L’Anaphylaxie/Chapitre XVII

Félix Alcan (p. 233-256).

XVII

THÉORIE ET CONCLUSIONS.

Le fait fondamental de l’anaphylaxie c’est que, par une substance albuminoïde hétérogène, les cellules de l’organisme ont été modifiées de telle sorte qu’elles vont réagir alors avec plus d’intensité à l’injection de cet hétérogène.

Pour que cette modification de la cellule ait lieu, il faut et il suffit qu’un certain temps d’incubation s’écoule entre le moment où l’hétérogène (antigène) a pénétré, et le moment où la cellule est devenue plus sensible, c’est-à-dire anaphylactisée.

Une fois que la cellule a été anaphylactisée, elle a pour très longtemps (un an, deux ans, peut-être plus encore) acquis cette propriété. Le temps varie d’ailleurs et avec l’organisme récepteur et avec l’antigène injecté.

L’explication la plus simple de cette sensibilité plus grande est celle que j’ai donnée, en 1907, lorsque j’ai démontré le phénomène de l’anaphylaxie passive : c’est qu’il s’est produit, dans les tissus de l’animal injecté, une substance non toxique par elle-même, mais pouvant par combinaison avec l’antigène donner une substance toxique.

L’anaphylaxie passive a été confirmée par d’innombrables expériences, et c’est maintenant un des points les plus solidement établis de l’histoire de l’anaphylaxie.

Pour comprendre l’anaphylaxie passive, c’est-à-dire la transmission de l’état anaphylactique à un animal normal par l’injection du sérum d’un animal anaphylactisé, il faut admettre qu’il y a dans ce sérum une substance chimique, inoffensive par elle-même, mais pouvant devenir offensive.

Nous appellerons toxogénine cette substance spéciale qui est dans le sérum des animaux anaphylactisés. Le mot de toxogénine, par son étymologie même, signifie que cette substance n’est pas toxique par elle-même, mais qu’elle peut engendrer dans certaines conditions une toxine.

De même l’amygdaline, injectée dans le sang, n’est pas toxique ; mais sous l’influence d’un ferment (l’émulsine) elle dégage de l’acide cyanhydrique et devient toxique. L’amygdaline est une toxogénine.

D’autres noms ont été donnés par divers auteurs à cette substance (sensibilisine, anaphylactine, anaphylactogène, etc.). Mais pour ne pas introduire une synonymie multiple, riche en confusions et en erreurs, nous proposerons de l’appeler désormais toxogénine ; car c’est le nom qui a été donné tout d’abord, et qui me paraît plus clair que tout autre.

Un autre fait que j’avais pressenti en 1907 et que j’ai démontré en 1909, établit les conditions d’action de cette toxogénine ; c’est que le mélange de l’antigène avec le sérum qui contient de la toxogénine, est immédiatement toxique. On peut donc réaliser ce que j’ai appelé l’anaphylaxie in vitro, c’est-à-dire obtenir un liquide immédiatement toxique, absolument comme le mélange in vitro d’amygdaline et d’émulsine est immédiatement toxique.

Cette expérience, fondamentale pour la théorie de l’anaphylaxie, a été répétée par Friedemann, par Friedberger, par Biedl et Kraus, par Briot. Elle est devenue classique.

Puisque la combinaison de la toxogénine avec l’antigène provoque une substance toxique, il faut dénommer cette nouvelle substance toxique. J’ai proposé le mot d’apotoxine (dérivé de la toxine). Friedberger a proposé depuis le mot d’anaphylotoxine.

En tout cas, ceci est évident : que les phénomènes d’anaphylaxie sont des phénomènes d’intoxication. Le poison est une substance spéciale, dont nous connaissons les modes de production ; c’est-à-dire qu’il se forme par la combinaison de la toxogénine avec l’antigène (ou toxine) ; on a la réaction chimique :

Toxogénine + Antigène (toxine) = Apotoxine.

Friedberger a pu réaliser une très importante expérience. Partant de ce fait, pressenti par Marfan (1905), que le poison de l’anaphylaxie est une précipitine, il a obtenu, par réaction entre l’antigène et le sérum (riche en toxogénine), un précipité qu’il a recueilli. Ce précipité est toxique ; et il provoque les phénomènes anaphylactiques. En outre ce précipité, traité par du sérum normal, se combine avec le complément de ce sérum, et la toxicité augmente encore.

