L’Amour qui ne meurt pas/La Moisson

Éditions de la Revue des poètes (p. 47).

LA MOISSON

Où donc est le repos que ma fatigue implore ?
Brisés, meurtris, luttant sans cesse, nous passons,
Déchirant notre cour aux épineux buissons ;
Nos trésors les plus chers, la tombe les dévore ;

Las d’avoir tant souffert, il faut gémir encore.
— Ne te plains pas, froment de Dieu ; vois le frisson
Des gerbes dans le vent ; contemple la moisson,
Fauve et lourd océan que la lumière dore.

Secoués, égrenés tour à tour, les épis,
S’ils ne sont pas dans les sillons ensevelis,
Devront être broyés par l’implacable meule.

Ainsi toujours vivants mais cachés, ne laissant
Se flétrir au soleil que leur stérile éteule,
Les petits grains de blé deviendront chair et sang.