CHAPITRE III

Formes de l’amour chez la Négresse et la femme de couleur. — La Négresse et sa passion génitale. — Formes du coït. — La Mulâtresse et la Quarteronne. — Leurs passions vives. — Injections astringentes. — Breuvages aphrodisiaques. — L’aubergine enragée. — La Misti. — Perversions de l’amour dans les races Nègres et de couleur. — Répugnance de la Négresse pour les actes Sodomitiques et libidineux. — Amour dépravé du Blanc pour la Négresse.



La Négresse et sa passion génitale. — Formes du coït. — La Négresse est généralement d’une nature passionnée et ne s’amuse pas aux bagatelles de la porte. Je parle plus loin de l’aubergine excitante et des breuvages aphrodisiaques qu’elle fait boire à ses amants pour exciter leur ardeur ; mais elle ne connaît pas les raffinements. Elle accomplit l’acte charnel un peu brutalement, et généralement dans la position classique, sur le dos, l’homme entre ses cuisses. On appelle cela, à Cayenne, « compter chevilles-bardeaux », parce que, dans cette position, la femme a les yeux fixés au plafond des maisons, et peut ainsi compter les chevilles des bardeaux ou plaques en bois en forme d’ardoises qui composent la toiture.

Il faut à la Négresse un homme-cheval pour lui faire éprouver la sensation physiologique, et elle le trouve rarement en dehors du mâle de sa race. D’ailleurs, elle a le système nerveux bien moins richement organisé que la Blanche. Ses muqueuses sont plus sèches, surtout celles des organes génitaux. Les flueurs blanches sont aussi rares à la Guyane que communes en Cochinchine. Dans ces conditions, pour obtenir la sensation voluptueuse, la Négresse a besoin d’un congrès lent, que seul peut donner le Noir avec son gros pénis. Je reviendrai, plus en détail, sur cette question, en étudiant les Nègres du Sénégal. L’amour de la Négresse pour le Blanc n’est qu’un amour de tête, qui flatte son orgueil, et non un amour des sens.

Mulâtresses et Quarteronnes. — Leurs passions vives. — Il n’en est déjà plus de même pour les Mulâtresses, dont le système nerveux est plus développé. Elles sont plus lascives que leurs mères noires. Avec elles, on peut se permettre des caresses qui laisseraient la Négresse indifférente, et mettre en pratique les conseils d’Ambroise Paré, sur le déduit d’amour. On peut également pratiquer à fond le Manuel d’Erotologie classique, de Forberg. Cependant elle tient de sa mère la répugnance pour l’acte Sodomitique. Quoiqu’elle accepte toutes les caresses amoureuses, manuelles ou buccales, elle a un faible pour l’acte charnel simple. Plus nerveuse, et à sens plus faciles à émoustiller que la Négresse, elle vibre et tressaille. Que de fois ses amants ont pu entendre cette phrase créole, singulier mélange d’érotisme et de religiosité : « Mouvi, ché doudou, mouvi, mouvé vite ; mo qua voé sain Pié, sain Paul et tous sains du Paadis ! » Quant à la Quarteronne qui fait le métier d’hétaïre, elle dame certainement le pion à ses semblables d’Europe, et ce n’est guère qu’à Tahiti que j’ai trouvé sa pareille. Le nombre des Quarteronnes est très faible à la Guyane, proportionnellement à celui des Mulâtresses. Il est, au contraire, plus grand à la Martinique, où les Blancs ont bien rarement affaire à la Négresse. Je parlerai donc un peu plus loin des Quarteronnes de la Martinique, qui ne présentent que peu de différences avec celles de la Guyane.

Injections astringentes. — Les dents, voilà la vraie beauté de la Négresse et de la femme de couleur. Si la première en prend peu de soin, il n’en est pas de même de la seconde. Du matin au soir, on la voit mâcher un cure-dent, fait avec un morceau de bois de citronnier ; un demi-citron vert, coupé en deux, dont on a enlevé les graines, constitue la meilleure des brosses à dents. C’est avec le jus de ce fruit, mêlé avec une décoction d’écorce de noix d’acajou, de carambole, qu’elles fabriquent une eau de toilette pour les soins intimes. Est-ce à ce lavage quotidien, qui rétrécit et tanne la muqueuse, qu’il faut attribuer le peu de mucosités vaginales qu’elle présente ? C’est assez probable.

La Quarteronne et la Mulâtresse offrent, à la Guyane, un caractère spécial. Quoique peu jalouses de leur naturel, dès qu’un Blanc s’est laissé mettre le grappin dessus par une fille de couleur, on est sûr qu’elle ne le lâchera pas. Elle l’enchaînera par tous les liens du plaisir. Les vieilles Négresses leur fabriquent des piaïes, sortes de philtres d’amour, destinés à retenir les amants. Ce sont généralement des breuvages aphrodisiaques dont les cantharides, le bois bandé (quelquefois un peu de phosphore), forment la base, et qui sont d’un usage souvent dangereux. Quant à la Misti, qui n’a plus qu’un huitième de sang noir, elle est rare à la Guyane, si ce n’est dans les familles de pseudo-blancs. La différence de couleur de peau avec une Blanche est presque insensible et les cheveux sont lisses et longs. La forme du visage, les lèvres un peu fortes et le sein un peu en poire, dénotent seuls le sang noir.