Ainsi se trouve expliquée, dans ses grandes lignes, l’anaphylaxie.

1o  Formation, dans le sang ou les cellules, d’une toxogénine, après un temps d’incubation de dix à quarante jours ; et persistance de cette toxogénine pendant très longtemps.

2o  Réaction de la toxogénine avec l’antigène pour former une apotoxine (ou précipitine) qui est toxique, et dont la toxicité augmente par combinaison avec l’alexine du sang.

Tels sont les points essentiels : d’autres faits très importants aussi sont à noter.

C’est d’abord que la quantité d’antigène injecté peut être extraordinairement faible (Rosenau et Anderson). Même avec 0,000001 g de sérum il y a encore production d’un état anaphylactique. Wells a même trouvé qu’une quantité de 0,00000005 g était efficace chez un cobaye, soit la millième partie d’un demi-milligramme. Cette petite quantité de substance, d’ailleurs oxydable, et se détruisant rapidement dans l’organisme, ne peut guère donner la toxogénine directement ; mais elle agit en stimulant les cellules de l’organisme à produire cette toxogénine.

Par quel mécanisme ? Nous l’ignorons, aussi bien que nous ignorons totalement comment un antigène provoque l’organisme à fournir l’antitoxine correspondante. Nous sommes forcés d’attribuer à la cellule vivante un chimisme extraordinairement délicat et compliqué, qui consiste à fournir, par réaction avec l’antigène, d’une part, une antitoxine appropriée et spéciale, d’autre part une toxogénine appropriée et spéciale : car la formation des antitoxines et des toxogénines suit une voie parallèle ; et on peut facilement démontrer que le sang des animaux ayant reçu un antigène contient à la fois une toxogénine spéciale et une antitoxine spéciale.

La spécificité des réactions antitoxiques comme des réactions anaphylactiques est très près d’être absolue, encore qu’à forte dose les injections déchaînantes hétérogènes quelconques agissent sur des organismes anaphylactisés plus que sur des organismes normaux.

Très difficilement l’anaphylaxie peut être obtenue par ingestion alimentaire. Pourtant dans certains cas (Rosenau et Anderson), on a pu la produire ainsi. De même encore (Rosenau et Anderson) on a pu montrer qu’elle se transmet par hérédité. Enfin elle persiste pendant très longtemps.

Si nous réunissons ces différents faits (sensibilité plus grande, non rigoureusement spécifique ; transmission héréditaire, provocation occasionnelle de l’anaphylaxie par ingestion alimentaire, persistance prolongée de l’état anaphylactique) on a l’explication de ce qu’on appelait jadis l’idiosyncrasie, c’est-à-dire de la sensibilité différente de chaque individu aux actions toxiques.

De même que nous avons une personnalité psychique, par laquelle nous sommes nous et non autres, de même nous avons une personnalité humorale, qui nous rend différents de tous autres : et cette personnalité de nos humeurs est due précisément aux ingestions et aux intoxications multiples qui ont affecté notre organisme en laissant une trace indélébile.

Il est à peu près impossible actuellement de pousser plus loin l’étude des apotoxines et des toxogénines. Très probablement il y a toute une série de toxogénines spéciales, et par conséquent d’apotoxines spéciales. Mais cependant la symptomatologie de l’anaphylaxie est très monotone. Quelle que soit la substance déchaînante injectée, pour peu qu’elle provoque l’anaphylaxie, les symptômes sont presque les mêmes, de sorte que les toxogénines diverses sont probablement des substances très semblables, sinon identiques, et que les apotoxines diverses sont aussi des substances extrêmement semblables, sinon identiques.

