L’Académie des dames/Texte entier

A Venise chez Pierre Arretin [après 1770] (p. Frontisp-Ill.).


Frontispice
L’Académie des dames, 1770, PL-24
L’Académie des dames, 1770, PL-24


L’Académie des dames, 1770, Couverture
L’Académie des dames, 1770, Couverture

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-01
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-01

PREMIER

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-01
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-01


TULLIE, OCTAVIE.


Tullie.


BOn jour, Octavie.

Octavie.

Votre ſervante, ma Couſine : je ſuis ravie de vous voir ; je penſois tout préſentement à vous.

Tullie.

Je viens, ma très-chere, me réjouir avec toi, de la nouvelle que j’ai appriſe, de ton mariage avec Pamphile : je te jure en amie, que j’y prends autant de part comme ſi j’en devois partager le plaiſir, la premiere nuit de tes noces Ah ! mon enfant, que tu ſeras heureuſe ! car ta beauté te rend digne des plus tendres careſſes d’un mari.

Octavie.

Je vous ſuis fort obligée, ma Couſine, de la part que vous prenez à mes intérêts : je n’attendois rien moins de votre amitié ; & je ſuis ravie que votre viſite nous donne lieu de nous entretenir pleinement ſur ce ſujet. J’appris hier de ma mere, que je n’avois plus que deux jours de terme ; elle a déja fait dreſſer un lit, & préparer dans le plus bel appartement de notre maiſon, une chambre, & toutes les choſes néceſſaires pour cette fête. Mais pour vous dire le vrai, ma chere Tullie, tout cet appareil me donne plus de crainte qu’il ne me cauſe de joie ; & je ne puis pas même concevoir le plaiſir que vous dites que j’en dois recevoir.

Tullie.

Ce n’eſt pas une choſe fort ſurprenante, qu’étant tendre & jeune comme tu es, (car à peine as-tu atteint ta quinzieme année,) tu ignores des choſes qui m’étoient entiérement inconnues, quand je fus mariée, quoique je fuſſe un peu plus âgée que toi. Angélique me diſoit aſſez ſouvent, que je goûterois les plaiſirs du monde les plus délicieux ; mais hélas ! mon ignorance me rendit inſenſible à toutes ſes paroles.

Octavie.

Vous me ſurprenez, Tullie, & j’ai de la peine à croire ce que vous me voulez perſuader de votre ignorance. Penſez-vous que je ne ſache pas que vous avez toujours paſſé pour une fille des plus éclairées de notre ſexe ; que vous vous êtes rendue ſavante dans l’hiſtoire & dans les langues étrangeres ; & que j’ignore que la connoiſſance des choſes les plus cachées de la nature, n’a pu échapper à la vivacité de votre eſprit ?

Tullie.

Il eſt vrai, Octavie, que j’ai une obligation bien particuliere à mes parents, de ce qu’ils m’ont élevée à l’étude de tout ce qu’il y a de plus beau, & de plus curieux à ſavoir ; j’ai tâché auſſi de répondre parfaitement à leur intention : car bien-loin de faire gloire de ma ſcience & de ma beauté, ſelon la coutume de celles de notre ſexe, j’ai évité le faſte & la galanterie comme un écueil dangereux, & ai fait tous mes efforts pour m’acquérir ſeulement la réputation d’une fille ſage & honnête.

Octavie.

Ceux qui ne veulent point nous flatter, diſent qu’il n’y a rien de plus rare qu’une femme ſavante & éclairée, qui ſe conſerve dans les bornes de l’honnêteté. Il ſemble que plus nous recevons de lumieres, moins nous avons de vertus ; & je me ſouviens, Tullie, de vous avoir oui faire des diſcours ſur ce ſujet, qui ne reſſentoient point l’affectation que vous venez de faire paroître en décrivant votre conduite. Car, parlons franchement, ſeroit-il bien poſſible que votre beauté, qui eſt capable toute ſeule d’enflammer les cœurs, ne vous eût point fait naître d’occaſions de divertiſſement, où vous n’avez pu réſiſter ? Non, je ne puis me le perſuader, puiſque votre eſprit même ſuffiroit pour engager ceux qui ſeroient aſſez aveugles pour être inſenſibles aux traits de votre viſage.

Tullie.

Comment, Octavie ! où eſt donc la ſimplicité de tantôt ? Le nom de mariage te faiſoit peur ; & tu parles à préſent d’amour, de beauté & de divertiſſement ! Tu ſais ce que c’eſt que d’engager un cœur, & tu as l’eſprit aſſez vif pour découvrir ce que je voulois te diſſimuler. Je t’avouerai tout, puiſque tu as été aſſez adroite pour pénétrer les ſentiments de mon cœur ; je ne veux plus faire de myſtere avec toi : je te demande ſeulement une ingénuité pareille à la mienne, & que la confidence que tu me donneras dans tes amitiés, ſoit ſincere.

Octavie.

Ah, Tullie ! qu’une fille amoureuſe a de peine à cacher au-dehors ce qui ſe paſſe au-dedans d’elle même ! Vous avez beau déguiſer par vos paroles, je vois dans vos yeux les mouvements de votre ame ; & la ſympathie qui eſt entre ces deux parties, m’en a fait connoître la vérité. Soyez donc une autre fois plus ſincere & plus véritable, & n’abuſez pas de la crédulité d’une jeune fille comme moi. Si vous le demandez, je vous ouvrirai mon cœur comme à ma plus intime ; & afin que vous n’en doutiez pas, je vais vous en donner des preuves, par le récit de ce qui s’eſt paſſé entre Pamphile & moi.

Tullie.

Je t’aime de toute mon ame, ma chere enfant ; & l’aveu que tu me viens de faire avec tant de tendreſſe, m’engage encore à te chérir davantage : commence donc.

Octavie.

Vous ſaurez que Pamphile eſt venu fort ſouvent à ma maiſon ; il m’a rendu pluſieurs viſites. & j’ai toujours remarqué dans ſes actions les véritables mouvements d’un homme dont l’amour s’eſt rendu le maître : mais ſur-tout depuis quelque-temps il commence à être plus hardi avec moi ; & l’aſſurance qu’il a reçue de m’épouſer, lui a ôté toute la crainte qu’il avoit auparavant. Un jour, entre autres, il ſe jetta à mon col avec tant d’impétuoſité, que j’en fus ſurpriſe ; il me baiſa avec tant de chaleur, que j’en fus toute enflammée, & je ne puis concevoir la cauſe de ces mouvements ſi extraordinaires.

Tullie.

Sempronie étoit-elle abſente ? étois-tu ſeule, & ne craignois-tu rien de Pamphile ?

Octavie.

Oui, ma mere étoit ſortie, & je ne ſais pas ſi j’avois ſujet d’appréhender quelque choſe de lui.

Tullie.

Mais quoi, n’a-t-il rien exigé de toi que des baiſers ?

Octavie.

Je ne puis pas dire qu’il en reçût aucun, mais plutôt qu’il les déroba ; il en prit donc pluſieurs, avec bien de la tendreſſe, en lançant amoureuſement ſa langue entre mes levres.

Tullie.

Et quel ſentiment avois-tu pour lors ?

Octavie.

Je vous avouerai que je fus ſaiſie d’une certaine chaleur imprévue, qui me mit toute en feu ; toutes les parties de mon corps en furent animées ; & la couleur qui m’en monta au viſage, ſervit à me débarraſſer de cet importun ; il s’imagina que c’étoit un effet de ma pudeur ; c’eſt pourquoi il me laiſſa un moment de repos, & retira ſa main.

Tullie.

Continue, continue ; que faiſoit-il avec ſa main ?

Octavie.

Ah ! que je ſuis ennemie de ces mains larronneſſes, qui ſont toujours en action ! Elles me donnerent preſque la fievre, tant elles me cauſerent de chaleur. Il les gliſſa d’abord dans mon ſein, où il me ſerra tendrement les tettons ; & en diſant en riant, qu’il en trouvoit un plus dur & plus ferme que l’autre, il me renverſa tout de mon long ſur le petit lit de damas, où nous étions aſſis.

Tullie.

Ah ! tu rougis, petite Couſine ; c’eſt-à-dire que tout y fut fait.

Octavie.

Me retenant donc avec la main gauche, il rendoit tous mes efforts inutiles ; (je dis les choſes comme elles ſe paſſèrent) il gliſſa après ſa main droite ſous mes jupes, & tout auſſi-tôt… ah ! j’ai honte, je n’oſe dire le reſte.

Tullie.

Ah, Dieux ! es-tu encore ſi timide & ſi ſotte, d’avoir honte de dire les choſes par leur nom ? Chaſſe bien loin cette crainte & cette pudeur imaginaire ; il n’y a rien de plus ridicule dans une perſonne qui fait profeſſion d’être ſage : continue donc, & penſe ſeulement qui c’eſt à qui tu parles.

Octavie.

Tout auſſi-tôt il me leva ma chemiſe ſur les genoux, & me mania les cuiſſes en me chatouillant. Ah ! ma Couſine, ſi vous l’aviez vu pour lors, vous l’euſſiez admiré ; il étoit rouge comme du feu, & toutes ſes actions étoient accompagnées de tant de chaleur, que vous en auriez été ſurpriſe.

Tullie.

Que tu étois heureuſe pendant ce badinage, & que ces doux paſſe-temps te faiſoient goûter de plaiſirs !

Octavie.

Ayant donc porté ſa main un peu plus haut, il me ſaiſit cette partie qui nous diſtingue de l’autre ſexe, & dont il me coule chaque mois, depuis un an, une abondance de ſang pendant quelques jours.

Tullie.

Courage, Pamphile, courage ; continuez, vous ne commencez pas mal.

Octavie.

Conſidérez, Tullie, ſa méchanceté ; après pluſieurs maux qu’il me fit en me chatouillant partout, il me dit : Ah, mon cœur ! ah, ma chere Octavie ! c’eſt cette partie qui fera mon bonheur ; ſouffre, mon amour que je… Je penſai m’évanouir à ces paroles : cet endroit, Tullie, a une petite fente rouge & éclatante ; il y mit ſon doigt ; mais le lieu étant trop étroit. J’y reſſentis une vive douleur.

Tullie.

Eh bien, que diſoit-il ?

Octavie.

Au moment que la douleur qu’il me cauſoit avec ſon doigt, me fit pouſſer quelques ſoupirs, il s’écria : Ah, c’eſt une pucelle, c’eſt une vierge que j’aurai en partage ! & auſſi-tôt il m’ouvrit les cuiſſes, que je reſſerrois le plus étroitement que je pouvois, & ſe jetta ſur moi, qui étois toute étendue ſur le lit.

Tullie.

Eh bien, quoi ? tu ne dis mot ; ne mit-il rien que le doigt dans cet endroit dont tu me parles ?

Octavie.

Ah ! je ſentis… mais je n’oſe le dire.

Tullie.

Continue donc ; que tu fais la ſotte ! Ce que tu as ſouffert pour lors, m’eſt arrivé auſſi-bien qu’à toi. Il n’y a rien de plus hardi qu’un mari, que le retardement de la jouiſſance d’un bien qui lui eſt promis, déſeſpere ; il eſt toujours dans l’inquiétude, & ne peut avoir de repos, juſques à ce qu’il ait cueilli, ou plutôt mis en pieces, cette fleur de notre virginité.

Octavie.

Je ſentis pour lors entre mes cuiſſes, je ne ſais quoi de dur & de peſant qui étoit rempli de chaleur : il me le pouſſa dans cette fente avec beaucoup de violence ; mais ramaſſant toutes mes forces, je me jettai ſur le côté, & me débarraſſai de lui par ce moyen, en mettant ma main au devant de cet endroit où il vouloit entrer.

Tullie.

Comment ! tu pus avec la main parer un ſi grand coup, & mettre bas un ſi brave Cavalier ? Tu ne ſeras pas peut-être toujours forte.

Octavie.

Oui, je le pus, ma Couſine. Ah ! méchant, lui diſois-je, qui t’oblige à me faire tant de mal ? Par quel fait ai-je attiré ce mauvais traitement ? Ah ! ſi tu m’aimes, Pamphile !… En diſant cela, je pleurois, & j’étois tellement troublée, que je ne me reconnoiſſois plus, & à peine avois-je le jugement libre.

Tullie.

Pamphile ne put donc te percer de ſa pique, ni ſe rendre maître de la place ?

Octavie.

Non, parce que j’en détournai le coup ; mais hélas ! ſi vous ſaviez, Tullie, je me ſentis tout auſſi-tôt arroſée (nue comme j’étois juſques au nombril) comme d’une pluie, que le ſoleil auroit échauffée : j’y portai imprudemment la main ; mais je n’eus pas plutôt touché à cette liqueur, dont la fureur de Pamphile m’avoit mouillée, que l’ayant trouvée épaiſſe & viſqueuſe, j’en conçus je ne ſais quelle horreur.

Tullie.

Ni l’un ni l’autre n’eut donc la victoire ?

Octavie.

Je crois que Pamphile eut l’avantage ; car depuis ce temps-là, il eſt toujours préſent à mon eſprit ; il me ſemble plus aimable & plus agréable qu’il ne m’a jamais paru. Ce trouble & cette inquiétude me marque qu’il a été le vainqueur ; je brûle d’un feu ſecret & caché, dont je ne puis éteindre l’incendie ; je ne ſais ce que je deſire, je ne puis exprimer ce que je ſouhaite : je ſuis ſeulement certaine que de tous les hommes je n’en peux pas aimer un plus tendrement que lui ; il m’eſt uniquement cher, & c’eſt de lui ſeul que j’attends des plaiſirs & des délices, que je ne puis pas encore concevoir : mais, hélas ! le croiras-tu ? je ne laiſſe pas, dans cette ignorance, de les ſouhaiter avec ardeur.

Tullie.

Quelque ſonge agréable ne t’a-t-il point charmée en dormant ? N’as-tu point rêvé que tu jouiſſois des embraſſements de ton amant, & que tu partageois déja avec lui les douceurs que l’Hymen te prépare ?

Octavie.

Il ne faut point que je vous mente, ma Couſine ; j’ai nuit & jour l’image de Pamphile devant les yeux, & cette préſence imaginaire m’a cauſé quelquefois pendant le ſommeil, une volupté incroyable. Mais hélas ! quand j’y réfléchis, c’eſt courir après un fantôme, que de chercher du plaiſir dans l’imagination ; j’aimerois bien mieux avoir recouvré l’occaſion que je perdis par ma ſottiſe, en lui refuſant ce qu’il ſouhaitoit de moi : mais hélas ! il n’y a plus rien à eſpérer de ce côté-là.

Tullie.

Et pourquoi ne peux-tu pas le voir aujourd’hui, ou demain ?

Octavie.

Non, cela ne ſe peut ; en voici la raiſon : vous ſaurez, Tullie, que lorſque Pamphile & moi nous étions enſemble à badiner, à peine avois-je abaiſſé mes jupes, & lui caché ſa chemiſe qui paroiſſoit, que ma mere entra dans la chambre, & nous ſurprit.

Tullie.

Ah ! que je crains pour toi ! car je connois l’humeur de Sempronie.

Octavie.

Elle ne nous dit pourtant rien qui nous pût marquer ſa colere, ni à Pamphile ni à moi ; elle nous demanda ſeulement en riant, de quoi nous nous entretenions, & lequel s’aimoit le plus tendrement de nous deux : car pour celui (continua-t-elle) qui mérite mieux d’être aimé, je n’en doute point, c’eſt vous, Pamphile, & je crois qu’Octavie ne vous le diſputera pas ; je ſouhaite néanmoins que puiſque le mariage vous doit unir avec ma fille, vous ayiez de l’amitié pour elle, & que votre bon naturel tire de vous l’affection qui devroit être un effet de ſon mérite.

Tullie.

Tout cela eſt bien devant ton amant ; mais après qu’il s’en fut allé, ne te dit-elle rien ?

Octavie.

Il ne fut pas plutôt ſorti, qu’elle m’interrogea ſur ce qu’elle avoit vu de l’un & l’autre ; je fis ce que je pus pour m’excuſer ; mais elle m’obligea de lui avouer la vérité. Je me plaignis donc à elle que Pamphile m’avoit preſque oppreſſée par ſa violence ; mais que j’ignorois ce qu’il vouloit, & ce qu’il cherchoit ; que pour moi, ſi j’avois péché, je ne ſavois pas en quoi. Elle me demanda s’il ne m’avoit point violée ; (ce fut ſon terme) je lui dis que non. Sachez, ma fille, continua-t-elle, que dans peu vous devez être l’épouſe de Pamphile : ſi vous étiez aſſez complaiſante pour lui accorder avant ce temps ce qu’il ſouhaite de vous, vous ſeriez après la plus malheureuſe du monde ; car c’eſt choſe certaine qu’il vous abandonneroit : s’il étoit aſſez conſtant pour vous recevoir pour ſa femme, il n’auroit plus pour vous que du mépris. Depuis ce jour, il nous a été impoſſible de nous trouver ſeuls enſemble.

Tullie.

Sempronie avoit raiſon ; car un jeune homme n’a pas plutôt goûté les plaiſirs de l’amour, en jouiſſant des careſſes d’une fille, qu’il en conçoit du dégoût, ſi-tôt qu’il en a reçu la derniere faveur : mais je loue ton ingénuité & la candeur avec laquelle tu m’as fait ce récit ; tu n’y perdras rien, & tu trouveras en moi une naïveté pareille à la tienne. Sempronie me pria hier de t’inſtruire de tous les ſecrets les plus cachés du mariage, de t’apprendre quels doivent être tes comportements à l’égard de Pamphile, & quelles ſont ſes prérogatives & ſes avantages. Il faut, mon cœur, pour cela, que nous couchions enſemble cette nuit ; je te ſervirai de mari, en attendant qu’un autre te faſſe goûter de plus ſolides plaiſirs.

Octavie.

Je le veux de tout mon cœur, ma Couſine. Je ne peux pas mieux employer le temps qui me reſte, qu’à l’étude de la ſcience qui m’eſt en même-temps ſi néceſſaire & ſi inconnue.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-01
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-01

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02


SECOND

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-02


OCTAVIE, TULLIE.


Octavie.


EH bien, Tullie, nous voici couchées enſemble dans un même lit : il y a long-temps que vous en cherchiez l’occaſion ; & l’abſence d’Oronte, votre mari, vous l’a fait naître ſelon votre deſir.

Tullie.

Je ne puis aſſez marquer la joie que j’en reſſens : il ſuffit de te dire que je brûlois d’amour pour toi, & que la violence de cette paſſion m’a bien fait paſſer des nuits ſans repos ; mon chagrin étoit inſupportable, de ne pouvoir jouir à mon gré, de l’objet que je chériſſois plus que moi-même.

Octavie.

Mais, ma Couſine, je crois que ſi vous me chériſſiez pour lors, vous ne m’aimez pas moins à préſent.

Tullie.

Oui, mon cœur, je t’aime, ou plutôt je languis & meurs d’amour pour toi ; & je puis même t’aſſurer que ma paſſion eſt égale à celle de Pamphile.

Octavie.

Qu’entendez-vous par-là, ma Couſine ? car je ne conçois pas le rapport qu’il y a entre l’amitié que vous me portez, & l’amour que Pamphile peut avoir pour moi.

Tullie.

Je vais te l’expliquer ; mais auparavant chaſſe bien loin toute cette honte & pudeur puérile, qui pourroit troubler le plaiſir de notre entretien.

Octavie.

N’ai-je pas aſſez dépoſé toute ma timidité, lorſque vous m’avez ſouhaitée toute nue dans ce lit, & que je vous ai obéie ? n’eſt-ce pas aſſez que je me ſois couchée avec vous, dans le même eſprit, que ſi c’étoit avec Pamphile ; & que je vous aye promis que vous trouveriez en moi autant de docilité que dans une novice ?

Tullie.

Je le ſouhaite. Eh bien, pour premiere preuve de ton obéiſſance, donne-moi un baiſer, mais un baiſer qui parte du cœur.

Octavie.

Je vous en accorde non-ſeulement un, mais mille, ſi vous le deſirez.

Tullie.

Ah, Dieux ! que tu as une bouche divine ! que tes yeux ont de brillant ! & que la forme de ton viſage a de rapport avec la beauté de Vénus !

Octavie.

Mais quoi, tu jettes la couverture ! je ne ſais ce que je n’aurois point ſujet de craindre, ſi tu n’étois point Tullie : me voilà toute nue entre tes bras, que veux-tu davantage ?

Tullie.

O Dieux ! ſi vous vouliez m’accorder la puiſſance de faire ici le véritable perſonnage de Pamphile ! Mais hélas ! je crois que votre pouvoir eſt limité, puiſque je ne remarque aucun changement dans ma nature.

Octavie.

Comment, Tullie ! Pamphile prendra-t-il de la ſorte mes deux tettons ? rendra-t-il ſes baiſers auſſi fréquents que les tiens ? & me mordra-t-il les levres, le col, & le ſein comme tu fais ?

Tullie.

Toutes ces choſes-là, mon petit cœur, ne ſeront que les préludes de l’amour ; ce ſeront de légeres attaques qui dévanceront un plus grand combat ; & toutes ces careſſes peuvent paſſer pour bagatelles, ſi tu les compares avec le ſouverain plaiſir.

Octavie.

Ah ! retire-toi, Tullie, tu mets la main trop bas : ah ! ah ! tu me pinces les feſſes ; pourquoi me chatouilles-tu ſi fort cette partie… que tu regardes ſi fixement ?

Tullie.

Je contemple, mon amour, avec un ſenſible plaiſir, le champ de Vénus ; j’admire ſa beauté ; il eſt ſerré, il eſt étroit, il eſt ſemé de roſes, & ſes charmes ſeroient aſſez puiſſants pour faire deſcendre les Dieux ſur la terre.

Octavie.

Je crois que tu es folle, Tullie, de me baiſer, me regarder ainſi deſſus & deſſous : je ne vois rien dans toutes les parties de mon corps, qui ſurpaſſe la beauté du tien ; & tu n’as qu’a arrêter ta vue ſur toi-même, pour ſatisfaire ta curioſité.

Tullie.

Ce ne ſeroit pas une modeſtie en moi, mais plutôt une ſottiſe, ſi je niois que je fuſſe pourvue de quelque beauté : je n’ai encore que dix-neuf ans ; & n’étant mere que d’un enfant, je ne peux pas avoir perdu tous les agréments qu’on a trouvés autrefois dans ma perſonne. C’eſt pourquoi, Octavie, ſi tu peux recevoir de moi quelque ſorte de plaiſir, agis librement, je ne m’y oppoſe pas.

Octavie.

Ni moi non plus ; je t’accorde tout ce que tu ſouhaites : mais je ſais que d’une fille comme je ſuis, tu ne peux pas recevoir aucun contentement ; & je ne puis concevoir aucun plaiſir dont tu puiſſes pareillement me divertir, étant d’un même ſexe que moi. Ce n’eſt pas que je ne puiſſe jetter les yeux ſur ton viſage, que je ne m’imagine voir un jardin planté de lis & de roſes, ſouffre que je me ſerve de ces termes.

Tullie.

C’eſt toi, fripponne, qui as un jardin où Pamphile cueillera des fleurs, & goûtera des fruits plus délicieux que la viande des Dieux.

Octavie.

Je n’ai point de jardin que tu n’ayes pareillement, auſſi fécond en fruits que le mien. Car qu’eſt-ce que tu entends par ce jardin ? où eſt il planté ; quels en ſont les fruits ?

Tullie.

Ce ſouris me fait connoître ta méchanceté : ce que tu fais ſemblant d’ignorer, tu le ſais mieux que moi.

Octavie.

Tu appelles peut-être de ce nom-là, cette partie dont tu fermes l’entrée avec ta main droite, que tu me chatouilles avec les doigts, & que tu pinces & m’excites, en la grattant.

Tullie.

Oui, c’eſt elle ; tu as deviné : mais, ſotte que tu es, ne ſais-tu pas à quoi elle eſt bonne, & en ignores-tu l’uſage ?

Octavie.

Si je l’avois appris hors du mariage, je ſerois malhonnête, & indigne de votre affection ; mais faites-moi la grace de m’en inſtruire : remettons-nous dans le lit ; car étant aſſiſes comme nous ſommes, toutes nues, nous pourrions nous enrhumer.

Tullie.

Je le veux bien ; mais ſois attentive. Le jardin dont je te parlois, c’eſt cette partie qui eſt placée au deſſous du bas-ventre, au milieu d’une petite montagne, revêtue d’un poil follet : ce coton eſt une marque aſſurée qu’une fille eſt dans ſa maturité, & que la fleur de ſa virginité eſt bonne à cueillir. On donne pluſieurs noms à cet endroit du corps ; la folie des amants le leur fait appeller quelquefois, un Navire, un Champ, une Bague, &c. mais le terme le plus commun, c’eſt un Con. Admire, Octavie, la ſituation de cette partie ; (retire donc ces draps de deſſus toi, tu crains bien d’amaſſer du froid.) Ne crois pas qu’elle ſoit placée entre les cuiſſes, pour aucune marque d’ignominie qu’elle porte avec ſoi, comme penſent nos dévots ; mais ſeulement pour en rendre l’uſage plus facile & plus voluptueux. Cette petite élevation que tu vois revêtue de cette mouſſe cotonnée, s’appelle Le Mont De Vénus ; c’eſt une montagne, Octavie, que ceux qui ſont aſſez heureux de la monter, préferent au Parnaſſe, à l’Olympe, & à toutes les plus fameuſes de l’antiquité.

Octavie.

Ah ! que ton entretien eſt charmant, & que je t’abandonnerois de bon cœur la jouiſſance de toutes les parties de mon corps, que tu ſembles tant deſirer, pour goûter en échange les douceurs de ta converſation !

Tullie.

Embraſſe-moi donc, ma très-chere, & ſoulage par tes baiſers, la violence de l’amour que je reſſens pour toi, ne refuſe pas à mes yeux & à mes mains, les plaiſirs que tu peux leur accorder : cela ne fera point de tort, ni à Pamphile, ni à toi. Mais hélas, que tous mes efforts ſont inutiles ! qu’ils ſont vains ! & que je ſuis miſérable, de ne pouvoir éteindre le feu qui me conſume !

Octavie.

Je te fais la maîtreſſe de mon corps, & je t’accorde la jouiſſance de cette partie que tu chatouilles, ſi elle peut contribuer à ton contentement : ta volonté peut te ſervir de regle dans toutes tes recherches.

Tullie.

Tu me fais donc la maîtreſſe de ce chemin qui conduit au ſouverain bien : ah ! j’en vois la porte ; mais hélas ! je ne puis me ſervir du pouvoir que tu me donnes je n’ai point de clef pour l’ouvrir, point de marteau pour frapper, ni aucun autre inſtrument qui puiſſe m’en faciliter l’entrée. Ah, Octavie ! permets-moi de faire une tentative.

Octavie.

Ah, Dieu ! à quel jeu veux-tu jouer en t’étendant de la ſorte ſur moi ? quoi, bouche contre bouche, ſein ſur ſein, ventre ſur ventre ! dis-moi donc ton deſſin dans ce badinage ? faut-il que je t’embraſſe comme tu me ſerres ?

Tullie.

Oui, mon petit cœur, accorde-moi cette grace, & ne refuſe point mes careſſes, puiſqu’elles ne te peuvent donner que du plaiſir. Ouvre les cuiſſes, & les éleve ſur les miennes : voilà qui eſt bien ; tu as été auſſi ponctuelle à m’obéir, que j’ai été prompte à te commander.

Octavie.

Ah ! ah ! Tullie, comme tu me preſſes ; ah, Dieux ! quelles ſecouſſes ! tu me mets toute en feu, tu me tues par ces agitations : éteins au moins ces flambeaux, car j’ai honte que la lumiere ſoit témoin de ma patience. Crois-tu, Tullie, que je ſouffriſſe cela d’une autre que de toi ?

Tullie.

Ma chere Octavie, mon amour, embraſſe-moi entiérement, & reçois : Ah, ah, ah ! je n’en puis, je décharge ; ah, ah, ah, je meurs de plaiſir !

Octavie.

Retire-toi, Tullie, tu m’accables par le poids de ton corps. Quoi ! tu ne dis rien ? as-tu perdu la parole ?

Tullie.

Ah ! c’en eſt fait ; ma Déeſſe ; j’ai été ton mari, & tu as fait l’office de femme : jamais, (je te jure,) je n’ai reſſenti de plus douce volupté, que celle que j’ai goûtée dans tes embraſſements.

Octavie.

Ah ! plût aux Dieux que j’euſſe un mari auſſi aimable que toi ! que tu aurois une femme qui te chériroit ; qu’elle t’aimeroit, & que… Ah, Dieu ! je ſuis toute mouillée ! d’où vient cela ? je ne m’en étois pas apperçue : eſt-ce toi, Tullie, qui m’as ainſi arroſée ? comment cela s’eſt-il pu faire ?

Tullie.

Oui, c’eſt moi, mon petit cœur, qui t’ai rendu ce bon office ; mais quel a été ton ſentiment dans ce badinage ?

Octavie.

Pour te dire le vrai, le plaiſir que j’ai partagé avec toi, n’a pas été bien grand : j’ai ſeulement reſſenti quelques émotions ; & quelques étincelles du feu dont tu brûlois, ont échauffé ma partie. Mais de grace, dis-moi ſi les autres femmes conçoivent un ſemblable amour pour leur ſexe, ou bien ſi cette maladie t’eſt particuliere ?

Tullie.

Toutes les femmes, ma chere enfant, brûlent d’un même feu ; & il faudroit être auſſi froid que le marbre, & auſſi dur que le porphyre, pour demeurer inſenſible à la vue de ce qu’il y a de plus aimable : car qu’y a-t-il de plus charmant, qu’une jeune fille, belle, douillette, blanche, & propre comme tu es ?

Octavie.

Ah ! ma Couſine, je commence à reſſentir un petit chatouillement & une certaine démangeaiſon dans cet endroit qui me donne bien du contentement ; mais je crois que cela n’eſt rien, ſi l’on compare ce plaiſir à celui que nous recevons des hommes quand ils couchent avec nous.

Tullie.

Tu as raiſon, ma petite femme, & tu l’éprouveras la nuit prochaine avec une ſatisfaction entiere ; mais bien plus grande, que ſi tu la recevois d’un autre homme que Pamphile.

Octavie.

Eh pourquoi cela, ma Couſine ? eſt-ce que tous les hommes ne le font pas de la même façon ?

Tullie.

Non, pauvre innocente : ce n’eſt pas cela ; mais c’eſt parce que, hors du mariage, le plaiſir eſt toujours accompagné de crainte & de peur, & ſouvent ſuivi de malheurs. Outre la groſſeſſe, les couches, & mille autres incommodités qui ſont les fruits qui naiſſent de nos familiarités ſecretes, nous expoſent à d’étranges accidents. Mais, au contraire, dans les plaiſirs de l’Hyménée, il ſe trouve une ſatisfaction hardie & tranquille, qui ne ſe rencontre point dans les autres ; outre que le mariage eſt un voile qui cache & couvre les défauts de nos comportements, puiſque nous pouvons ſans crainte & ſans haſard nous divertir, d’abord que nous en ſommes revêtues. Il y a donc des plaiſirs pour les vierges, auſſi-bien que pour celles qui ſont hors du célibat : elles peuvent trouver elles-mêmes un eſſai des voluptés que goûtent les autres ; mais bien plus pures, puiſque la diſcorde & la jalouſie ne les troublent preſque jamais. Ne ſois donc plus ſurpriſe qu’une fille conçoive de l’amour pour une autre : pour moi je brûle de cette paſſion ; & je préférerois très-volontiers tes embraſſements à ceux d’Oronte, quoique je les chériſſe beaucoup. Tu ne dois pas, ma mignonne, m’en eſtimer moins honnête ; cette humeur ne m’eſt pas particuliere : les Françoiſes, les Italiennes, & les Eſpagnoles, ſe chériſſent de la ſorte ; & ſouvent, ſi la pudeur & la honte ne les retenoit, elles ſe donneroient des marques publiques de cette paſſion, quand elles ſe voyent.