Aphrodisiaques des femmes de couleur. — Mulâtresses et Capresses conservent encore, de l’ascendant noir, l’odeur spéciale du Nègre et l’ampleur de l’organe génital. Aussi, quand les astringents ne produisent pas l’effet voulu, si le Massogan veut s’y prêter, on lui propose l’essai d’un remède secret, qui lui fera grossir la verge et lui procurera des sensations plus voluptueuses.

La décoction de bois bandé. — Déjà, pour le mettre souvent en rut, on lui a fait boire, avant de se coucher, une décoction de bois bandé. Le nom en indique la propriété. C’est l’écorce d’une sorte de vomiquier, parent de la fausse angusture, qui contient de la brucine et un peu de strychnine. D’après Rabuteau, la brucine a une action spéciale comme excitatrice des muscles érecteurs du pénis et provoque le priapisme.

Cette tisane, prise à dose convenable, donne des érections ; à dose trop forte, elle provoque des symptômes d’empoisonnement.

L’aubergine enragée. — Elle est cependant moins dangereuse que le remède li qua gain go posson. On prend une aubergine de dimension appropriée. On la fend en long et on creuse dans chaque moitié un canal pour contenir le membre en érection. On fait ensuite une pâte avec de la farine et de l’eau, dans laquelle on a fait bouillir de l’écorce de bois bandé, quelques allumettes phosphoriques (six à douze), deux ou trois petits piments zozo et une douzaine de grains de poivre et de clous de girofle, avec une ou deux gousses de vanille pour parfumer le tout. On recouvre la peau de la verge et du gland décalotté avec cette pâte et on enferme le tout dans l’aubergine maintenue en place pendant quelques minutes. Il se produit de suite une phlogose assez intense. On la calme avec un bain tiède d’eau de mauves, puis on frotte la verge avec de la mousse de savon, qu’on laisse sécher. Si l’on fait ces diverses opérations dans la matinée, huit ou dix heures avant le coït, on trouve que la verge a réellement augmenté de volume. Elle est chaude, l’érection presque permanente au moindre attouchement, et le coït procure des sensations âcres. Si l’on dépasse la durée de l’application de l’aubergine, on a du priapisme et de la cystite.

Un jeune lieutenant d’infanterie de Marine, mon voisin, en fit un beau jour l’expérience. C’était un homme blond, à tempérament lymphatique, avec des organes génitaux au-dessous de la moyenne, et de plus, affligé d’un phimosis désagréable. Je fus appelé, un matin, chez lui, et le trouvai au lit, se plaignant vivement d’un priapisme intense ; la verge triplée de volume, rouge et chaude, le gland énorme, en forme de poire renversée, étranglé par le prépuce. Outre cela, le malade se plaignait de la vessie. Je fus obligé de débrider le prépuce et j’arrêtai l’inflammation par un traitement approprié. Le malade jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

Répugnance de la Négresse pour les actes Sodomitiques et libidineux. — Les Négresses, tout en aimant l’acte du coït, répugnent aux bizarreries et aux dépravations. Un de nos amis, Créole blanc de la Martinique, était grand amateur de Négresses. Mais, à force de courir, ses forces génitales avaient sensiblement diminué. Il m’a avoué bien des fois qu’il ne pouvait pas obtenir des Négresses ou des Capresses les pratiques libidineuses qui lui étaient nécessaires pour le mettre en érection, tandis qu’au contraire, il obtenait plus facilement ces pratiques des Mulâtresses et Quarteronnes, surtout de celles de la Martinique. Une nuit, étant couché avec une petite Négresse de seize à dix-sept ans, il eut l’idée bizarre, son organe génital n’étant pas en état de grâce, de coiffer son membre viril avec un fac-similé creux en caoutchouc noir, ayant la forme exacte du pénis d’un Nègre. Il voulut opérer avec cet appareil. Fureur de la Négresse, qui lui sauta aux yeux et sortit de chez lui, en lui disant les plus grosses injures ; elle lui fit sur la place une réputation telle, qu’il lui fut presque impossible plus tard de recruter de nouvelles conquêtes.

