Chansons de Nicolas Brazier
(p. 39-41).


L’ANTI-SUICIDE


Chanson de circonstance.


1834.


Air : Ma tante Urlurette


Quand je vois des exaltés,
Se tuer de tous côtés,
Je chante au lieu de les suivre
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.

Tant qu’on est homme de bien,
Qu’on ne se reproche rien,
À l’espérance on se livre,
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.
 
Ici-bas Dieu nous a mis
Pour lui demeurer soumis.

Jusqu’à ce qu’il nous délivre.
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.

Quand toute la vie, hélas !…
Nous n’aurions qu’un cervelas,
Un pain d’une demi-livre,
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.

Vivre est le bien sans pareil,
Car, pour voir s’il fait soleil,
Ou bien s’il tombe du givre,
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.

Tant qu’on y voit assez clair
Pour voir petit nez en l’air,
Doux corset qui nous enivre,
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.


Quand on sonne les convois,
Que dit le chantre grivois ?
Que dit le bedeau mort-ivre ?
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.

En attendant qu’à l’instar
D’Alexandre ou de César,
On nous moule en plâtre, en cuivre,
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.

Dût la fièvre nous miner,
La toux nous exterminer,
Dût la goutte nous poursuivre,
Il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.

Enfin pour rire et chanter,
Et même pour exister,
J’ai lu dans un savant livre
Qu’il faut vivre,
Il faut vivre,
Vivre et toujours vivre.