Octavie.

Ah ! que je ſuis charmée, ma Couſine, de votre entretien ! je préférerois ma condition à celles que nous eſtimons les plus heureuſes, ſi j’étois auſſi ſavante que vous.

Tullie.

Eh bien, ma Déeſſe, mon amour, ma Vénus, tu n’es pas moins vierge que tu étois ; je n’ai rien voulu faire qui t’ait pu dérober cette belle fleur, qui eſt réſervée à Pamphile : il trouvera encore la porte du jardin fermée, & il doit m’en avoir une ſecrete obligation.

Octavie.

Je crois que Pamphile ne doit pas vous en marquer beaucoup de reconnoiſſance ; car ſi vous ne l’avez pas ouverte, ç’a plutôt été par un défaut de puiſſance, que par un manquement d’inclination.

Tullie.

Je vois bien que tu ne ſais pas ce que c’eſt qu’un Godemiché. Les Dames de Mileſi s’en faiſoient de cuir, longs de huit doigts, & gros à proportion. Ariſtophane dit que de ſon temps preſque toutes les femmes s’en ſervoient ; aujourd’hui, chez les Italiennes & les Eſpagnoles, ils ſont fort en uſage, & cet inſtrument fait un des plus précieux meubles de la toilette de toutes les Dames d’Aſie.

Octavie.

Je ne conçois pas ce que c’eſt, ni à quoi cela peut être utile.

Tullie.

Tu l’apprendras avec le temps ; mais parlons d’autre choſe.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-02

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02


TROISIEME

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03


OCTAVIE, TULLIE.


Octavie.


AH ! ah ! ah ! comme tu te jettes ſur moi ! ah ! ſi les Dieux avoient changé ton ſexe, & t’avoient métamorphoſée en homme, que ne m’arriveroit-il point ?

Tullie.

Mon petit cœur, Pamphile fera tout de même : il te fermera la bouche par ſes baiſers ; il ſuccera amoureuſement tes deux tettons ; en un mot, il couvrira tout ton corps du ſien, & te donnera des ſecouſſes d’autant plus preſſantes, qu’il me ſurpaſſe en force & en vigueur : ſes agitations ſeront ſi violentes, que le lit dans lequel vous ſerez en fera bruit, toute la chambre en tremblera, & les vitres & les fenêtres en éclateront. Je ne te dis rien que je n’aye éprouvé moi-même ; car la premiere nuit de mes noces qu’Oronte me dépucela, les efforts qu’il fit furent ſi grands, ſes mouvements ſi rudes, & ſes agitations ſi ſurprenantes, que tous ceux qui étoient dans des chambres aſſez éloignées les entendirent fort clairement. Imagine-toi, mon cœur, en quel état je pouvois être, moi qui remportai la victoire, de l’aveu même de mon adverſaire !

Octavie.

Ah ! que deviendrai-je ; ſi Pamphile eſt auſſi vigoureux qu’Oronte ! Si tu as eu tant de peine, quoique tu fuſſes plus forte & plus âgée que moi, ah ! il eſt indubitable que je ſuccomberai, & ne pourrai ſouffrir de ſi rudes attaques.

Tullie.

Il ne faut point te diſſimuler tu auras un peu à endurer, lorſque Pamphile te percera de ſon inſtrument : mais auſſi à cette peine ſuccéderont des douceurs, des plaiſirs & des chatouillements, que je ne te puis exprimer, & qui effaceront bientôt le moindre ſouvenir de la douleur paſſée.

Octavie.

Ah ! ma chere Tullie, ſerai-je montée par un Cavalier auſſi aimable que toi ? Si cela eſt, je n’envierai point au Parnaſſe ſon Apollon, ni au Mont Olympe ſon Jupiter. Ah ! qu’Oronte eſt heureux de te poſſéder, & que vous menez une vie bien douce ! Mais que regardes-tu ſi fixement, en me faiſant ainſi ouvrir… Ah ! tu m’étends un peu trop les levres de cette partie ; eh bien ! que vois-tu au-dedans ?

Tullie.

Ce que j’y vois ? ah ! j’y vois une fleur, dont la couleur & l’éclat l’emportent ſur la pourpre & ſur l’écarlate. C’eſt un tréſor, dont je préférerois la jouiſſance & la poſſeſſion à tout ce qu’il y a de plus riche dans le monde.

Octavie.

Retire, je te prie, ce doigt laſcif, que tu m’as mis au-dedans : ah, ah ! tu l’avances encore, tu me bleſſes ; retire-toi ; encore un coup, je t’en conjure.

Tullie.

Ah, que j’ai pitié de toi, coquille précieuſe, plus propre mille fois pour faire naître les Amours & les graces, que celle dont on dit que Vénus eſt ſortie ! Ah ! que Pamphile eſt heureux, & qu’il eſt né ſous une favorable conſtellation, puiſque les Dieux le doivent rendre maître d’une choſe en même-temps ſi aimable & ſi amoureuſe !

Octavie.

Pourquoi dis-tu que tu as compaſſion de moi, & que cette partie te fait pitié ? doit-il arriver quelque choſe de fâcheux pour l’une ou pour l’autre ?

Tullie.

C’eſt l’amitié que je te porte, qui me rend ſenſible à tes maux, devant même qu’ils ſoient arrivés ; je prévois les douleurs & les fatigues que tu ſouffriras dans les premieres attaques de Pamphile. Ah ! que le combat ſera ſanglant ! je m’imagine voir déja avec quelle cruauté cette pauvre partie ſera déchirée. Tu as vu les armes dont il ſe doit ſervir ?

Octavie.

Non, mais je les ai reſſenties, & il me ſembloit que c’étoit la maſſue d’Hercule, tant à cauſe de ſa groſſeur, que de ſa longueur prodigieuſe.

Tullie.

Je ſais d’Oronte, qu’il n’y a pas un homme dans la ville, mieux pourvu de cette partie que Pamphile. Oronte en a un, long de huit doigts ; mais il dit que ce n’eſt rien auprès de lui, & qu’il a un membre de la longueur d’onze pouces, & de la groſſeur de ton bras, (je parle de l’endroit le plus proche de ta main.)

Octavie.

Ah, Dieux, quel monſtre ! quoi, il enfoncera dans mon ventre toute cette machine prodigieuſe ? je pourrai ſouffrir une choſe ſemblable ? Non non, la ſeule penſée m’étonne & me fait horreur, & le cœur me manque par la ſeule réflexion que je fais ſur tes paroles. Onze doigts ! oh, grands Dieux !

Tullie.

Ne perds pas courage, mon enfant : il eſt vrai que le membre de Pamphile ſurpaſſe en longueur celui d’Oronte ; mais auſſi il faut qu’il lui cede en groſſeur. Car vois-tu bien mon bras ?

Octavie.

Aſſurément, je le vois.

Tullie.

Eh bien, quand ſon membre eſt chaud, & lorſqu’il s’enfle de colere contre moi, il eſt de cette groſſeur ; & avec tout cela, il eſt fort bien proportionné à ſon fourreau.

Octavie.

Quoi, il ne te bleſſe point, & ta partie peut facilement le recevoir ? eſt-il poſſible ! Il faut que tu ſatisfaſſes ma curioſité, & que je voye de mes yeux ce que je ne puis concevoir de mon eſprit. Tullie, mets-toi à quatre pieds ſur le lit, & tourne les cuiſſes du côté de la lumiere ; écarte-les le plus que tu pourras, afin que je puiſſe mieux conſidérer l’étendue de cette partie.

Tullie.

Eh bien, ſatisfais-toi ; mais prends garde de t’égarer dans un chemin qui eſt bien plus large que le tien, & qui a bien des détours qui te ſont inconnus. Suis-je bien poſée de cette maniere ? cette ſituation te plaît-elle ?

Octavie.

Ah ! Dieu, qu’elle eſt luxurieuſe, qu’elle eſt lubrique ! Ah, je ne puis voir la beauté de tes feſſes, ſans les contempler amoureuſement ; & je ne puis pas même m’empêcher de leur donner mille baiſers.

Tullie.

Ah ! que tu ſeras laſcive, petite Couſine ! ah, comme tu me mords ! Quitte donc ce badinage, & conſidere bien la longueur, la largeur, & la profondeur de ce pays que tu as découvert : bon, ouvre encore davantage les deux levres de cette partie ; eh bien ! que vois-tu ?

Octavie.

Ah, Dieux ! ce que je vois, je ne l’aurois jamais cru : je vois cet endroit où Corſius ſe précipita tout armé avec ſon cheval ; je vois un chemin où je crois que Priape même ſe pourroit égarer. Eſt-il poſſible, Tullie, que ma partie devienne ſemblable à la tienne ſans une métamorphoſe des Dieux ?

Tullie.

Eh bien, es-tu contente ; & ta curioſité eſt-elle pleinement ſatisfaite ?

Octavie.

Oui, je le ſuis, & je t’ai ſi bien conſidérée dans la poſture où tu étois, que je crois connoître à préſent tout ce qu’il y a de plus caché dans cette partie qui nous fait femmes. Il reſte, Tullie, à m’apprendre quelque choſe du membre de l’homme, & comment on le nomme ordinairement.

Tullie.

Je le veux, de tout mon cœur. Tu ſauras donc que cette partie de l’homme eſt ſituée dans le même endroit que la nôtre. On l’appelle communément, le vit, le membre, la pique, la verge, & par Antonomaſe, la nature. Il y a encore mille autres noms dont nous nous ſervons dans nos fureurs. Apprends donc que ce membre, ce vit, ce nerf, ou comme tu voudras l’appeller, hors de l’acte vénérien, eſt lâche & pendant ; & on peut dire qu’il n’eſt qu’un portrait, en raccourci, de ce qu’il eſt dans l’action : car dans ce moment il ſe dreſſe, il s’enfle, il s’allonge, mais d’une longueur ſurprenante, & devient ſi furieux, que d’abord la ſeule vue nous fait peur. Dans les attaques où il ſe rend maître de notre virginité, il nous cauſe une cuiſante & ſenſible douleur ; mais elle eſt bientôt appaiſée par l’excès du plaiſir que nous recevons un moment après.

Octavie.

Le plaiſir, je ne le connois point encore ; la douleur, je ne ſouhaite pas l’expérimenter ; mais pour la crainte, elle me ſaiſit déja.

Tullie.

Au-deſſous de ce membre, il y a une bourſe garnie & entourée de petits poils friſés, & que la nature ſemble avoir mis-là pour conſerver la chaleur de cette partie, qui n’en doit jamais manquer. Or dans cette bourſe il y a deux petits globes qui ſont les marques de la virilité : ils ne ſont pas d’une rondeur fort réguliere, mais ils ſont fort durs ; & plus ils ont de fermeté, plus ils ſont capables de donner du plaiſir. On les appelle vulgairement teſticules ou couillons. Il s’eſt trouvé des perſonnes en qui la nature a été ſi libérale de ces tréſors, qu’ils en ont été pourvus de trois ; comme Agathocle, Tyran de Syracuſe : & il y a encore une noble & illuſtre famille en Italie, dont tous les deſcendants ont ce même avantage. Avoue avec moi, Octavie, que les femmes de ces Athletes ſont heureuſes, & ont bien du bonheur, puiſqu’il n’y a rien de plus doux & de plus capable d’appaiſer la douleur que l’entrée précipitée du V.., nous cauſe, que cette ſuave liqueur, ce doux nectar, cet élixir précieux, qui ſort avec abondance des veines poreuſes de ces petites boules de chair. Cette liqueur s’appelle ſemence, foutre, ſperme, &c ; & de tous les animaux, il n’y en a point en qui elle abonde davantage que dans l’homme : or imagine-toi de quelle pluye ſont arroſées les femmes de ceux qui ſont ſi bien partagés.

Octavie.

Peut-être, Tullie, que Pamphile en aura auſſi trois, & j’ai ſujet de le croire ; car comme je t’ai dit, il m’arroſa avec tant de profuſion, que non-ſeulement mes cuiſſes & mon ventre juſques au nombril en furent mouillés, mais même ma chemiſe & mes jupes.

Tullie.

Cela n’eſt pas ſurprenant ; car ce ſeroit une choſe honteuſe à un jeune homme comme lui, de faire un ſacrifice à Vénus, ou plutôt à la beauté, ſans répandre ſur la victime cette céleſte roſée avec abondance. Cette liqueur eſt comme la ſalive du V.. de l’homme ; elle eſt ſi remplie d’eſprits, qu’elle ſort avec véhemence, & eſt portée quelquefois à trois pieds de la perſonne dont elle part. Repréſente-toi donc, Octavie, l’excès du plaiſir que l’on reſſent, quand, après pluſieurs ſecouſſes & fréquentes agitations, cela vient à ſe décharger dans la matrice, & la remplit de cette divine ambroiſie. Ah ! cela cauſe un chatouillement & une ſi douce démangeaiſon de la partie, que nous en tombons en extaſe, nous en perdons l’uſage de nos ſens, & notre ame ſemble abandonner toutes ſes fonctions, pour goûter avec nous ou plutôt pour s’enivrer de l’excès de cette volupté. Ah ! Octavie, il n’y a point de terme qui puiſſe t’exprimer comme il faut, la nature de ce contentement.

Octavie.

Je ne me laſſerois jamais, ma Couſine, de vous entendre ; & votre entretien eſt ſi charmant, que je ſouhaite qu’Oronte ſoit ſouvent abſent, afin de trouver l’occaſion de paſſer de ſemblables nuits avec vous. Quoi, vous bâillez ?

Tullie.

Oui, mon enfant, je m’endors, & je ne puis plus réſiſter au ſommeil.

Octavie.

Continuons notre entretien ; pourquoi s’endormir ſi-tôt ? accordez cette grace à celle qui vous careſſe.

Tullie.

Tu ne ſais ce qui t’eſt néceſſaire, petite folle : tu as plus beſoin de repos que moi ; il faut que tu ſaches que la nuit prochaine tu ne trouveras pas le ſommeil dans les fureurs & les embraſſements de Pamphile : c’eſt pourquoi repoſe toi, afin de prendre des forces pour ſoutenir, en vraie fille de Vénus, tous les aſſauts qui te ſeront donnés.

Octavie.

Je ferai ce que tu voudras, mais plutôt pour te complaire que pour aucun intérêt que je prenne dans ma ſanté ; elle eſt, Dieu merci, aſſez bonne pour n’avoir pas beſoin de tous ces ménagements. Dors donc à préſent, je te promets de garder le ſilence.

Tullie.

Donne-moi un baiſer, mon cœur, auparavant que je ferme les yeux.

Octavie.

Prends, voilà ma bouche, mes levres & tout mon corps je le mets en ta puiſſance : contente-toi.

Tullie.

Ah ! baiſers capables de donner de la jalouſie aux Dieux ! ah ! que ces embraſſements ſont remplis de tendreſſe ! que ces attouchements ſont délicieux ! Permets-moi, ma petite femme, de dormir avec toi, comme Mars repoſoit avec Vénus : que je couvre d’une main cette partie ſi aimable & ce mont conſacré à l’amour ; que je touche de celle-ci ton derriere, & ces feſſes ſi blanches & ſi fermes. Voilà qui eſt bien, ne remue donc point. Auſſi-tôt que je ſerai éveillée, je te promets de continuer notre entretien. Dors, mon petit cœur.

Octavie.

Dors toi-même : tu es une étrange cauſeuſe ; tu veux repoſer, & tu ne ceſſes de faire la folle, & de badiner.



Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-03

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-03


QUATRIEME

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03


OCTAVIE, TULLIE.


Tullie.


QUe je ſuis contente de mon ſommeil ! j’ai dormi profondément ſept heures ſans interruption. Et toi, Octavie, comment as-tu paſſé la nuit ?

Octavie.

Pour moi il y a une bonne heure que je ſuis éveillée, & que je ſuis dans une extrême inquiétude d’une horrible viſion que j’ai eue.

Tullie.

Fais-m’en le récit, je te prie.

Octavie.

Je ſongeois que Pamphile & moi, nous nous promenions dans une allée d’arbres à la fraîcheur, pour nous garantir du ſoleil, & qu’il me faiſoit des plaintes amoureuſes qui m’étoient d’autant plus agréables, qu’elles procédoient d’une profonde tendreſſe qu’il a pour moi. Il me demandoit un baiſer avec des empreſſements extraordinaires ; je le refuſois : mais tous mes refus ne faiſoient que le rendre plus opiniâtre & plus hardi ; & comme il a infiniment de l’eſprit, il ſut ſi bien faire, qu’il me perſuada enfin de lui donner ce baiſer tant deſiré. Mais comme vous ſavez, Tullie, qu’en amour une faveur en attire une autre, il ne ſe contenta pas de celle que je lui avois accordée ; il m’embraſſa d’une main, pendant qu’il tâchoit de gliſſer l’autre dans mon ſein. Je lui réſiſtois tant que je pouvois ; & ce n’a été que par votre ſecours, Tullie, que je m’en ſuis débarraſſée. J’ai pris auſſi-tôt la fuite, mais il m’a pourſuivie avec bien de la vîteſſe ; & au moment qu’il a été prêt de me joindre, j’ai tourné la tête. Ah, Tullie ! ſi vous ſaviez quel monſtre j’ai vu !

Tullie.

Et quel monſtre, Couſine ? Eſt-ce que quelque loup furieux s’étoit élancé ſur Pamphile ? ou le déſeſpoir ne lui avoit-il point fait paſſer ſon épée au travers du corps ?

Octavie.

Point du tout ; Dieu l’en préſerve ! qu’il me perce moi-même de ſon membre, plutôt qu’un ſi grand malheur lui arrive jamais. Ce que je vis : écoutez, Tullie, vous allez être ſurpriſe ; ce que je vis, ce fut Pamphile, qui étoit changé en la forme d’un vilain Satyre, à peu près comme les peintres les repréſentent dans les tableaux. Il avoit tout le corps hériſſé de poil ; de ſon front ſortoient deux cornes de bouc, fort droites & fort aiguës : pour les yeux, le nez & tout le reſte du viſage, il avoit ſa premiere figure. Ce n’eſt pas tout : il me menaçoit avec un vit deux fois plus long & plus gros, que ne l’eſt ordinairement celui de l’homme le mieux membré ; ſes cuiſſes & ſes jambes reſſembloient à celles d’une chevre : il ſe jettoit ſur moi bruſquement, me baiſoit, & tout en fureur en vouloit venir à l’action. Que voulez-vous davantage ? une viſion ſi horrible m’a éveillée, & je tremble encore de la frayeur qu’elle m’a cauſée, Ma chere Tullie, vous qui avez tant d’érudition, qui n’ignorez rien de ce qui peut être appris, me pourriez-vous expliquer un ſonge auſſi bizarre que celui-là ?

Tullie.

Aſſurément, je le puis, & l’interprétation et eſt fort facile ; mais je t’en parlerai en temps & lieu, parce qu’il n’eſt pas fort néceſſaire que tu le ſaches à préſent.

Octavie.

Eh, de grace, contentez ma curioſité, & ne me laiſſez pas plus long-temps dans les frayeurs où je ſuis : je t’en conjure, ma petite femme, ou plutôt mon petit mari ; (puiſque tu as fait les fonctions ſur moi) je t’en conjure, dis-je, au nom de tout ce que tu as de plus cher au monde.

Tullie.

Puiſque tu es donc ſi curieuſe, il faut te ſatiſfaire ; il n’y a pas moyen de rien refuſer à ce que l’on aime. Apprends donc que ce ſonge te préſage de grands plaiſirs que tu goûteras dans ta jeuneſſe, & que tu recevras d’un amour étranger : ſon augure porte pareillement que Pamphile ſera noirci de cette tache, qui ternit aujourd’hui la réputation d’un mari à qui on a violé le droit de ſon lit. C’eſt-à-dire en bon François, que tu le feras cocu.

Octavie.

Qui, moi ! je ferois Pamphile cocu ! A Dieu ne plaiſe d’en avoir ſeulement la penſée !

Tullie.

Il n’eſt pas néceſſaire, je m’imagine, de te dire qui ſont ceux qu’on appelle cocus ; tu dois ſavoir que ce ſont les maris à qui leurs femmes ne gardent pas la foi conjugale.

Octavie.

Je le ſais fort bien ; mais tout de bon, ma Couſine, me croyez-vous capable de tomber dans une ſi grande faute ? quoi, je ferois un tel affront à Pamphile ? non, je mourrois plutôt. Eſt-ce qu’il vous eſt arrivé quelquefois de tromper votre Oronte ? je ne ſaurois me le perſuader : j’ai trop bonne opinion de votre honnêteté, & vous m’obligerez d’avoir là-deſſus les mêmes ſentiments pour ma perſonne.

Tullie.

Ne fais point tant la ſcrupuleuſe, je ne te pronoſtique rien qui ne doive t’arriver. Autrefois on étoit aſſez niais pour croire que le cocuage étoit une ignominie ; mais à préſent on eſt déſabuſé : car qu’eſt-ce enfin que ce grand mal dont tant de gens de bien ſe rient avec juſte raiſon ?

Quand on l’ignore, ce n’eſt rien ;
Quand on le ſait, c’eſt peu de choſe.

On eſt donc guéri aujourd’hui de cette vieille erreur : il n’y a plus que les ſots qui s’en rompent la tête ; les mieux aviſés connoiſſent bien que c’eſt une pure idée ; ils ne diſent mot, & je trouve qu’ils ont raiſon ; il en reſte toujours aſſez pour eux : outre que le mariage étant ordinairement le tombeau de l’amitié, nous avons droit de chercher ailleurs ce qui nous peut plaire. Si les hommes en agiſſent tous les jours ainſi, quoique ſouvent ils ayent de plus belles femmes que celles des autres à qui ils ſe donnent ; eh ! pourquoi ne jouirons-nous pas du même privilege qu’eux ? L’union des volontés faiſant le nœud le plus fort du mariage, ſi elle vient à ſe rompre, ou par la contrariété des humeurs, ou par la grande facilité que nous avons à nous dégoûter bientôt de ce que nous poſſédons, l’obligation de ſe garder mutuellement la foi, ne ceſſe-t-elle pas ? (Tu conçois bien ce raiſonnement.) Devenant donc de la ſorte tout-à-fait libres, & notre cœur ne pouvant d’ailleurs être ſans quelque amuſement, la nature, qui eſt ſage en tout ce qu’elle fait, lui permet de chercher quelque objet qui l’occupe, & de s’attacher à ceux qui ont quelque ſympathie avec lui.

Octavie.

J’ai vu néanmoins des perſonnes qui condamnoient ces libertés-là, comme de grands crimes.

Tullie.

Je le crois bien ; & il eſt vrai que les loix civiles ſont contraires en cela à celles de la nature ; mais c’eſt ſeulement pour éviter les déſordres qui pourroient arriver dans le monde. Apprends donc, Octavie, que le mal du cocuage dont on nous prêche tant l’énormité, ne doit pas nous effrayer, non plus que ce beau terme d’honneur, qui n’eſt point une vertu réelle, mais un fantôme & une pure chimere. Ce n’eſt pas que dans nos petits commerces amoureux nous ne devions éviter l’éclat ; ce ſeroit une impudence extrême de faire hautement nos maris cocus ; il faut ſauver les apparences. Par une complaiſance fauſſe ou véritable pour le pauvre homme, uſer un peu d’hypocriſie, faire quelques grimaces en temps & lieu, ne parler que fort peu ou point du tout de la perſonne que nous aimons, prendre à propos l’heure du berger : voilà les moyens de vivre heureuſe dans la ſervitude du mariage, en cachant le myſtere de notre cœur ; & de planter à nos maris des cornes d’abondance, ſans qu’ils s’en apperçoivent.

Octavie.

Vous me ſurprenez, Tullie, par cette facilité admirable que vous avez à vous exprimer & à parler ſur toutes choſes : toute votre morale néanmoins ne me pouſſera pas à faire ce que vous prêchez ; j’aime trop Pamphile, pour lui mettre un ſi beau bonnet ſur la tête.

Tullie.

Attends, attends encore un peu que tu ayes perdu ton pucelage, & je ſuis ſûre que tu changeras bien d’avis, & que dans quelques mois les careſſes de ton mari te deviendront fades & inſipides. On ſe laſſe d’avoir nuit & jour ſur ſoi la même charge, & le changement eſt pour nous un ragoût piquant ; & il y a fort peu de femmes, pour ne pas dire point du tout, qui ne ſe ſervent de l’occaſion quand elles la trouvent.

Octavie.

Je vous dis encore une fois que cela ne me perſuade pas, & que Pamphile ſe peut repoſer ſur ma fidélité ; tout ce que vous dites eſt beau & bon, mais il a toujours aſſez de quoi nous faire rougir.

Tullie.

Ah ! que tu es opiniâtre ! qui eſt-ce, je te prie, qui peut tourner en opprobre une néceſſité inſurmontable ? Si ce ſont les deſtins qui nous donnent une inclination ſi violente, quel moyen de ne pas ſuccomber ? Minerve même, ni toutes les Veſtales, ne pourroient pas y réſiſter ; & toi tu voudrois… Mais revenons à notre ſonge ; n’as-tu plus rien vu touchant Pamphile ?

Octavie.

Rien du tout ; & pendant que vous étiez enſevelie dans un profond ſommeil, je repaſſois agréablement dans mon eſprit, tout ce que vous m’aviez raconté des myſteres les plus ſecrets de l’amour.

Tullie.

Je ſuis ravie d’avoir une ſi bonne écoliere que toi ; je ferai en ſorte que tu paſſeras de mes embraſſements à ceux de Pamphile, auſſi ſavante qu’il le faut pour bien goûter ce plaiſir. Continuons notre leçon : tu ſais déja qu’on doit pouſſer dans cette fente, dont je t’ai fait la deſcription, & qui eſt entre tes cuiſſes, une fleche de chair, qui te percera juſques à la ſeptieme côte.

Octavie.

Ah, Dieux ! vous badinez, Tullie ; je ne ſais par quel moyen cela pourroit être ?

Tullie.

Quoi qu’il en ſoit, il mettra ce nerf qui le fait homme, dans cette partie de ton corps qui te fait femme ; vos deux ſexes ſe mettront l’un dans l’autre ; & de deux vous ne ferez plus qu’un. Voici de quelle maniere cela ſe fera.

Octavie.

Ah ! que je ſuis remplie de crainte & de deſir ! je ſouhaite de ſavoir ce myſtere, & j’appréhende que vous me le diſiez.

Tullie.

Il te jettera d’abord les bras ſur le col, & te preſſera ſi fort toute nue, qu’il te ſera impoſſible de lui échapper, quand même tu le voudrois.

Octavie.

Je vous prie, ma très-chere, racontez-moi comment Oronte s’y prit la nuit de vos noces ; car pour ce qui eſt de Pamphile, vous ne m’en pouvez rien dire de certain : chacun baiſe à ſa guiſe ; les uns plus, les autres moins, & je crois qu’en cela il n’y a point de regle.

Tullie.

Tu as raiſon, Octavie, je vais te ſatisfaire ; & il faudra que tu ſois auſſi froide que le marbre, ſi tu ne reſſens quelque émotion par le portrait que je te ferai de nos divertiſſements & du jeu auquel je jouai avec Oronte, lorſqu’il me dépucela. Ah, Dieux ! que je goûtai de plaiſirs, cette nuit ! l’image m’en eſt trop douce pour l’oublier, je m’en ſouviendrai éternellement.

Octavie.

Commencez donc, Tullie ; je ſuis dans la plus grande impatience du monde de vous entendre : vous pouvez parler ſans crainte ; toute la maiſon eſt dans un profond ſommeil, toute la nature dans le repos, le ſilence regne partout ; en un mot, tout favoriſe nos plaiſirs & nos jeux.

Tullie.

Après que ma mere m’eût déshabillée toute nue, elle me coucha ; elle mit ſous le chevet du lit, un linge fort blanc ; elle nous embraſſa enſuite, Oronte & moi, & lui dit de me donner un baiſer en ſa préſence. Ce procédé de ma mere me rendit toute confuſe ; après elle ſe retira, elle ferma la porte, & emporta la clef dans ſa chambre, où il y avoit beaucoup de nos parents, entre leſquels étoit ma chere Angélique.

Octavie.

Eſt-ce cette même Angélique dont vous m’avez parlé ſi ſouvent, qui étoit la meilleure de vos amies, & avec qui vous viviez dans la derniere confiance & familiarité ?

Tullie.

C’eſt elle-même ; ſi tu la connoiſſois, tu ſerois charmée comme moi de ſa beauté, de ſes manieres, & de ce certain je ne ſais quoi qui gagne tous les cœurs. Il y avoit quelques mois, quand on célébroit mes noces, qu’elle étoit mariée à Lorance ; c’eſt un jeune homme fort aimable pour les qualités du corps & de l’eſprit. Angélique m’avoit donc fort exactement inſtruite des douleurs que je ſouffrirois dans les premieres attaques qu’on devoit donner à ma virginité ; elle m’avoit appris ce que je devois faire de mon côté, ce que je devois dire, & elle n’avoit rien oublié de tout ce qui pouvoit rendre notre plaiſir plus grand : enfin, je ſavois juſques aux moindres circonſtances d’une parfaite conjonction. Etant donc ſi bien préparée, j’attendois mon adverſaire, dans la réſolution de le bien recevoir, s’il avoit plus de force que moi ; je ne lui cédois point en courage : j’aurois ſeulement ſouhaité d’être délivrée d’une certaine pudeur, qui m’empêchoit de me ſervir d’abord de toute mon adreſſe.

Octavie.

Je ne m’étonne point que vous ayiez couché la nuit de vos noces toute nue avec Oronte : je ſais que ma mere en fait de même toutes les nuits avec mon pere.

Tullie.

Patience : modere un peu cette ardeur indiſcrete d’apprendre tout en un moment ; écoute-moi ſeulement : tu ſauras après tout au fond, je n’oublierai pas un ïota, & je te dirai chaque choſe par ſon ordre. Sitôt que ma mere ſe fut retirée, & qu’Oronte m’eut apperçue toute ſeule au lieu deſtiné pour le combat, il quitta ſes habits avec tant de précipitation, qu’il parut dans un moment tout nud au bord du lit, lorſque je le croyois encore fort empêché.

Octavie.

C’eſt qu’aſſurément il avoit le feu au derriere, & qu’il ne pouvoit l’éteindre que par ton ſecours.

Tullie.

Ah ! que tu es badine ! ne m’interromps donc pas davantage, ſi tu veux ſavoir ce que tu deſires d’apprendre. On voyoit clair dans la chambre comme en plein jour ; ma mere avoit eu ſoin d’y faire mettre quantité de flambeaux. Je vis donc devant le lit un beau corps blanc & dodu ; mais ayant fait ſemblant de détourner mes yeux par pudeur, j’apperçus en bas ſon Vit droit comme une pique ; il étoit d’une taille à ſe bien défendre, & de temps en temps il levoit la tête, comme s’il eût voulu me ſaluer par reſpect, ou bien qu’il m’eût menacé du rude aſſaut qu’il alloit me donner.