Une confirmation de la théorie d’une toxogénine réagissant sur l’antigène nous est donnée par l’étude des doses provoquant l’anaphylaxie, lors de l’injection déchaînante. La dose déchaînante dans des conditions données, lorsqu’elle a donné tout son effet, ne l’augmente plus, quoique on augmente la dose déchaînante. Soit un animal légèrement anaphylactisé, dès qu’on lui injecte 1 de l’injection déchaînante, il va donner la réaction anaphylactique. Mais on pourra lui administrer 2, 3, 4, 10 de la substance déchaînante, et on n’augmentera pas la réaction. Bien plus, dans certains cas, on voit, pendant qu’on continue l’injection déchaînante, la réparation se faire. Tout se passe comme si, chez cet animal, la quantité de toxogénine existant dans son organisme avait été saturée par la quantité d’antigène injecté 1. En effet il n’a plus de toxogénine libre dans le sang, et alors aucune réaction anaphylactique ne peut plus se produire, quelle que soit la dose de substance déchaînante qu’on injecte encore.

Autrement dit la réaction anaphylactique est déterminée par la quantité de toxogénine qui se trouve dans l’organisme de l’animal récepteur : et, pour une faible quantité de substance déchaînante, elle sera dès le début maximale, indépendante de la dose de substance déchaînante injectée.

Ce qu’on a appelé le choc anaphylactique (c’est-à-dire une invasion morbide soudaine qui va en se réparant rapidement, et qui ne se répète pas quand on augmente la dose déchaînante) n’est nullement un choc, ou un conflit de la substance injectée avec le protoplasma vivant ; c’est tout simplement l’épuisement de la substance toxogénique, qui n’est pas en quantité illimitée, et qui s’épuise tout de suite, après qu’elle s’est combinée avec la substance déchaînante.

L’antigène capable de développer l’anaphylaxie est toujours une matière albuminoïde, non colloïde. Mais, quoique ce soit là un fait incontesté, il n’est incontesté que jusqu’à présent, et il ne faut rien préjuger des surprises que nous réserve l’avenir, d’autant plus que Wells a pu injecter comme antigène anaphylactisant une substance cristalloïde, extraite de l’albumine, et qu’un jour peut-être on en trouvera d’autres, de nature non albuminoïde, et cependant aptes à développer des antitoxines et des toxogénines.

La belle découverte d’Arthus (1903), sur l’action anaphylactisante des sérums, avait engagé tous les savants à poursuivre l’étude des sérums comme injection préparante et injection déchaînante. Mais on a fini par reconnaître que sans doute la substance préparante et la substance déchaînante ne sont pas identiques (Gay et Southard, Vaughan et Wheeler). Les études que j’ai faites sur la dualité des actino-congestines ont confirmé le fait. La substance préparante n’est pas toujours la même que la substance déchaînante. Elles se trouvent, il est vrai, ces deux substances, dans les liquides animaux ou végétaux qu’on emploie, réunies. Mais elles n’en sont pas moins souvent dissociables, soit par l’alcool, soit par la chaleur. Quoique évidemment de nouvelles études soient encore à faire, il n’en reste pas moins prouvé que la substance préparante n’est pas toujours déchaînante, et que la substance déchaînante n’est pas toujours préparante. L’imperfection des procédés chimiques de séparation nous permet de supposer que la séparation n’est jamais complète, mais qu’on peut espérer les séparer nettement l’une et l’autre.

Les importants travaux de Besredka sur l’anti-anaphylaxie, pressentie par Rosenau et Anderson (outre leur grand intérêt pratique), éclaircissent quelques points essentiels de la théorie de l’anaphylaxie.

Besredka a montré qu’on empêche l’anaphylaxie de se déclarer si, pendant la période d’incubation, on continue, à dose faible, l’injection de l’antigène. Tout se passe comme s’il y avait incompatibilité entre la présence simultanée d’antigène et d’antitoxine dans l’organisme. J’ai proposé d’expliquer ce phénomène remarquable en supposant qu’il se fait une combinaison entre l’antigène et la toxogénine. Au fur et à mesure que la toxogénine se produit, elle se combine avec l’antigène, et, si l’antigène est injecté en toute petite quantité, le poison (apotoxine) qui en résulte est en trop petite quantité pour exercer une action toxique appréciable. Comme l’apotoxine se détruit rapidement (ainsi que le prouvent toutes les expériences sur la brièveté des phénomènes de l’anaphylaxie aiguë) elle ne peut s’accumuler dans le sang, de sorte que les injections répétées d’antigène, à dose faible, équivalent à la destruction de la toxogénine, et par conséquent amènent l’anti-anaphylaxie.

