L’Amour en sabots
La scène se passe à la Palisse (Nivernais), chez Pigeonnier.
Les indications sont prises de la gauche du spectateur. — Les personnages sont inscrits en tête des scènes dans l’ordre qu’ils occupent au théâtre. Les changements de position sont indiqués par des renvois au bas des pages. (Note : remplacés par des indications entre crochets [] dans le texte numérisé.)
Scène PREMIÈRE.
Tiens ! personne dans son étude ! (Appelant.) Pigeonnier ! Pigeonnier !… c’est moi… le parrain !
Chut !… Ma femme est souffrante.
Bah ! vraiment ?
Qu’a-t-elle donc ?
Elle a dégringolé hier soir dans l’escalier. Le médecin appelle ça une érosion du tibia ; et comme elle a mal dormi cette nuit, il a recommandé de ne pas faire de bruit.
Et vous qui criez comme dans un moulin !… C’est très-commun !… un pharmacien doit tenir son rang…
Rassurez-vous… elle ne s’est pas réveillée… Elle a eu cette nuit le sommeil agité, elle rêvait… une espèce de cauchemar… (À Bousseronde.) Elle prononçait votre nom ! Elle disait : « Bousseronde ! ah ! Bousseronde ! »
L’imprudente !
Alors le baptême de votre neveu est remis ?
Du tout. Seulement ma femme n’y assistera pas… Elle vous prie de vouloir bien la remplacer… de servir de marraine, par procuration, à l’enfant de ma sœur…
Avez-vous reçu de ses nouvelles ?
Oui… elle est arrivée à Alger… auprès de son mari… et elle nous a écrit de presser le baptême. (À Hortense.) Aussi, j’ai compté sur vous.
Volontiers.
Voici les dragées… (Offrant son melon.) Et le cadeau d’usage. (il le pose sur le bureau.)
Un melon !… Oh ! vous êtes mille fois trop bon !… (Portant les boîtes sur le buffet.) Je vais les poser là, en attendant… car je n’ai plus de domestiques… Les miens m’ont quitté ce matin.
Comme les nôtres… Ils sont partis au petit jour… mais c’est aujourd’hui la Saint-Jean.
Oui… la loue… comme on dit dans le pays… le marché aux domestiques… et nous allons en arrêter deux autres.
Cela vous sera facile… c’est dans mon étude que se signent les marchés.
Je le sais bien.
En ma qualité de notaire, c’est moi qui fais les contrats… J’ai passé ma matinée à les préparer… C’est un revenu… deux francs par acte… (Regardant sa montre.) Neuf heures ! Vous allez les voir arriver…
Les hommes avec une branche de pin au chapeau.
Et les femmes une branche de houx au corsage… C’est gentil !
C’est pittoresque !
Aussitôt après la loue, nous irons faire baptiser le petit…
C’est Convenu… (On entend une cloche.)
Et, tenez, les entendez-vous qui arrivent ?… Allons leur ouvrir la porte. (Il va ouvrir la porte du fond. La foule entre, composée de paysans et de paysannes avec leur branches de pin ou de houx, et de quelques bourgeois et bourgeoises.)
Scène II.
Air de Mangeant (Honneur à ce riche seigneur).
Allons !
Entrons !
Allons, fill’s ou garçons !
Voyez !
Parlez !
Prenez
Et choisissez !…
Bonjour, maître Pigeonnier !
Bonjour, Landry !
Un garçon de ferme… not’ maître ?
Qué qu’ tu gagnes ?
Vingt écus, notre maître.
Allons donc ! (À une paysanne.) Et toi, la petiote ? (Il lui prend le menton.)
Ah ! dites donc ! c’est pas dans le marché.
C’est deux francs. (Le paysan paye.)
Queuque chose de solide, not’ maître ?
Ah ! le bel homme !
Merci ! (À Hortense.) Il doit manger comme quatre.
C’est deux francs !
Deux francs ?… L’année dernière, c’étions que trente-cinq sous.
L’encre est augmentée. Voyons, dépêchons ! (La paysanne paye.)
Sais-tu faire le beurre, la rougeaude ?
J’crois ben… et soigner les bêtes… à vot’service…
Oh ! en voilà un qui ne doit pas manger beaucoup… (L’appelant.) Approche ici, toi… Combien gagnes-tu ?
Vingt écus.
Je t’arrête… (À la deuxième paysanne.) Toi aussi.
Vous serez content, not’ maître…
Pigeonnier, préparez-nous ça…
Vous viendrez ce soir.
Vous demanderez M. Bousseronde…
Oh ! je vous connaissions bien… vous êtes l’apothicaire…
Pharmacien !
C’est vous qu’avions soigné mon âne.
C’est bon !
Sais-tu signer ?
J’ fais ma croix. (Elle signe.)
À toi !
Oh ! j’ons fait un pâté… (Il signe.)
C’est égal… c’est bon tout de même.
Voilà vos deux francs…
Je n’accepte pas… vous m’avez donné un melon !
Ça ne fait rien…
II y a des personnes qu’on ne fait pas payer.
Taisez-vous ! (Bruit de sonnette.)
Ah ! ma femme qui se réveille !
Nous allons la voir !
Et lui faire notre petit cadeau…
C’est ça… allez… (Ils entrent à gauche. La loue continue.)
Scène III.
Maintenant, songeons un peu à moi… (il se met à examiner les paysans et les paysannes.)
Quéque chose de solide, not’maître ?…
Sais-tu écrire ?
Pas encore… je suis trop jeune ! (Il rit.)
Alors, file ! (Bruit au fond.)
Ne poussez donc pas !… Tiens ! c’est La Birette ! (La Birette entre par le fond.)