D’abord Oronte tira du lit toutes les couvertures, (car c’étoit au mois de Juin que nous fûmes mariés) puis il m’expoſa ainſi toute nue à la cupidité de ſes yeux ; je mis alors une main ſur mon ſein, & de l’autre je couvrois ma partie, afin de cacher ces deux endroits les plus précieux de mon corps, & de les dérober à la lumiere. Mais hélas ! je ne fus pas long-temps la maîtreſſe de ces deux places ; il s’en empara bientôt ; & m’ôtant de devant les mains qui les gardoient, il y plaça hardiment les ſiennes. Il me regardoit avec des yeux amoureux & pleins de feu ; il me baiſoit la bouche, les joues, le col, le ſein, les tettons, le ventre, & faiſoit toutes ces actions avec un air ſi paſſionné & ſi rempli de tendreſſe, que j’en étois ſenſiblement émue. Après toutes ces cérémonies qui m’étoient fort agréables, il me mit le doigt du milieu dans le C… auſſi profond qu’il put ; & c’étoit (comme il me l’avoua lui-même dans la chaleur de nos embraſſements) pour ſavoir ſi j’étois pucelle : vu le témoignage du doigt, touchant la virginité d’une fille, eſt bien plus ſûr que celui du Vit. Car outre que celui-ci dans ſa fureur n’eſt pas capable de faire quaſi de diſcernement, il eſt d’une taille à ne pouvoir mettre que la tête, où l’autre peut entrer facilement tout entier.

Octavie.

Voyez un peu la malice du pelerin !

Tullie.

Tous les hommes ſont également curieux ſur ce ſujet, & nous devons leur pardonner ces ſoupçons qu’ils forment de nous autres. Mais qu’une nouvelle mariée a de joie, lorſqu’elle voit qu’on la trouve vierge ; & que le mari a de plaiſir, de cueillir une fleur qui eſt aujourd’hui ſi rare ! Car quand on a ſon pucelage comme tu l’as, & comme je l’avois, on en trouve toujours des marques évidentes dans le lieu où il réſide ; & ce qui les oblige à faire cette curieuſe recherche, c’eſt parce qu’ils ſavent que non-ſeulement nous perdons notre virginité par le commerce que nous avons avec les hommes, mais encore que nous pouvons nous l’ôter nous-mêmes.

Octavie.

Je crains fort, Tullie, que vous n’entendiez pas ce que vous dites.

Tullie.

Je te parlerai une autre fois de tout ce qui regarde cette matiere ; chaque choſe a ſon lieu, Oronte étant donc ſûr par la petite entrée de ma partie, & par la viſite exacte du doigt, que j’étois telle qu’il me ſouhaitoit, il ſe jetta ſur le lit, m’embraſſa ; & par milles petites careſſes, & les paroles les plus paſſionnées qu’il ſe put imaginer, il tâcha de m’animer au combat.

Octavie.

Mais quoi ! vous qui avez l’eſprit ſi joli & ſi agréable, ne diſiez-vous rien ? étiez-vous muette ? étiez-vous de pierre ?

Tullie.

Que voulois-tu que je fiſſe ? je ſoupirois au-lieu de parler ; je le repouſſois, un moment après je l’attirois, je fuyois, & je m’approchois : la pudeur qui me couvroit tout le viſage, étouffoit mes deſirs les plus amoureux, & en même temps les enflammoit ; & cette paſſion devenoit en moi plus violente, à meſure que j’en voulois arrêter les fureurs. Oronte ſentit donc que j’étois toute en feu malgré moi : Courage, ma chere Tullie, me diſoit-il amoureuſement, favoriſe-moi, & ne t’oppoſe pas à la jouiſſance de ma félicité, qui ne dépend que de toi ; ouvre toi-même ce petit palais, où eſt le trône des graces, des ris, des jeux les plus innocents ! Ma Déeſſe, diſoit-il, en ſouriant, voilà la clef, prenez-la vous-même ; mais je le refuſois. Qu’appréhendez-vous ? continuoit-il ; ſi vous êtes toute à moi, pourquoi me refuſer des faveurs qui me ſont ſi juſtement dues ? Oui, Oronte, lui répondois-je, je veux bien de tout mon cœur être tout à vous ; mais afin que je ſois digne de votre eſtime, ne permettez pas, je vous en conjure, que je me proſtitue à toutes ces ſaletés que vous voulez exiger de moi ; épargnez ma pudeur : je ne doute point que vous ne m’aimiez ; mais il me ſemble, avec vos fureurs, que votre paſſion a plutôt le caractere de la haine que d’une amour honnête & réglée. Mon cher Oronte, au nom de Dieu, ayez pitié de moi ; ſerez-vous inſenſible aux larmes que vous voyez que je répands ?

Octavie.

Pleuriez-vous tout de bon, ma Couſine ?

Tullie.

Oui, je verſois quelques larmes, mais elles ne le fléchiſſoient aucunement ; au contraire, il devenoit plus furieux : Si vous m’aimez, diſoit-il, laiſſez-là, je vous prie, cette pudeur ſi incommode ; je m’étonne que vous en ayiez encore, après vous être expoſée toute nue aux yeux d’un homme nud comme moi : vous n’en aurez jamais plus, continua-t-il, que lors que vous montrerez que vous n’en avez point à mon égard, & que vous ferez dans ce lit conjugal, tout ce que je croirai néceſſaire à notre commun plaiſir. Vous ſavez la puiſſance que le droit de mariage me donne ſur vous, c’eſt pourquoi ne vous oppoſez à rien. Pendant toute cette conteſtation, ſon membre étoit furieux, & ſe battoit la tête contre mes deux cuiſſes, comme s’il eût été enragé de ce que nous ne pouvions pas nous accorder.

Octavie.

Ah ! ma pauvre Tullie, que je te plains ! les bleſſures que tu es ſur le point de recevoir, me font trembler pour toi !

Tullie.

Tu tournes tout en raillerie ; écoute ſérieuſement, ſi tu es ſage, la choſe du monde la plus ſérieuſe.

Octavie.

Ah ! ah ! ah ! eh bien, j’écoute, continue, & ne te fâche pas.

Tullie.

Sans autre forme de procès, il m’ouvre par force mes cuiſſes avec une des ſiennes, & découvre le chemin par où il vouloit aller : il monta auſſi-tôt ſur moi, & s’étendit tout de ſon long ſur mon corps. Quel remede alors pour me défendre ? je fus toute étonnée de me ſentir chargée d’un poids ſi lourd & ſi peſant ; il tenoit ſon inſtrument à pleine main, comme pour en arrêter les ſaillies ; & en ayant placé la pointe juſtement ſur les levres de ma partie, il ſe jetta à corps perdu ſur moi : mais il n’avança rien ; car les avenues étoient trop étroites pour recevoir du premier abord un ennemi ſi furieux. A la premiere & ſeconde ſecouſſe, il ne gagna pas un pouce de terrein ; à la troiſieme & la quatrieme, je ſentis que les eſprits de Priape s’exhaloient ; (tu ſais, Octavie, qu’on appelle eſprits de Priape, cette précieuſe ſemence que la nature a conſacrée à la génération & à la volupté) & comme ſi les cataractes de cette divine liqueur ſe fuſſent ouvertes, ils s’en fit une eſpece de déluge partout le dehors. Ce ne fut alors qu’une eſcarmouche, & non pas un véritable combat ; je ſouffris néanmoins de cuiſantes douleurs au-dedans de la partie, à cauſe des efforts violents & réitérés que faiſoit mon adverſaire pour ſe rendre maître de la place.

Octavie.

Pûtes-vous bien vous empêcher de crier ?

Tullie.

Le moyen de ſe taire ! je criois comme ſi l’on m’eût écorchée. Je m’appaiſai néanmoins un peu après, parce qu’Oronte eut la complaiſance de déconner, de peur de me faire crier davantage : il plaça de telle ſorte ſon invention, que la tête m’alloit preſque toucher le nombril ; & tout cet eſpace qui eſt entre deux juſques à mon ſein, fut inondé de la ſemence. Je pris alors le linge qui étoit ſous le chevet, comme ma mere m’avoit commandé, & j’en nettoyai premierement ſon V., & en eſſuyai après les parties de mon corps, qui en étoient mouillées. Pendant ce temps, il me devoroit avec ſes baiſers ; & comme un homme qui revient de l’extaſe, il ne faiſoit que ſoupirer, ſans pouvoir prononcer une ſeule parole.

Octavie.

Ah ! le pauvre enfant, qu’il avoit de peine !

Tullie.

Après ces premiers coups d’eſſai, il repoſa un peu : Je veux mourir préſentement, me diſoit-il, ſi je ne vous aime plus que mes yeux, plus que ma vie : peut-on rien voir au monde de ſi beau que vous ? êtes-vous une Déeſſe ou une mortelle ? Ah, Dieux ! quel beau ſein ! peut-on même trouver dans celui de Vénus, des tettons plus fermes, mieux arrondis, & qui ſoient dans une ſi juſte diſtance l’un de l’autre ? Il les manioit en même-temps, il ne pouvoit pas ſe raſſaſſier de les contempler il les baiſoit, les ſuçoit avec l’extrémité des levres, & mordoit doucement ce petit bouton qui fait un de leurs principaux agréments.

Je t’avoue, Octavie, que ces petits jeux me plaiſoient infiniment, & me faiſoient deſirer une ſeconde conjonction. Il mettoit alors une de ſes mains entre mes cuiſſes, il badinoit avec mon poil follet, il preſſoit les deux levres de mon petit Connaut l’une contre l’autre ; après il les r’ouvroit, & y mettoit dedans tous les doigts l’un après l’autre. Je voudrois, diſoit-il :

Tant j’aime l’amoureux déduit,
Que chaque doigt fût un gros V....
Vous en ſeriez bien plus contente ;
Outre qu’il n’arriveroit pas
Que ces V… fuſſent jamais las
A vous payer chacun ſa rente.

Je vous ſuis fort obligée, lui répondois-je, de tous vos ſouhaits ; je n’ai que faire de tant de rêveries. Si un ſeul Vit me cauſe tant de douleurs, que ſeroit-ce ſi vous en aviez autant que de doigts ? aſſurément vous me tueriez avant que de ſortir de ce lit. La nature eſt bien ſage, d’avoir tenu les hommes de ſi court ; contentez-vous de ce que vous avez, & ne rendez point votre lubricité criminelle par des ſouhaits ſi extravagants. Oronte m’écoutoit avec plaiſir, & rioit de tout ſon cœur de ma ſimplicité. J’avois beau raiſonner & faire la fâchée, il tenoit toujours ſa main ſur mon calibiſtri ; & me montrant de l’autre ſon inſtrument furieux, il me dit de le prendre. Je le refuſai d’abord ; mais étant devenue un plus hardie, je lui obéis. Ah, quel monſtre ! le croiras-tu, Octavie ? à peine pouvois-je l’empoigner ; & je me ſentis ſaiſie d’horreur de le voir ſi rude, ſi dur & ſi chaud. C’eſt avec cela, continua-t-il, que je vais vous fendre par le milieu, & que je vais enfoncer ces portes qui rendent votre virginité inacceſſible. Courage, ma Nymphe, ma Déeſſe : c’eſt dans l’eſpérance que j’en reſterois victorieux, que votre mere vous a donnée à moi ; lorſqu’elle reviendra pour nous féliciter, que diroit-elle ſi elle vous trouvoit pucelle comme auparavant ? Elle me traiteroit de lâche & d’imbécille, & ne me voudroit pas ſans doute pour ſon gendre, n’ayant pu exercer ſur vous la fonction de mari ! Ah, mon cher Oronte ! lui repliquai-je, vous me ferez mourir infailliblement, ſi vous voulez mettre par force dans mon ventre, un inſtrument ſi lourd & ſi furieux ! Mais il étoit ſourd à mes paroles ; il monta dérechef ſur ſa bête, & je conduiſis de ma main le bidet juſqu’à la porte de l’étable. Cependant il leva en haut d’une main une de mes cuiſſes ; & ſous mes auſpices, il pouſſa & repouſſa fortement : je ſouffris patiemment ces premieres attaques ; mais il devint en un moment ſi furieux, que l’ayant pouſſé avec plus de vigueur qu’il n’avoit encore fait, il le fit entrer environ de deux doigts.

Octavie.

Ne ſentiez-vous point de mal ?

Tullie.

Je ſentis une douleur inſupportable. Vous me tuez, Oronte, lui diſois-je ; je criois d’une voix pitoyable, ou plutôt, ce n’étoient pas des cris, mais des hurlements. De colere, je retirai ſon membre avec la main ; mais il s’en fâcha, & m’en fit une rude correction, juſques à traiter d’inſolence la hardieſſe que j’avois priſe. Je fus donc contrainte, pour l’appaiſer, de le remettre dans ſa place, où il ne fut pas plutôt, qu’il en ſortit une pluye de lait, qui adoucit un peu la douleur qu’il venoit de me cauſer. Son inſtrument étant donc devenu lâche & épuiſé par cette derniere attaque, il fallut faire treve pour quelque temps.

Octavie.

Dites-moi, Tullie, cette pluye pénétra-t-elle bien avant ?

Tullie.

Non, mon petit cœur, il n’y en entra pas une goutte ; il n’y eut que les bords & les extrêmités qui furent humectées de cette douce liqueur Oronte, cependant me fit de grandes plaintes : Si vous m’aimiez, Tullie, diſoit-il, vous ne refuſeriez pas comme vous faites à un malheureux qui meurt pour vous, les véritables fruits de votre amour. Je vous aime, répondis-je, & d’un amour le plus tendre qu’on puiſſe reſſentir : mais malheureuſe que je ſuis ! voulez-vous faire une boucherie de ce lit ; conſidérez que je ſuis fort jeune, & que j’ai le corps extrêmement délicat. Ne ſavez-vous pas, dit-il, que cette partie de votre corps n’eſt plus à vous, mais à moi ? pouvez-vous l’ignorer, vous qui avez de ſi belles connoiſſances ? pourquoi donc me diſputer la jouiſſance & la poſſeſſion d’une choſe qui m’appartient, & qui m’eſt ſi juſtement due ? Ah ! Oronte, lui répondis-je, ſi vous ſaviez combien la douleur que vous me faites ſouffrir eſt cruelle, vous auriez pitié de Tullie, pour peu que vous euſſiez d’amour pour elle. Cette douleur, reprit-il, ne peut que vous être glorieuſe ; & plus elle ſera cuiſante, plus vous en paroîtrez honnête, outre qu’elle ne ſera pas longue, & qu’elle doit être ſuivie d’un plaiſir qui ne finit point. Savez-vous, ajouta-t-il, que vous avez fait une grande faute, de m’avoir fait répandre au-dehors cette divine ſemence ? il n’y a point de plus grand crime : vous m’avez ôté par-là l’avantage de devenir pere ; vous avez tué mes enfants & les vôtres avant qu’ils fuſſent nés ; vous leur avez ôté l’ame qu’ils n’avoient pas : voyez combien votre impatience a été criminelle !

Mon cher mari, lui dis-je, je ne veux pas diſputer avec vous là-deſſus ; j’avoue que je ſuis coupable ; pardonnez-moi donc : je vous ſerai plus obéiſſante ; je ſouffrirai conſtamment toutes les douleurs que vous me ferez ; & pour augmenter votre plaiſir, je remuerai le mieux que je pourrai. O Déeſſe ! dis-je, en même temps, qui préſidez à l’Hyménée, ſoyez-moi favorable ; inſpirez-moi les ſentiments les plus amoureux, & les mouvements les plus conformes à l’inclination de mon cher Oronte, & je vous obéirai aveuglément. Il fut ſatisfait de cette ſoumiſſion ; il me baiſa pluſieurs fois, me chatouilla, me mania par-tout : tous ces petits jeux étoient ordinairement les héros qui m’annonçoient le combat. Allons, me dit-il, courage, faites ce que vous m’avez promis. Voyez comme dans peu de temps votre ennemi eſt devenu redoutable ! Il ſemble à le voir qu’il veuille mettre tout à feu & à ſang : mais quelque furieux qu’il paroiſſe, vous pouvez facilement le vaincre ; attendez-le ſeulement de pied ferme ; & pendant le combat, invoquez dévotement le Dieu des batailles amoureuſes. Ça, continua-t-il, couchez-vous, & faites ce que je vais vous dire, ſi vous voulez que je ſois votre mari. Levez vos cuiſſes le plus haut que vous pourrez, & faites en ſorte que vos pieds baiſſent quand je ſerai ſur vous : fort bien ; embraſſez-moi maintenant de toutes vos forces, afin que je ne me puiſſe ſéparer de vous.

Octavie.

Vous tîntes ſans doute votre parole ?

Tullie.

Oui, je fis comme il me dit des cuiſſes, & je l’embraſſai ſi étroitement, qu’on eût dit que je me voulois coller à lui. Il commença par le baiſer des yeux, & m’ouvrit après avec les doigts l’endroit où il vouloit entrer. Il y poſta à l’entrée ſon inſtrument de guerre, & prit ſi bien ſes meſures, que l’ayant pouſſé de toutes ſes forces, je le ſentis entrer plus avant qu’il n’avoit encore pu faire auparavant. Sérieuſement, Octavie, je crus qu’il m’avoit miſe en pieces ; ma douleur fut ſi grande, que non-ſeulement je ne pus retenir mes larmes, mais même je n’eus pas aſſez de conſtance pour m’empêcher de crier hautement. Oronte touché alors de quelque pitié, s’arrêta tout court au milieu de ſa courſe : Je fais trêve pour un moment, dit-il : prenez cependant courage, vous n’avez plus guere à ſouffrir ; j’ai fait cette fois plus que la moitié du chemin ; voyez-le vous même. Le danger où j’étois, fit que j’y portai la main, & je trouvai qu’il diſoit la vérité ; mais ce qui reſtoit au-dehors, étoit le gros & le plus nerveux : il me mit la langue à la bouche ; & ayant pouſſé en même-temps un coup ou deux, il entra plus avant. Ah ; malheureuſe que je ſuis ! diſois-je, vous me tuez ; arrêtez-vous mon cher Oronte, modérez un peu ces ſecouſſes ſi cruelles. Avec tout cela, malgré ma douleur, je le tenois fortement entre mes bras, & j’avois toujours mes cuiſſes en l’air, afin de l’aider par cette poſture à finir bientôt une ſi grande affaire. Enfin, à la quatrieme ſecouſſe, ayant ramaſſé toutes ſes forces, il fit entrer tout entier Priape, glorieux & triomphant, dans une place qui s’étoit ſi bien défendue. Le lit qui étoit le champ de bataille en trembla, & le bruit qu’il fit fut ſi grand, qu’il fit juger à tous mes parents qui étoient dans la prochaine chambre, qu’il devoit être tout briſé. Je m’écriai plus haut que jamais, & priai Oronte de retirer de la playe la fleche dont il m’avoit percée juſques aux entrailles. C’eſt à cette heure, me diſoit-il, que je puis dire que de très-pure vierge que vous étiez, vous êtes devenue une femme très-chaſte : vous ne devez plus rien appréhender ; le chemin où l’on va au comble du plaiſir, eſt ouvert à vous & à moi ; toutes vos douleurs ſont paſſées : je m’en vais arroſer de cette eau de Vénus tout le dedans de votre parterre, & je vous donnerai un baiſer qui vous ſervira de ſignal. A peine avoit-il achevé de parler, qu’il me baiſa, & je me ſentis en même temps mouiller juſques aux entrailles, d’un ſang chaud & viſqueux. Tout le plaiſir que j’eus alors, fut une légere démangeaiſon. Il n’en étoit pas de même d’Oronte ; les baiſers continuels qu’il me donnoit, ſes attouchements, ſes paroles tendres entre-mêlées de ſoupirs amoureux, ſes yeux moitié vifs, moitié mourants, témoignoient aſſez que ſa joie étoit infinie.

Bien qu’il eût fait la décharge en vaillant homme, il ne voulut pourtant pas déconner : Je veux récompenſer, me diſoit-il plaiſamment, toutes les pertes que j’ai faites, & je veux en uſer en vainqueur. Quoi ! Oronte, lui dis-je, n’êtes-vous pas ſatisfait ? dites-moi quels peuvent être les droits du vainqueur ? je recevrai les loix que vous voudrez m’impoſer, ſoit que vous me vouliez traiter en eſclave, ou en femme libre. Lorſqu’on s’eſt rendu maître d’une place, reprit-il, qui a coûté comme la vôtre tant de ſueurs & tant de ſang, nous pouvons y reſter tant qu’il nous plaît ; il n’y a rien qui puiſſe nous forcer d’en ſortir : ce ſont-là, Tullie, les droits les plus ſacrés d’un Vit victorieux ; & je prétends que vous confeſſiez votre défaite, & que votre Con tout rompu, tout déchiré, le reconnoiſſe pour ſon ſouverain. Cependant préparez-vous à un nouvel aſſaut : vous voici à la fin de vos peines, & je veux vous faire avouer qu’il n’y a point parmi les mortels de volupté plus ſolide & plus douce, que celle de Vénus. Afin de vous la rendre plus ſenſible, je veux vous apprendre ce que vous devez faire ; à meſure que je pouſſerai en-bas, pouſſez-en-haut le plus vigoureuſement que vous pourrez : cela ne ſera pas difficile, à vous qui êtes jeune & robuſte. Je lui obéis ; je fis ſi bien mon devoir, que mes feſſes étoient plus mobiles que les ſiennes, Oronte voyant que j’étois ſi ſavante : Courage, s’écrioit-il, pouſſez, pouſſez, fort bien, fort bien, quelle Amazone ! mon ame, mon petit cœur, ma Vénus, que vous me cauſez de plaiſir ! y a-t-il un mortel ſi heureux que moi ! Ah ! Dieux ! je n’envie point votre félicité ; celle dont je jouis à préſent, eſt mille fois plus pure & plus ſolide que la vôtre : ah, ah, ah, Tullie, ma chere Tullie, je meurs ! Et moi, Oronte, dis-je, je ſens, ah !…, je ſens, & je ne puis dire quoi.

Octavie.

Vous me tuez, Tullie, par votre diſcours je languis & je meurs dans l’attente d’un ſi grand plaiſir.

Tullie.

Pendant que nous étions ſi étroitement attachés l’un à l’autre, je ſentis couler cette liqueur, laquelle, par ſon chatouillement, me provoqua en même-temps à la décharge ; je me ſentis brûler par tout le corps d’une ſi furieuſe chaleur, que n’ayant plus d’égard à aucune pudeur, je preſſois mon ennemi, je le fatiguois par mes ſaillies : on eût dit, à voir la mobilité de mes feſſes, que mon derriere étoit plein de vif argent, que rien ne pouvoit fixer. Enfin, nous fûmes ſi heureux cette fois-là, que les deux éjaculations ſe firent dans le même moment ; ce fut avec tant de bravoure de part & d’autre, que ſi Vénus eût été témoin de notre combat, je crois qu’elle n’auroit ſu à qui attribuer la victoire. A peine commencions-nous à reſpirer, Oronte & moi, que nous entendîmes ouvrir la porte ; ma mere & Angélique entrerent vîte dans notre chambre, & la fermerent avec le verrouil.

Octavie.

Elles ne le mirent pas ſi bien à la porte, qu’Oronte l’avoit mis à votre &c. n’eſt-il pas vrai ?

Tullie.

Ris donc de tout ton cœur, petite folle ; tu n’en auras pas tant d’envie, quand tu ſentiras dans quelques heures les aſſauts qui te ſeront donnés.

Octavie.

Alors comme alors, chaque choſe a ſon temps ; continuez votre récit.

Tullie.

Je pris d’abord les couvertures qu’Oronte avoit jettées au pied du lit ; & j’en couvris ſa nudité, & la mienne : car j’avois honte dans cet équipage aux yeux de ma mere ; je n’avois pas tant d’égard pour Angélique, car nous nous connoiſſions comme toi & moi. Ma mere m’embraſſa, puis en s’adreſſant à Oronte : Mon fils, dit-elle, que vous avez bien combattu ! vous êtes un héros ; les cris de ma fille ſont des témoins. irrévocables de ſa défaite : je vous congratule de votre victoire ; ſi vous n’aviez pas vaincu, Tullie auroit été veuve, quoique mariée. Angélique s’étoit cependant jettée à mon col, & me donnoit mille baiſers, les larmes aux yeux. Ah ! ma pauvre enfant, me diſoit-elle tout bas, qu’Oronte t’a maltraitée ! c’eſt un vrai boucher. Toutes les fois que je t’entendois crier ſi fort, je le maudiſſois de tout mon cœur ; mais, dis-moi, comment te portes-tu ? Fort bien, lui dis-je ; & enfin, après tant de travaux & tant de cruelles douleurs, j’ai goûté ce grand plaiſir, qui fait tout le bonheur de la vie. Es-tu femme ? ajouta-t-elle. Oui je la ſuis, ma mignonne ; & quand je repaſſe dans mon eſprit les grands biens qui nous viennent de perdre la virginité, j’avoue que tous les plus riches tréſors ne les égalent pas : j’y ſuis déja tellement accoutumée, que je me paſſerois plutôt de boire & de manger que de ces agréables paſſe-temps. C’eſt fort bien, me dit-elle : tu parles comme une Sybille ; & toute fille qui ne goûte pas les délices de Vénus, ne jouit point proprement de la vie. Comme nous y avons toutes un penchant violent, on s’eſt aviſé de modérer ces mouvements innocents de la nature par des idées chimériques d’honneur ; on veut même que la religion y ait part : les ſottes en ſont effrayées ; mais les ſages n’en croyent rien ; ce qu’elles font, c’eſt d’éviter les dehors, & cacher les apparences, pour s’accommoder à l’ignorance du ſiecle. Elle auroit moraliſé davantage, ſi Oronte ne ſe fût approché de nous. Angélique le ſalua, & lui fit un compliment de congratulation, ſur ce qu’il étoit venu heureuſement à bout d’un pucelage qui auroit pu donner de la peine à Jupiter.

Sais-tu qu’Angélique a beaucoup d’eſprit, & qu’elle dit les choſes d’un air à plaire à tout le monde ? Ma mere donna une grande taſſe d’hippocras à Oronte : Buvez cela, mon fils, lui dit-elle, pour vous fortifier & réparer les forces que vous avez perdues ; ſi vous me croyez, vous vous repoſerez un peu ; vous avez aſſez remporté de gloire, cette nuit. Elle me fit manger trois noix confites, & me dit doucement à l’oreille d’obtenir d’Oronte quelques heures de treve, parce que le ſommeil m’étoit néceſſaire. Comme elle s’en retournoit avec ſa compagnie, Oronte appella Angélique, & la pria de reſter un moment pour être témoin de ſa valeur : auſſi-tôt comme elle regardoit, il ſauta bruſquement ſur moi, & me donna de ſi vigoureuſes ſecouſſes, qu’on eût dit que le lit étoit menacé de prochaine ruine, tant il trembloit. Ma mere & Angélique en éclaterent de rire ; & bien-loin de me défendre, elles me laiſſerent ainſi toute ſeule, expoſée aux fureurs d’Oronte. Sa courſe fut un peu plus longue qu’à l’ordinaire ; mais auſſi la ſemence entra plus profondément dans la matrice, où je ſentis un chatouillement ſi doux, qu’il cauſa une eſpece de léthargie à tous mes ſens. L’affaire finie, notre cavalier quitta ſon poſte, & en ſortit tout atténué, & la tête baiſſée.

Octavie.

Sans doute que, dans cette poſture humiliante, il vous demandoit pardon du ſang qu’il vous avoit fait répandre ?

Tullie.

Je voulus l’eſſuyer avec le linge comme les autres fois. Il n’eſt pas néceſſaire, me dit-il ; il eſt auſſi ſec que s’il n’avoit pas nagé dans l’étang de la volupté. Il mit alors ſa main à ma partie ; & ayant pouſſé un doigt fort avant, trouva que ma matrice n’étoit point mouillée. Que les Dieux nous favoriſent, s’écria-t-il ! je ne doute point que de ce coup il ne ſe forme dans ton ſein, ma chere Tullie, le fruit de notre amour. C’en eſt aſſez, mon cœur, repoſez-vous un peu, juſques à ce que je vous provoque à de nouveaux combats. Comme j’étois fatiguée, le ſommeil ſe rendit bientôt maître de tous mes ſens ; je dormis trois bonnes heures, pendant leſquelles Oronte ne put pas fermer l’œil. Il me baiſoit de temps en temps, & me regardoit par-tout ; je dormis ſi profondément, que je ne me réveillois point : il retira doucement les draps & la couverture ; (j’étois couchée ſur le dos) & m’ayant doucement élargi les cuiſſes, il vit le cirque amoureux où il avoit déja fait trois courſes. Il admiroit la beauté de mon corps ; & dans cette agréable contemplation enflammé d’un ſi charmant ſpectacle, il fit ſon entrée à cette place qu’il avoit ſi bien viſitée. A l’abord d’un hôte ſi aimable, j’ouvris les yeux pour le recevoir. Quelle joie pour moi, s’écria-t-il ! vous vivez, ma Déeſſe ! j’appréhendois qu’il ne m’arrivât le même qu’à Périandre, Tyran de Syracuſe, de careſſer une femme morte. Je vous ferai bien voir, lui dis-je, que je ſuis en vie. Eh bien, mon cœur, faites ; vous ne ſauriez, reprit-il, me donner une plus grande marque de votre amour.

Octavie.

Que fîtes-vous pour lui montrer que vous viviez ? mais je le conjecture bien.

Tullie.

Eh bien ! dis-le donc, qu’en crois-tu ?

Octavie.

Je crois que vous remuâtes le derriere le plus vîte que vous pûtes.

Tullie.

Tu y as juſtement mis le nez, Octavie ; c’eſt cela. Etant donc à la renverſe, & me ſentant ſerrée, à meſure qu’Oronte pouſſoit en-bas, je pouſſois en-haut, avec une vigueur extraordinaire. Pendant que cette cadence dura, nous étions ventre contre ventre, poitrine contre poitrine ; enfin, nous étions ſi étroitement pris l’un contre l’autre, que ſi le corps d’Oronte eût été rempli de ſemence depuis les pieds juſqu’à la tête, je l’aurois toute eut juſqu’à la derniere goutte.

Octavie.

Ce combat dura-t-il long-temps ?

Tullie.

Helas ! qu’un inſtant ; car ſi nous meſurions ce plaiſir par ſa durée, nous le trouverions un ſiecle trop court. Il me ſemble que la nature a fait une grande faute en nous formant : ſon chef-d’œuvre auroit été bien plus accompli, ſi elle avoit fait de nos parties un étang plein de ſemence, où le membre de l’homme eût pu nager, & que de ce membre elle en eût fait une fontaine, & une ſource vive de cette même liqueur.

Octavie.

Vous qui êtes ſi ſavante, ma Couſine, dites-moi la raiſon pourquoi ce plaiſir dure ſi peu ?

Tullie.

Il n’eſt pas fort aiſé de la trouver ; cette difficulté a fait ſuer toute l’antiquité, & pas un n’a eu encore la hardieſſe de la décider : mais je t’aime trop, mon petit cœur, pour te rien refuſer ; voici ce que j’en penſe.