Tous les symptômes de l’anaphylaxie montrent qu’ils se ramènent essentiellement à une intoxication aiguë du système nerveux. C’est la conclusion à laquelle, dès le début de mes travaux, en 1902, j’étais arrivé, en voyant l’abaissement de la pression artérielle, la cécité psychique, l’incoordination motrice, le coma des chiens frappés par l’injection anaphylactisante déchaînante.

Il semble bien que ce soit l’opinion universellement acceptée aujourd’hui, depuis que Besredka et Roux ont prouvé que l’anaphylaxie aiguë fait défaut chez l’animal anesthésié, depuis aussi que j’ai pu déceler dans le tissu cérébral, sinon toujours, au moins quelquefois, la présence d’une toxogénine agissant in vitro sur l’antigène. Lewis et Auer admettent une action sur les muscles lisses des bronches. Biedl et Kraus supposent une action sur les terminaisons nerveuses vasomotrices. Il est possible, encore que modérément vraisemblable, que ces effets aient lieu ; il n’en reste pas moins que l’effet essentiel est une intoxication suraiguë du système nerveux central.

On peut distinguer quatre degrés ou quatre phases (surtout chez le chien) :

1o  L’anaphylaxie légère, caractérisée par du prurit, et la congestion des muqueuses (nasale et intestinale).

2o  L’anaphylaxie moyenne, caractérisée par des vomissements, de la diarrhée, de l’incoordination motrice, de la faiblesse musculaire générale, avec respirations plus fréquentes, état à demi dyspnéique, léger abaissement thermique.

3o  L’anaphylaxie forte, avec coma, inertie musculaire, insensibilité totale, cécité psychique, dyspnée presque asphyxique, abaissement énorme de la pression artérielle.

4o  L’anaphylaxie suraiguë, avec mort rapide, en quelques minutes ; état asphyxique, entraînant la syncope cardiaque, sidération immédiate de toute activité du système nerveux.

Il y a lieu aussi de tenir compte de l’anaphylaxie chronique. Les accidents de l’anaphylaxie, en général, se réparent vite. Si l’invasion est soudaine, soudaine est aussi la disparition des accidents. Mais, quoique les accidents cessent vite, dans certains cas il reste des lésions cellulaires irréparables (par exemple des hémorrhagies intestinales ou des lésions de la cellule nerveuse) de sorte que la restitutio ad integrum n’est que momentanée, et que l’animal au bout de deux ou trois jours succombe, victime des lésions qu’a produites dès le début le choc anaphylactique.

Enfin il y a aussi une anaphylaxie locale ; c’est-à-dire que l’action de l’antigène ne porte pas seulement sur toutes les cellules de l’organisme, mais encore plus spécialement sur les cellules voisines du lieu injecté. (S’agit-il seulement des cellules nerveuses voisines, ou de toutes les autres cellules ?)

Le domaine de l’anaphylaxie est très vaste, puisque aussi bien l’étude de ses réactions montre l’incessante variabilité des organismes, leur adaptation au milieu. Comme le dit Dœrr, c’est une réaction d’immunité, en donnant au mot immunité son sens le plus général, non seulement de phylaxie ou protection, mais d’anaphylaxie, c’est-à-dire de contre-protection et de sensibilité plus grande.

Or, toute pénétration d’antigène par des voies qui ne sont pas les voies normales, gastro-intestinales, modifie d’une manière permanente la cellule vivante, soit en augmentant sa vulnérabilité (anaphylaxie), soit en diminuant sa vulnérabilité (antitoxie), soit encore en exerçant simultanément ces deux actions contraires. Mais ce n’est pas directement que se fait cette modification cellulaire : c’est par le moyen des substances intermédiaires (toxogénines ou antitoxines) que l’antigène force la cellule vivante à sécréter. Ces toxogénines et ces antitoxines, soit qu’elles circulent dans le sang, soit qu’elles se fixent dans les cellules, créent pour chaque organisme, d’après les antigènes qu’il a reçus, un état humoral spécial. Elles constituent l’individualité des êtres. Un jour peut-être, après qu’on aura approfondi la physiologie générale et la physiologie des espèces, on pourra aborder la physiologie des individus, laquelle n’est pas même ébauchée encore.

