L’Année républicaine/Pluviôse

Alphonse Lemerre, éditeur (p. 49-50).
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PLUVIÔSE.


Le nuage s’éventre ainsi qu’un fruit trop mûr,
Mille ruisseaux boueux se traînent dans les rues,
Et la fange, coulant du toit, souille le mur.

Le sol est bossué de puantes verrues,
L’air vicié s’emplit d’exhalaisons d’égouts,
Ce fétide soupir des choses disparues.

Maintenant, carnaval d’horreurs & de dégoûts,
Fièvres & lâchetés vont à travers la ville
Des hôpitaux malsains aux cloaques jaloux.

Car Pluviôse règne & le dégel servile
À transformé pour lui le monde détrempé
En bouge, en ambulance, en prison basse & vile.

L’ennui nouveau, le vieux souci, l’espoir trompé,
Le sentiment de sa puissance méconnue,
Tout retombe sur l’homme incessamment frappé,

Qui sent avec terreur que sa foi diminue.