Pristi ! voilà une belle gaillarde !
C’est ici qu’on se loue ?
Oui, ma fille.
C’est y vous qu’êtes le monsieur qui griffonnes les papiers ?
Oui, je suis le notaire… et j’ai justement besoin d’une cuisinière… sais-tu écrire ?
Très-bien ! Papa était arpenteur !
Ça suffit, (À part.) Au besoin, j’en ferai un petit clerc ! (Haut.) Pourquoi as-tu quitté ton ancien maître ?
J’vas vous dire… j’étions en service avec un âne rouge…
Avec un âne rouge ?
Mais non ! un gars mal peigné, bête et lourd, qui ne m’a pas fait tant seulement un compliment dans toute l’année.
Ah ! bien… un rustaud…
Un pataud ! Nous n’étions jamais d’accord… Chez le fermier Grivet, où nous étions, on nous donnait à tous les repas des choux et du lard… et lui, il voulait toujours manger le lard, et me laisser les choux… Alors, comme je l’aime aussi le lard, nous nous tapions… J’avais queuquefois le dessus… et queuquefois le dessous… quand y me prenait en traître… ce qui fait que je m’ai dit : « V’là la loue… je file ; je ne veux pas moisir avec ce gars-là… » Et me v’là !
Et te v’là !…
Air nouveau de M. J. Nargeot.
Oui-da ! (bis.)
Me v’là !
C’est La Birette qu’on me nomme,
J’aurons vingt ans aux haricots ;
J’puis dir’que j’n’ai pas peur d’un homme,
Je tape dru… je mange gros.
Remerciant Dieu d’m’avoir fait naître,
Je n’engendre point le chagrin,
Et j’me vantions de mieux connaître
L’boulanger que le médecin.
Tout comme une autr’, les jours de fête,
J’aimions à danser… mais faut pas
Qu’un garçon vaniteux m’embête…
(Avec un geste de main.)
Ou ben j’te le r’mettions au pas.
C’est comm’ça ! |
(bis.) |
Bien établie !… et elle à des mœurs ! (Haut.) Combien veux-tu gagner ?
Quoi que vous donnez ?…
Vingt-cinq écus !
Vingt-cinq écus… une fille bâtie comme ça… qu’aura vingt ans au haricots ?… Mettez-en trente…
Non… vingt-huit…
Allez… barbouillez vot’papier tout de même. (Pigeonnier va à son bureau.)
Tiens, voilà pour les arrhes…
Un franc !… C’est trois francs d’usage.
Eh bien ! un franc que je te donne… et deux que je retiens…
Pourquoi que vous retenez ?…
Pour l’acte !… mes honoraires !
Ah ! (À part.) Il est chien… (Au moment de signer.) Y a-t-il un dédit ?
Un dédit de quarante écus… des deux parts… Allons, signe… (Elle signe.) Va chercher ton paquet… et reviens-tout de suite…
Oui, not’maître… (À part.) Oh ! il est chien !…
Allons, plus de contrats à signer… mes amis, à ce soir, à l’assemblée !
Air de Ma Nièce et mon Ours.
À nos engagements,
Songeons bien à rester fidèles ;
De nos places nouvelles,
Puissions-nous être tous contents.
À vos engagements,
Songez bien à rester fidèles :
De vos places nouvelles,
Puissiez-vous être tous contents.
Scène IV.
Ah ! c’est fini !… Je suis content de mon acquisition ; une gaillarde d’aplomb… une rude fille… Avec tout ça, il me manque un domestique mâle… Oh ! je trouverai ça ce soir à l’assemblée. (On frappe à la porte du fond, et, sans se lever.) Entrez !
La loue, s’il vous plaît ?
Vous venez trop tard !
Elle est finite ? Nom d’un nom !
Il fallait vous lever plus tôt !
C’est pas ma faute… c’est les corbeaux !… Oh ! les gueux de corbeaux !
Quoi ! les corbeaux ?
Figurez-vous que j’ons parti ce matin à quatre heures pour arriver le premier… mais v’là qu’en débouchant de la taille au Grand-Bossu, j’apercevons trois corbeaux qui picotions dans un champ d’aveine.
Eh bien ?
Tout le monde sait qu’il ne faut jamais passer devant trois corbeaux… ça porte malheur, c’est de la tristesse !
Je l’ai entendu dire… mais je ne l’ai jamais expérimenté… Eh bien, qu’as-tu fait ?
Je m’ai assis en attendant qu’ils partent ou qu’il en vienne un quatrième… parce que quatre, ça porte bonheur, c’est de la richesse…
Tout le monde sait ça !
Pour lors, au bout d’une heure, quand j’ai vu qu’ils ne voulions pas s’envoler… je m’ai levé…
Et tu as frappé dans tes mains pour les faire partir ?
Oh ! non !… Ah ! sapredié ! j’avons pas pensé à ça !
C’est pourtant bien simple… avec un peu de présence d’esprit…
J’avons rebroussé chemin tout doucement, tout doucement, et j’avons été faire un grand détour d’une lieue… v’là pourquoi que ça m’a retardé !
C’est une brute !… mais il a l’air solide… (Haut, et lui tatant les bras.) Es-tu fort ? (Il passe à droite en le regardant.)
Je monte mon sac au grenier… Est-ce que vous voulez de mé ?
Sais-tu écrire ?
Oh ! oui… ça ne m’embarrassions pas…
Ça me fera un clerc de rechange. (Haut.) Et pourquoi as-tu quitté ta place ?…
Ah ! voilà… J’étions en service avec une bourrique…
Comment ?
Oui… une fille hargneuse… Elle me fichait des coups à la journée…
Et tu te laissais-battre, toi, un homme qui monte son sac ?
