L’Anaphylaxie/Chapitre XIII

Félix Alcan (p. 205-208).

XIII

ANAPHYLAXIE LOCALE.

L’anaphylaxie locale, c’est-à-dire le croît de sensibilité à l’injection seconde pour les tissus placés au voisinage de l’injection première, a été observée par Arthus chez le lapin. Il n’a pas pu retrouver d’anaphylaxie locale chez le chien, le rat, le pigeon, le cobaye et le canard, de sorte que jusqu’à présent on ne connaît guère d’anaphylaxie locale que pour le lapin.

Quant à cette anaphylaxie locale du lapin (gonflement, rougeur, œdème) au niveau de la première injection, succédant à l’injection déchaînante, elle ne lui paraît pas être spécifique ; car des lapins séro-anaphylactisés ont été sensibles (localement) à l’injection déchaînante de peptones ; et des lapins anaphylactisés par la peptone ont été sensibles localement à l’injection déchaînante de gélatine.

Mais, quoique l’anaphylaxie locale ne soit pas spécifique, il y a, au point de vue de la réaction locale, comme de la réaction générale, une échelle de toxicité. Le sérum de cheval provoque en effet, chez tous les animaux examinés, même chez les gélatino- et pepto-anaphylactisés, une réaction plus intense que la gélatine et que la peptone. La peptone détermine une réaction plus durable que la gélatine.

Ainsi, comme toutes les autres expériences l’ont établi, le lapin présente une anaphylaxie bien différente de celle qu’on peut observer chez les autres animaux.

Il est certain que chez l’homme il existe une anaphylaxie locale, puisque les médecins l’ont observée après des injections secondes de sérum. L’injection seconde provoque quelquefois de la sensibilité et de la rougeur aux points où la première injection a été faite. En tout cas, la réaction locale à l’injection seconde est toujours beaucoup plus forte qu’elle ne l’avait été à l’injection première. Bien souvent c’est même le seul effet qu’on observe. Il n’y a pas, ou presque pas, de symptômes généraux, et tout se borne à des phénomènes d’œdème, de gonflement, de rougeur et de prurit, au niveau de l’injection.

Il faut évidemment rapprocher de ces faits d’anaphylaxie locale la curieuse expérience de Yamanouchi (1909), qui compare l’excitabilité des nerfs chez des lapins ayant reçu des injections préparantes de sérum de bœuf ou de cheval. Chez les lapins préparés avec du sérum de bœuf, le nerf, imprégné de sérum de bœuf, est devenu moins excitable, alors que l’excitabilité de ce nerf n’est pas modifiée quand on le baigne avec du sérum de cheval, et inversement.

Tous ces faits permettent de supposer que les toxogénines diffusent dans tout l’organisme, encore qu’elles semblent se localiser plus particulièrement dans le cerveau et le sérum.

Landouzy a étudié récemment une forme intéressante d’anaphylaxie locale ; c’est l’état spécial des articulations dans lesquelles a été antérieurement injectée une certaine quantité, en apparence inoffensive, de tuberculine.

C. Demel a constaté que le cœur des lapins anaphylactisés à l’ovalbumine était plus sensible que le cœur d’un lapin normal à l’action d’un sérum contenant de l’ovalbumine. Mais ce n’est pas là de l’anaphylaxie locale, dans le sens strict du mot.