Amour dépravé du Blanc pour la Négresse. — Il est de fait que le Blanc, que l’odeur marquée de la Négresse attire au lieu de le repousser, est déjà un dépravé physiologique. J’en ai connu beaucoup. Des officiers, des fonctionnaires rentrés en France et mariés à de charmantes jeunes femmes, regrettaient la peau noire et les cheveux laineux de la fille de Cham. Il est juste d’avouer (pour employer une expression triviale) que l’on n’est pas volé au déballage. L’habitude de ne jamais porter de corset, sous la grande gaule, robe montante à taille sous les seins, comme celle des dames du Directoire, donne au corps une souplesse remarquable et laisse à la taille sa forme naturelle, car la femme n’est pas construite sur le modèle d’une guêpe. Si les lèvres sont noires, les dents sont aussi blanches que celles d’un jeune chien, et les muqueuses de la bouche sont d’un rouge de corail, qui tranche agréablement sur la teinte noire. L’haleine est pure. Si le sein de la jeune Négresse est piriforme, son bout dardé en avant résiste à la pression. La Négresse est surtout remarquable par un bassin large et un postérieur aussi ample que celui de la Vénus Callipyge. On sent que la nature a créé une bonne femelle reproductrice. La cuisse est assez fournie, mais la jambe est maigre, avec un mollet de coq, le pied plat et long. Terminons en disant que la peau de la Négresse est toujours fraîche, ce qui n’est pas sans charmes par les lourdes chaleurs de la journée.

Les beautés de la femme de couleur. — La Capresse est presque une Négresse et son teint brun foncé est moins agréable, selon l’avis de beaucoup d’amateurs, que celui de la Négresse franche. La Mulâtresse participe à la fois des deux ascendants. Sa chevelure est encore ondulée, quoique plus longue. La peau est souvent d’une jolie couleur brun doré. Quelquefois son appareil génital se rapproche davantage de celui de la race blanche, mais le sein reste piriforme, et le bout en est toujours noir. Chez la Quarteronne, au contraire, le type noir est déjà très affaibli ; les yeux sont sensuels et langoureux, les cheveux longs et presque lisses, la peau souvent pas plus foncée que celle d’une brune du Midi de l’Europe ; les lèvres, d’un rouge carmin sombre, restent un peu fortes. Le sein est encore sensiblement piriforme, à bout noir, le bassin et l’arrière-train très développés comme chez sa grand’mère, la Négresse. Le poil du pubis est presque, comme chez l’Européenne, brun, châtain-foncé, ou rouge, quand il y a un ascendant roux dans les mâles. Le clitoris est normal, la muqueuse de la vulve rouge-carmin, foncé par une pointe de sépia. La jambe et le pied sont presque pareils à ceux de l’Européenne.

Permanence de la marque du sang noir sur les organes génitaux du mâle. — Chez la Quarteronne, la peau est souvent plus claire que chez une brune Européenne du Midi ; il en est de même chez le Quarteron. J’en ai connu de tout blonds, avec des yeux bleus. Mais il suffit de jeter un coup d’œil sur l’appareil génital pour reconnaître la marque indélébile du sang noir. La peau de la verge et celle du scrotum est toujours plus foncée que celle du reste du corps. La muqueuse du gland est d’un rouge sombre, plus foncée que le clitoris et la vulve de la Quarteronne. C’est à cette coloration et au cercle bleu à la racine des ongles, qu’on reconnaît le Quarteron, même quand il est blond. Cette double marque persiste encore, un peu affaiblie, chez le Misti, qui n’a qu’un huitième de sang noir.

Perversions de l’amour dans les races Nègre et de Couleur. — Il ne me reste plus qu’à donner quelques détails sur les perversions de l’amour. Ici je serai bref, ayant fort peu à dire. Les Négresses et Créoles de couleur sont pures ainsi que leurs frères, en ce sens que la pédérastie et la Sodomie, ces deux vices si communs en Extrême-Orient, leur sont à peu près inconnus.

La facilité de se procurer des femmes dans ce bon pays est telle, que ce résultat n’a rien qui doive nous étonner. J’ai cependant donné des soins à un jeune Mulâtre, qui avait contracté une gonorrhée dans un coït anti-physique avec un individu dont il ne voulut jamais indiquer la position sociale.

Un autre cas de mœurs inavouables me fut offert par un négrillon de quinze ans, qui avait accepté les offres impudiques d’un Arabe libéré ; celui-ci, qui tenait un petit débit de tafia et liqueurs, l’avait préalablement grisé en lui offrant de trop abondantes rations d’alcool, puis, à défaut d’argent, s’était payé sur la bête. Par une conséquence naturelle de la trop grande disproportion des parties, il lui avait occasionné une fissure rectale avec une vive inflammation de l’anus. La mère du garçon, une blanchisseuse, vint me raconter la fable que le jeune drôle avait imaginée : il racontait qu’un jeune cabri mâle, en courant après lui, lui avait enfoncé sa corne dans le rectum ! Le jeune drôle était sans doute coutumier du fait, car il avait à l’anus un infundibulum très prononcé et, sur ma menace de ne pas le soigner s’il ne disait pas la vérité, il finit par avouer tout. Le mal céda à un traitement approprié, qui cicatrisa la fissure rectale, mais l’anus de l’enfant resta suffisamment dilaté pour admettre le doigt avec facilité.

Ces deux observations sont les seules que j’aie pu faire sur la race de couleur, pendant un séjour de trois ans ; mais, par contre, l’Hindou, coolie engagé, et l’Arabe sorti du bagne, m’en ont offert bien d’autres.

Je traiterai la question de la défloration des petites Négresses dans l’étude de la race Nègre au Sénégal.