Dame, elle montait le sien aussi… sans souffler, et puis, elle était rageuse… et elle vous avait des ongles !… tandis que moi je ronge les miens… C’est une gourmandise de naissance.
Voyons ! veux-tu quinze écus ?
Quinze écus ! le prix d’un veau !… J’en demandions trente.
J’en demandions ! j’en demandions ! Il fallait arriver ce matin, tu les aurais peut-être trouvés… moi, si je te prends, c’est pour t’obliger…
Vous êtes bien honnête… mais quinze écus…
Allons, mettons dix-huit… (il va se rasseoir à son bureau.)
Dix-huit écus ! un homme qui monte son sac ! Guerdins de corbeaux !
Tiens, signe !
Voilà !… Et les arrhes ?… C’est trois francs.
Je les garde pour l’acte et mes honoraires.
Mais, d’usage, ce n’est que deux francs, vot’papier.
Le matin ; mais à la lumière c’est plus cher !
Mais puisque vous n’avez pas allumé !
Est-il bête ! puisqu’il fait encore jour !
Ah ! c’est juste ! (Il signe.)
J’ai stipulé un dédit de quarante écus… (Haut, et se levant.) Tu t’appelles… (Essayant de déchiffrer la signature.) Lega… Lega…
Legaloux…
Ah ! je n’aime pas ce nom-là !… Enfin… ôte tes sabots et ne fais pas de bruit… ma femme est indisposée…
Ah ! Quoi qu’elle a ?
C’est une érosion du tibia… Tu comprends…
Oui, oui, oui… je sais ce que c’est… C’est la bile !
Je monte la retrouver… Prends ce balai et balaye l’étude… sans faire de poussière.
Oui, not’maître.
Sans faire de poussière ! (Il sort par la gauche.)
Scène V.
Il veut que je balaye sans faire de poussière… (s’appuyant sur son balai.) Comment que j’allons m’y prendre ?… Si je ne balayons pas du tout ?… (On frappe à la porte du fond.) Entrez !
Me v’là !
La Birette !…
Legaloux ! (Elle pose son paquet sur le buffet.)
Quoi que tu viens faire ici ?
J’te cherche pas, c’qu’il y a de sûr… J’avons quitté ma place pour ne plus te voir, et je m’ons arrangé avec le notaire.
Ah ! nom d’un tambour, moi aussi !
Comment ! t’es de la maison ?
À preuve que j’ai le balai !…
Eh bien, c’est du propre ! Nous v’là encore attachés un an ensemble !
Que guignon ! c’est les corbeaux ! Oh ! les gueux de corbeaux !
Ah ! mais, cette fois, tu ne mangeras pas tout le lard !
Si, que je le mangerai !
Toi, méchant carnassier ?
Ne touche pas !
Attends, je vas te faire ton affaire. ! (Elle marche sur lui.)
À bas les ongles, ou je tape !
Tape donc, gringalet !
Veux-tu lâcher ça ! (Criant.) Veux-tu bien lâcher !
Non, l’auras ton compte ! (Elle lui arrache le balai avec lequel elle le frappe.) Tiens, tiens, méchant moigneau !
Oh ! la, la ! oh ! la, la !
Scène VI.
Quel vacarme !… Comment ! ils se battent ! Voulez-vous bien finir !
C’est l’âne rouge ! (Elle lui met le balai dans les mains.)
C’est la bourrique… de chez le père Grivet…
Ah ! diable !
Je restions pas ici, je voulions m’en aller.
Moi itou.
Minute ! minute ! (À part.) Une fille superbe !… un garçon de dix-huit écus ! (Haut.) Payez-vous le dédit ?
J’ons que vingt-sept sous…
Et moi neuf…
J’en suis bien fâché, mais je vous garde… Battez-vous, disputez-vous, mais sans faire de bruit… vu que ma femme est malade… et que mon neveu dort… (Apercevant Bousseronde qui entre par la gauche.) Ah ! voici le parrain… (La Birette et Legaloux le reconnaissent.)
Tiens !
Oh ! (À part.) Qu’est-ce qu’ils font ici, ceux-là ?
Bonjour, monsieur !
Et l’état de votre santé ?
Vous connaissez mes nouveaux domestiques ?
Ah ! ce sont ?… Oui, je les ai vus quelquefois…
Je crois bien ! monsieur venait tous les jours à la ferme… boire du lait…
Avec sa femme… même qu’il la poursuivait dans tous les coins…
C’est bien, c’est bien ! (À Pigeonnier.) Partons-nous ?
Dès que votre femme sera là !
Et elle va bien, madame votre épouse ?
Très-bien ! très-bien !
Ah ! la voilà !
Ah bah ! (Bousseronde s’évertue à les faire taire.)
Ce n’est pas celle-là !
Eh bien, et l’autre, c’était donc sa bonne amie ? (Il étouffe un éclat de rire.)
Vieux farceur !… va !…
Ah ! c’est ennuyeux !
Eh bien, qu’attendons-nous ?
Nous partons… La Birette !
Not’maître !
Va chercher le petit…
Non !… pas elle !… (À part.) Si elle reconnaissait sa femme, tout serait perdu…
Pourquoi ?
Elle a des sabots… Le bruit…
C’est juste !… Legaloux va y aller… il a des chaussons !…
Non, pas lui non plus !… Il ne sait pas tenir les enfants…
C’est vrai que les poupards…
J’y vais moi-même… (Il sort par la gauche.)
Vous, entrez là… dans la cuisine… et mettez tout en ordre…
Oui, not’maître… (À Legaloux.) Marche donc, toi ! (Elle le pousse.)