Pour bien débrouiller cette queſtion, il faut que tu ſaches que les Philoſophes ne ſe ſont point accordés ſur ſiege de l’ame : Hippocrate le met au ventricule du cerveau ; Zenon & les Stoïciens, dans la tête & dans le cœur ; Empédocle le met au ſang ; comme auſſi Moïſe : ce qui fut cauſe que ce ſage Légiſlateur défendit aux Juifs de manger le ſang des bêtes. Galien a cru que chaque partie avoit ſon ame ; Ariſtote qu’elle étoit répandue par tout le corps ; & moi (n’en déplaiſe à tous ces grands hommes) je crois que ſon véritable ſiege eſt dans les teſticules de l’homme & de la femme. Selon cette opinion, il eſt facile de répondre à la queſtion que tu m’as faite touchant la briéveté du plaiſir vénérien ; car comme je te viens de dire, ſi la ſemence eſt le ſiege de l’ame, (comme il n’en faut point douter) ergo chaque goutte qui ſort, en eſt une portion : de maniere que la nature a été fort ſage d’en modérer l’éjaculation, de peur qu’en l’abandonnant à nos deſirs déréglés, il ne s’en fît une évacuation entiere, qui entraîneroit tout le genre humain. Une preuve de ce que je dis, c’eſt que nous voyons tous les jours que les hommes qui ne veulent pas prendre ce plaiſir avec modération ; s’en repentent, & que leur lubricité leur coûte bien ſouvent la vie, par l’épuiſement des eſprits vitaux qui ſe fait dans les combats trop ſouvent réitérés. Il eſt vrai que les femmes ne riſquent pas le même danger, parce…

Octavie.

Tullie, c’en eſt aſſez ; ce que vous dites eſt trop ſavant pour moi : vous m’obligerez bien plus de continuer votre récit, que j’ai imprudemment interrompu par ma curioſité.

Tullie.

J’en étois, ſi je ne me trompe, lorſqu’Oronte me réveilla avec ſon inſtrument. Le loiſir qu’il avoit eu pendant les trois heures que je dormis, de me contempler, lui avoit tellement échauffé l’imagination, que ſon membre étoit tout écumant de plénitude : je le ſentis farfouiller juſques dans mes entrailles, & je remuai tant, que l’affaire ſe termina dans peu, parce qu’Oronte à la quatrieme ſecouſſe paya le tribut ordinaire de ſa ſemence, laquelle ſe mêlant en même-temps avec la mienne, nous perdîmes tous deux la parole.

Octavie.

Dites-moi, je vous prie, ma très-chere, ne vous fit-il point de mal à cette attaque ? j’ai la curioſité de le ſavoir, parce que comme je brûle d’envie de jouir bientôt de ce plaiſir, que vous me repréſentez être ſi grand, & que d’ailleurs je crains la douleur qui le précede, mon cœur eſt flottant entre l’eſpérance & la crainte.

Tullie.

Ah, que tu es ſotte de t’effrayer pour ſi peu ! quelque douleur qu’il y ait, le plaiſir eſt infiniment plus grand.

Octavie.

Je vous crois, ma Couſine ; car ſeulement à vous entendre parler, je ſens un chatouillement & une démangeaiſon étrange à cette partie.

Tullie.

Tant mieux, tant mieux, c’eſt bon ſigne. tu peux en attendant, ſans tant de myſtere, te la gratter, ſi elle te démange ſi fort. Non, non, laiſſe-moi faire, j’entends cela à merveille.

Octavie.

Cette démangeaiſon que je ſouffre, eſt un effet de votre diſcours ; vos expreſſions ſont ſi vives & ſi naturelles, que vous repréſentez les objets comme ſi on les voyoit, comme ſi on les ſentoit. Mais que faites-vous, Tullie ? Ah retirez ce doigt adultere qui me met tout en feu ! achevez, je vous prie, de me dire comment vous paſſâtes le reſte de la nuit avec votre petit mari.

Tullie.

Oronte dormit pendant quelques heures ; pour moi je ne fermai pas ſeulement les yeux, quelqu’envie que j’euſſe de repoſer : les flambeaux étoient encore allumés, & il me vint à la penſée d’ouvrir une fenêtre qui regardoit dans le jardin. Je me levai toute nue, & je l’ouvris ſans qu’Oronte ſe réveillât ; j’éteignis les flambeaux, car il faiſoit jour ; & comme j’avois beſoin de piſſer, je pris le pot-de-chambre : mais à meſure que l’urine tomboit, elle me cauſoit une douleur ſi âcre & ſi mordicante, qu’à peine pouvois-je la ſupporter. Les gémiſſements que je pouſſois, éveillerent Oronte ; il me regarda fixement, & me dit : Qu’eſt-ce qui vous fait mal, ma mignonne ? Je quittai auſſi-tôt le pot-de-chambre, quoique je n’euſſe pas encore achevé. Je croyais que vous dormiez, lui dis-je ; j’ai de la confuſion d’avoir offenſé vos yeux par la vue d’un objet déshonnête. Voilà, ſans doute, reprit-il, un grand mal, de vous avoir vu piſſer ; ſachez qu’une choſe ceſſe d’être déshonnête, ſitôt qu’elle eſt néceſſaire. Chevaucher, boire, manger, dormir, piſſer, &c. ſont des actions dont on ne ſauroit ſe paſſer qu’en ceſſant de vivre, & par conſéquent qui n’ont en elles-mêmes aucune image de ſaleté. Je me remis d’abord au lit ſans rien répondre, après m’être bien eſſuyée. Oronte me jetta incontinent entre ſes bras & entre ſes cuiſſes ; il me baiſoit, & me donnoit doucement ſur les feſſes, tantôt d’une main, tantôt de l’autre. Il me pria de manier ſon invention, afin de l’exciter à un nouveau combat : je lui obéis ; & dans fort peu de temps, je le vis groſſir à vue d’œil, (la main d’une belle a une vertu merveilleuſe pour cet effet.) Je vous veux maintenant chevaucher, me dit-il, d’une nouvelle maniere ; mettez votre cuiſſe gauche ſur ma droite ; je le fis : il pouſſa fort rudement, mais il ne put entrer à cauſe de notre ſituation qui rendoit l’accès plus difficile. Il me fit lever la cuiſſe gauche encore plus haut ; mais avec tout cela, il ne put faire que la moitié du chemin ; ce qui fit qu’étant fatiguée par cette poſture qui m’étoit incommode, je me lançai ſur lui, jambe de-çà, jambe de-là : je t’avoue que j’étois glorieuſe de voir mon adverſaire ſous moi, & je piquai ſi bien ma monture, que nous arrivâmes au Port de Salut. Oronte m’avoua qu’il n’avoit jamais goûté un plaiſir ſi délicieux.

Octavie.

Apparemment vous ne ſentiez point de mal ?

Tullie.

Non ; car à force de remuer les feſſes, je diſſipois le reſte de la douleur, outre que le chemin étoit déja battu. Durant ces mouvements, je chatouillois légérement la peau des teſticules, je les preſſois tous deux avec les doigts, je les irritai tellement par ce badinage, qu’ils répandirent avec profuſion cette divine liqueur dont ils ſont dépoſitaires.

Bien que j’euſſe fait ma décharge, je ne voulus pourtant pas quitter ſitôt la partie ; & comme toute ma pudeur s’étoit évanouie en changeant de poſture, je baiſois Oronte aux yeux, à la bouche, par-tout ; je lui mordois les levres, les joues ; je lui paſſois la main ſur tout le corps ; je lui pinçois les feſſes ; je le chatouillois ; enfin, je lui rendis avec uſure toutes les careſſes qu’il m’avoit faites dans nos premiers embraſſements. Ma mere avoit promis qu’elle viendroit nous viſiter de grand matin ; nous l’entendîmes qui s’approchoit : Vienne qui voudra, dit Oronte ; je vous ai promis de le faire ſept fois, il en manque une, achevons-la, pour ne vous pas manquer de parole. Auſſi-tôt qu’il entendit que ma mere étoit proche de la chambre, & qu’elle mettoit la clef à la ſerrure, il monta ſur moi : Tenez, dit-il, divine Tullie, voilà la clef dont je veux me ſervir pour ouvrir votre cabinet ; en même-temps il entra, & ſecoua ſi rudement, que ma mere, qui venoit d’arriver, fut toute ſurpriſe d’entendre trembler ſi fort le lit : je fis ſemblant de ſoupirer de honte, & de me fâcher. Qu’eſt-ce que je vois, dit-elle, ma fille ? eſt-ce que la nuit n’a pas été aſſez longue pour vos débats ? ma foi, vous vous en donnez au cœur-joie. Je vous demande pardon, ma mere, lui dis-je, je ſuis bien fâchée que vous me ſurpreniez dans cette turpitude. Cependant Oronte ſecouoit vigoureuſement, comme ſi la préſence de ma mere l’eût animé. Obéiſſez, me dit-elle, à votre époux, & n’ayez pas honte de faire l’office d’une mariée ; je m’en vais bientôt, pour vous laiſſer jouir paiſiblement l’un de l’autre. Auſſi-tôt elle ſortit. Oronte, échauffé de l’ardeur du combat, me pria de faire mon devoir ; je compris fort bien ce qu’il vouloit me dire : c’eſt pourquoi à meſure qu’il avançoit, je repouſſois, comme ſi je l’euſſe voulu jetter juſques au ciel du lit. Il louoit mon courage, & étoit charmé de la mobilité de mes feſſes ; je lui dis qu’il devoit plutôt me louer de l’amour que j’avois pour lui, qui me faiſoit oublier moi-même, pour m’abandonner à des mouvements ſi peu honnêtes pour une jeune femme. Mais tout auſſi-tôt je ſentis le moment du plaiſir qui s’approchoit, je crus que toutes les veines de ma matrice furent ouvertes : Faites vîte, Oronte, je n’en puis plus, je me meurs, ah ! ah ! ah !… Le pauvre enfant ſe preſſoit tant qu’il pouvoit pour me ſoulager ; mais il avoit beau remuer les feſſes, il ne ſortoit pas une goutte de ſon tuyau : on eût dit que toute ſon humeur radicale étoit épuiſée. Il me baiſoit tendrement, & me conjuroit de l’aider dans un ſi grand ouvrage : j’y réuſſis ſi bien, qu’enfin je l’excitai à l’éjaculation ; mais il la fit longtemps après la mienne. S’étant un peu repoſé entre mes bras ſans déconner, il ſe leva du lit, & ayant appellé ſes valets, il s’habilla ; il me donna auparavant un baiſer, me demandant pardon d’avoir montré tant de lâcheté avec moi : c’eſt ainſi qu’il me parloit : Je ſuis honteux, ma très-chere, d’avoir fait ſi peu de courſes dans un ſi beau champ. Comme il railloit ainſi, ma mere revint avec Angélique ; elles portoient deux grandes écuelles de conſommé : ma mere en préſenta une à Oronte, & elle me donna l’autre que j’avalai fort bien. Oronte, pour paroître plus vaillant, diſoit qu’il n’en avoit pas beſoin ; néanmoins il la prit comme moi, ſans ſe faire beaucoup prier.

Octavie.

Je m’imagine, Tullie, de voir dans votre entretien une fidelle peinture de ce qui me doit arriver : ce qui me conſole, c’eſt que ſi Pamphile me cauſe autant de douleurs qu’Oronte vous a fait de maux, j’aurai auſſi les mêmes plaiſirs que vous avez goûtés, & peut-être meme qu’ils ſeront plus doux ; car ma partie étant plus petite & plus étroite que la vôtre, & le membre de Pamphile plus long de trois pouces que celui de votre mari, il m’en fera d’autant plus de plaiſir, qu’il me pénétrera plus profondément.

Tullie.

Je te ſouhaite ſeulement, mon petit cœur, pour l’amitié que je te porte, que Pamphile faſſe auſſi-bien ſon devoir qu’Oronte s’en eſt acquitté. Mais il eſt tantôt temps de nous lever ; je crois que quand tu aurois repoſé ſur le Parnaſſe, tu ne ſerois pas mieux inſtruite, & j’eſpere qu’avec les leçons que je viens de te donner, tu te défendras des attaques de Pamphile auſſi-bien que pas une de ton âge.

Octavie.

Je vous ſuis infiniment obligée, ma Couſine ; j’en ſais, comme je crois, aſſez : pourvu que Vénus & ſon fils me favoriſent, j’ai ſi bonne eſpérance de mon adreſſe & de mon courage, que je ne veux pas même pouſſer un cri, ni verſer une larme au plus fort du combat.

Tullie.

Ah, Dieux ! prends bien garde, ma pauvre enfant, de faire ce que tu dis ; cette conſtance ſeroit d’un mauvais effet pour toi, & produiroit dans l’eſprit de Pamphile des ſoupçons qui te ſeroient déſavantageux. Il n’y a rien qui cauſe plus de joie à un mari, la premiere nuit de ſes noces, que lorſque ſon épouſe témoigne par ſes larmes qu’elle ſouffre beaucoup dans l’action : il prend ſes gémiſſements & ſes ſoupirs, pour les derniers accents de la voix d’une virginité mourante. Songe maintenant à ce que tu as à faire, & penſe que je te parle en amie.

Octavie.

Vous avez raiſon, ma Couſine ; je crierai ſi haut, que Pamphile ne pourra avoir aucun ſoupçon de mon pucelage. Donnez-moi un baiſer, aimable Tullie, avant que de ſortir du lit.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-04
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-04

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02


CINQUIEME

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03
OCTAVIE, TULLIE.


Tullie.


AH ! ma très-chere, ſois la bien venue : j’arrivai hier de la campagne, où j’ai laiſſé Oronte, & j’étois dans la plus grande impatience du monde de te revoir. Eh bien, quoi ! que dit le cœur ? mais comment eſt-ce que tu viens ſi tard ?

Octavie.

Je viens, ma Couſine, dans le deſſein de paſſer la nuit avec vous ; je vous jure que les quinze jours qu’il y a que je ne vous ai vue, m’ont duré un ſiecle, bien que je les aye paſſés dans les plaiſirs. J’ai trouvé dans les embraſſements de Pamphile toutes les douceurs que vous m’en aviez fait eſpérer : il a fait ſon devoir en galant homme, & a combattu avec tant de vigueur, qu’il a été obligé d’aller à la campagne prendre un peu de repos, & ſe délaſſer de ſes courſes. Enfin, ma très-chere, j’ai tout ſujet d’en être contente.

Tullie.

J’en ſuis ravie, ma mignonne ; mais je ſuis encore plus aiſe de ce que nous coucherons cette nuit enſemble, & que nous pourrons librement nous entretenir de nos amours : il me tarde déja que nous ne ſoyons au lit, afin de t’embraſſer, & d’entendre le récit de ce qui s’eſt paſſé entre Pamphile & toi. Mais couchons-nous donc.

Octavie.

Je le veux, de tout mon cœur, ma très-chere, & je ſouhaiterois pouvoir répandre dans ton corps, les mêmes torrents de volupté dont le mien a été arroſé ; je voudrois qu’il pût être auſſi ſenſible à ces plaiſirs, que ton eſprit le ſera par le récit que je te ferai. Me voici tantôt déshabillée.

Tullie.

Et moi auſſi ; mais il faut quitter ta chemiſe, il n’eſt rien tel que de ſe coucher nud à nud.

Octavie.

Eh quoi, badine ! tu me la tires ; laiſſe-la-moi donc ôter à moi-même. Ah, Dieux ! comme tu te jettes à mon col, jambe de-çà, jambe de-là ! je crois que tu es folle : mettons-nous donc au lit.

Tullie.

Eh bien, nous y voici, mon petit cœur ; baiſe-moi donc bien tendrement.

Octavie.

Tant de baiſers que tu voudras ; mais, de grace, retire cette main adultere de cet endroit… voudrois-tu ainſi ſouiller une jeune mariée ?

Tullie.

Sotte ! qu’as-tu à craindre ici avec moi ? laiſſe-moi prendre le divertiſſement que je ſouhaite ; j’ai laiſſé tout exprès ces flambeaux allumés, afin que ma vue eût ſon plaiſir, auſſi-bien que les autres ſens.

Octavie.

Mais, Tullie, eſt-ce que les loix de l’amitié ne doivent pas céder à l’amour conjugal ? Si je ſouffre à préſent, que tu jouiſſes de mon corps, comme tu as déja fait, n’offenſerai-je point mon mari ?

Tullie.

Es-tu capable d’une ſi ſotte réflexion ? mais quoi ! tu n’as plus rien à me reprocher : ah, ah, ah !

Octavie.

Quoi ! qu’as-tu à rire ainſi ?

Tullie.

Ah, Dieux ! quelle métamorphoſe ! cette petite fente où étoit le ſiege de ton pucelage, eſt changée dans une autre d’une étendue prodigieuſe. Ah ! bonté de Vénus ! quelle ouverture ! ouvre un peu les cuiſſes.

Octavie.

Eh bien ! que veux-tu, badine ? j’obéis.

Tullie.

Ah ! que le Con d’une femme eſt différent de celui d’une vierge ! Ah ! ah ! Dieux ! quelle entrée ! je crois que je pourrois même y paſſer toute la main.

Octavie.

Eh, eh, eh, tu me mets toute en feu, Je n’en puis plus, ſi tu ne te retires. Veux-tu que je commette un adultere entre tes mains, moi qui aimerois mieux mourir, que de violer la foi que j’ai promiſe ?

Tullie.

Nous verrons dans la ſuite ſi ces ſentiments dureront. Cependant laiſſe-moi admirer ce prodigieux changement : non, je crois que de tous les hommes il n’y a que Pamphile qui puiſſe remplir cette foſſe. Tu es beaucoup plus ouverte que moi ; bien que j’aye déja eu un enfant, & que je me ſois ſouvent divertie avec pluſieurs : je crains même que cela ne te rendra inhabile au plaiſir.

Octavie.

Que m’importe, pourvu que Pamphile en ſoit content, & que ſon inſtrument ſoit proportionné à mon fourreau : car c’eſt pour lui ſeul qu’il s’eſt fait un chemin, & non pas pour les autres. Ce qui eſt néanmoins ſurprenant, c’eſt qu’avec toute cette largeur, la derniere fois qu’il me chevaucha, il s’écria que je le preſſois par-tout, qu’il étoit autant à l’étroit que ſi je l’euſſe ſerré entre mes mains. Enfin, il diſoit que le plaiſir qu’il reſſentoit, ne pouvoit pas être plus grand.

Tullie.

Et toi, que diſois-tu ?

Octavie.

Je ne parlois point, mais je l’animois par mille baiſers que je lui donnois tendrement ; je le ſoulageois par mes ſecouſſes, & par de petits mouvements de feſſes, que je faiſois de temps en temps.

Tullie.

Ah ! ſi tu voulois, ma chere, raconter tout ce qui ſe paſſa depuis le commencement de vos ébats juſqu’à la fin, que tu me donnerois de ſatisfaction !

Octavie.

Je le veux, ma Tullie, puiſque je ne puis me remettre en penſée ces doux paſſe-temps, que je n’en reſſente bien du plaiſir. Tu ſauras donc que devant que je fuſſe ſortie du lit où j’étois couchée avec toi, tous les parents & les amis de Pamphile s’étoient aſſemblés chez nous. Tu te ſouviens bien que lorſque nous ſommes entrées toutes deux à la maiſon, il eſt venu au-devant de moi avec un air tout aimable ; & tu as remarqué comme il nous a donné un baiſer à l’une & à l’autre, en me diſant que, ſans ma mere, il ſeroit venu me trouver au lit pour me châtier de ma pareſſe. Après cela, tu ſais comme toute l’aſſemblée nous a rendu ſes civilités, de quelle maniere le contrat a été fait, & comme la cérémonie s’eſt paſſée : tellement qu’il ſembloit qu’il ne manquoit plus rien pour la fête, que la victime.

Tullie.

C’eſt avec plus de raiſon que tu ne penſes, que tu appelles ta virginité une victime, puiſque c’eſt elle qui doit être immolée, ou maſſacrée, & miſe en pieces avec effuſion de ſang.

Octavie.

Toutes ces formalités étant réguliérement obſervées, Pamphile & moi ſommes reſtés enſemble. Ce fut pour lors qu’il me demanda avec bien de la tendreſſe, ſi je voulois être à lui : je lui répondis que n’étant plus à moi, il étoit maître de ma perſonne, & que n’ayant pu diſpoſer que de mon cœur, il ſavoit qu’il le poſſédoit. Cependant il me donnoit mille baiſers ; & par mille tendres careſſes, il me mettoit toute en feu : j’étois entiérement hors de moi-même, & je puis dire que je ne reſpirrois plus que par ſon moyen. Pendant ces doux paſſe-temps, j’avois deux filles de chambre à mes côtés, à qui ma mere avoit ordonné de reſter, pour être témoins de ce qui ſe paſſeroit. Elles baiſſoient la vue pendant tout ce badinage, & n’oſoient nous regarder fixement. Mon amour, dit Pamphile, s’adreſſant à moi, fais ſortir ces filles, leur préſence n’eſt point ici néceſſaire ; car qu’avons-nous affaire d’elles ? A Dieu ne plaiſe, dis-je tout bas, que je ſois ſi indiſcrete ! y penſez-vous, & que pourroit juger ma mere & toute la famille, ſi nous reſtions ainſi ſeuls ? Il m’interrompit par mille baiſers, & auſſi-tôt ma mere entra. Ah, Dieux ! dit-elle, comme vous accablez de careſſes ma pauvre Octavie ! l’aimez-vous bien ? Ah ! en doutez-vous ? reprit-il auſſi-tôt ; l’amour même ne pourroit rien y ajouter pour le rendre plus ardent : mais hélas ! ma mere, continua-t-il, (en parlant à Sempronie) puiſque vous avez eu aſſez de bonté pour me donner pour femme une perſonne ſi belle & ſi aimable, permettez-moi d’exercer à préſent les fonctions de mari ; je vous en conjure, accordez-moi cette grace. Vous n’avez ſans doute pas égard, dit ma mere, à la délicateſſe d’Octavie, qui n’eſt que dans la ſeizieme année de ſon âge ? réfléchiſſez là-deſſus, mon fils. Ah ! ayez pitié de moi, reprit Pamphile ; je n’en puis plus, je ne ſuis plus maître de moi-même, & je brûle au-dedans d’un feu qui ne peut être éteint que par Octavie : permettez donc que j’en jouiſſe, & ſoyez-moi libérale d’un bien qui m’appartient ; vous ne pouvez me le refuſer, ſans me dérober une choſe qui m’eſt propre. Elle ſourit à ces paroles. Vous ne conſidérez pas, mon fils, lui dit-elle, combien toutes vos demandes ſont hors de ſaiſon : croyez-moi, attendez à cette nuit ; le retardement vous rendra le divertiſſement plus agréable, que ſi vous ſuiviez vos premieres ſaillies : je ſouhaiterois de tout mon cœur, continua-t-elle, vous pouvoir accorder ce que vous deſirez ; mais vous voyez bien vous-même que ni le temps, ni le lieu ne peuvent pas le permettre. Ah ! ma très-chere mere, reprit Pamphile, ayez compaſſion de votre gendre. Octavie n’eſt pas ſi cruelle que vous ; & ſans doute elle ne me refuſera pas de ſoulager mon mal, puiſque c’eſt elle qui le cauſe. Eh bien, ma fille, me dit ma mere, voulez-vous bien guérir Pamphile de ſa maladie ; en tombez-vous d’accord, qu’en dites-vous ?

Tullie.

Et pourquoi ne l’aurois-tu pas voulu ? tu étois trop ſage pour n’y pas conſentir.

Octavie.

La pudeur me couvrit d’abord tout le viſage, & m’empêcha même de parler. Quoi, vous ne dites rien ? reprit ma mere ; c’eſt-à-dire que vous conſentez. Eh bien ! retirez-vous tant ſoit peu, que je parle à Pamphile ; il faut que je l’avertiſſe en particulier de quelque choſe qui vous regarde. Je m’éloignai de trois ou quatre pas, & prêtai ſi bien l’oreille à leurs diſcours, que je n’en perdis pas une parole. Mon fils, diſoit-elle, vous voyez bien que c’eſt avec raiſon que je vous dis que le temps ni le lieu ne ſont pas propres à votre divertiſſement ; jugez-en vous-même : voici tous nos parents & les vôtres qui vont arriver ; il n’y a aucun lit dans la chambre où vous êtes : que prétendez-vous donc faire dans cette conjoncture ? Je me rends néanmoins à vos empreſſements, pourſuit-elle ; & pour vous en donner quelque marque, je vous remets Octavie entre les mains, mais à condition qu’elle ne ſatisfera qu’une ſeule fois à votre convoitiſe pour le préſent : la nuit prochaine vous en prendrez tant qu’il vous plaira, & vous aurez le loiſir de goûter à longs traits les douceurs du mariage. Je vous l’accorde donc, quoique je ſache qu’il n’y a dans la chambre aucune commodité dont Octavie puiſſe ſe ſervir, pour ſe mettre dans une ſituation avantageuſe, pour elle & pour vous : vous y perdrez ſans doute votre peine & votre huile ; mais c’eſt vous prêcher inutilement : ſur-tout ayez égard à ſa jeuneſſe. Je vous avertis de cela, parce que j’ai appris que vous aviez un membre monſtrueux, dont la longueur & la groſſeur prodigieuſe pourroient lui être nuiſibles, ſi vous faiſiez l’affaire avec trop de précipitation. Voilà, Tullie, ce que j’entendis ; après quoi ma mere m’appella, & me dit : Ma fille, vous n’êtes plus à vous, mais en la puiſſance de votre mari : ce ſont-là les loix du mariage. Il m’a demandé que je vous remiſſe pour un moment en ſa diſpoſition ; ni vous ni moi nous ne pouvons pas le refuſer : je le lui ai donc accordé ; mais à condition qu’il ne jouira de vous pour ce temps-là, qu’une fois : c’eſt pourquoi auſſi-tôt qu’il aura achevé, ne manquez pas de vous débarraſſer de lui, en ſortant promptement de la chambre ; ſi vous faites le contraire, je me fâcherai contre vous. Je lui promis tout ce qu’elle voulut. Sur-tout, continua-t-elle, mettez-vous en toutes les poſtures qu’il ſouhaitera, & prenez bien garde que, par votre faute, la ſemence ne rempliſſe pas le lieu pour lequel elle eſt deſtinée ; mais ménagez-vous de telle ſorte, quand il ſera ſur vous, qu’il n’en tombe pas une ſeule goutte au-dehors. Après cet avertiſſement, elle me donna un baiſer, & me laiſſa ſeule avec Pamphile. Nous ne perdîmes point de temps, & nous étions déja diſpoſés au combat, lorſque ma mere rentra, en diſant qu’elle avoit oublié à nous dire le plus néceſſaire. Pamphile m’avoit déja fait aſſeoir ſur un banc fort large, qui étoit attaché à la muraille, & couvert d’un tapis ; il m’avoit fait écarter les jambes, & m’avoit fait mettre les pieds ſur deux eſcabeaux pour les élever : j’étois nue juſqu’au nombril, & mon adverſaire tenoit déja les armes en main. Auſſi-tôt que ma mere fut entrée, & qu’elle m’eut vue dans cette poſture : Ah. Dieux ! dit-elle, que l’amour eſt ingénieux, & que cette ſituation eſt commode pour l’un & pour l’autre ! mais elle fut bien plus ſurpriſe, quand elle apperçut l’inſtrument de Pamphile, bandé d’une étrange maniere. Ah ! bonté de Vénus ! s’écria-t-elle, quel monſtre ! ayez bon courage, ma fille. Cependant je m’étois remiſe dans une poſture décente, & j’avois rabaiſſé mes jupes ; je demandai à ma mere ce qu’elle avoit oublié de nous dire. Octavie, me dit-elle, comme il n’eſt pas néceſſaire que ceux qui dîneront tantôt avec nous, voyent dans vos vêtements les marques de votre badinage, j’ai trouvé à propos de vous avertir de quitter vos habits. Elle me déshabilla enſuite elle-même, ne me laiſſant que ma chemiſe ; elle me baiſa ; & appellant Pamphile qui s’étoit un peu retiré : Venez, mon fils, venez, lui dit-elle ; voilà le champ de bataille où vous devez combattre : puis elle ſortit en riant. D’abord que Pamphile ſe vit en liberté, il ferma la porte ſur nous ; & ſe jettant à mon col, il me donna mille baiſers, & me tira ma chemiſe. Etant ainſi toute nue, il me regarda de tous côtés, & ſatisfit ſa vue par ſes regards, & ſes mains par ſes attouchements. Il me fit en ſuite aſſeoir comme auparavant, & remettre les deux pieds ſur les deux chaiſes ; puis il gliſſa ſa main droite ſous mes feſſes, & les approchant de ſoi, il plaça ſon inſtrument à l’entrée de la porte, & tâcha de m’enconner.

Tullie.

Courage, courage, cela ne va pas mal : mais toi, que faiſois-tu ?

Octavie.

Pour moi j’étois preſque immobile ; je le laiſſois faire, & je ne lui refuſois rien : il s’étoit mis nud comme moi. Ayant approché & dreſſé ſa batterie vis-à-vis de la place qu’il attaquoit, il me dit : Octavie, mon cœur, embraſſe-moi, éleve ta cuiſſe droite, & l’appuye ſur mes reins. Je n’entends pas, lui dis-je, ce que vous deſirez, je ne comprends pas votre deſſein : au reſte, ayez pitié de moi, je vous en conjure. Il ne me répondit rien, & ſouleva lui-même ma cuiſſe droite, comme il ſouhaitoit ; & en même-temps il pouſſa ſon Vit, mais ſi rudement, que je crus que c’étoit le coup de la mort qu’il m’avoit donné, tant il me cauſa de douleur : je m’écriai auſſi-tôt. Tais-toi, mon cœur, me dit-il, tu n’auras plus guere à ſouffrir ; demeure comme tu es, & ne change point de place. Il remit donc ſa main ſous mes feſſes, & m’enfila de nouveau, mais avec tant de violence, que je criai plus haut que je n’avois fait. Ma mere qui étoit dans la chambre voiſine, accourut au bruit. Eh quoi, Pamphile, dit-elle, ſe tenant à la porte ſans entrer, eſt-ce-là ce que vous m’avez promis tantôt ? je vous avois permis d’en faire un jeu, mais non pas un combat. Elle n’en dit pas davantage : Pamphile déchargea, lorſqu’elle achevoit ces paroles, & je me ſentis arroſer l’entrée de la partie, comme d’une pluye chaude. Ce fut pour lors qu’il pouſſa avec plus de véhémence, & cette humeur viſqueuſe favoriſa ſes efforts : il avança de deux ou trois doigts, & répandit toute ſa ſemence dans la place qu’il s’étoit faite au-dedans ; juſqu’à ce qu’étant trop abondante, elle regorgea au-dehors, & ma motte en fut toute mouillée.

Tullie.

Mais quoi ! étois-tu immobile ? n’avois-tu point de ſentiment ? & ne fis-tu pas ta décharge auſſi vaillamment que lui ?

Octavie.

