieux ! Glorifiez les Dieux !
avec joie
Après les sombres temps voici les temps joyeux :
J’ai retrouvé mon fils !
Que dis-tu, chère Reine ?
Que mon époux le sache et qu’Athènā l’apprenne :
avec bonheur et tendresse
Ce jeune homme est mon fils pleuré longtemps en vain
Et le seul héritier de son aïeul divin !
Lui ?
Par qui tu devais mourir, ô destinée !
Nos yeux étaient couverts d’une épaisse nuée,
Un Dieu l’a dissipée… Allez… femmes, courez…
Que Pythô retentisse au loin de chants sacrés…
Allez !
Les femmes sortent précipitamment. KRÉOUSA exultante, redescend la scène.
Quelle félicité, Père, sera la tienne !
Xouthos n’est rien pour toi ! Tu n’es pas né de lui !
Que dis-tu ?
Pour l’union fatale… à qui tu dois la vie.
(avec une tendresse infinie)
Toi, dont l’âme naissante, hélas, me fut ravie !
Sache enfin ce secret terrible et… glorieux…
(avec la plus grande solennité)
C’est un plus noble sang, oui ! c’est le sang des Dieux
Qui coule dans ta veine, ô mon enfant que j’aime
Et ton père immortel est Apollôn lui-même !
(Une vapeur légère sort du trépied sacré)
[APOTHÉOSE (LA VILLE D’ATHÈNÂ) VOIX PROPHÉTIQUES.]
De légers nuages descendent. De tous côtés dans l’espace des voix mystérieuses se font entendre.
Apollonide Iôn ! Apollonide Iôn ! Apollonide Iôn !
KRÉOUSA entoure lentement IÔN de ses bras. — Tous deux semblent écouter avec admiration.
parlé
Vois, mère, le trépied fatidique se dore
D’un étrange rayonnement !
Apollonide Iôn ! Apollonide Iôn !
Comme une vaste fleur où s’épanche l’aurore
Le temple frémit doucement
Apollonide Iôn !
L’ambroisienne odeur des lys et de la myrrhe
Monte d’un invisible feu.
Apollonide Iôn !
D’où vient cet air subtil et frais que je respire
(peu à peu les nuages ont envahi tout le fond de la scène)
Va-t-il nous apparaître un Dieu.
Apollonide Iôn !
Les Muses apparaissent dans une nuée éclatante. Ravissement d’IÔN à la vue des Muses.
Qu’êtes-vous, ô formes sublimes ?
Spectres ou déesses, Parlez !
Montez-vous des sombres abîmes ?
Venez-vous des cieux étoilés ?
Le feu divin de vos prunelles
Pénètre mon cœur transporté ;
Que vous êtes grandes et belles
Salut, pleines de majesté.
|
IÔN | ||||
Vois, mère, ô prodige, le mur | |||||
Du temple disparaît… dans l’aurore et l’azur, | |||||
Emplissant l’horizon de sa splendeur soudaine | |||||
Monte aux cieux élargis la cité surhumaine ; | |||||
Et la grande Pallas, le front ceint d’un éclair | |||||
Dresse sa lance d’or sur les monts et la mer ! | |||||
Les MUSES | |||||
Enfant, tu vois la fleur magnifique des âges | |||||
Qui s’épanouira sur le monde enchanté, | |||||
La ville des héros, des chanteurs et des sages, | |||||
Le temple éblouissant de la sainte beauté. | |||||
Tu donneras ton nom à des races nouvelles, | |||||
Et dans un chant divin qui ne doit plus finir |
Peu à peu le fond de la scène s’est ouvert et la grande Athènâ, telle qu’elle sera plus tard à l’époque de sa splendeur, apparaît avec les merveilleux monuments de l’antiquité, temples, statue géante de Pallas, port, trirèmes, etc.
L’Athènâ future apparaît en pleine lumière. IÔN en extase écoute les Voix prophétiques.
Apollonide Iôn ! Apollonide Iôn !
IÔN se retourne et voit la lumineuse apparition.
Diront ta jeune gloire aux siècles à venir
Il s’avance un peu vers le fond de la scène.
Salut rayon tombé de la lumière antique ;
Il revient vers KRÉOUSA.
Aïeul des rois futurs, éphèbe aimé des Dieux !
KRÉOUSA prend son fils par la main et le conduit lentement vers la statue d’Apollôn
Poursuis, enfant sacré, tes destins glorieux
Et délaissant ton nid, loin du rocher pythique,
Jeune aigle envole-toi vers de plus larges cieux !