Pourquoi que tu me flanques tes sabots dans les jambes ?
Passe donc… animal ! (Ils entrent à droite en continuant à se disputer.)
Scène VII.
Enfin, nous sommés seuls… Hortense, les moments sont précieux !… (Il lui prend la main et veut l’embrasser.)
Mon mari va revenir…
Ne craignez rien…
Air d’Yelva.
D’un cœur épris, je vous offre l’hommage ;
Autour de nous, tout se tait…
Sapristi ! qu’est-ce qu’ils font donc ? (criant.) Voulez-vous bien finir ?
M’sieu !… c’est elle qui m’a flanqué une giffle !
Eh bien, rends-la-lui… sans rien casser…
Bien, m’sieu. (Il disparaît.)
Soyez prudent.
Où en étais-je ? Ils m’ont fait perdre le fil… (Se souvenant.) Ah ! (Reprenant.)
D’un cœur épris, je vous offre…
(Nouveau bruit de vaisselle cassée.) Encore !
M’sieu ! c’est elle qui me l’a rendue !
Elle a bien fait ! Tu m’ennuies, va-t’en !
Bien, m’sieu. (Il disparaît.)
Ils sont enragés, ces animaux-là !
Eh ! tiens donc ! eh ! tiens donc !…
Oh ! la, la ! oh ! la, la !
Qu’est-ce qu’il y a encore ?
C’est elle qui m’a flanqué…
Un coup de pied ?
Non ! c’est avec le pain… un pain de six livres !
Ah ! mais, je n’entends pas que mon pain serve à cet usage là !… un jour où j’ai du monde à dîner !
Ce n’est pas ma faute…
Si, c’est ta faute ! A-t-on jamais vu un nigaud pareil ? Il se trouve avec la plus jolie fille du pays, et il se bat avec elle !
La Birette… jolie ?…
Certainement… une figure charmante… des yeux superbes…
La Birette !… Ah bah !
De beaux cheveux !… une petite bouche…
Pas quand elle mange le lard…
Enfin, c’est une très-jolie fille…
Après ça, c’est bien possible… J’l’ons jamais regardée qu’entre deux giffles…
Dans tous les cas, rappelle-toi bien ce que je vais te dire…
Oui, not’maître…
Je tiens à ma vaisselle, et je te déclare que tout se qui se cassera te sera retenu sur tes gages…
Mais si c’est La Birette qui casse…
Tant pis !… c’est toi qui payeras… Arrange-toi pour ne pas la contrarier… (il passe près d’Hortense.) [Hort. Pig. Leg.]
Mais me v’là ruiné !… elle est cassante comme tout !…
Il est si facile de s’entendre avec une jolie fille…
Avec La Birette ?… Ah ! oui !… (Bousseronde rentre par la gauche, portant l’enfant emmailloté.)
Scène VIII.
Nous voilà !
Ah ! monsieur mon neveu !…
Il dort !
Donnez-le-moi. (Elle prend l’enfant.)
Toi, reste ici.
Oui, not’maître… (À part.) J’vas veiller à c’que La Birette n’cassions rien…
Partons !
C’est le moment de chanter, comme dans la Dame blanche. (Chantant à pleine voix.)
Sonnez, sonnez…
Chut donc !
Vous allez le réveiller.
C’est juste… À demi-voix. (Tous se mettent à chanter à demi-voix.)
Sonnez, sonnez, cor et musette,
Les montagnards sont réunis !
Car un baptême est une fête
Pour les parents, pour les amis.
Scène IX.
Mais c’est injuste comme tout !… Si c’est La Birette qui casse, c’est moi qui paye !… Je ne sais pas ce qu’ils ont à la trouver jolie… Faudra pourtant que je l’examine. (Apercevant La Birette qui entre) La v’là !
Jarnigué !… que c’est lourd !
Voulez-vous que je vous aide ?
Toi, fiche-moi la paix !
Que ça me fait plaisir ! (À part.) Comme ça, elle ne laissera pas tomber la marmite. (Haut.) Tiens, des choux et du lard !
Ne touche pas au lard !
Je le regarde… (Il va poser la marmite sur la table.)
Est-y ivrogne de lard, c’t homme-là ! Prends les couverts et moi les assiettes. (Elle va au buffet.)
Non, pas vous les assiettes ! (Il court au buffet.)
Alors, je vas prendre les verres.
Non ! pas vous les verres ! (Lui donnant les couverts et le pain.) Prenez les couverts, le pain… (À part.) Les verres, c’est trop cassant ! (Il apporte les assiettes et les verres. — Haut.) Tenez, reposez-vous, assoyez-vous.
Eh bien, donne-moi une chaise !
Ah ! non ! une chaise… ce n’est pas de la faïence.
Est-ce pour aujourd’hui ?
Voilà ! (À part.) Faut pas l’asticoter. (La regardant.) Y en a tout de même de plus laides qu’elle… (Haut.) Vlà votre chaise…
Ah ! tu cèdes, parce que tu as peur…
Non… je cède, parce qu’un particulier bien élevé doit toujours céder à une jolie femme… et que vous êtes une jolie femme… à ce qu’ils disent… (Il va se placer debout à la table, en face de La Birette.)
Tiens ! qu’est-ce qu’il a donc ?… C’est la première fois… (Elle sert la soupe.)
Je la flatte pour qu’elle ne cassions rien ! (Il mange debout.).
Assieds-toi donc… Quand tu resteras là, planté sur tes ergots !
Après vous, belle Birette.
Encore ! (Elle s’asseoit et Legaloux aussi. Ils mangent.)
C’est vrai qu’elle est agréable à l’œil… quand elle est habillée.