Je t’avouerai, ma chere Tullie, que je compris d’abord ce que c’étoit que le plaiſir de Vénus. Lorſque Pamphile ſe mouvoit de la ſorte entre mes bras, je ſentis tout d’un coup une ſi grande démangeaiſon au-dedans, que n’étant plus maîtreſſe de moi-même, je pouſſai & remuai les feſſes avec une fureur incroyable ; il ſortit pour lors, je ne ſais quoi, par moi, qui me cauſa un plaiſir que je ne te puis exprimer. Le chatouillement étoit ſi doux, l’excès du plaiſir ſi grand, que j’en mourois ; & avec des regards languiſſants, je pouſſois quelques ſoupirs : j’avois le viſage tout en feu, & tout le corps dans un accablement extrême. Ah ! ah ! ah ! mon cher Pamphile, diſois-je, je me meurs, je n’en puis plus ; arrête mon ame qui eſt prête à ſortir : ah, Dieux ! que la mort que tu me donnes, eſt vouluptueuſe ! Courage, courage, reprit-il, ma chere enfant ; commençons un nouveau combat : reprenez vos forces, & moi je vais reprendre les armes à la main. Il le fit en effet ; reprenant ſon Vit qu’il avoit retiré, il le remit au-dedans : choſe admirable, Tullie ! Il ne fut pas plutôt entré, qu’il m’excita de nouveaux feux, & me fit faire une ſi copieuſe décharge, qu’il me ſembloit que c’étoit plutôt de l’urine qui couloit, que de la ſemence, tant elle ſortoit avec impétuoſité. Ah ! ſi pour lors Pamphile eût été en état, je crois que nous aurions goûté un plaiſir parfait. Il déchargea un peu après, & j’eus bien du déplaiſir de ce qu’il finiſſoit ſitôt ſa courſe.

Tullie.

Tu dis les choſes ſi naïvement, que tu me mets hors de moi-même par ton diſcours ; tu m’as miſe tout en feu. Baiſe-moi, mon cœur, embraſſe-moi, mon cher Cléante ! Je n’en puis plus, je brûle, je ne ſais ce que je ſouhaite ; ah ! baiſe moi !

Octavie.

Que veux-tu dire avec ton Cléante ? il y a ſans doute quelque myſtere là-deſſous. Que veux-tu ? que deſires-tu de moi ?

Tullie.

Ah, de grace, ma mignonne, ma chere enfant, ſoulage un peu ta pauvre Tullie : prête moi ta main.

Octavie.

Je te la donne tout-à-fait ; qu’en veux-tu faire ?

Tullie.

Mets-la, je te prie, dans cet endroit qui et tout en feu ; pouſſe ton doigt au-dedans le plus avant que tu pourras : ſers-moi de mari, ma chere Octavie ; monte ſur moi, & par tes ſecouſſes, tâche d’éteindre ce feu que tu as excité par ton diſcours. Bon, voilà qui eſt bien ; ſecoue maintenant, pendant que je te tiens embraſſée. Ah ! comme nos deux parties ſont jointes l’une à l’autre ! ah ! que tu me plais de cette maniere ! encore plus fort ; ah ! c’eſt à ce coup que je n’en puis plus, je n’en puis plus, je coule, je coule : ah ! Cleante, pouſſez, pouſſez, je décharge, ah ! ah !…

Octavie.

Ah, Dieux ! que tu es lubrique ! je crois que l’amour même ſe noyeroit dans ce torrent de ſemence qui te ſort des reins. Ah ! je ſens je ne ſais quoi ; ah, ah, ma très-chere, mon cœur, mourons toutes deux enſemble. Qui auroit pu s’imaginer que ce badinage auroit été ſuivi d’un ſi doux plaiſir ? Ah ! je recommence ! ah, ah, ah, je me pâme…

Tullie.

Je ſuis ravie de ce que tu as partagé le plaiſir avec moi. Me voilà, grace à Vénus, un peu remiſe : revenons à Pamphile, que tu as laiſſé tout en ſueur dans les attaques de ta fortereſſe.

Octavie.

Je le veux bien ; mais dis-moi auparavant ce que tu entendois par Cléante, & à quel deſſein tu implorois ſon ſecours. Car pourquoi n’appellois-tu pas plutôt ton cher Oronte, qui eſt ſi aimable, & qui t’aime ſi tendrement ?

Tullie.

Je te l’apprendrai avec le temps : je te ferai confidence de mes plus ſecretes penſées, & tu entreras dans la connoiſſance de mes divertiſſements les plus cachés ; & même, ſi tu veux, tu les partageras avec moi. Mais je ne veux pas à préſent t’interrompre ; continue ton diſcours, & me fais ſouvenir une autre fois de ce que je te promets.

Octavie.

Je n’y manquerai pas, car j’ai bien de la curioſité de l’apprendre : mais revenons à notre hiſtoire. Bien que le membre de Pamphile fût devenu paralytique, & qu’il ſemblât demander trêve la tête baiſſée, il ne laiſſoit pas néanmoins de me menacer encore par ſa groſſeur & ſa longueur prodigieuſe. Il étoit tout couvert de cette roſée, que lui & moi nous avions répandue ſi abondamment ; & de temps en temps il s’animoit & s’approchoit de la porte, comme pour faire une nouvelle entrée. Moi qui reconnus bien qu’il étoit las, & que c’étoit aſſez pour un coup, je lui dis : Eh bien, Pamphile, êtes-vous content ? ne vous laſſerez-vous point de fatiguer par vos fureurs une jeune fille comme moi ? repoſez-vous, & vous ſouvenez de la priere que ma mere vous a faite. Point de quartier, reprit-il, je ne me rends pas ſi facilement ; pendant qu’il parloit, il me baiſoit & me manioit par-tout avec des tranſports extraordinaires. Ce badinage l’excita, il commençoit déja à bander, & à ſe préparer à de nouvelles attaques, lorſqu’adroitement je me tirai d’entre ſes bras. Il me pourſuivit auſſi-tôt : comme je courois par la chambre pour l’éviter, je donnai du pied contre un banc qui tomba ; ma mere vint à ce bruit, & frappa à la porte. Pamphile me donna vîte ma chemiſe qui étoit toute mouillée de ſa ſemence ; il prit la ſienne, & ouvrit à ma mere. Eh bien, lui dit Pamphile lorſqu’elle fut entrée, venez vous juger des coups ? Sans doute, reprit-elle : je ſais que vous êtes un vaillant ſoldat ; mais je crains bien avec tout cela que vous n’ayiez perdu votre peine : je vois bien que vous êtes un homme de bonne foi, & que vous avez voulu me rendre ma fille telle que je vous l’avois donnée. Elle le railla de la ſorte, parce qu’elle avoit remarqué qu’il n’avoit guere avancé ; outre que je crois qu’elle avoit regardé par la ſerrure ce qui s’étoit paſſé.

Tullie.

Vraiment, tu n’en dois point douter : les femmes les plus ſaintes ont de la curioſité ſur ces ſortes de choſes ; & je te dirai que le jour qui ſuivit la premiere nuit de mes noces, je fus obligée de raconter de point en point à ma mere tout ce qui s’étoit paſſé entre mon mari & moi. Elle voulut même que je lui appriſſe juſques aux moindres de ſes badineries. Pendant que je lui en faiſois le récit, elle m’embraſſoit, & me baiſoit avec une tendreſſe ſans égale.

Octavie.

Sempronie ne fut pas moins curieuſe. Tu ſauras qu’un peu après qu’elle fut entrée, Pamphile ſe retira avec ſes habits dans une autre chambre, tellement qu’elle reſta ſeule avec moi. Elle ferma la porte ſur nous, & ſe jettant à mon col : Eh bien, ma chere Octavie, me dit-elle, vous êtes vous bien divertie ? n’ayez point de honte de me le dire : l’intérêt que je prends dans tout ce qui vous regarde, vous oblige à ne me rien céler de tout ce qui peut me donner de la joie. En diſant cela, elle me baiſoit, elle étoit toute en feu ; ſes yeux ne reſpiroient que l’amour, & je pus juger à ſa contenance, qu’elle reſſentoit d’étranges émotions.

Tullie.

Cela ne doit pas te ſurprendre : car outre que Sempronie eſt d’un tempérament fort amoureux, à peine a-t-elle vingt-neuf ans ; elle fut mariée à treize, elle devint groſſe cette même année, & elle accoucha de toi au commencement de ſa quatorzieme.

Octavie.

Je ne lui répondois rien d’abord ; mais elle me preſſa tant, que je fus obligée de la ſatiſfaire. Eh bien ! lui dis-je, je vous ai obéi, & j’ai accordé à Pamphile ce qu’il ſouhaitoit de moi. Parlez librement, ma fille, reprit-elle : c’eſt à préſent que vous n’êtes plus un enfant ; il ſuffit que vous & moi ſoyons femmes, pour ne devoir manquer de jugement, puiſque nos maris nous donnent de l’eſprit, par la même voie qu’ils nous cauſent les plaiſirs.

Tullie.

Elle avoit raiſon, & j’ai vu des filles fort groſſieres & ſtupides, devenir plus ſpirituelles & fort éclairées, auſſi-tôt qu’elles avoient goûté les douceurs du mariage.

Octavie.

Je ſuis bien de ce ſentiment ; & en effet il ſemble que notre eſprit ſoit réclus & renfermé avec notre virginité. Tant que nous ſommes filles, quelques lumieres que nous ayions pour lors, nous ne connoiſſions que l’écorce & la ſuperficie des choſes ; une chimere nous peut faire peur, un rien nous épouvante, & il n’y a que celui qui peut cueillir cette fleur, qui ſoit capable de nous éclairer. Qui aperit vulvam, aperit & mentem. C’eſt-à-dire que celui-là ſeul nous ouvre l’eſprit, qui nous ouvre le con. Il ſemble que lorſque nous naiſſons, la nature ne donne point d’autre ſiege à notre entendement, que celui qu’occupe cette partie inférieure, & plus conforme à ſes opérations ; il faut des efforts & des ſecouſſes violentes pour le tirer de ſa baſſeſſe, & pour le placer dans notre cerveau.

Tullie.

Fort bien, fort bien : ah, ah, ah ! c’eſt-à-dire que ſans Pamphile tu ſerois ignorante, & que c’eſt ſon Vit qui t’a donné de l’eſprit. Mentula mentem incuſſit.

Octavie.

Etant donc devenue un peu plus hardie par le diſcours de ma mere, je lui parlai un peu plus librement : Je ſuis, lui dis-je, telle que j’étois quand je ſuis entrée ici ; il ne m’eſt rien arrivé, ſinon que Pamphile m’a mouillée de tous côtés. Quoi ! dit-elle, il n’a rien avancé ? Non, lui dis-je ; car outre que ſon inſtrument n’a pu entrer à cauſe de ſa groſſeur, il a perdu ſa force après pluſieurs ſecouſſes en répandant ſa ſemence. Voilà bien opéré, reprit-elle ; montre-moi ta chemiſe. Je la lui montrai ; auſſi-tôt qu’elle l’eut vue : O ma fille, s’écria t-elle, quelle perte avez vous faite ? ah ! que vous auriez été heureuſe, ſi cette pluye ſi abondante vous avoit arroſé le dedans. Oui, ma mignonne, continua-t-elle en regardant attentivement les endroits de ma chemiſe qui en étoient tachés, il y en auroit eu aſſez pour nous donner un héritier auſſi robuſte qu’Hercule. Elle me la fit quitter ; après cela, elle m’en donna une autre, me coëffa de nouveau, & n’oublia rien pour me faire paroître avec plus d’éclat.

Tullie.

Que fit-elle de la chemiſe que tu avois quittée ? je crois qu’elle la conſidéra bien.

Octavie.

Aſſurément : elle la conſidéra de tous côtés ; j’en avois honte moi-même. C’eſt un déluge, ma fille, me diſoit-elle, que vous avez ſouffert, & non pas un ſimple arroſement : mais d’où vient donc que vous criiez ſi haut ? car je ne vois aucune marque de larmes de votre virginité. C’eſt ſans doute, continua-t-elle, que la place a été attaquée, mais qu’on n’a pu s’en rendre maître : prenez courage ; j’eſpere que les choſes iront mieux cette nuit. Après cela elle ſe retira, & enferma ma chemiſe dans ſon cabinet.

Tullie.

La nuit a ſes plaiſirs auſſi-bien que le jour ; & les divertiſſements qu’elle nous offre, ſont bien plus purs que les autres, puiſque la tranquillité y regne. Je ne te demande pas ce qui ſe paſſa au dîner ; décris-moi ſeulement cette nuit amoureuſe qui vous combla tous deux de plaiſir.

Octavie.

Nous commençâmes de vivre auſſi-tôt que le jour expira ; & nous ne fûmes pas plutôt débarraſſés des viſites importunes que l’uſage rend fréquentes dans ces ſortes de fêtes, que nous reſpirâmes un peu, Pamphile & moi. Tu ſais, puiſque tu étois préſente, comme ma mere nous prit l’un & l’autre par la main, & nous conduiſit dans la chambre où le lit où je devois être ſi bien traitée, étoit préparé. Mais J’oubliois de te dire qu’un peu devant elle ſe renferma avec moi dans cette chambre, où mon pucelage avoit ſoutenu les premieres attaques. Je n’y fus pas plutôt entrée, que je ſentis l’odeur d’un certain parfum qui étoit fort doux & fort agréable : Levez vos jupes & votre chemiſe juſqu’au nombril, me dit ma mere. Je lui obéis auſſi-tôt ; d’abord qu’elle me vit nue, elle ſourit : Il faut avouer, Octavie, me dit-elle, que vous êtes digne de Pamphile. Il faut, pourſuivit-elle, pour vous épargner à tous deux beaucoup de peine, que vous frottiez votre partie avec cette liqueur. Elle tira en même-temps un vaſe de vermeil doré qui en étoit rempli ; j’y mis les deux doigts ; & les ayant retirés tout embaumés de ce parfum, je les portai à mon invention, & en graiſſai tous les bords. Ce n’eſt pas votre poil follet, ni votre motte qu’il en faut frotter, c’eſt le dedans ; elle trempa auſſi-tôt le doigt dans le pot, & me fit elle-même cette merveilleuſe onction ; elle pénétra le plus avant qu’elle put. J’étois, me diſoit-elle, plus forte que vous lorſque je fus mariée à votre pere, & avec tout cela je ne l’aurois jamais pu ſupporter, ſi on ne ſe fût ſervi du même artifice. Je vous avoue, ma Couſine, que cette onction fit un effet prodigieux, & qui me ſurprit ; elle me cauſa une ſi grande démangeaiſon à la partie, & un ſi doux chatouillement ; qu’elle me mit hors de moi-même : car peu s’en fallut, que m’oubliant entiérement de ce que j’étois, je ne couruſſe au-devant de Pamphile, pour le ſolliciter au combat.

Tullie.

On ſe ſert preſque toujours de ces ſortes d’onctions, particuliérement quand les filles qu’on marie ſont jeunes & délicates.

Octavie.

Que veux-tu davantage ? tu ſais comme tu m’as miſe au lit ; & pour me ſervir de ces termes, comme tu as dit le dernier adieu à mon pucelage. Auſſi-tôt que Pamphile ſe vit ſeul avec moi, il ferma la porte de la chambre, dans le deſſein d’ouvrir la mienne, & il regarda par-tout, & fit une exacte recherche, pour voir s’il n’y avoit perſonne de caché.

Tullie.

C’eſt une choſe étrange, que cette ſorte de jeu ne veut point de témoins ; & tamen fine teſtibus non agitur : c’eſt-à-dire qu’il ne peut-être achevé, ſi les Cou… qui ſont les témoins de la virilité, ne ſont de la partie.

Octavie.

Après que vous fûtes ſortie, ma mere me demanda ſi je n’avois point de peur ; je lui dis que je ne craignois rien d’une perſonne que j’aimois : elle ajouta, que ſi je voulois, elle prieroit mon mari de m’épargner un peu ; je lui répondis que je ſouffrirois de bon cœur ſous ces mauvais traitements, s’il en pouvoit tirer du plaiſir. Pamphile, qui étoit éloigné de nous, prêta ſi bien l’oreille, qu’il entendit tout ce diſcours. Ma mere ſortit en nous ſouhaitant une heureuſe nuit, & il s’en vint auſſi-tôt à moi avec précipitation, & m’embraſſant étroitement, il me dit : Ah ! que je vous ai d’obligation, ma plus chere, de vouloir bien vous mettre entre mes mains ſans aucune condition ! vous n’y perdrez rien ; je vous promets déja, pour un retour de votre amour, que je ne ferai rien ſans votre conſentement. J’eſpére auſſi, continua-t-il, que vous ſerez aſſez complaiſante pour ne me rien refuſer. Hélas ! repris-je, quelle réſiſtance pourrois-je employer contre la perſonne du monde que je chéris le plus ! Ses ſerviteurs l’avoient déja déſhabillé ; il ne lui reſtoit plus que ſa chemiſe avec une camiſole ; il s’en défit bientôt, & ſe jetta ainſi tout nud dans le lit. Ce fut pour lors qu’il m’embraſſa avec une ardeur ſans égale, & qu’il me donna mille baiſers : il me manioit les tettons, il me touchoit le ventre & les cuiſſes, & me faiſoit tout cela avec des ſaillies & des tranſports ſi grands, qu’il étoit aiſé de connoître qu’il n’étoit plus maître de lui-même.

Tullie.

Eh quoi ! oublioit-il la principale partie ? Celle qui devoit le rendre heureux, fut-elle privée de ſes careſſes ?

Octavie.

Non, mais ce fut par où il acheva ; il la mania comme les autres, il y mit les doigts, la baiſa même ; & ſentant l’odeur dont elle étoit parfumée, il ſourit : Ah, mon cœur ! me dit-il, tu es toute de roſes & de myrrhe ; je connois bien que c’eſt Sempronie qui m’a voulu rendre ce chemin de la volupté plus facile. Je veux auſſi, continua-t-il, (en montrant ſon Vit, long, gros, & rubicond) que l’art aide en moi la Nature ; & afin que cet inſtrument redoutable faſſe ſon devoir avec moins de peine, je vais le frotter avec une pommade de jaſmin, que j’ai priſe à deſſein : & vous, ô ma Déeſſe ! préparez-vous à vous défendre, & à ſoutenir comme il faut les attaques que je veux vous donner.

Tullie.

Ah ! je prie tous les Dieux & toutes les Déeſſes qui préſident à l’hymen, en un mot, toutes les divinités qui ont été ſenſibles à l’Amour, de t’aſſiſter dans ce rude moment.

Octavie.

Je crois, que ſi je n’avois attendu du ſoulagement que de ce côté-là. J’aurois bientôt manqué de patience.

Tullie.

Tu ne ſais donc pas qu’il ne ſe faiſoit point de mariage le temps paſſé, où il n’y eût trois ou quatre divinités préſentes, qui avoient dans ce jour chacune leur office particulier. Dea Virginenſis, c’étoit celle qui commençoit la cérémonie, & qui dénouoit la ceinture de la nouvelle mariée : elle étoit ſuivie d’une autre qui mettoit l’époux & l’épouſe dans le champ de bataille ; ils l’appelloient, Deus Subigus : une autre préſidoit à l’action, lors particuliérement que le mari étant monté ſur ſa femme, la preſſoit vigoureuſement ; c’étoit Dea Præma : enfin, la derniere de toutes ces Divinités officieuſes ſe nommoit Dea Pertunda : toute ſon application étoit à faire en ſorte que le membre de l’homme entrât avec plus de facilité dans la partie de la femme.

Octavie.

Vraiment il leur falloit donc bien des cérémonies au temps paſſé pour prendre un pucelage ? on n’en apporte pas tant à préſent ; & Pamphile, ſans l’aide des Dieux, eſt venu à bout du mien, qui étoit auſſi difficile que celui d’aucune autre : écoute, voici comme il s’y prit. Tu ſais, Tullie, qu’il eſt fort jeune, puiſqu’à peine a-t-il vingt-deux ans ; mais il n’en eſt pas moins robuſte : m’ayant donc fait mettre dans la poſture ordinaire, il m’écarta les cuiſſes, & retira ma main dont je couvrois l’endroit où il vouloit entrer : il eſt vrai que je ne faiſois pas beaucoup de réſiſtance. Cela fait, il ſe jetta ſur moi : cette nouvelle charge m’épouvanta un peu ; il s’en apperçut. Ne crains pas, dit-il, ma chere enfant, ſois ſeulement ferme : ces paroles furent ſuivies d’une furieuſe ſecouſſe, qui fit entrer toute la tête de ſon Vit au-dedans. Ce mouvement fut ſi violent, que je crus qu’il m’avoit miſe en pieces ; je portai la main dans l’endroit pour empêcher qu’il n’entrât plus avant, mais Pamphile s’y oppoſoit : Retirez, me dit-il, cette main qui trouble notre plaiſir ; prenez courage, il n’y a plus guere de chemin à faire pour arriver au comble de la félicité.

Tullie.

Que faiſois-tu de ton côté ?

Octavie.

Je tenois ferme entre mes mains le reſte de ſon membre, qui n’étoit pas entré, & l’empoignois fortement, pendant qu’il renouvelloit ſes ſecouſſes. Ah ! mon cœur, me dit-il auſſi-tôt, preſſe, empoigne, ſerre le plus étroitement que tu pourras ce que tu tiens entre les mains. Je me ſentis incontinent arroſer le dedans d’une pluye céleſte. Pamphile ne ſe remuoit plus ; & ce qui me ſurprit davantage, c’eſt qu’il ne ſe perdit pas une goutte de toute cette liqueur, qui ne fut pas plutôt répandue, que je ſentis le canal dont elle ſortoit, devenir flaſque, & diminuer entre mes mains près de la moitié de ce qu’il avoit été auparavant.

Tullie.

Aviez-vous pour lors de la lumiere dans votre chambre ?

Octavie.

Sans doute, & on y voyoit auſſi clair qu’en plein midi : voilà qui eſt bien, ma mignonne, me dit Pamphile ; ah ! que tu m’as donné de plaiſir ! mais veux-tu bien, continua-t-il, que nous nous repoſions un peu ? J’y conſens, lui dis-je : il déconna donc ; mais, choſe étonnante ! il n’eut pas plutôt tiré ſon Vit, que je reſſentis au-dedans une démangeaiſon terrible : elle fut ſi grande, que ne me poſſédant plus, je me jettai à ſon col, je le baiſois, je l’embraſſois, & tâchois à l’exciter de nouveau par mes ſoupirs. Il ne fut point inſenſible à tout cela ; & me rendant careſſe pour careſſe, il me chatouilloit ma partie qui étoit toute en feu, il en ouvroit les levres, les refermoit, & fit tant que je déchargeai tout d’un coup, mais avec tant de force, que toute ma ſemence ſe pouſſa au dehors, avec toute celle dont j’avois été remplie. Cela ſurprit Pamphile : Qui l’auroit jamais cru, me dit-il, ma chere Octavie, tendre & jeune comme vous êtes, que vous euſſiez été ſi amoureuſe, & ſi propre au plaiſir ? Toutes celles, continua-t-il, qui ſont de votre âge, ne reſſentent pas la moindre émotion dans les premieres attaques ; & vous vous êtes ravie juſqu’au Ciel ! Non, dit-il, en regardant attentivement la ſemence que j’avois déchargée, ce n’eſt pas un ſimple écoulement, c’eſt un déluge ; & il faut, ſans doute, que vous ayiez au-dedans des ſources vives de cette liqueur, pour fournir à de ſi abondantes éjaculations. Ah, que vous êtes badin ! lui dis-je : toute cette ſemence que vous voyez répandue, n’eſt pas à moi ; c’eſt celle dont vous m’avez remplie. Il n’importe, dit-il, qu’elle ſoit à vous ou à moi ; mais je ſuis ravi que vous ayiez partagé le plaiſir, & que vous l’ayiez goûté dans toute ſon étendue. Je n’ai pas ſujet de m’en plaindre, lui dis-je, & j’ai été ſuffiſamment récompenſée des peines & des douleurs que vous m’aviez cauſées par vos premieres fureurs. Ma mere ayant oublié de mettre un linge ſous le chevet, je pris les draps pour m’eſſuyer, & me nettoyer par-tout. Ça, ma chere Octavie, me dit Pamphile, auſſi-tôt qu’il vit que c’étoit fait, je vous demande que vous faſſiez à cette heure pour mon plaiſir tout ce que je deſirerai de vous, & je ſouhaite que toutes les choſes pour leſquelles je ſerai ſenſible, vous touchent également. Je vous entends bien, lui dis-je, & je conſens à tout ce que vous voulez ; mais, de grace, épargnez un peu ma pudeur, & n’exigez pas de moi ces mouvements déshonnêtes qui me fatiguent le corps & l’eſprit. Non, non, reprit-il, ce n’eſt pas ce que je deſire ; je demande de vous tout le contraire : car je ſouhaite ſeulement que vous ſoyez immobile, & que, ſans faire aucun mouvement du derriere, vous teniez votre devant à découvert.

Tullie.

Il eſt permis à un mari de donner telles loix qu’il lui plaît à ſa femme, & il eſt de la prudence de celle-ci de les obſerver ſans murmure ; elle eſt ſotte, ſi elle s’imagine qu’il y a quelque choſe de malhonnête dans l’obéiſſance qu’elle lui rend.

Octavie.

Je lui obéis auſſi ſans beaucoup de cérémonie ; il me pria de lui manier ſon inſtrument qui commençoit à bander, je le fis pareillement ; que veux-tu davantage ? je le mis en état. Il monta ſur moi, & fit ſi bien, que du premier coup il entra la moitié au-dedans. Il en reſtoit encore cinq pouces au-dehors ; cela le fâchoit, car il ſembloit qu’il eût voulu y cacher tout ſon corps. C’eſt à préſent, me dit-il, mon cœur, qu’il s’agit de faire quelque, choſe de bien ; compte toutes mes ſecouſſes, & ſur-tout prends garde de te tromper au nombre. Auſſi-tôt il pouſſa de plus haut ; & pendant que je m’amuſois à compter, il redoubla ſes efforts avec tant de violence, qu’il rompit la barricade ; il ſe rendit maître de la place, & entra tout entier dans la citadelle. La douleur que je reſſentis pour lors, m’empêcha d’achever le compte. Ah ! vous me tuez, lui dis-je, vous, me tuez ; retirez, je vous prie, cet inſtrument de la plaie qu’il m’a faite. Eh, de grace !… Point du tout. Bien loin de cela, reprit-il, je vais l’avancer encore ſi je puis : & en diſant cela, il ſecoua ſi rudement, qu’il ſe cacha entiérement au-dedans ; ſon poil touchoit le mien, & jamais nous n’avons été mieux unis l’un à l’autre que dans ce moment. Ah ! arrêtez, m’écriai-je auſſi-tôt je n’en puis plus, vous me percez d’outre en outre ; vous touchez le fond de mes entrailles ; ah ! je n’y puis plus réſiſter ! Il eut compaſſion de moi, & retira la moitié de ſon Vit : Qu’as-tu, ma pauvre petite femme, me dit-il, eſt-ce que j’ai touché le fond de ton canal ? va, ne crains point, le jeu ſera bientôt fini : en parlant il pouſſoit inſenſiblement, & avançoit : D’abord, continua-t-il, que tu ſentiras quelque douleur, avertis-moi, ma chere enfant ; je me retirerai ; je t’aime trop pour vouloir prendre un plaiſir qui te cauſe de la peine, & convertir ainſi ma convoitiſe en cruauté. Il pouſſa enſuite ſon membre encore plus avant ; & comme il ſecouoit avec force : Arrêtez, lui dis-je, je vous en prie ; à quoi bon pouſſer de la ſorte ? il n’en ſauroit pas tenir davantage. Il s’en falloit encore quatre pouces, qu’il ne fût tout logé au-dedans. Je connois à préſent, me dit-il, quelle meſure de Vit il te faut pour ne te point bleſſer, & je crois que, pourvu qu’il en reſte au-dehors trois doigs du mien, tu n’en ſeras pas incommodée : afin néanmoins que tout ſerve, empoigne bien avec la main tout ce qui paroît au-dehors ; ſerre le plus étroitement que tu pourras, & que ta main ſupplée au défaut de ta partie : n’en ſois point honteuſe, pourſuivit-il ; car tout le corps d’une belle enfant comme toi, n’eſt qu’un Con délicieux. Je lui obéis, & il ſe remua ſi bien, qu’à la dixieme ſecouſſe, il déchargea ; je reſſentis un petit chatouillement, mais ce fut tout.

Tullie.

Combien as-tu compté de coups donnés dans ce ſecond combat ?

Octavie.

Vingt, avant qu’il eût troublé le compte, & dix après : mais avec tout cela je n’en ſais pas bien le nombre ; car lorſque je m’écriois qu’il me tuoit, qu’il me bleſſoit, il pouſſoit toujours avec plus de force : c’eſt pourquoi juges-en toi-même.

Tullie.

Et comment eſt-ce que vous paſſâtes le reſte de la nuit ?

Octavie.

Le reſte de la nuit ſe paſſa en badinerie. Pamphile étoit tout étendu ſur moi, il prenoit plaiſir à me faire ſucer ſon Vit, juſqu’à la derniere goutte ; il me baiſoit & m’embraſſoit, lorſque tout d’un coup nous avons entendu ouvrir une porte proche de notre lit : c’étoit ma mere, qui ſe mit à rire d’abord qu’elle nous vit. Eh bien, dit-elle, vous êtes-vous bien divertis ? Ah, ma mere, lui dis-je, que vous m’avez miſe entre les mains d’un homme qui eſt incommode ! il ne m’a pas donné un moment de repos. Vous en êtes bien fâchée, reprit-elle, en riant : puis s’adreſſant à Pamphile, elle lui dit : Eh bien, brave ſoldat, eſt-ce avec une femme que vous êtes couché ? Octavie, dit-il, vous en dira des nouvelles ; ne la voyez-vous pas toute affligée d’avoir perdu ſon pucelage ? C’eſt donc à préſent, dit ma mere, que je vous reconnois pour mon fils, & pour mon gendre. Elle nous donna après cela un bouillon reſtaurant, pour nous rendre les forces que nous avions perdues ; elle éteignit les flambeaux qui étoient encore allumés au pied du lit, & elle ſe retira. Auſſi-tôt qu’elle fut ſortie, Pamphile m’embraſſa étroitement ; & après quelques careſſes, comme nous étions las & fatigués, le ſommeil ſe rendit maître de tous nos ſens, & nous dormîmes l’un & l’autre aſſez longtemps. Il faiſoit déja grand jour, lorſque m’éveillant, j’apperçus le corps de Pamphile tout découvert ; il faut que je t’avoue de bonne foi, ma chere Tullie, que je le regardai & le conſidérai par-tout, avec une curioſité extraordinaire. Non, je ne crois pas qu’entre tous les hommes, on puiſſe rien trouver de plus beau & de plus aimable : toutes les parties en ſont formées avec une régularité ſans égale. Il étoit couché ſur le dos tellement que je le pouvois contempler à mon gré : ſon eſtomac eſt blanc & bien rempli ; ſes bras ſont longs & d’une rondeur parfaite ; ſes cuiſſes graſſes & robuſtes ; le ventre médiocrement élevé ; ſes jambes ni trop graſſes, ni trop maigres : enfin c’eſt un chef-d’œuvre de la nature. Sa peau eſt blanche, & ſans aucune tache qui la rende difforme : on l’eût pris, à le voir de la ſorte, pour une ſtatue de marbre.

Tullie.

Le membre de Pamphile dormoit-il auſſi ? tu n’en dis rien.

Octavie.