On peut se demander comment l’anaphylaxie peut se concilier avec la loi de défense des organismes. Car enfin, à tout prendre, la défense est amoindrie quand la sensibilité aux intoxications s’accroît.

Or, quoiqu’il ne puisse être ici question que d’hypothèses, on peut admettre que la défense de l’organisme n’est pas seulement une défense des individus, mais encore une défense de l’espèce. Il ne s’agit pas seulement pour chaque individu de maintenir son existence, il faut encore que ces individus restent semblables a eux-mêmes. Si des substances hétérogènes pouvaient impunément pénétrer dans l’organisme, et modifier ses propriétés chimiques fondamentales, pénétrant dans le protoplasma pour en altérer la nature, alors c’en serait fait de la constitution somatique de chaque espèce animale, fruit d’une lente et ancestrale acquisition. Tout ce progrès acquis par les sélections et les hérédités serait perdu, et nous serions à la merci des hasards, des accidents, des événements de chaque jour, capables de modifier, suivant de fâcheuses formules, l’état actuel optimum en lequel nous sommes. Il faut que l’être soit stable, et c’est pour le maintien de cette stabilité qu’il réagit avec tant d’énergie aux atteintes chimiques qui peuvent l’affecter. Pour l’état optimum du cobaye, il ne faut pas que les sérums de lapin et de chien puissent remplacer son sérum de cobaye, et alors il y a violente réforme réactionnelle, quand pour la seconde fois, par une tentative d’effraction et une voie anormale, son individualité chimique de cobaye est menacée.

Rien à craindre des poisons cristalloïdes qui ne font que passer, et qui sont, après pénétration dans le sang et les tissus, rapidement éliminés ; mais, avec ces poisons albuminoïdes qui restent dans les cellules et ne s’éliminent pas, il y aurait danger pour l’individualité des espèces à ne pas chimiquement rester identiques à elles-mêmes.

Quoique ces considérations de biologie générale, quelque peu finaliste, n’aient pas été présentées encore, il m’a paru nécessaire de les proposer à la réflexion du public savant ; car on ne peut guère, en physiologie, supposer qu’il existe chez les êtres vivants des fonctions qui soient sans utilité pour eux.

L’importance de l’anaphylaxie n’est pas moindre au point de vue pratique.

En médecine légale, des applications ingénieuses en ont été faites, et tout permet de supposer qu’elles vont prendre une grande extension.

Mais c’est surtout pour le diagnostic des maladies qu’elle aura grande utilité. Le diagnostic de la tuberculose latente par la tuberculine, c’est en somme un anaphylacto-diagnostic, et on prévoit déjà le moment où le cancer, la syphilis, l’échinococcose, la pneumococcie, pourront être diagnostiqués par les réactions anaphylactiques.

L’explication de nombreux phénomènes morbides par l’anaphylaxie est imminente, et certes on se rendra compte alors de bien des faits incertains de pathogénie. Cela ne peut être que prévu ; mais il faut le prévoir.

Enfin, comme les procédés sérothérapiques ont pris une extrême extension et qu’ils tendent à se généraliser pour le traitement d’un grand nombre de maladies, il est bien évident que la connaissance exacte de la maladie du sérum (autrement dit de l’anaphylaxie sérique) est nécessaire. Les accidents d’une seconde injection sérothérapique ne sont aucunement négligeables : il y a eu déjà beaucoup de cas graves, et quelques cas mortels. L’analyse méthodique des procédés anti-anaphylactiques permettra de conjurer ces accidents.

Donc, au point de vue de la pratique médicale, comme au point de vue de la biologie générale, l’anaphylaxie nous apparaît comme un phénomène de grande importance.

Mais nous ne pouvons pas nous dissimuler que, malgré quelques faits définitivement acquis, il reste encore beaucoup de points obscurs, et très obscurs. Certes, la science arrivera à les élucider, mais à condition qu’on se garde de toute généralisation hâtive ; car, dans l’histoire de l’anaphylaxie, comme dans celle de l’immunité, les faits, innombrables dans leurs détails complexes, sont incohérents, isolés, disparates, variables. Mieux vaut les considérer ainsi que de vouloir les faire tous rentrer dans une même loi univoque, et donner une unité fausse et factice à ce qui est, dans la nature, dissocié et divers.