Y veut m’amadouer pour avoir le lard… (S’armant de la fourchette.) Mais s’il y met la main, je tape dessus !
Oh ! oui, qu’elle est belle ! J’éprouve un frisson. (Haut, avec passion.) Mam’selle, voulez-vous du lard ?
Il m’offre du lard ! (Sa fourchette lui échappe des mains et tombe dans son assiette.)
Est-elle cassée ?
Non… Certainement, monsieur Legaloux, je suis sensible à votre offre… mais je sais combien vous l’aimez… prenez-le !
Hein ?
Je mangerai les choux…
Non, mam’selle !… l’homme qui se trouve à une table… en face d’une femme… et qui lui laisse les choux… est indigne de vivre.
Tiens ! c’est gentil ce que vous dites là ! Eh bien, voulez-vous faire une chose ? Partageons !
C’est une femme qu’a de ça ! (Il met la main sur son cœur.)
Tenez !
Pardon, ce morceau est le plus gros…
Ça ne fait rien… vous êtes un homme !
Je n’accepterai point… vous êtes une femme…
Mais prenez donc… puisque je vous en prie.
Histoire de vous obéir… et de ne point casser l’assiette.
Mais qu’avez-vous donc aujourd’hui… On dirait presque que vous êtes galant !
On l’est dans ses petits moyens, (À part.) C’est vrai qu’elle vous a des yeux !
Comme vous v’là changé !…
Il y a comme ça, dedans la vie de l’homme, des moments oùs qu’il se change complètement… à l’exemple de la chenille, qu’elle devient un papillon…
Tiens, vous n’êtes pas bête, vous ! Je vous aime bien mieux comme ça… (Revenant à la table.) Voulez-vous d’la piquette ?
Je me servirai moi-même…
Acceptez donc !
Histoire de vous obéir… et de ne pas casser la faïence… (Elle verse.) À vot’santé, mam’selle !…
À la vôtre, monsieur Legaloux !… (Ils boivent.)
Mam’selle… une politesse en vaut une autre… Si vous voulions m’permettre de vous offrir un morceau de pain d’épice… que j’ons acheté c’matin en passant d’vant l’assemblée…
Oh ! mais vous êtes trop bon !…
Dame, quand on étions pour être à vivre ensemble…
C’est vrai tout de même…, Encore un an à nous voir tous les jours…
Et si vous l’voulions, qu’nous pourrions nous entendre… pour vivre en bons amis… en frère z-et sœur… pour ne rien casser…
J’demandions pas mieux.
Vrai de vrai… que vous ne briseriez plus rien de rien ?…
Dame !… c’est pas si amusant de se disputer toujours… (Minaudant.) Et pour vous prouver que je vous en voulions plus, j’vous permettions de m’embrasser…
Ah bah ! (À part.) C’est qu’elle est rudement jolie !… (Haut, s’essuyant la bouche avec sa manche, et faisant des façons.) Oh ! mam’selle !…
Allez donc !…
Ça y est… C’est joliment bon tout de même !… (Avec embarras.) Et si j’osais vous demander la récidive ?…
Dame ! si ça vous fait plaisir…
Oh ! v’oui… oh ! v’oui !… (Il l’embrasse à plusieurs reprises, au moment où Pigeonnier, Bousseronde et Hortense rentrent par le fond, Hortense tenant l’enfant emmailloté.)
Scène X.
Hein !
Oh ! not’maître !…
J’aime mieux ça… ça ne casse rien… et ça ne fait pas de bruit…
Ils se bécotaient…
C’est d’un sans-gêne… d’une inconvenance !… (À La Birette.) Tenez, mademoiselle, reportez l’enfant dans son berceau !…
Non, non, moi… c’est au parrain à le réintégrer dans sa couche… (À part.) J’ai eu une frayeur… (Il entre à gauche.)
Emportez donc ces choux… c’est une odeur insupportable !…
Oui… et, une autre fois, rappelez-vous que c’est à la cuisine que vous devez dîner… et non pas ici… dans mon étude…
Oui, not’maître ! (Elle ôte le couvert, qu’elle porte à mesure dans la cuisine.)
Legaloux !…
Not’maître ?…
Tu vas aller à la pharmacie de M. Bousseronde…
La première rue à droite, à côté du coiffeur…
À côté du coiffeur !…
Tu demanderas un paquet de chiendent… pour faire de la tisane à ma femme…
Du chiendent !… de quoi que mangent les petits chiens… pour se rafraîchir ?… Oui, not’maître…
Et reviens vite…
N’craignez rien… je ne serai pas long…
Eh bien !
Vlà, not’maître !… (Il sort par le fond. La Birette est entrée à droite.)
Scène XI.
Ils s’envoyaient des baisers !
Ils roucoulent… J’aime mieux ça que de les entendre se disputer… et puis, c’est si naturel !… (Amoureusement à Hortense.) Tout roucoule dans la nature… depuis l’oiseau des champs qui roucoule dans le bocage… jusqu’à moi qui roucoule auprès de vous… chère Hortense !
Mon mari !…
Le petit dort… (À Hortense, en allant à elle.) [Pig. Bous. Hort.] Si nous profitions de ce que nous sommes habillés pour faire une visite à la femme de l’adjoint ?…
Oh ! allez-y seul…
Ce n’est pas convenable. D’ailleurs, tu as ta robe de soie, je ne suis pas fâché qu’elle te la voie…
Dame ! si vous l’exigez…
Nous serons ici pour le dîner.
J’y compte bien… (Saluant Hortense.) Sans adieu !
À bientôt !
Air : L’occasion est solennelle.
Allons rendre notre visite ;
C’est un devoir, mais quel ennui !