Le croirois-tu, Tullie ? il eſt même redoutable pendant ſon repos ; il ſembloit qu’il me menaçât : mais ce qui me ſurprit davantage, c’eſt qu’il tira de nouveaux feux de mes yeux, lorſque je le regardois ſi attentivement ; ils l’animerent, & ſe communiquerent à ſes eſprits. Il ſembloit qu’il fut capable de concevoir quelques ſentiments de gloire, d’être ainſi conſidéré par ſa maîtreſſe ; il ſe remua & leva la tête pluſieurs fois. Ces mouvements réveillerent Pamphile ; & moi, d’abord que je m’en apperçus, je fis ſemblant de dormir d’un profond ſommeil : il ſe retourna de mon côté. Quoi, dit-il, dors-tu encore, ma mignonne ? Ah ! pourquoi, repris-je, interrompez-vous mon repos ? Cependant il me baiſe, il m’embraſſe, il me careſſe ; & après m’avoir regardée par-tout, avec des yeux laſcifs & les plus amoureux du monde, il monta ſur moi & m’enconna, en me diſant de me ſouvenir de ma promeſſe, c’eſt-à-dire de ne point remuer. Cette derniere fois me donna bien du plaiſir, & le chatouillement que je reſſentis fut ſi grand, que je ne lui tins point ma parole, & je ne pus m’empêcher de branler les feſſes avec une vîteſſe incroyable. Sitôt qu’il s’en apperçut, il redoubla ſes ſecouſſes, & fit entrer ſon Vit juſques aux gardes ; je ne reſſentis pas de douleur comme auparavant, je pouſſai ſeulement un ſoupir ; auſſi-tôt je fus arroſée d’un baume liquide, qui acheva de me guérir de tous mes maux. Pamphile me jura que jamais il n’avoit goûté une volupté ſi parfaite que dans cette conjonction, Voilà, ma très-chere, comme nous paſſâmes la nuit ; & après quelques paroles, nous nous rendormîmes juſques à onze heures du matin, que nous nous levâmes : tu ſais le reſte auſſi-bien que moi.

Tullie.

Pamphile n’eſt pas ſi brave cavalier que je penſois : faire ſeulement trois courſes dans une nuit, avec une ſi belle monture, ah ! c’eſt être lâche que de ſe contenter de ſi peu. Ce n’eſt pas, Octavie, que cela me ſurprenne, quand je fais réflexion ſur la longueur & la groſſeur de ſon membre ; car c’eſt choſe certaine, que preſque tous les hommes dont le Vit paſſe la meſure ordinaire de la nature, ne ſont pas ſi bons fouteurs que les autres.

Octavie.

Je le crois bien, ma Couſine ; mais je ſuis ſurpriſe que les hommes ne ſoient pas toujours prêts pour le combat, vu qu’il n’y a rien de ſi doux que le plaiſir que l’on en reçoit : ils ſont lâches, ſi nous les comparons avec nous ; nous goûtons la volupté bien plutôt qu’eux, nous y ſommes bien plus ſenſibles, & bien plus promptes à la décharge.

Tullie.

Je t’entends bien ; tu tires ces vérités de la chaleur avec laquelle tu as ſoutenu les aſſauts de Pamphile : tu ne ſerois pas fille de Sempronie, ſi tu n’étois auſſi amoureuſe qu’elle ; & tu n’aurois aucun rapport avec ta mere, ſi tu n’avois du penchant pour le plaiſir.

Octavie.

C’eſt une marque de ſa vertu, de ce qu’elle a ſi bien ſurmonté cette foibleſſe : car quelque inclination qu’elle ait eue pour le divertiſſement, elle n’a jamais rien fait qui puiſſe la faire paſſer pour une femme lubrique.

Tullie.

Je vois bien, Octavie, que tu ne la connois pas comme moi : tu veux bien que je t’apprenne de ſes nouvelles ?

Octavie.

Vous me ferez plaiſir.

Tullie.

Tu ſauras donc que Sempronie, dès ſon bas âge, a été portée au plaiſir ; que Lucretie, Victorie & moi, qui converſions tous les jours avec elle, devînmes par ſon moyen les filles les plus laſcives de la ville. Nous avions pour lors neuf ou dix ans, & Sempronie en avoit douze ; elle aimoit beaucoup Victorie, & avoit auſſi pour Lucretie & pour moi une affection bien tendre. Elle étoit de tous nos divertiſſements puérils, & agiſſoit pour lors avec nous comme ſi nous euſſions été d’un ſexe différent du ſien : elle nous appelloit ſes Amants ; elle diſoit qu’elle vouloit nous apprendre comme l’on faiſoit l’amour ; elle nous regardoit avec des yeux languiſſants ; elle nous proteſtoit qu’elle n’avoit rien de plus cher au monde que nous ; qu’elle nous aimoit éperdument, & qu’elle brûloit d’un feu, qu’il n’y avoit que nous ſeules qui puiſſions l’éteindre. Toutes ces déclarations amoureuſes étoient ſuivies de mille baiſers & de mille careſſes. Nous autres, qui étions trop jeunes pour être ſenſibles à tout ce badinage, ne faiſions que rire de toutes ſes manieres, & accordions innocemment à Sempronie tout ce qu’elle ſouhaitoit de nous. Nous paſſions preſque toutes les après-dînées enſemble, à nous exercer dans ces ſortes de jeux, & quelquefois elle paſſoit ſubtilement ſa main ſous nos jupes, & nous manioit avec une ardeur incroyable cette partie qui nous diſtingue des hommes. Elle y mettoit les doigts l’un après l’autre, & nous baiſoit cependant, en gliſſant ſa langue entre nos levres avec une chaleur extrême : quelque-fois le divertiſſement alloit plus loin ; car elle nous faiſoit courber tout le corps juſques en terre, puis nous trouſſoit juſqu’à la ceinture, & ſatisfaiſoit ainſi ſa vue par la nudité de notre devant & de notre derriere. Elle manioit nos feſſes, les pinçoit, les mordoit, & les baiſoit même avec des tranſports ſurprenants ; enfin, il n’y avoit point de careſſe dont elle ne s’aviſât, quand elle étoit dans ſes fureurs. Je me ſouviens qu’elle faiſoit quelquefois la maîtreſſe & la gouvernante ; & nous faiſant lever nos jupes, elle nous fouettoit avec des verges, quand nous avions manqué à quelques circonſtances du jeu : elle nous mettoit ſouvent le derriere tout en feu ; nous nous en fâchions ; & pour nous appaiſer ; elle ſe mettoit auſſi toute nue devant nous, & nous obligeoit à faire de même. Pour nous venger du mal qu’elle nous avoit fait, nous lui donnions le fouet l’une après l’autre ; elle le ſouffroit fort patiemment, quoiqu’elle fît quelques grimaces par forme. Il faut que je t’avoue, Octavie, qu’elle avoit un beau corps ; il n’y avoit rien de plus blanc, de plus ferme, & de plus poli ; ſon derriere étoit admirable par ſa rondeur & ſa fermeté. Mais revenons à notre hiſtoire : après que nous nous étions bien laſſées à la fouetter, elle ſe relevoit, & nous diſant que c’étoit à ſon tour. Elle nous faiſoit étendre tout de notre long ſur le dos, & coucher ſur des caiſſes ; elle nous faiſoit ouvrir les cuiſſes ; & après quelques careſſes, elle ſe jettoit ſur nous ; (remarque que nous étions toutes nues) & joignant ſa partie à la nôtre, elle remuoit & ſecouoit comme ſi en effet elle eût été d’un ſexe différent. Eh bien, Octavie, une fille ſortie d’une telle mere, ne doit elle pas être ſemblable à Vénus ? eh, eh, eh, qu’en dis-tu ?

Octavie.

J’ajouterai foi, Tullie, à ce que vous venez de dire, pourvu que vous me faſſiez connoître comment il s’eſt pu faire, qu’avec un ſi grand penchant pour la volupté, ma mere n’ait jamais rien fait contre ſon honneur.

Tullie.

Ah, ah je le veux ; écoute-moi ſeulement. Trois ou quatre mois avant que Sempronie fût mariée, nous étions un jour après midi toutes enſemble à nous divertir ; ſon pere & ſa mere étoient abſents ; ils l’avoient laiſſée ſeule avec ſa gouvernante, qui étoit pour lors occupée aux affaires de la maiſon, tellement qu’elle étoit en liberté, & n’avoit rien à craindre d’aucun côté. Elle avoit un petit page de quatorze ans, qui s’appelloit Joconde ; il étoit beau comme un ange, & avoit l’eſprit auſſi joli que le corps ; il chantoit agréablement, & danſoit avec une adreſſe merveilleuſe. Sempronie, qui préſidoit à tous nos jeux, dit qu’il falloit qu’il fût de la partie ; nous y conſentîmes avec joie, parce qu’il étoit fort aimable : elle le fit donc venir, après avoir pris ſes précautions contre toute ſurpriſe. D’abord qu’il fut entré, il chanta & danſa avec un agrément particulier ; mais le jeu n’en demeura guere-là. Sempronie avoit bien une autre intention ; c’eſt pourquoi elle l’interrompoit à chaque pas qu’il faiſoit, elle le pouſſoit au milieu d’une danſe, & l’excitoit par mille attaques à un autre divertiſſement. O la belle fille, nous diſoit-elle en le montrant ; qu’elle eſt jolie ! qu’elle eſt aimable ! regardez, mes compagnes, comme elle eſt ſage, comme elle eſt modeſte ? je vous jure, continuoit-elle, que ce n’eſt pas un homme, mais plutôt une jeune vierge, qui déshonore notre ſexe en ſe couvrant d’un habit de garçon. Joconde ſe défendit d’abord par des reparties aſſez ſpirituelles ; mais Sempronie lui en dit tant, qu’elle le pouſſa à bout : il rougit ſelon la coutume des jeunes gens, & tâcha de ſe défaire de nous autres, en s’enfuyant : mais ce fut inutilement, la partie n’étoit pas égale ; & courant après lui, nous eûmes bientôt repris ce fugitif. Nous l’amenâmes au pied du lit, qui étoit dans la chambre. Ah ! c’eſt à préſent, dit Sempronie, qu’il faut voir ſi c’eſt une fille ou un garçon elle paſſa auſſi-tôt la main dans l’ouverture de ſon haut de chauſſe.

Octavie.

Quoi ! & Joconde ne ſe défendoit point ? ah ! ah ! ah !

Tullie.

Retirez-vous, lui diſoit-il, en ſe défendant légérement ; ſi vous n’y prenez garde, je regarderai moi-même ſi vous êtes pucelle ou non. Cependant Sempronie ne lâchoit point ſa priſe, elle tenoit toujours entre ſes mains l’inſtrument de cet Adonis ; & l’ayant tiré au-dehors, elle nous le fit toucher, à Victorie & moi. Nous autres, qui étions encore de pauvres innocentes ; nous le regardions attentivement, & admirions comment il ſe pouvoit faire, que par les attouchements de Sempronie, il s’allongeât & groſſît à vue d’œil. Eh bien, Joconde, lui dit ta mere, ſavez-vous l’uſage de ce meuble, & à quoi il peut être bon ? Je ne l’ai jamais expérimenté, reprit-il ; mais je me doute bien à quoi il peut ſervir. Bon, bon, interrompit ſimplement Victorie, il faut qu’il nous l’apprenne. J’y conſens, dit-il, pourvu que ce ſoit l’une après l’autre ; & cet endroit, pourſuivit-il, en montrant un petit lit de tapiſſerie qui n’avoit qu’un pied de hauteur, ſera propre pour nous y donner les leçons néceſſaires : je veux commencer par Sempronie. Il la prit auſſi-tôt par la main, & la fit coucher ſur un tapis de Turquie, dont la chambre étoit couverte ; il mit ſous elle deux couſſins, l’un ſous la tête, & l’autre ſous ſes feſſes : il trouva ce lieu plus commode que le lit. Ça, dit-il, c’eſt à préſent que je vais vous apprendre ce que vous ſouhaitez ; il mit bas auſſi-tôt tous ſes habits, & trouſſa les jupes de Sempronie le plus haut qu’il put ; il découvrit de la ſorte le bel endroit qui devoit ſervir de champ de bataille ; il étendit ſes cuiſſes, & ſe mit à genoux entre deux.

Octavie.

Quoi ! tu voyois tout cela ? tu étois préſente à ce ſpectacle ?

Tullie.

Sans-doute je le voyois comme tu me vois. Sempronie prit elle-même le membre de Joconde, & lui demanda, en le maniant, ce qu’il en vouloit faire. Je veux, dit-il, l’enfoncer bien avant dans cette fente que je touche ; & auſſi-tôt il ſe jetta ſur elle ventre ſur ventre : après quelques efforts, il entra au-dedans. Sempronie s’écria : Ah Joconde ! retirez-vous, vous me bleſſez ; vous me faites mal. Voulez-vous, dit-il, que je quitte la partie ? Non, non, dit-elle, achevez, puiſque vous avez commencé ; mais faites vîte. Il redoubla auſſi-tôt ſes ſecouſſes ; & à chaque mouvement qu’il faiſoit, Sempronie ſoupiroit, & diſoit : Eh, eh. Elle ne prononçoit aucune parole, juſque’à ce que ſentant les approches du plaiſir. Ah, ah, dit Joconde, embraſſez-moi, ma Déeſſe, mon Cœur, mon Amour ; ah, ah ! je piſſe, je piſſe. Et moi auſſi, dit Sempronie ; avance, mon cher, avance le plus que tu pourras : ah, ah ! je n’en puis plus, je me meurs, ah ! que ce plaiſir… Elle perdit ici la parole, & ajouta un peu après : eſt agréable ! auſſi-tôt qu’ils eurent achevé, ta mere ſe leva, & s’en vint à moi : Ah ! ma très-chere, me dit-elle, en m’embraſſant, que le divertiſſement que je viens de prendre eſt doux ! ah, que ce jeu eſt aimable ! quittons, pourſuivit-elle, à préſent toutes nos badineries puériles ; elles n’ont rien qui approche de ces exercices : en vérité, Joconde eſt un ſavant & un agréable maître. Comme elle achevoit ces paroles, Joconde lui donna un baiſer. Mais quoi ! dit-elle, je me ſens toute mouillée ſous ma chemiſe ; d’où vient cela ? Joconde lui fit lever ſes jupes : Prenez garde, dit-il, qu’on ne s’apperçoive de cette humeur répandue ; car on tireroit de-là des conſéquences qui nous ſeroient déſavantageuſes ; il l’eſſuya avec un mouchoir. Victorie regardoit curieuſement : Et comment, dit-elle à Joconde, eſt-ce que cela s’eſt pu faire ? qu’avez-vous fait tous deux enſemble, pour, être ainſi mouillés ? Voulez-vous l’apprendre, dit Joconde ? nous avons fait ce que font nos Peres & Meres, ce que font ceux qui ſont mariés, & ce que je ferai préſentement avec vous, ſi vous voulez. Je vais commencer par la plus jeune, pendant que je ſuis encore en état de donner une ſeconde leçon.

Octavie.

Ce diſcours me met dans un étonnement étrange ! O ma mere ! quelle vie, ou plutôt quel déguiſement !

Tullie.

Victorie eſt la plus jeune & la plus jolie, dis-je à Joconde, c’eſt à elle à commencer. Vous êtes également belles & aimables, reprit-il, & vous en goûterez toutes deux l’une après l’autre. Il gliſſa auſſi-tôt ſa main dans notre ſein, à Victorie & à moi ; mais il n’y trouva encore que les veſtiges de nos tettons ; parce qu’ils n’étoient pas encore formés : ils pouvoient bien ſervir d’ornement, mais ils étoient trop petits pour ſoutenir des attaques. Si ces demi-globes n’ont pas aſſez de quoi vous plaire, dit Sempronie à Joconde, vous trouverez un autre endroit plus bas qui ſuppléera à leur défaut. Il ſourit à ces paroles ; & ſe jettant au col de Sempronie, il lui demanda la permiſſion de baiſer ſes tettons qui avoient fait une partie de ſon bonheur : elle le lui permit ; il les baiſa donc amoureuſement, en mordant & ſuçant l’extrêmité. Il nous les fit manier, à Victorie & à moi : nous les admirâmes ; car bien qu’ils ne fuſſent pas encore dans leur perfection, il n’y avoit néanmoins rien de plus aimable ; ils étoient fermes, blancs, ronds, & d’une belle & juſte diſtance. Joconde ne ſe contenta pas de-cela, il toucha derechef Sempronie ſous ſes jupes & ſa chemiſe, & nous la fit contempler deſſus, deſſous. Il faut que je l’avoue, Octavie, qu’après toi je n’ai point vu de corps mieux pris : ſes cuiſſes ſont rondes & potelées ; ſes feſſes blanches & polies ; ſa partie eſt placée le plus avantageuſement du monde : enfin c’eſt un chef-d’œuvre, il n’y a rien de plus beau ; & tu ne tiendrois pas de ta Mere, ſi tu n’étois auſſi accomplie comme tu es. Pendant que nous la regardions ainſi fixement, ſon Adonis ne ſe contentoit pas de ſatisfaire ſa vue ; il vouloit que tous ſes ſens partageaſſent le plaiſir : il touchoit & la manioit deſſus, deſſous ; il la baiſoit indifféremment par-tout. Ah, Dieu ! s’écrioit-il, que ma condition m’éloigne de la poſſeſſion d’un ſi beau corps !

Octavie.

Et pendant ce temps, que faiſoit Sempronie ?

Tullie.

Elle n’étoit pas oiſive durant ce badinage : elle embraſſoit étroitement Joconde ; elle lui découvroit les feſſes, & les manioit ; elle lui prenoit ſon inſtrument, elle l’excitoit, & le mit ſi bien en humeur, qu’il appella Victorie, en lui diſant de regarder attentivement la beauté du derriere de Sempronie : il la prit par le bras, & la renverſa par terre. Ta mere ſe leva auſſi-tôt pour leur faire place, & donner lieu à leur divertiſſement. Victorie voulut ſe défendre, mais inutilement ; ta mere & moi, nous la prîmes l’une d’un côté, l’autre de l’autre : il fallut céder à la force ; elle conſentit à tout, pourvu, dit-elle à Joconde, que vous ne me faſſiez pas de mal. Bien-loin, dit-il, de vous cauſer du mal, je veux vous combler de plaiſir. En diſant cela, il lui leva ſes jupes & ſa chemiſe, & nous fit voir le champ de Vénus à découvert. Il ſe tenoit à génoux entre ſes jambes ; il lui manioit la partie, l’entr’ouvroit, y mettoit le doigt ; elle n’étoit encore revêtue d’aucun poil, & ſon ouverture étoit ſi petite ; qu’elle ne paroiſſoit que comme une ligne un peu enfoncée. Courage, Joconde, dit Sempronie : vous êtes-là en poſture de ſuppliant, les genoux en terre ; qu’attendez-vous pour rendre vos adorations ? Il obéit ; & avec des tranſports & des ſaillies les plus amoureuſes du monde, il baiſa toutes les parties de cet aimable corps, ſans oublier la principale, qu’il ſembloit qu’il voulût dévorer. Que veux-tu davantage ? ce jeu le mit tout en feu, il brûloit d’amour ; & pour chercher du rafraîchiſſement, il ſe jetta ſur cette tendre victime, & la perça. Elle s’écria au premier coup : Ah ! retirez-vous, je ne ſouffrirai pas cela. Tous ces cris ne ſervirent de rien ; car à la cinquieme ſecouſſe, le Vit de Joconde entra tout entier, & fit au dedans une copieuſe décharge.

Octavie.

Quoi ! vous étiez-là toutes deux préſentes ?

Tullie.

Aſſûrément, & nous congratulions Joconde, de ce qu’il étoit venu à bout d’un ſi joli pucelage. L’affaire étant achevée, Victorie ſe leva, & dit innocemment qu’elle venoit de ſentir je ne ſais quelle humeur qui ſortoit de ſa fente. Joconde lui leva auſſi-tôt ſes jupes, & la nettoya ; nous vîmes pour lors du ſang mêlé avec la ſemence. Joconde l’embraſſa étroitement, & lui demanda pardon du mal qu’il lui avoit fait : il étendit après cela ſon mouchoir ; & nous montrant les taches de ſang dont il étoit marqué, il nous dit que c’étoient les marques de ſon triomphe, des preuves certaines de ce qu’il avoit combattu avec une vierge. Eh quoi, frippon, dit Sempronie, eſt-ce que je ne l’étois pas, moi ? Sans doute, vous l’étiez, reprit-il ; mais comme votre âge vous rendoit un peu plus ouverte, les marques de ma victoire n’ont pas été ſi évidentes.

Octavie.

Tu me fais pitié, Tullie, de demeurer ſi long-temps à regarder les autres, & à juger des coups ſans en partager le divertiſſement.

Tullie.

Chaque choſe aura ſon temps. Tu ſauras donc que Joconde étoit entiérement abattu, & toutes ſes forces étoient épuiſées. Eh bien, lui dis-je, vous êtes las, vous n’en pouvez plus, mon pauvre enfant ; & j’ai bien la mine de ſortir veuve de ces noces, & de n’avoir aucune part à la fête. Non, non, dit Sempronie, ne crains point, tu ſeras ſatisfaite, & je veux bien cautionner Joconde. En effet, pourſuivit-elle, en s’adreſſant à lui, tu as beſoin de reprendre des forces ; va-t-en à ma gouvernante, & la prie de ma part de m’envoyer la collation, pour moi & pour mes compagnes. Il s’y en alla, & apporta un peu après une grande tarte avec des confitures, & une bouteille d’excellent vin. Je coupai d’abord un grand morceau de cette tarte, & le donnai à Joconde, tant j’avois hâte qu’il fût bientôt en état ; il ne le mangea pas, il le dévora, & but un verre de vin que je lui préſentai avec la même avidité. Sempronie & Victorie avoient le même ſoin que moi ; chacun lui donnoit à l’envie : c’eſt pourquoi, il fut bientôt raſſaſſié. La collation étant faite, il me prit par la main, me fit faire deux ou trois tours de danſe, & ſe jettant enſuite à mon col : Ah ! ma chere Tullie, vous aviez peur de ſortir veuve de ces noces : ne craignez point, je ſuis auſſi vigoureux qu’auparavant. Il me baiſa ; & après quelques autres careſſes, il me jetta ſur les couſſins qui avoient ſervi à Victorie & à Sempronie. Que te dirai-je davantage ? il me fit en deux ou trois coups comme il avoit fait aux autres.

Octavie.

Il trouva donc l’entrée bien facile ?

Tullie.

Eſt-ce que tu ne ſais pas, que nous autres Italiennes, nous ſommes extrêmement ouvertes dès notre plus tendre jeuneſſe ?

Octavie.

Il faut au moins que tu t’exceptes de la regle auſſi-bien que moi ; car je n’ai pu être dépucelée qu’avec de ſenſibles douleurs, & tu m’as dit que tu ne l’avois pas été ſans peine.

Tullie.

Sans doute, mais voici la raiſon. Nous-avons été mariées à deux hommes extrêmement membrus ; c’eſt pourquoi ce n’eſt pas une choſe ſurprenante que nous ayions paru étroites, à des perſonnes qui ne pouvoient trouver des femmes trop larges pour eux. Oronte & Pamphile le peuvent diſputer avec tout autre ; je crois même qu’ils n’en doivent guere céder à Priape ; & que ſi les bonnes matrones de Lampſaque les euſſent eus après que ce maître Couillaut fût mis au rang des Dieux, elles n’auroient pas tant déploré ſon abſence qu’elles firent. Tu ſais ce qu’étoit Priape ? Voici ce qu’il diſoit de ſoi-même :

Le plaiſir que je prends ne peut être petit,
      Jamais je ne f… à la nage ;
Et la raiſon, c’eſt que mon Vit
Ne peut trouver de Con trop large.

Si nous l’en croyons, c’étoit un maître Sire ; eh bien ! je crois que nos maris en peuvent dire autant, car ils emportent le prix ſur toutes les Couilles du monde. Sempronie & Victorie m’ont avoué auſſi, que la première nuit de leurs noces, elles avoient fait l’affaire ſans aucune peine ni d’un côté ni d’autre : il eſt pourtant certain que leurs maris ne ſont pas mal partagés, cela vient donc d’une autre cauſe. Il n’en faut point douter, Octavie ; & c’eſt une vérité, que les Italiennes & les Eſpagnoles ſont tellement fendues, qu’il ſemble qu’elles ſoient plutôt nées pour des mulets, que pour des hommes. Il eſt vrai que Joconde avoit déja ouvert le paſſage, & c’eſt peut-être ce qui a rendu l’entrée ſi facile.

Octavie.

En effet, cela peut bien être : je n’y faiſois pas réflexion.

Tullie.

Hélas ! ce que j’en diſois, ce n’étoit que pour rire. Le pauvre enfant n’en avoit pas en ce temps-là, plus long que le doigt du milieu : & la groſſeur de ſon invention, ne ſurpaſſoit pas celle de mon pouce. Les Médecins diſent que ceux qui en ont plus de ſept ou huit pouces de long, paſſent les bornes de la nature : & la raiſon qu’ils en donnent, c’eſt, diſent-ils, parce que le col de la matrice ne peut ordinairement s’étendre dans l’action vénérienne, que de cette longueur ; qu’une extenſion plus grande ne ſe peut faire ſans un grand travail, & ſans incommoder la femme. Il en eſt de même de la groſſeur : car le membre de l’homme s’enflant & devenant furieux, comme il arrive quelquefois, l’affaire ne ſe peut terminer ſans des peines & des douleurs incroyables de celle qui eſt chevauchée. Voilà, Octavie, ce que j’avois à t’apprendre de nos divertiſſements pris avec Sempronie ; ta curioſité eſt-elle ſatisfaite ?

Octavie.

Aſſurément, & tu m’as appris des choſes qui me mettent dans la derniere ſurpriſe. J’avois cru, juſques à préſent, qu’il n’y avoit point de femme plus ſainte que ma mere, & dont les mœurs fuſſent plus irreprochables : mais je vois bien le contraire ; & je ne ſais comment il s’eſt pu faire, que mon pere qui eſt fort ſoupçonneux, & qui a une délicateſſe extraordinaire ſur le point d’honneur, n’ai jamais rien vu en elle que de louable. Il l’aime éperdument, & la croit la femme la plus ſage & la plus honnête du monde : mais ce qui eſt encore plus ſurprenant, la médiſance qui n’épargne perſonne, & qui publie nos vices les plus ſecrets, n’a jamais cenſuré ſa conduite, ni découvert en elle le moindre défaut qui ait donné lieu à la critique.

Tullie.

Cela ne doit point t’étonner : une perſonne prudente ſait toujours bien ſe tirer d’affaire ; & la plupart des femmes qui périſſent, n’en doivent point attribuer la cauſe à leurs divertiſſements, mais ſeulement au peu de précaution qu’elles apportent quand elles les prennent. Il y en a qui ne veulent point être aimées à petit bruit ; elles tirent gloire de leur infamie, & aiment mieux entendre dire un peu de mal d’elles, que de n’en point entendre parler du tout. C’eſt-là le véritable chemin de perdition ; car il faut que tu ſaches, Octavie, que ce n’eſt pas dans la nature des choſes que conſiſte la louange ou le blâme : non, c’eſt dans l’uſage que nous en faiſons ; & il eſt de la prudence de nous preſcrire des bornes à nous-mêmes, afin de ne nous pas laiſſer aveugler à nos appétits, & donner occaſion de dire que nous vivons ſans regle & ſans jugement. Imagine-toi, ma chere Octavie, que ſi tu veux vivre heureuſe & contente dans l’état du mariage où tu es engagée, il faut que tu croyes qu’il n’y a rien qui ne te ſoit permis, & que toutes choſes te ſont défendues. Cela te paroît un peu obſcur.

Octavie.

Sans doute ; car je ne conçois pas que l’uſage d’une choſe puiſſe être permis & défendu tout enſemble.

Tullie.

Apprends donc à préſent que tout ce que tu pourras faire commodément, ſans offenſer les yeux de tes domeſtiques & de ton mari, eſt permis ; & au contraire, que ce que tu ne pourras exécuter ſans peril, eſt défendu. Voilà en deux paroles ce qui doit régler toutes tes actions ; ce ſont-là les véritables maximes que tu dois ſuivre ſi tu es ſage, & c’eſt à elles ſeules à qui je dois tous mes plaiſirs & mes divertiſſements. Ce n’eſt, Octavie, que par leur pratique, que j’ai conſervé mon honneur & ma réputation ; tu en peux faire de même, ſi tu les obſerves. Nous ſommes toutes également portées à la volupté, nous y avons toutes le même penchant ; & bonnes & mauvaiſes : mais il eſt à remarquer que celles-ci ne ſe mettent aucunement en peine de la réputation ; elles préferent le plaiſir à toutes choſes, & c’eſt ce qui les fait paſſer pour des infames. Parmi les autres, ils s’en trouve de ſages ; mais il s’en rencontre d’imprudentes, qui, faiſant de fauſſes démarches, périſſent la plupart à la fleur de leur âge, ou finiſſent leurs jours dans les ténebres & l’obſcurité d’une priſon, où le poiſon & le fer ſont les inſtruments qui châtient leur conduite trop ouverte. Il n’en eſt pas de même de celles dont la prudence fait le caractere : elles vivent heureuſes juſques au dernier ſoupir ; & la circonſpection dont elles uſent dans toutes leurs actions, les feroit paſſer pour ſaintes dans les lieux les plus infames, au milieu même du bordel. Tu vois, Octavie, qu’il y a pluſieurs chemins qui conduiſent à la même fin, c’eſt-à-dire au plaiſir, & qu’il eſt de la ſageſſe d’une femme, de ne pas ſuivre toujours le plus battu. Tu comprends bien tout ceci.

Octavie.

Oui, Tullie, & je te ſerai obligée toute ma vie, de ces bonnes & ſpirituelles inſtructions : continue.

Tullie.

Auſſi-tôt que je fus mariée, je m’appliquai particuliérement à connoître l’humeur de mon mari ; j’examinai ſon penchant & ſes inclinations, & je n’oubliai rien pour en avoir une parfaite connoiſſance. Après cela, je conſidérai trois choſes : ce qui étoit au-deſſus de moi, ce qui était hors de moi, & ce qui étoit au-dedans. Je regardai la religion élevée au-deſſus de toutes choſes ; & comme elle tient le premier rang dans la politique, (bien que dans la nature elle n’en ait aucun) je fis une ſérieuſe réflexion ſur tous les devoirs auxquels elle m’engageoit. Je vis enſuite de quoi j’étois redevable à tous les hommes, & enfin ce que je me devois à moi-même. Je connus donc qu’il étoit néceſſaire que les femmes mariées fuſſent fort religieuſes, ou tout au moins qu’elles en euſſent l’apparence ; car il faut que tu ſaches que celle qui n’eſt pas vertueuſe en elle-même, ſi elle en fait bien le perſonnage au-dehors, eſt préférable à celle qui l’eſt en effet, mais qui ne la paroît pas. Le bonheur d’une femme dépend entiérement de l’eſtime de ſon mari ; elle eſt heureuſe, ſi elle peut paſſer dans ſon eſprit pour ſage & honnête : mais au contraire elle eſt miſérable, ſi ſa conduite trop ouverte donne des ſoupçons de ſes déréglements. Dans le commencement de notre mariage, nos maris nous aiment & nous chériſſent à cauſe de notre beauté, & des autres agréments extérieurs qu’ils trouvent dans notre perſonne : mais quand ces premieres fureurs de l’amour ſont paſſées, & qu’ils ſe ſont raſſaſſiés de nos embraſſements, ils n’ont plus pour nous qu’un amour d’eſtime, c’eſt-à-dire, ſi nos comportements leur paroiſſent ſans reproche, & s’ils nous croyent à l’épreuve de la galanterie.