Après, nous revenons bien vite
Dîner avec vous aujourd’hui.
Allez rendre votre visite ;
C’est un devoir, c’est un ennui.
Après, vous reviendrez bien vite
Avec moi dîner aujourd’hui.
Scène XII.
Cette femme est splendide !… Décidément j’en suis fou !… Je vais lui faire faire un plat sucré. (Appelant.) La Birette !
Not’maître ?… C’est que je faisions le dîner…
Ne te dérange pas… Tu prépareras un bouillon pour ma femme… et tu l’apporteras quand je te sonnerai…
Oui, not’maître…
Ensuite, tu nous feras un plat sucré.
Un plat sucré !… Quoi que c’est que ça ?
Un plat sucré… avec du sucre !…
Ah ! bien !… (À part.) J’on des nantilles, j’mettrai du sucre dedans… (Elle rentre dans sa cuisine.)
Cette douceur lui fera plaisir. (Voyant entrer par le fond Legaloux, qui tient un paquet enveloppé dans du papier.) C’est le chiendent !… Pose-le là… J’entre chez ma femme ! (Il entre à gauche.)
Scène XIII.
L’chiendent ?… Nom de nom, je l’ai oublié !… Au lieu d’aller chez l’apothicaire, j’étions entré chez l’perruquier !… (Ôtant son chapeau et montrant sa tête frisée.) V’là la chose… cinq centimes de frisure… et cinq centimes de pommade… à la tubéreuse… qu’est une plante d’Amérique qu’a la forme d’un oignon… Faut pas être regardant avec les femmes… En revenant, j’ons fait connaissance avec le jardin, et j’ons cueilli toutes les roses… (Déployant son papier.) Ça c’est un bouquet… à l’intention de La Birette, qu’est véritablement une belle fille… (On sonne à gauche.)
Le bouillon, le voilà… (Apercevant Legaloux.) Tiens, c’est vous ! Déjà de retour ?
Oui, mam’selle… j’m’ai dépêché.
Ah ! vous vous êtes fait friser !… Vous êtes joli tout plein !… vous avez l’air d’un caniche ! (Elle tourne autour de lui et pose sa tasse sur le bureau.)
Et sentez-moi ça…
Oh ! ça sent-il bon l’oignon !
L’oignon de tubéreuse… qu’est une plante d’Amérique… C’est à votre intention… (Lui offrant son bouquet.) Et ce bouquet tout de même.
Oh ! les belles roses ! (Elle en prend une.)
C’est vot’image !… Mais prenez donc tout ! (On sonne de nouveau.)
Voilà !
Oh ! ne vous en allez point encore.
C’est le bouillon de la bourgeoise… Au fait, il est trop chaud. (Elle le goûte.)
Voyons voir… (Il prend la tasse et goûte aussi.)
Eh ben, quoique vous faites ?
Je pose mes lèvres oùs que vous avez bu. [[di|(Il goûte encore.)|sm|n}}
Mais finissez donc !…
Faut le laisser refroidir. (Apercevant les dragées sur le buffet, et ouvrant la boîte.) [Leg. La Bir.] Tiens, c’est des dragées !…
Pour le baptême du petit.
Et si vous voulez m’honorer d’en prendre…
Merci, monsieur Legaloux…
Rien qu’une ?… Prenez donc… ne vous gênez pas !
Ce n’est pas que je me gêne… mais après les choux…
Ça sera pour ce soir à l’assemblée… (Il met la boîte sur la table.)
Nous irons ?…
J’vous offrons mon bras… (On entend sonner.)
Pristi ! qu’il est embêtant ! (Elle va pour remonter.)
Il est trop chaud !… (Galamment.) Et que si vous voulions m’favoriser d’une contredanse ?…
De deux même… et de plus encore…
Vrai de vrai !…
Air nouveau de M. J. Nargeot.
Ah ! ah ! ah ! (4 fois.)
De ce plaisir-là
J’sommes heureux d’avance ;
J’voudrais, quand j’y pense,
Qu’ça soyons déjà !
C’est si gentil d’danser ensemble,
Surtout quand on est amoureux !…
On se serr’de tout près… Il semble
Qu’on n’fait plus qu’un, quoiqu’étant deux !
À sa danseuse on cherche à plaire,
On fait pour ell’ses plus beaux pas !
Et quand l’crin crin vient à se taire,
On s’regarde, et l’on caus’tout bas.
Ah ! ah ! ah ! (4 fois.)
De ce plaisir-là
J’somm’s heureux d’avance ;
J’voudrais, quand j’y pense,
Qu’ça soyons déjà !
D’un verr’de hier’on offre l’hommage,
Ou bien encore d’un verr’de vin.
On va causer sous le feuillage…
La nuit est noire, on s’prend la main.
Mais v’là qu’une branche s’agite…
On s’rapproche, on se serr’bien fort.
La peur augmente… on est transite…
Et v’là qu’on se rapproche encor.
Ah ! ah ! ah ! (4 fois.)
De ce plaisir-là
J’somm’s heureux d’avance ;
J’voudrais, quand j’y pense,
Qu’ça soyons déjà !
Scène XIV.
Eh bien, ce bouillon !… (Les voyant se frotter le dos.) Ah ! ils se frottent le dos.
Oh ! not’maître !…
Voilà trois fois que je sonne pour avoir mon bouillon… et je vous trouve là !… (Il imite le mouvement de se frotter le dos. Poussant La Birette.) Voyons, quand tu resteras là plantée… pendant une heure ! (La Birette remonte à gauche.)
Ah ! ne la tarabustez point !… (Avec sentiment.) C’est un ange !…
Ce matin, c’était une bourrique, et maintenant…
C’est une colombe… aux ailes blanches…
Imbécile !… (Apercevant le bouquet.) Des roses !… Et pas de chiendent !… (Avec colère.) Tu as cueilli les roses de mon jardin… et les plus belles encore, animal !… (Il lui allonge un coup de pied sans l’atteindre.)
Ah ! dites donc, n’le touchez point… J’vous l’défends… (Elle pousse Pigeonnier.)
Qu’est-ce qu’ils ont donc ?… Ce matin elle l’assommait…
Possible !… mais à présent je n’veux pas qu’on y touche… (Caressant Legaloux.) C’pauvre garçon… qui s’est fait friser pour moi…
À la tubéreuse !
Et mes dragées !… (Avec colère.) Ils ont pris mes dragées !…
N’criez donc point… pour queuques méchantes dragées !…
Pardine !… on va vous les rendre, vos dragées…
Veux-tu bien… butor !… propre à rien !
Hein ? qu’y a-t-il ?
Ne faites pas attention… (À La Birette.) Porte ce bouillon à ma femme ! (La Birette reprend le bouillon.)
Hein ?
Toi, ce bouquet… Tâche de te faire pardonner…
Oui, not’maître !…
Permettez… je vais moi-même… (Il se précipite pour prendre le bouillon et le bouquet.)
Mais non… mais non… laissez-les faire !… Il faut bien que ma femme connaisse ses nouveaux domestiques… Allez !…
Oui, Not’maître ! (Ils entrent à gauche.)
Scène XV.
Perdu !
Qu’avez-vous donc ?
Moi ?… Rien… la chaleur… un éblouissement… (À part.) Ils vont la reconnaître… tout va se découvrir !
Et votre femme… qu’en avez-vous fait ?
Elle continue ses visites dans le village… je vais la rejoindre… (À part, apercevant Legaloux et La Birette qui rentrent.) Trop tard !
Hi ! hi ! hi !
Qu’est-ce qu’ils ont donc ?… Eh bien ! vous avez vu ma femme ?…
Vot’femme ? (Ils rient plus fort.)
Ils l’ont reconnue ! (Il remonte.)
Sont-ils bêtes !… ils me font rire ! (Il regarde autour de lui pour savoir de quoi ils rient, et apercevant la figure très-pâle de Bousseronde, il se met à rire comme eux, ce qui augmente encore l’hilarité de La Birette et de Legaloux.)
Silence ! taisez-vous !… (La Birette et Legaloux s’arrêtent subitement.)
J’comprenions !
Vieux farceur !
Ah ! c’est fini ! ce n’est pas malheureux !
Vous-avez, je crois, de l’eau de mélisse ; chez vous ?…
Oui, dans la chambre de ma femme…
Je vais en prendre quelques gouttes !… (À part.) Courons la rassurer. (Il entre vivement à gauche. Legaloux et La Birette recommencent à rire en le voyant entrer chez madame Pigeonnier.)
Scène XVI.
Assez !… assez donc !… Certainement ce pauvre Bousseronde a une bonne tête… mais ce n’est pas une raison… Il ne faut pas rire des gens qui viennent chez moi… c’est malhonnête !…
Oui, not’maître !…
Oui, not’maître !
Voyons, occupez-vous du dîner… (Tirant sa montre.) Quatre heures !…
Quatre heures !
L’heure du rigodon… ça va commencer.
Eh bien, dépêchez-vous !
Je vas vous dire… c’est qu’aujourd’hui ça ne se peut pas…
Non !
Quoi ?… qu’est-ce qui ne se peut pas ?
C’est la fête du pays…
Et Legaloux m’avions invitée pour la première…
Eh ben, que qu’ça me fait ?… Je vas peut-être me passer de dîner ?
Vous dînerez demain… (Elle jette le tablier à Pigeonnier.)
Ah ! c’est trop fort !… A-t-on jamais vu des animaux pareils !… Ce matin, ils ne pouvaient pas se souffrir… Et maintenant ils passent leur temps à se frotter le dos… à… (Il se retourne et les aperçoit qui dansent ; avec explosion.) Dieu me pardonne ! ils dansent !
J’ons des fourmis dans les jambes.
Et moi…dans les moulets.
Voulez-vous bien finir… ou je vous flanque à la porte !
Payez l’dédit !
Les deux dédits !
Les gredins !… ils me tiennent !… Comment m’en débarrasser ? (Tout à coup.) Ah ! quelle idée ! (Haut, et allant à son bureau.) Eh bien, oui, je te le payerai, ton dédit !
Les deux !
Non, celui de Legaloux… Voilà ton argent, file ! (Il revient au milieu.)
Quarante écus !
Eh ben, et moi ?
Toi, je te garde !
Nous séparer !
Ne plus nous voir ! J’voulions m’en aller.
Alors, paye ton dédit.
Puisque j’ons pas d’argent !
Quand on n’a pas d’argent… on cherche un ami pour lui en emprunter…
Un ami ?… Moi ! moi !
Allons donc !… il a compris !
Combien que c’est, son dédit ?
Quarante écus… comme le tien…
Tenez, les v’là !
Très-bien ! je rentre dans mes fonds !
Ah ! monsieur Legaloux… vous êtes un beau caractère !
Et vous, une rude femme… pour le bon motif…
Ah ! monsieur Legaloux…
Ah ! belle Birette ! quand je vous regarde, je sens comme des millions de pétards…
Ah çà ! avez-vous bientôt fini ? Allez déposer vos déclarations dehors…
On s’en va.
Je vas quérir mon paquet.
J’vas revenir vous chercher.