Octavie.

Je commence, ma Couſine, à entrer dans le ſens de cette morale ; ce grand déguiſement de mœurs me choque.

Tullie.

Ah, qu’on a de peine à te réduire ! Il faut que tu ſaches qu’il n’y a que de la gloire à ſe maſquer de la vertu ; on ne peut pas ſe couvrir d’un voile plus précieux, & toute la ſageſſe du ſexe ne peut trouver de voie plus ſûre pour paſſer ſa vie dans les plaiſirs.

Octavie.

Quoi ! une femme doit donc s’abandonner à toutes ſortes de vices, & n’avoir aucun égard pour la vertu ?

Tullie.

Ah, Dieux ! tu n’entres pas dans ma penſée ; bien-loin de n’avoir aucuns égards pour la vertu, elle en doit faire une profeſſion ouverte, mais de telle maniere qu’elle prenne garde pour cela de ne pas faire gloire de mauvaiſe humeur. Il faut qu’elle tempere cette auſtérité de mœurs apparente, par tant de douceur & de charmes, que, ſans qu’il ſemble qu’elle ait deſſin de plaire à perſonne, elle ſoit agréable à tout le monde. Bien-loin de mépriſer les loix & les coutumes qui ſont établies par un long uſage, elle doit les avoir en vénération, & les obſerver avec une ſi exacte régularité, que ſa vie à l’extérieur ne differe en rien de l’honnêteté, pendant que ſous ce voile elle cherchera ſes divertiſſements. Il faut qu’elle paroiſſe un miroir de ſainteté au-dehors, pendant que ceux qu’elle voudra rendre heureux, avoueront qu’il n’y aura rien de plus laſcif. Cette conduite te ſurprend peut-être : mais il faut que tu ſaches qu’elle eſt moins préjudiciable à la vie civile, que les pratiques de ces femmes ſaintes & dévotes, qui ne font aucun bien qu’à deſſein de le faire paſſer pour mal ; & cela, diſent-elles, par un principe de vertu. O la belle vertu, qui transforme le bien en mal ! Voilà, Octavie, la fin de la morale que je te propoſe : Palàm vive omnibus, clàm & in tuto tibi : c’eſt-à-dire, que tu dois ſuivre les ſentiments des ſages, & les coutumes du peuple ; & qu’en réſervant pour toi tes penſées & tes actions les plus ſecretes, tu dois lui ſacrifier les dehors, & toutes les apparences extérieures. Il te ſera facile d’obſerver tout ceci ; tu n’as qu’à imiter ta mere Sempronie.

Octavie.

Je comprends tout ce diſcours, Tullie ; mais pourquoi me propoſer ma mere pour exemple ?

Tullie.

Tu dois ſavoir, Octavie, que ta mere m’eſt auſſi connue que toi : j’ai ſouffert ſes badineries, comme tu as enduré les miennes ; & voici les regles qu’elle me preſcrivit auſſi-tôt que je fus mariée. Tu dois regarder Oronte, me diſoit-elle, comme une divinité ſur la terre ; tu dois le chérir & preſque l’adorer, & te rendre complaiſante à toutes les demandes qu’il te pourra faire, ſans t’imaginer qu’elles renferment quelque choſe de malhonnête en elles-mêmes. Voilà, Tullie, continua-t-elle, les prérogatives & les privileges de l’homme ; & voici les avantages de la femme. Elle doit croire, ſi elle eſt ſage, que comme elle eſt née pour le plaiſir de ſon mari, tous les autres hommes ne ſont au monde que pour le ſien. L’un lui eſt propre, & lui appartient de droit ; l’autre lui eſt commun avec ſon époux. Elle doit ſe changer en autant de figures que Prothée, pour lui plaire, ſi la lubricité l’exige d’elle : en un mot, elle ne doit rien négliger de tout ce qui peut ſervir à ſa convoitiſe ; pendant que ſes amants de leur côté mettront toute leur adreſſe en uſage pour ſatisfaire la leur. Voilà, Octavie, comme je me menage avec Oronte, & comme j’agis en même temps avec Cléante.

Octavie.

Fort bien, fort bien ; je comprends quel eſt ton commerce avec Cléante.

Tullie.

Il faut, Octavie, que je te donne en peu de paroles une parfaite idée de ma conduite ; écoute-moi. Depuis que je ſuis engagée dans le mariage, je me ſuis également partagée entre Oronte & Cleante : j’accorde à Oronte tout ce qu’il ſouhaite de moi pour ſa volupté, même les choſes dont je n’en reçois aucune ; & à Cleante, je ne demande que celles qui me ſont ſenſibles. L’un me commande, j’ordonne à l’autre : mon mari a la jouiſſance de mon corps, moi je diſpoſe de celui de mon Amant ; j’obéis à Oronte, je ſuis maîtreſſe de Cleante. Réfléchis un peu ſur la différence qu’il y a de la condition d’une femme libre, avec celle d’une eſclave ; & penſe, mon enfant, que pour vivre heureuſe, il faut faire une alliance de ces deux vies.

Octavie.

Quoi ! on ne peut être heureuſe ſans s’abandonner de la ſorte ? A Dieu ne plaiſe que je commette jamais la moindre faute ſur cette matiere !

Tullie.

Octavie, te ſouvient-il du ſonge dont je fus l’interprête ?

Octavie.

Sans doute ; mais vous pouvez auſſi vous ſouvenir des proteſtations que je fis, d’être toujours fidelle à mon cher Pamphile.

Tullie.

Quoi ! tu es aſſez téméraire pour aller contre les deſtins ; c’eſt-à-dire, de faire la guerre au Ciel, & de t’imaginer que tu pourras ſurmonter par ton opiniâtreté, ce que les Dieux ont réſolu ?

Octavie.

Comment, Tullie, vous voudriez tout de bon m’engager dans ce genre de vie qui eſt ſi déteſtable ? vous voudriez me faire fouler aux pieds les ſentiments d’honneur que doit avoir une jeune mariée comme moi ? Non, vous ne parlez pas ſérieuſement ; & ce que vous m’avez dit de Cléante, ne paſſe point dans mon eſprit pour véritable : je vous crois trop ſage.

Tullie.

Et moi, je te crois la plus ſotte du monde ; & tu es infatuée de certaines maximes qui me déplaiſent au dernier point. Seras-tu contente, ſi je te fais comprendre comment tu peux conſerver ton bonheur, avec la jouiſſance du plaiſir ?

Octavie.

Aſſurément ; mais je ne puis pas concevoir que vous en veniez à bout : car comment accorder dans un même ſujet deux choſes qui ſe combattent, & qui ſe détruiſent d’elles-mêmes ?

Tullie.

Pour t’inſtruire de cette vérité, qui te ſemble un paradoxe, apprends que les hommes d’à préſent ont fait de nouvelles loix, & introduit dans le monde un culte qui n’a aucun rapport avec l’ancienneté. Les vertus de l’âge de nos peres, ſont les vices de celui-ci ; & les actions qui ne ſe faiſoient point le temps paſſé ſans récompenſe, ne peuvent maintenant ſe pratiquer avec impunité. Parmi ces ſtables engagements, & ces étranges révolutions, l’Honneur a pris ſa naiſſance, & s’eſt emparé avec le temps de la plupart des eſprits. Ne crois pas, Octavie, que ſon être ait quelque choſe de réel. Non, il n’a point d’autre fondement que dans notre imagination ; & tu ſerois abuſée, ſi tu penſois que ſa nature fût d’une autre matiere que celle de ces objets de raiſon dont parlent les Philoſophes, qui doivent leur production à notre fantaiſie, & qui n’ont rien de commun avec la Vérité bien fondée. Cette belle imagination a été inventée, pour tenir les perſonnes de notre ſexe dans un devoir rigoureux ; c’eſt une pure idée & une chimere, que la malice de temps nous oblige de ſuivre, pendant que la ſageſſe nous dicte de ne nous y pas attacher. Regrettons-donc, mon enfant, avec un grand homme, le bonheur des ſiecles paſſés, où ce Tyran qui s’oppoſe à tous nos plaiſirs, étoit entiérement inconnu.

    ...... Quel Vano
    Nome fouza ſogetto
    Quelli dolo d’errori, idol d’inganno
    Quel, che dal volgo inſano
    HONOR poſcia ſu dettó
    (Che di noſtra natural feo Tiranno)
    Nori miſchiava il ſuo aſſanno
    Fra le liete dolceſſe.

    Del amaroſo gregge,
    Ne fu ſua dura legge.
Nota à quell alme en libertate auvez ze
    Mà legge aurea, è felice,
    Che natura ſelopi, S’ EIPTAGE EILIGE
[ws 1].

Voilà, Octavie, ce que c’eſt que l’honneur ; voilà la nature de cette honnêteté, qui te ſéduit ; juge de-là ſi elle eſt incompatible avec le plaiſir, & tire de ce raiſonnement les conſéquences qui en ſortent naturellement.

Octavie.

J’entre dans votre penſée, ma couſine ; mais pour me ſatisfaire entiérement, dites-moi pourquoi vous ne me prêchiez rien tant que cet honneur, devant que je fuſſe mariée. A quoi bon m’abuſer de la ſorte, puiſque ce n’étoit qu’une chimere ?

Tullie.

En voici la raiſon, ma mignonne. Pendant que nous ſommes filles, nous ſommes obligées de courir après ces fantômes viſionnaires, ſi nous voulons vivre heureuſes. Il n’en eſt pas de même quand nous ſommes une fois engagées dans le mariage : il n’y a plus d’infamie pour nous, nous avons la liberté de tout faire ; & ce beau manteau qui couvre tous nos divertiſſements, nous met au-deſſus de la calomnie la plus noire, & la moins épargnante.

Octavie.

Je me rends, Tullie, vos raiſons me perſuadent ; il me reſte ſeulement quelques petits doutes, que vous m’éclaircirez une autre fois.

Tullie.

Voilà qui eſt bien ; c’eſt être raiſonnable, que de ſe laiſſer gagner à la raiſon. Pour les doutes qui te reſtent, qu’ils ne te fatiguent point l’eſprit ; je te veux mettre entre les mains d’un homme qui levera tous tes ſcrupules.

Octavie.

Je vous entends bien ; vous parlez de Cléante, les ſcrupules ne ſe levent pas comme la chemiſe. Mais de grace, ma chere Tullie, apprends-moi comment tu es devenue ſa maîtreſſe ; s’il t’a été donné, ou ſi c’eſt par ton adreſſe que tu en as fait l’acquiſition ; par quels artifices tu as pu cacher à Oronte tes divertiſſements, & enfin comment tu lui as fermé les yeux, pour qu’il ne s’apperçût point des libertés que tu prenois à ſon préjudice ?

Tullie.

Je le veux, mon petit cœur : je te dirai des choſes ſurprenantes, où ta mere a eu beaucoup de part, mais que tu ignores, ſans doute. Tu ſauras donc qu’un peu après que Sempronie fut mariée, elle demanda à ſa mere qu’elle lui laiſſât toujours Joconde à ſon ſervice : elle la pria de le faire agréer à Pamphile, ce qu’elle fit ; il y conſentit ſans peine, & ne penſoit à rien moins qu’au commerce qu’ils avoient deſſein d’entretenir.

Octavie.

Depuis ſix mois, Joconde eſt marié ; & avec tout cela il eſt toujours reſté à la maiſon, c’eſt-là ſans doute un préjugé de ce qui ſe paſſa ; & quand je rappelle en moi-même ce que j’ai vu & entendu, lorſqu’ils étoient enſemble, & qu’ils mépriſoient mon bas âge, je tombe d’accord de ce que tu me dis, & ſuis de ton ſentiment. Non, je n’en doute aucunement, Joconde couchoit avec ma mere.

Tullie.

A ce que je vois, tu en ſais preſque autant que moi ſur ce chapitre.

Octavie.

Ah, Dieux ! que ma mere répondoit mal au ſentiment d’honneur qu’on avoit de ſa perſonne ! qu’elle ſavoit bien cacher ſes défauts ſous les fauſſes apparences de la vertu ! Je les ai ſouvent vus rire & diſcourir enſemble, lorſque mon pere étoit abſent ; Joconde étoit pour lors Intendant de la maiſon. Je me ſouviens qu’une fois entr’autres, ma mere & moi nous étions ſeules dans une chambre : elle travailloit à un ouvrage en broderie ; pour moi je badinois à la maniere des enfants de mon âge, avec une chatte que je tirois par l’oreille, & enlevois en l’air. Je me ſouviens donc que Joconde entra ; & après avoir ſalué ma mere, & s’être dit tout bas quelques paroles, il la prit par la main ; & malgré quelques réſiſtances qu’elle apportoit, il ſe retira avec elle de ma préſence. Je crus qu’ils étoient ſortis de la chambre, & je me réjouiſſois déja de ce qu’ils m’avoient laiſſée ſeule en liberté ; lorſque tout d’un coup j’entendis trembler le lit, & quelques accents mal articulés de la voix de ma mere, comme ſi elle ſe fût plainte. Je demeurai quelque temps attentive ; mais la peur me ſaiſiſſant, je courus vîte vers l’endroit où j’entendois le bruit : ma mere m’apperçut, & s’en vint en riant au-devant de moi, & me prit entre ſes bras : Qu’avez-vous, me dit-elle, ma mignonne ? J’ai eu peur, lui dis-je, quand je vous ai entendue crier : qu’eſt-ce qui vous fait mal ? C’eſt, reprit-elle, qu’en ſortant de la chambre, j’ai donné du pied contre le lit avec tant de force, que cela m’a cauſé une ſenſible douleur. Pour Joconde, je ne le vis point, il étoit déja diſparu.

Tullie.

Mais dans la ſuite, n’as-tu rien découvert de leurs intrigues ?

Octavie.

Non, ils évitoient tant qu’ils pouvoient l’un & l’autre ma préſence ; & ma mere avoit un ſoin particulier de ne rien faire devant moi, qui pût me faire concevoir quelque mauvaiſe opinion de ſa perſonne. Elle faiſoit au contraire ſon poſſible, de paſſer dans mon eſprit pour une femme ſage & honnête, & dont les mœurs ſont irreprochables.

Tullie.

Je le ſais ; & elle m’a bien priée de t’entretenir dans ces ſentiments d’honneur que tu avois conçus de ſa perſonne, & de faire en ſorte que tu la cruſſes la plus ſainte femme du pays. Je crois, Octavie, qu’il n’eſt pas néceſſaire que je te recommande le ſecret que je te découvre, comme à ma plus intime.

Octavie.

Je ſerois parricide, ſi je ne conſervois pas la réputation de ma mere, qui lui doit être plus chere que la vie. Ne crains rien de ce côté-là : il faut ſeulement que je t’apprenne comme elle a abuſé de ma ſimplicité. Trois jours devant mes noces, elle me tint ce diſcours : Après-demain, ma fille, vous devez être mariée, & par conſéquent dans la puiſſance de Pamphile : à préſent vous êtes pure, vous êtes chaſte, vous êtes vierge, & vous n’avez plus que ce peu de temps à reſter dans cet état de ſainteté ; il ſera ſuivi des ſaletés & ordures qui ſont inſéparables des embraſſements des hommes : toutes les vertus qui accompagnent la virginité, vous abandonneront auſſi-tôt ; & tous ces avantages vous délaiſſeront, ſi vous ne faites vos efforts par quelque action héroïque pour les retenir. Faites-y réflexion, mon enfant, & penſez que comme il n’y a rien de plus divin qu’une fille vierge, il n’y a rien auſſi de plus bas, de plus vil & de plus mépriſable qu’une fille qui a été ſouillée. Mais quoi ! quoi, ma mere, lui dis-je, que ſouhaitez-vous donc que je faſſe ? ſi vous voulez que je garde ma virginité ſans tache, vous pouvez me mettre dans un Couvent ; j’y conſentirai pour vous complaire. Non, non, ma fille, reprit-elle, cela eſt fort éloigné de ma penſée ; & quand vous ne ſeriez pas unique dans la maiſon, l’amour que j’ai pour vous ne me permettoit jamais de vous enſévelir ainſi toute vive dans un cloître. Ce que je vous demande ſeulement, continua-t-elle, c’eſt de conſerver votre eſprit ſans tache, comme j’ai toujours fait, & de retirer votre affection de toutes les ſaletés dont votre corps doit être ſouillé. Il eſt auſſi néceſſaire, ma chere enfant, afin de faire une digne oblation de votre virginité, de faire un ſacrifice qui en prévienne la perte, & un autre qui la ſuive. J’y conſens, lui dis-je ; mais à quel ſacrifice eſt-ce que vous m’exhortez ? Le ſacrifice continua-t-elle, que j’exige de toi, Octavie, a beſoin de tes mains & des miennes pour être exécuté : il a beſoin d’un grand courage, pour être bien méritoire ; & je crains que les forces ne te manquent pour une ſi ſainte œuvre. Non, non, lui dis-je, je ſerai auſſi courageuſe qu’il ſera néceſſaire, n’appréhendez point. Je le ſouhaite, me dit-elle, ma chere enfant ; promets moi donc que tu ſouffriras conſtamment tout ce que je jugerai à propos de te faire endurer : je le lui promis. Eh bien, ma fille, pourſuivit-elle, puiſque vous deſirez être auſſi ſage & auſſi bonne, que vous êtes belle & aimable, nous ferons demain ce ſacrifice, après que vous aurez renouvellé dans le temple la promeſſe que vous m’avez faite.

Tullie.

Vraiment, tu ne me dis rien de nouveau. Sempronie m’a fait le récit de cette hiſtoire, en donnant mille éloges à ton courage, & ſe riant en même-temps de ta ſimplicité.

Octavie.

Il n’eſt donc pas beſoin que je pourſuive.

Tullie.

Au contraire, tu ne ſaurois me faire un plus grand plaiſir que de m’en apprendre les particularités ; car ta mere ne m’en a fait le récit qu’en abrégé.

Octavie.

Tu ſauras donc que le matin, d’abord que je fus levée, & revêtue de mes plus riches habits qu’elle m’avoit préparés, elle me mena au Pere Théodore. Tu le connoîtras facilement, quand tu ſauras qu’il eſt de ceux qui affectent une auſtérité de vie apparente, & une ſévérité de mœurs toute particuliere : tout prêche ſur eux la mortification & la pénitence ; & leur barbe, qu’ils laiſſent croître, leur rendant le viſage ſec & atténué, les fait paſſer dans l’eſprit du peuple pour de vrais miroirs de ſainteté. Après que nous eûmes fait nos prieres, il s’en vint à moi dans une chapelle où je m’étois retirée avec ma mere : Eh bien, ma chere fille, me dit-il en m’abordant, vous avez là une mere qui ne veut rien épargner pour vous rendre auſſi parfaite que vous devez l’être. Vous devez, à ce qu’elle m’a appris, être mariée dans trois jours : il faut donc nettoyer votre ame de toute tache, pour vous rendre digne de la grace céleſte, qui ne peut entrer dans un cœur ſouillé de la moindre ordure. Vous devez ſavoir, continua-t-il, que ſi vous êtes bonne, les enfants que vous mettrez au monde, rempliront un jour dans le Ciel les places des Anges rebelles ; mais ſi au contraire vous avez quelque mauvaiſe qualité, ils en ſeront infectés, & iront dans le chemin de perdition, augmenter le nombre de ces miſérables. C’eſt à vous, me dit-il, à choiſir. J’étois ſi honteuſe, que je n’oſai lui répondre. Parlez, reprit-il. Je ſouhaite, lui dis-je, être bonne, & qu’ils ſoient bons. Approchez vous donc. Que veux-tu davantage ? je me mis à ſes pieds, ma mere ſe retira un peu, & je lui confeſſai juſqu’à la moindre penſée dont je crus être coupable. Quand il apprit ce qui s’étoit paſſé entre Pamphile & moi, & que j’avois déja à demi goûté le plaiſir, peu s’en fallut qu’il ne s’emportât de colere. Il me fit une ſévere reprimande ; & après m’avoir avertie d’avoir en horreur les actions paſſées, il m’ordonna d’obéir aveuglement à tout ce que ma mere me commanderoit. Il lui fit ſigne de venir ; & ayant tiré de ſa manche un petit paquet de cordes, il le lui donna ſans le déplier. N’épargnez pas, lui dit-il, votre fille ; ſervez-lui d’exemple ; & vous, ne ſoyez pas auſſi trop indulgente. Après cela nous ſortîmes de l’Egliſe, & nous nous en revînmes à la maiſon.

Tullie.

N’admires-tu point, Octavie, comme ces gens-là abuſent de notre ſimplicité, comme ils regnent ?

Octavie.

Dis plutôt comme nous nous moquons d’eux, & comme nous régnons. Auſſi-tôt que nous fûmes arrivées au logis, ma mere me fit entrer avec elle dans une chambre fort retirée, & qui n’a point de vue ſur notre jardin. Elle ferma la porte ſur nous, & me donna en riant ce paquet de cordes à démêler ; ce que je fis, & je connus que c’étoit une eſpece de fouet, compoſé de cinq cordelettes, nouées d’une infinité de petits nœuds de diſtance en diſtance. Eh bien ! ma fille, me dit ma mere, c’eſt avec cet inſtrument de piété que vous devez vous diſpoſer au mariage ; il doit vous ſervir de purgation. Le bon pere, continua-t-elle, nous a ordonné à l’une & à l’autre de nous en châtier nous-mêmes ; je vais commencer ; vous me ſuivrez : mais que la rigueur avec laquelle je traiterai mon corps, ne vous épouvante point ; n’en ayez point de peur, & penſez ſeulement que pendant ce ſaint exercice de piété, mon eſprit goûtera des douceurs qui ne ſe peuvent exprimer.

Tullie.

Tu tremblois ſans doute, ma pauvre enfant ?

Octavie.

Non, mais je t’avouerai que je ne croyois pas avoir tant de force, pour ſupporter, comme je fis, un travail ſi rude & ſi pénible.

Tullie.

En effet, on dit qu’il n’y a rien de plus fort & de plus conſtant que la femme ; quand elle s’opiniâtre à endurer quelque choſe, elle ſe ſurmonte elle-même, & ſupporte avec une fermeté admirable, des peines qui laſſeroient les plus grands courages. Mais continue.

Octavie.

A quoi bon perdre le temps, me dit ma mere, en me donnant un baiſer ? déshabillez-moi promptement, afin de mettre à découvert ces infames parties du corps, qui méritent toute ſorte de ſupplices. Je lui obéis, & ne lui laiſſai que ſa chemiſe ; qu’elle releva ſur ſes épaules ; puis ſe mettant à genoux, & prenant en main le fouet dont je t’ai parlé : regardez bien, ma fille, me dit-elle, comme il ſe faut ſervir de cet inſtrument de pénitence ; apprenez à ſouffrir, par l’exemple que je vais vous donner. A peine avoit-elle achevé de parler, que j’entendis frapper à la porte. Je l’en avertis. Je ſais ce que c’eſt, me dit-elle, ne vous étonnez point ; c’eſt le bon Pere Théodore, qui viens ſans doute pour nous aider dans ce ſaint exercice : il m’avoit dit qu’il n’y manqueroit pas, s’il pouvoit obtenir la permiſſion de ſortir. Il frappa une ſeconde fois : c’eſt lui-même, dit ma mere, ouvrez lui promptement. Comment, repris-je, voulez-vous qu’il vous voye ainſi toute nue ? Vous ne ſavez donc pas, me dit-elle, que ce ſaint homme me connoît juſques dans le fond de l’ame, & que je ne dois rien lui cacher. Elle baiſſa néanmoins ſa chemiſe, pendant que j’ouvris. Le Pere entra auſſi-tôt, & loua ma mere du bon exemple qu’elle me donnoit. Il fit enſuite un diſcours ſur ce ſujet, mais avec tant de force & d’énergie, que peu s’en fallut que je ne le prévinſſe moi-même, pour le prier de me traiter avec le plus de rigueur qu’il pourroit.

Tullie.

Ah Dieu ! étois-tu ſi folle ?

Octavie.

Tu aurois eu de la peine à ne te pas rendre, & il t’auroit ſans doute perſuadée. Il nous prouva par un diſcours poli ; & apparemment étudié, que la virginité ſans la mortification & la pénitence n’étoit aucunement méritoire ; que ce n’étoit qu’une vertu ſeche & ſtérile ; & que ſi elle n’étoit accompagnée de quelque châtiment volontaire, il n’y avoit rien de plus vil & de plus mépriſable. Celles-là ſans doute, continua-t-il, doivent rougir de honte, qui ſe mettent nues devant les hommes, afin de ſe proſtituer à leur convoitiſe ; mais au contraire les autres ſont louables, qui ne le font que par un principe de piété & de pénitence. Si vous conſidérez l’action des premieres ; vous n’y trouverez rien que d’infame ; & ſi vous jettez les yeux ſur celle des autres, vous remarquerez qu’elle renferme toute ſorte d’honnêteté : l’une peut ſeulement ſatisfaire les mortels, mais l’autre eſt capable de charmer les Dieux. Sur-tout, pourſuivit-il, ces ſortes de châtiments ſont d’un grand uſage, quand on ſait les prendre dans leur temps ; ils ſont comme une ſource vive, dont les eaux miraculeuſes ont la vertu de nettoyer les femmes, de toutes les ordures qu’elles auroient pu contracter : elles n’ont point d’autre moyen de ſe purger, qu’en ſouffrant avec autant de fermeté & de patience la pénitence qui leur eſt impoſée, qu’elles ont goûté avec ſenſualité les plaiſirs qui leur étoient défendus. Enfin, il nous dit, que de cette maniere notre ame étoit nettoyée d’une infinité de fautes & de crimes, que la honte & la pudeur nous empêchoit ſouvent de révéler pour notre décharge.

Tullie.

O la plaiſante morale ! ah ! que ces préceptes ſont engageants ?

Octavie.

Après tous ces diſcours, il prit le fouet à la main : ma mere ſe mit à ſes genoux ; je me retirai un peu ; ayant toujours les yeux arrêtés ſur elle. S’étant donc bien diſpoſée, elle pria le Pere Théodore de commencer le ſaint œuvre, (ce fut tout ſon terme.) A peine avoit-elle proféré la derniere parole, qu’il tomba une grêle de coups ſur ſon derriere, qui étoit à découvert : il la frappa enſuite un peu plus légérement ; mais enfin il la mit en tel état, que ſes feſſes, qui étoient auparavant très-blanches & polies, devinrent rouges comme du feu, & me faiſoient horreur à les regarder.

Tullie.

Eh quoi ! elle ne ſe plaignoit point ?

Octavie.

Bien-loin de cela, elle me parut comme inſenſible ; elle lâcha ſeulement une fois un ſoupir, en diſant : ah, mon pere ! mais cet exécuteur de la juſtice divine s’en fâcha. Où eſt donc votre courage ? reprit-il ; vous donnez-là un bel exemple de foibleſſe à votre fille ! Il lui commanda enſuite de s’incliner la tête & le corps juſques en terre : elle le fit ; jamais elle ne l’a préſenté plus beau. Ses feſſes étoient tellement expoſées aux coups, qu’elles n’en échapperent pas un. Cela dura un quart d’heure entier, après quoi le pere lui dit : C’eſt aſſez, levez-vous, votre eſprit, doit être content. Elle ſe leva, & s’en vint à moi. Eh bien, ma fille, me dit-elle en m’embraſſant, c’eſt à préſent à votre tour, qu’il faut faire paroître que vous avez du courage. J’eſpere, lui dis-je, qu’il ne me manquera pas ; que faut-il donc que je faſſe ? Préparez votre fille à cet acte de piété, dit le pere ; j’eſpere qu’elle ſera encore plus forte que vous. Cependant, J’avois les yeux baiſſés, ſans rien dire. Ne répondrez-vous pas à mon attente ? me dit-il ; j’y tâcherai, repris-je. Ma mere pendant ce diſcours me déshabilloit ; il ne me reſtoit déja plus que ma chemiſe, qu’elle me releva ſur les épaules. Auſſi-tôt que je me ſentis nue, par pudeur je me couvris le viſage, je voulus me mettre à genoux. Il n’eſt pas néceſſaire, me dit ma mere, tenez-vous droite. Eh bien, Octavie, voulez-vous être bienheureuſe, me dit le pere, & vous mettre dans le véritable chemin du Ciel ? Je le ſouhaite, dis-je. Il me donna après cela quelques coups, mais ſi doucement qu’ils me chatouillerent plus qu’ils ne me bleſſèrent : pourrez-vous, ma chere enfant, pourſuivit-il, en endurer de plus rudes ? Ma mere répondit pour moi, & dit que je ne manquerois pas de courage. Auſſi-tôt, depuis le haut juſques en-bas, je m’en ſentis chargée, mais avec tant de violence, que je ne pus m’empêcher de crier : Ah ! c’eſt aſſez, c’eſt aſſez, ayez pitié de moi, ma mere. Prenez courage, me dit-elle, voulez-vous achever vous-même ce qui reſte ? fort bien, dit le Pere Théodore, voyons comme elle s’épargnera. Prenez, pourſuivit-il, ce ſaint inſtrument de pénitence ; châtiez, comme il faut, cette partie, qui eſt le ſiege du plaiſir infame. Ma mere me montra avec la main comme je devois faire ; je me donnai donc deux ou trois coups aſſez rudement ; mais je ne pus continuer : Je ne ſaurois, lui dis-je, me faire de mal moi-même ; ſi vous voulez, je ſuis prête de ſouffrir tout de vous : en diſant cela, je lui remis le fouet entre les mains. Elle le donna au Pere Théodore, parce que, diſoit-elle, j’aurois plus de mérite d’endurer de lui, que d’un autre. Il recommença donc tout de nouveau, en murmurant entre ſes dents je ne ſais pas quelle priere ; je pleurois, je ſoupirois ; à chaque coup qu’il donnoit, je remuois les feſſes d’une étrange maniere. Enfin il me laſſa, je n’y pus plus réſiſter, & je courus d’un bout à l’autre de la chambre, pour éviter les coups. Je n’en puis plus, diſois-je, ce travail eſt au-deſſus de mes forces. Dites plutôt, reprit-il, que vous êtes une lâche & ſans cœur ; n’avez-vous point de honte, d’être fille d’une mere ſi courageuſe, & d’agir avec tant de foibleſſe ? Obéiſſez, me dit ma mere : j’y conſens, lui dis-je, faites de moi ce que vous voudrez. Elle me lia auſſi-tôt les deux mains avec un cordon de ſoie, parce qu’elles paroient mes feſſes de bien des coups ; elle me coucha enſuite ſur le lit : je ne pouvois plus me défendre, c’eſt pourquoi je fus fouettée de la bonne maniere. Pendant que le Pere Théodore me frappoit de la ſorte, elle me baiſoit : courage, ma fille, me diſoit-elle, ce ſaint œuvre ſera bientôt achevé ; & plus vous recevrez de coups, plus aurez-vous de mérite. Enfin, ce grand Prêtre finit la cérémonie. Voilà qui eſt bien, dit-il ; la victime a aſſez répandu de ſang, pour que le ſacrifice ſoit agréable.

Tullie.