Pst ! pst ! pst ! pst ! À toi, toi, toi ! (bis.)
Legaloux
mon
Sera époux.
ton
Pst ! pst ! pst ! pst ! À toi, toi, toi ! (bis.)
À toi seul, mon cœur et ma foi !
Encor des baisers, sur ma foi ! (bis.)
Sur-le-champ, sortez de chez moi !
Filez doux,
Craignez mon courroux ;
Je vous expulse de mon toit ! (bis)
Sur-le-champ, sortez de chez moi !
Scène XVII.
J’aime autant ça… j’en serai quitte pour chercher deux nouveaux domestiques… (Voyant entrer Hortense par le fond.) Ah ! enfin… vous voilà !
Tiens, vous êtes seul ?… mon mari n’est pas là ?… [Hort. Pig.]
Il est auprès de ma femme. (Avec sentiment.) Il vous a donc abandonnée… l’ingrat ?
J’aime mieux ne pas l’avoir quand j’ai des visites à faire… Ce M. Bousseronde a si peu l’usage du monde !…
Dame !… un pharmacien de village…
Je sais bien que ça ne vaut pas un notaire…
Oh ! oh ! oh ! non !…
Croiriez-vous que je n’ai jamais pu le décider à porter des cravates blanches !… J’adore les cravates blanches ?
Vraiment ?
Mais non… M. Bousseronde ne comprend pas la distinction… Il est commun… trivial… vulgaire…
Oh ! continuez !… Continuez, ça me fait plaisir !
Comment !… ça vous fait plaisir que je dise du mal de mon mari… de votre ami ?…
Mon ami ?… Dites mon rival !… (Avec feu.)
Air d’Yelva.
D’un cœur épris, je vous offre l’hommage…
Autour de nous tout est calme aujourd’hui.
En entendant votre divin langage,
Vous le voyez, je suis tout réjoui.
Pour mon ami, cependant, je réclame…
Si vous voulez, nous le façonnerons…
Un mot d’espoir, un mot de vous, madame, Et vous verrez ce que nous en ferons ! |
(bis.) |
Monsieur Pigeonnier !
Hortense !… chère Hortense !… (Il se jette à ses genoux et lui baise la main. — Au même instant, Legaloux et La Birette rentrent, et poussent un cri d’étonnement. — Pigeonnier se relève vivement.)
Scène XVIII.
Ah !
Pincé ! (Il s’éloigne d’Hortense.)
. Imprudente !
Tiens ! ma femme !
Hi ! hi ! hi ! hi !
Qu’est-ce qu’ils ont donc ?… Ça les reprend !… sont-ils bêtes !… ils me font rire aussi !… (Il se met à rire avec eux, ce qui augmente encore leur hilarité.)
Silence !… (À Legaloux.) Te tairas-tu ?
À une condition… c’est que vous allez mettre vos gants blancs du baptême, et demander la main de mademoiselle… pour moi…
Faire la demande ?… Jamais !
Prenez garde !… (Il simule un baiser sur son doigt.)
Oui… oui… tout de suite…
N’vous pressez pas… mettez vos gants…
La Birette !…
Mademoiselle !…
Mademoiselle… Legaloux…
Monsieur Legaloux… et tournez-moi ça comme il faut.
Monsieur Legaloux n’a pu rester insensible à la vue de vos charmes… Il vous aime… et me charge de vous demander votre main.
Très-bien !
Ah bah !
Monsieur le notaire, j’acceptons avec reconnaissance l’honneur que M. Legaloux voulons bien me faire… mais à une condition… c’est que vous allez ôter vos gants blancs.
Hein ?
Et nous mouler un contrat de mariage dans le soigné… et pour rien.
Pour rien ?… Jamais ! (Il passe à droite.) [Hort. Bous. Leg. La Bir. Pig.]
Ah ! prenez garde !… (Elle simule un baiser sur son doigt.)
Oui… oui… Comment donc !… mais c’est trop juste… Je vais préparer le contrat… et vous viendrez le chercher demain, (Il va à son bureau et écrit.)
Ah ! vous vous en allez ?
Mon Dieu, oui…
Ça nous faisions de la peine de quitter un si bon maître… Heureusement que j’en avons trouvé un meilleur.
Ah !… Et qui ça ?
Dame !… vous… (Bas à Bousseonde.) Le buveur de lait.
Ce serait avec plaisir… mais j’ai arrêté deux domestiques ce matin. (Il passe à droite.)
Ah ! vous ne pouvez pas refuser ça au garçon de ferme du père Grivet… (il simule un baiser sur son doigt.)
Certainement… je ne demande pas mieux… Mais c’est ma femme… (Pigeonnier se lève et vient près d’Hortense.)
Oh ! en priant bien madame… (Elle simule un baiser.)
Volontiers… Je vous arrête.
Elle est stupide, ma femme.
Les gredins !… ils abusent !
Mais qu’est-ce que nous allons faire de quatre domestiques ?…
Oh ! rassurez-vous… Il y en a deux qui ne feront pas grand’-chose… tant que durera leur lune de miel.
Et elle durera toute la vie.
Bien obligé !
Comblant tous vœux,
leurs
Et, selon l’usage,
Un bon mariage
nous
Va rendre heureux.
les
Nous entrons chez un nouveau maître ;
Il s’défie de nous, c’est certain.
Pour l’rassurer, faudrait peut-être
Qu’vous nous donniez un p’tit coup d’main.
Je n’demandions que la justice ;
Vous nous connaissez d’puis longtemps.
Si vous êt’s contents d’not’service.
Ce soir, servez-nous d’répondants.
Et pan, pan, pan,
Pan, pan, pan…
Comblant tous vœux, etc.
leurs