Ah Dieux ! quel ſacrifice ! dis plutôt, quelle cruauté ! quelle boucherie ! & quel bourreau !

Octavie.

Cela étant fait, ma mere me délia les bras, & me donna mille louanges, de ce que j’avois, diſoit-elle, ſouffert ſi patiemment un travail ſi rude pour une fille comme moi. Le Pere Théodore me dit auſſi pluſieurs paroles fort obligeantes, & après m’avoir engagée par vœu a un pareil ſacrifice, quand j’aurois perdu ma virginité, il ſe retira. D’abord qu’il fut parti, ma mere m’embraſſa avec bien de la tendreſſe : il faut, ma fille, me dit-elle, que vous feigniez d’être malade d’une douleur de tête, afin de prendre le repos qui vous eſt néceſſaire. Pour moi, continua-t-elle, je ſuis accoutumée à ces ſortes d’exercices, & je n’en ſuis pas plus incommodée. Elle me lava enſuite le derriere avec de l’eau de roſe ; puis elle s’en alla, en me diſant de bien repoſer, & qu’elle reviendroit me voir dans deux heures.

Tullie.

Sais-tu bien où elle alla, & ce qu’elle fit pendant que tu dormois ?

Octavie.

Non, je te jure. Pour moi je ne pus repoſer un ſeul moment, parce que les feſſes me démangeoient de telle ſorte, que je ne pouvois reſter dans une même place ſans me remuer & me tourner de tous côtés.

Tullie.

O ! que tu aurois été heureuſe, ſi le deſtin t’eût fait jouir pour lors des embraſſements de Pamphile ! Sempronie ſut profiter du temps, & envoya quérir Joconde, à qui elle avoit recommandé la continence pendant quelques jours. C’eſt pourquoi il vint auſſi-tôt. Il trouva ta mere couchée ſur un lit : elle faiſoit ſemblant de dormir ; mais il la réveilla facilement ; il ſe jette à ſon col, il la baiſe, il la touche, il la manie partout ; elle, de ſon côté, le prend par un endroit auquel il ne pouvoit réſiſter : que veux-tu davantage ? ils firent l’affaire entiere, & ſe divertirent de la belle maniere.

Octavie.

Comment as-tu pu apprendre des choſes, qui apparemment ſe ſont paſſées dans le ſecret ?

Tullie.

C’eſt Sempronie elle-même qui m’en a fait confidence, elle me l’a conté juſqu’aux moindres particularités. Joconde le fit trois fois dans une heure, & elle déchargea ſept fois. Elle craignoit que tu n’euſſes entendu quelque choſe de ta chambre, qui étoit proche de la ſienne, lors particuliérement que dans l’excès du plaiſir elle s’écria pluſieurs fois : courage, pouſſe, avance, ah ! je me meurs, le cœur me manque.

Octavie.

C’eſt-là, ſans doute, ce que j’entendis : mais ſe ne pus m’imaginer quelle en étoit la cauſe, & que Joconde fût de la partie. Tu ſais qu’il eſt marié depuis ſix mois, & qu’il a épouſé une jeune perſonne fort belle & fort aimable, âgée de ſeize ans, qui étoit fille naturelle de mon aïeul.

Tullie.

Dis encore qu’elle eſt la meilleure enfant du monde, & avec cela la plus malheureuſe, puiſque ta mere la prive des plaiſirs qui lui ſont dus par le droit naturel.

Octavie.

J’ai ſouvent vu ma mere la blâmer & lui reprocher ſa naiſſance. Une fille, diſoit-elle, née comme vous êtes d’un amour infâme, ſuit facilement les traces de ſa mere : elle ne répondoit rien, que par ſes pleurs & par ſes larmes.

Tullie.

Tu ſauras que Julie (c’eſt ſon nom) étoit en penſion chez les Religieuſes, où Théreſe ta tante eſt Supérieure, lorſque Joconde, qui avoit deſſein de s’établir, ſe plaignit à ta mere de ce qu’il n’avoit encore reçu aucun ſalaire de tous ſes ſervices. Je ſuis entiérement à vous, lui diſoit-il ; mais qu’eſt-ce que j’en ai reçu, qui puiſſe faire croire que j’aye l’honneur de vous appartenir ? quel ſoin avez-vous pris de ma fortune, vous qui ſavez que je me ſacrifie entiérement pour vous. Si les deſtins vous enlevoient, que deviendrois-je ? Outre l’extrême déplaiſir que j’aurois, d’avoir perdu ce que j’aurois de plus cher, je ſerois encore plongé dans une extrême miſere. Défaites-vous de toutes ces craintes frivoles, lui dit Sempronie : je mettrai ordre à tout ; & j’ai formé le deſſein de vous marier avec une fille, qui ſera aſſez belle & aſſez riche, pour que vous n’en puiſſiez pas ſouhaiter de plus accomplie. Je la doterai moi-même de mon argent, & ferai les choſes d’une maniere qui vous donnera lieu de vous louer de ma libéralité. J’ai, continua-t-elle, ſix mille écus d’or dans mon cabinet, dont mon mari n’a aucune connoiſſance ; je vous les mettrai, ſi vous voulez, dès à préſent entre les mains. Je vous ſuis infiniment obligé, dit Joconde, & jamais je n’oublierai des bienfaits ſi conſidérables : je me remets, pourſuivit-il, entiérement à votre diſcrétion ; faites de moi tout ce que vous voudrez, il n’y a rien que je ne faſſe pour vous plaire. Vous connoiſſez Julie, reprit Sempronie, que j’ai fait élever dès ſon bas âge chez les Religieuſes : c’eſt elle que je vous deſtine, il n’y a rien de plus beau & de plus ſage que cette enfant. Joconde l’accepta avec joie, le contrat fut fait, & Julie lui fut miſe entre les mains.

Octavie.

Il y avoit déja quelques années que Joconde étoit Intendant de la maiſon, & avoit ſoin de tous nos biens, ſoit en ville, ſoit à la campagne. Mon pere s’eſt toujours loué de ſa conduite, & je ne ſuis point ſurpriſe que pour reconnoiſſance de ſes ſervices, il ait reçu Julie en mariage. Mais quelles étoient les loix du contrat ?

Tullie.

Les loix furent que les ſix mille écus d’or ſeroient payés dans quatre ans. Qu’ils ſeroient, en attendant, mis à un marchand, qui les compteroit, le temps expiré, à Joconde ; qu’il en recevroit cependant le revenu, pourvu qu’il tînt ſa parole touchant les articles dont ils étoient convenus du prix, & voici les conditions. Premiérement que Joconde n’agiroit avec Julie que comme Sempronie le jugeroit à propos. Qu’il ne la conſidéreroit pas même comme ſa femme, ſi elle le deſiroit de lui. Qu’il obéiroit exactement à tout ce qu’elle voudroit lui commander, ſoit qu’elle le fît de vive voix, ou par écrit. Qu’il auroit le ſoin des biens de la maiſon comme auparavant, & qu’il demeureroit dans l’appartement qu’elle lui marqueroit. Enfin, qu’il ſeroit entiérement à ſa diſcrétion.

Octavie.

C’eſt-à-dire que Julie étoit mariée & veuve toute enſemble.

Tullie.

Tu as raiſon : car dès la premiere nuit de ſes noces, il fut défendu à Joconde de la chevaucher plus de deux fois ; encore Sempronie en voulut elle avoir le meilleur ; & ayant mis ce nouveau marié en humeur, il fit l’affaire avec elle juſqu’à trois fois. Après quoi elle le renvoya ainſi las & énervé à la pauvre Julie. Le lendemain elle l’interrogea fort curieuſement ſur ſa ſanté, & lui demanda comment les choſes s’étoient paſſées, ſi elle étoit encore vierge, ou ſi elle avoit perdu ſon pucelage. D’abord Julie ne lui répondit que par ſon ſilence, les yeux & le viſage couverts de pudeur. Sempronie la preſſa tant, qu’elle lui avoua que ſon mari avoit joui deux fois d’elle. Il ſut permit à Joconde d’en faire autant la nuit d’après, & ta mere fit prendre le matin à Julie la ceinture de chaſteté. La partie de cette aimable enfant fut miſe par ce moyen dans les fers ; défenſe fut faite à ſon mari de la toucher qu’après huit jours expirés. Choſe étrange ! depuis cette nuit juſqu’à ce jour, elle n’a pris le divertiſſement que quinze fois.

Octavie.

Mais quelle vertu peut avoir cette ceinture pour rendre les femmes chaſtes ?

Tullie.

Tu l’apprendras. Lorſque Julie ſe levoit le matin ſur les dix heures, Joconde entra avec cet inſtrument qu’il avoit reçu de ta mere : il le déploya devant elle ; elle ſourit, & lui demanda innocemment quel ouvrage c’étoit. C’eſt un ouvrage, reprit-il, qui doit vous conſerver dans l’honnêteté ; c’eſt un remede contre toutes les foibleſſes du ſexe ; qui s’appelle la ceinture de chaſteté. Sempronie, ma Dame & ma maîtreſſe, a porté celle-ci pluſieurs années ; & c’eſt par ſon moyen qu’elle s’eſt acquis une ſi bonne réputation. Je ſouhaite qu’elle vous ſoit auſſi profitable.

Octavie.

Dis-moi un peu comment cela eſt fait.

Tullie.

La ceinture de chaſteté dont Julie a été ceinte, conſiſte en un petit gril d’or joint à quatre chaînettes d’acier, couvertes d’un velours fort épais, deux deſquelles le ſoutiennent par-devant, & deux par-derriere. Les extrêmités des chaînes ſe joignent ſur les reins, & s’y attachent par le moyen d’une ſerrure & d’une clef fort déliée. Ce gril eſt de la longueur de ſix doigts, & de largeur de trois ; tellement qu’il occupe tout cet eſpace appellé le Périnée, c’eſt-à-dire depuis le fondement juſqu’au haut de l’ouverture de la partie de la femme. Il eſt compoſé de trois rayons diſtants les uns des autres, autant qu’il faut, pour donner paſſage à l’urine, mais trop ſerrés pour pouvoir donner entrée au petit doigt. Ah ! Octavie, qu’un pauvre Con cuiraſſé de la ſorte eſt empêché de ſa contenance ! qu’il eſt à plaindre !

Octavie.

Dis plutôt qu’il eſt heureux, puiſqu’elle le met à l’épreuve de toutes les attaques étrangeres. Mais, qu’eſt-ce que diſoit Julie à tout ceci ?

Tullie.

Ce que tu diras peut-être dans peu, car on travaille à te rendre bientôt captive.

Octavie.

Je ne ſavois ce que Pamphile me vouloit dire, lors qu’il me parloit, il y a quelque-temps, de cette ceinture myſtérieuſe. Il diſoit qu’il n’y avoit rien de plus utile à une honnête femme, & que ma mere lui conſeilloit de me la faire prendre.

Tullie.

Que voulez-vous que je faſſe, diſoit Julie ? (voyant que ſon mari jettoit les couvertures du lit en-bas :) paſſez, lui dit-il, un de vos pieds dans ces chaînes, & l’autre dans celles-ci. Quand elle les eût paſſés tous deux, il leva la ceinture en haut, mit le gril devant ſa partie ; & joignant l’extrêmité des chaînettes ſur ſes reins il les attacha par-derriere, & ferma la ſerrure avec la clef. C’eſt à préſent, lui dit-il, que votre honneur eſt en ſûreté : n’en êtes-vous point fâchée ? Non, reprit-elle : eh bien, levez-vous donc, lui dit Joconde, & vous promenez par la chambre. Elle ſe leva auſſi-tôt & fit deux ou trois tours, non pas ſi commodément qu’auparavant, parce que la largeur du gril l’obligeoit d’écarter les cuiſſes, de crainte de ſe bleſſer. Vous vous y habituerez dans la ſuite, lui dit ſon mari, & ce n’eſt pas merveille que cela vous donne un peu de peine dans le commencement. Après il lui fit courber tout le corps en terre, & dans cette poſture il la conſidéra attentivement : il ne pouvoit aſſez admirer la beauté de ſes feſſes ; car il ſemble, Octavie, que la nature ait pris plaiſir à les former, tant elles ſont belles. Il tenta, s’il pouvoit paſſer ſon petit doigt entre le gril & la peau ; mais il ne put, & il connut qu’il n’y avoit rien à craindre, ni par-devant ni par-derriere. Il s’en alla promptement trouver Sempronie : C’eſt à préſent, Madame, lui dit-il, en l’abordant, que je viens vous apporter deux clefs : mais, de grace, continua-t-il, (en lui montrant ſon inſtrument bandé, & tout en feu) prenez celle-ci la premiere. J’y conſens, dit Sempronie, & je le recevrai de bonne part. Elle ſe trouſſa auſſi-tôt, & leva ſes jupes & ſa chemiſe ; il la coucha ſur un petit lit, & acheva l’affaire au contentement des deux parties. Il eut enſuite une longue conférence avec elle. Je ſouhaite, lui dit-elle, vous apprendre à préſent la maniere dont je prétends que vous en uſiez avec Julie, je veux que vous n’ayiez aucun commerce avec elle, que pour avoir des enfants ; pour le plaiſir, quand vous le voudrez prendre, j’entends que ce ne ſera point avec d’autre qu’avec moi ; que vous ſerez ſon mari, & mon amant tout enſemble : & afin qu’elle croye que tous les autres hommes n’agiſſent pas d’une autre maniere avec leurs femmes, je ne vous remettrai point la clef entre les mains que tous les quinze jours, & vous ne vous en ſervirez point qu’après avoir goûté le plaiſir avec moi juſqu’à deux repriſes ; car il ſeroit dangereux qu’elle éprouvât une fois ce que vous pouvez faire. Comme je ne doute point, continua-t-elle, qu’étant jeune comme elle eſt, elle n’ait beaucoup de penchant pour la volupté, je prierai la Mere Théreſe, ma bonne amie, d’éteindre un peu ſes feux par les jeûnes & par les pénitences. Pour vous, Joconde, pourſuivit-elle, ſi vous êtes toujours bien conſtant, & que vous me chériſſiez comme vous avez fait juſqu’à préſent, vous éprouverez juſques où peut aller la libéralité d’une femme quand elle aime ; mais au contraire, ſi je vous reconnois infidele, & que je m’apperçoive que votre amour ſe refroidiſſe. Je me déclare déja votre ennemie irréconciliable. J’accepte ces conditions ; dit-il, elles ſont trop avantageuſes pour que je les refuſe : oui, Sempronie, continua-t-il, je les reçois de la plus aimable de toutes les femmes : Julie ſera votre eſclave, je la mets en votre diſpoſition ; & même ſi vous voulez, je ne coucherai point du tout avec elle. A Dieu ne plaiſe, dit-elle, que je ſépare de la ſorte ceux que j’ai bien voulu unir ! je vous demande ſeulement que vous m’avertiſſiez quand vous appercevrez qu’elle penchera du côté de la chair, afin que j’y mette ordre en l’envoyant pour quelques jours chez les religieuſes où elle a été penſionnaire. Pour les feux dont elle vous animera par ſes attouchements, vous pouvez les venir éteindre dans mes embraſſements. Voilà, Octavie, juſqu’où va la jalouſie de ta mere, qui veut poſſéder Joconde toute ſeule.

Octavie.

En effet, elle eſt extrême, & je crois que tu y as perdu.

Tullie.

Tu as raiſon : car Joconde m’aimoit, mais elle me l’a détourné ; & afin que je n’euſſe pas ſujet de me plaindre, elle m’a donné Cléante en ſa place. C’eſt un jeune Gentilhomme bien fait & accompli ; il n’y a qu’une ſeule choſe qui l’empêche d’être eſtimé également de tout le monde. Tu ſauras, Octavie, que dans une ferveur de jeuneſſe, il embraſſa un des plus auſteres ordures qui ſoient établis : il reconnut quelque temps après, que ſa démarche avoit été un peu trop précipitée, & qu’il étoit tombé dans un piege, penſant trouver un tréſor. Il revint donc dans ſon pays ; & quitta l’habit qu’il avoit revêtu. Il tenta enſuite d’épouſer quelque parti digne de ſa condition, mais ce changement de vie, qu’on faiſoit paſſer pour une légéreté, y fut un obſtacle conſidérable ; & tous ſes grands biens & ſes autres qualités, qui auroient dû le rendre recommandable, lui furent entiérement inutiles : tant il eſt vrai que le monde ne juge des choſes qu’avec une extrême ignorance, comme ſi un homme ſorti d’un cloître, étoit fait d’une autre maniere que les autres. Ce ſont des préventions de notre eſprit, qui ſe laiſſe tyranniſer par l’uſage & par la coutume. Mais ne nous éloignons pas du ſujet. Cléante ſe voyant donc ainſi rebuté, ne voulut plus penſer au mariage, il vint en cette ville, & logea comme tu ſais quelque temps chez ton pere qui lui eſt allié. Ce fut-là l’occaſion de notre connoiſſance, puiſque comme j’allois fort ſouvent chez vous, il ne ſe paſſoit guere de jours que je ne le viſſe ; il me plut d’abord, mais ſon entretien m’engagea plus que tout le reſte. Un jour entr’autres, il me parut plus aimable qu’à l’ordinaire, & ſa converſation me charma : Ah ! Madame, me diſoit-il, d’un air fort engageant, qu’Oronte eſt heureux, d’avoir pour femme une perſonne ſi aimable que vous ! ſi j’oſois ſeulement eſpérer de vous avoir pour amie, je préférerois ma condition à celle des Dieux. Sempronie n’eut pas plutôt remarqué qu’il m’aimoit, & qu’il ne m’étoit pas indifférent, qu’elle travailla à nous lier enſemble l’un & l’autre. Ah ! Tullie, me dit-elle ; tu ne connois pas Cléante : ſi tu peux une fois être maîtreſſe de ſon cœur, il n’y a rien au monde qui puiſſe l’ôter ; ſa conſtance m’eſt connue auſſi-bien que ſa généroſité : haïſſant au point qu’il fait tous ſes parents, ſes biens qui ſont conſidérables viendront ſans doute à ta diſpoſition. Que veux-tu davantage ? une femme qui ſe voit aimée, a bien de la peine à ne pas aimer. Je me rendis ; & Sempronie, qui ménageoit toute l’affaire, fit convenir Cléante des conditions ſuivantes. Qu’il céderoit à Oronte par un acte public une partie de ſes biens ; & qu’il le déclareroit ſon héritier univerſel en cas qu’il mourût ſans teſtament ; que moi, de mon côté, je lui ferois une obligation de ma main, par laquelle je lui donnerois une entiere puiſſance ſur mon corps ; mais qu’elle ne ſeroit point remiſe entre ſes mains, qu’il n’eût auparavant effectué ſa promeſſe, par le contrat dont nous avons parlé. Il ſe croyoit encore trop heureux de pouvoir me poſſéder à quelque prix que ce fût ; c’eſt pourquoi peu après du conſentement de ceux qui étoient intéreſſés, il fit la ceſſion dont on étoit convenu. Je me trouvai ce même jour chez Sempronie où il étoit. D’abord qu’il me vit, il vint ſe jetter à mes pieds : Ah ! aimable Tullie, me dit-il, permettez que je jouiſſe de votre beauté ; j’ai tenu ma parole, accompliſſez la vôtre : il eſt raiſonnable, dit Sempronie ; & ſi vous connoiſſez l’un & l’autre vos avantages, vous vivrez plus heureux que les Dieux ; cependant faites vos affaires. En diſant cela elle ſortit, & ferma la porte après elle.

Octavie.

Que fit pour lors Cléante ?

Tullie.

Il ſe leva, me donna mille baiſers, me mania les tettons ; & me défendant comme une perſonne qui veut bien être vaincue, je me laiſſai jetter ſur le lit : il trouſſa mes jupes & ma chemiſe, & porta ſa main droite à ma partie. Ah ! laiſſez-moi, lui dis-je, retirez-vous, vous me perdrez. Cependant il me ferma la bouche par ſes baiſers ; & ſe jettant ſur moi, il m’enfila ; il preſſe, il pouſſe, je me plains ; & tout d’un coup je ſens couler une roſée avec tant d’abondance, que je puis dire qu’auparavant je n’en avois pas reſſenti une ſemblable. Il ne s’arrêta pas pour cela, il redoubla toujours ſes ſecouſſes, & je déchargeai encore deux fois pendant ces mouvements. Enfin, il s’aquitta de ſon devoir, & fit un doux mélange de ſa ſemence avec la mienne.

Octavie.

Tu as-là ſans doute un Hercule, comme tu as coutume de dire.

Tullie.

Tu en peux juger par-là ; car après tous ces maîtres coups, il étoit auſſi vigoureux qu’auparavant : (je ne te dis rien par exagération) puiſque ſans déconner il déchargea pour la troiſieme fois. Juſqu’à ce moment j’avois tâché de conſerver un reſte de pudeur, mais je ne pus la garder plus long-temps ; je m’oubliai de ce que j’étois ; & comme toute tranſportée, j’élevai mon ventre & mes cuiſſes, & excitai par mille mouvements celui qui me donnoit tant de plaiſir. Il me donna un baiſer ; & mettant une main ſous mes feſſes : je m’apperçois, dit-il, ma chere Tullie, que tu commences à être ſenſible, courage, continue. Je n’en puis plus, lui dis-je, je ſuis hors de moi-même, je me meurs, ſoulage-moi : en diſant cela, je déchargeai. Cléante s’en apperçut ; & ayant redoublé ſes ſecouſſes, il eut part au plaiſir ; nous demeurâmes l’un & l’autre embraſſés ſans aucun mouvement.

Octavie.

Ah ! tu m’excites par ce diſcours ! il me ſemble que tout cela ſe paſſe chez moi, j’en ſuis toute émue.

Tullie.

Cléante étant revenu de ſon extaſe, me donna un baiſer, & me dit qu’il ne terminoit pas le combat par de ſi légeres attaques, & que j’aurois ſujet de me plaindre de lui, s’il ne faiſoit pas paroître plus de vigueur avec une ſi aimable perſonne. Je voulus me lever, mais je me trouvai ſi foible, que j’eus beſoin de ſon aide pour me mettre ſur pied. Ah ! je n’en puis plus, lui dis-je : vous m’avez tellement laſſée, que je ne puis marcher ; je crains même que les forces ne me manquent tout-à-fait, avant que d’être de retour à la maiſon. Ce n’eſt rien, dit-il ; vous n’avez qu’à prendre un peu de repos : pour moi, continua-t-il, je ſuis frais & gaillard, & prêt à en faire encore autant. Comme il achevoit de parler, ta mere entra en riant, & chantant une chanſon un peu graſſette. Eh bien, nous dit-elle, avez-vous fait votre accord ? vos affaires ſont-elles terminées ? Ah ! je n’en puis plus, lui dis-je, je ne ſaurois quaſi me ſoutenir. Bagatelle : comment avez-vous trouvé Tullie, dit-elle, à Cléante, vous a-t-elle plu ? Sans doute, reprit-il, & elle ſeroit au goût du plus délicat de tous les hommes : je ne crois pas, continua-t-il, qu’on puiſſe goûter un plaiſir plus parfait que celui qu’elle m’a donné ; j’y ai trouvé tout ce que la volupté peut avoir de plus doux & de plus piquant. Et toi, Tullie, qu’en dis-tu ? reprit-elle en s’approchant de moi. Il m’a plu aſſurément, lui dis-je ; mais je lui veux du mal de m’avoir rompu les reins, & de m’avoir ſi fatiguée, qu’à peine puis-je marcher trois pas. Elle ne fit que rire de mes plaintes, & dit à Cléante de ſe retirer, afin que je priſſe un peu de repos. Elle le conduiſit juſqu’à la porte, après qu’il eût pris congé de moi, en me donnant un baiſer. C’eſt à préſent, lui dit-elle tous bas, qu’il faut que tu me diſes ton ſentiment touchant Tullie ; parle ſans crainte, notre diſcours n’ira pas juſqu’à ſes oreilles. Hélas ! reprit-il, je n’ai rien de nouveau à vous dire là-deſſus ; elle a ſurpaſſé mon attente ; elle eſt encore plus aimable que je ne pouvois me l’imaginer : c’eſt le corps le plus beau qu’on puiſſe ſe figurer ; ſon eſprit n’eſt pas moins charmant : Enfin, je vous ai mille obligations, de ce que, par votre moyen, je poſſede une perſonne ſi accomplie. Tâchez de faire en ſorte, continua-t-il, que je puiſſe encore paſſer aujourd’hui quelques moments avec elle. Elle lui dit qu’Oronte devoit ſouper chez vous, & que par conſéquent je reſterois toute la journée. Après cela, elle s’en vint à moi : je l’interrogeai ſur ſon entretien avec Cléante, elle m’avoua tout ; je ne fus pas fâchée de l’apprendre : elle ſe retira enſuite, pour me laiſſer repoſer.

Octavie.

T’endormis-tu facilement ?

Tullie.

Non ; & à peine avois-je fermé l’œil, que Sempronie rentra avec une collation fort ample. Leve-toi, me dit-elle, & tâche de reprendre tes forces. Je me levai, & bus, & mangeai ſi bien, que je fus entiérement remiſe. Une heure après, nous entendîmes frapper à la porte ; c’étoit Cléante, qui en entrant nous ſalua fort ſérieuſement, parce qu’il y avoit quelques domeſtiques préſents : ta mere trouva moyen de les faire ſortir en leur donnant quelque occupation, & nous reſtâmes ſeuls tous trois. Ça, dit Sempronie, en commençant l’entretien, c’eſt à préſent qu’il vous faut penſer à prendre de juſtes meſures, pour vivre heureux l’un & l’autre le reſte de vos jours ; car ſi Oronte prenoit le moindre ombrage de vos divertiſſements, tout ſeroit perdu. Si Tullie, reprit Cléante, veut ſe régler ſur mes conſeils, nous n’aurons rien à craindre, de ſon mari, quand même il ſeroit le plus éclairé de tous les hommes. Je ſuis à vous, lui dis-je, & je ſuivrai tout ce que vous jugerez à propos de m’ordonner ſur ce chapitre. Je connois, pourſuivit-il, parfaitement l’eſprit d’Oronte ; il n’eſt ni bon, ni mauvais, mais capable de toutes ſortes d’impreſſions : je veux le gagner dans peu, d’une telle maniere, qu’il n’aura point de meilleur ami que moi : je pénétrerai ſes penſées les plus cachées, & je le ménagerai ſi bien, que je ſerai de ſa confidence la plus ſecrete. Enfin, Tullie, continua-t-il, remettez tout entre mes mains, & n’appréhendez point : prenez ſeulement garde de ne rien faire ni dire, qui puiſſe donner le moindre ombrage de nos divertiſſements. Je ferai bien mon perſonnage, lui dis-je ; il ſuffit que je vous aye dit que je vous ſerois obéiſſante. Eh bien, reprit-il, donnez-m’en une preuve à préſent, embraſſez moi ; je le veux bien, lui dis-je : je demande le plaiſir parfait ; je ne dis rien : quoi ! me refuſerez-vous de la ſorte, dit-il ? Uſez de votre droit, dit Sempronie ; voulez-vous qu’elle vous monte elle-même ſur elle ? ne craignez rien, je vais faire la ſentinelle à la porte. Auſſi-tôt qu’elle ſe fut retirée, il me renverſa ſur le lit ; & ſe jettant ſur moi, il m’enconna. Ah ! ma chere Tullie, me dit-il, montre-moi à préſent que tu as de l’amour pour moi. Eſt-ce que je ne te l’ai pas fait aſſez paroître, en m’abandonnant à tous tes deſirs déréglés ? Fais donc bien, continua-t-il, ton perſonnage. Je n’y manquerai pas, lui dis-je. Il pouſſa en même-temps avec vigueur, & moi je lui répondis par des mouvements de feſſes faits ſi à propos, qu’ils le conduiſirent bientôt au plaiſir : il m’en avertit par un baiſer : je l’excitai tout de nouveau, il déchargea ; & je fus tellement chatouillée par cet écoulement de ſemence, que je le ſuivis de bien près. Ah ! je n’en puis plus, lui diſois-je, je me meurs, ah ! ah… Sempronie nous interrompit : faites vîte, nous cria-t-elle, j’entends Oronte qui monte. Je jettai auſſi-tôt d’un coup de cul mon cavalier à bas : hélas ! le pauvre enfant n’avoit pas achevé ; il tomboit encore des gouttes de cette pluye divine, quand il déconna. Un moment après, ta mere nous dit : ce n’eſt rien, n’ayez point de peur, je me ſuis trompée, continuez. Auſſi-tôt dit, auſſi-tôt fait. Cléante remonta ſur moi ; & après quelques ſecouſſes, il déchargea comme s’il n’eût rien fait auparavant. : & je crois même que ſans Sempronie, il auroit fait les trois courſes ſans débrider. C’eſt aſſez joué, nous dit-elle ; vous le trouverez meilleur une autre fois, ſi vous le quittez avec appétit. Elle regarda enſuite mes habits & ma coëffure, de crainte qu’on remarquât quelque choſe qui découvrît nos divertiſſements. Voilà, Octavie, comme nos noces ont été faites chez ta mere, à qui je dois tous les plaiſirs que j’ai goûtés depuis avec celui qu’elle m’a donnée. C’eſt un Hercule pour ſa force, & un Adonis pour ſa beauté ; il eſt honnête, civil, agréable en tout ce qu’il dit ; & de plus, défait de toutes ces opinions qui nous aſſujettiſſent à tant de myſteres : bien que je l’aime beaucoup, je n’en ſerai point jalouſe, & je ferai en ſorte que tu paſſes quelques moments avec lui.

Octavie.

Fort bien, fort bien, quand la fête ſera venue, nous la chommerons : continue toujours.

Tullie.

Nous ſoupâmes chez vous, Oronte, Cleante & moi ; il n’y avoit point de compagnie extraordinaire. Je ne te dirai point quel fut notre entretien ; mais ſeulement tu ſauras que d’abord qu’Oronte fut de retour à notre maiſon, il me fit le panégyrique de Cléante. Il me dit qu’il le trouvoit fort honnête, fort civil, fort ſpirituel, & qu’il ſe ſentoit beaucoup de penchant à faire une étroite amitié avec lui. Cependant comme Vénus ſuit Bacchus de bien près, il s’anima à la vue de mon ſein, qu’il apperçut lorſque je me déshabillois pour me coucher. Il me prit par la main, & me fit entrer dans ſon cabinet : Il faut, me dit-il, ma chere Tullie, que ce lieu ſoit conſacré à Vénus & aux Muſes. Après ces paroles, ſans autre cérémonie, il me trouſſe & m’enconne ; il preſſe, il pouſſe, il ſecoue ; & prenant mes feſſes avec les deux mains, il les tire à toute force, & les recule avec un mouvement ſi précipité, que je déchargeai la premiere. Ah ! faites vîte, lui diſois-je, je n’en puis plus, vous me faites mourir de plaiſir. Il m’obéit, & fit ſon devoir autant bien que je le pouvois ſouhaiter. L’affaire étant finie, il me fit aſſeoir près de lui, & me tint ce diſcours : Je veux, me dit-il, ma chere enfant, que nous convenions à préſent d’une choſe enſemble. Je conſens, lui dis-je, à tout ce que vous voulez ; vous ſavez que je ſuis entièrement à vous c’eſt pourquoi vous n’avez qu’à parler, & à me dire ce que vous deſirez de moi. Je ſais, me dit-il, que tu es fort ſage ; & quoique les femmes les plus ſavantes ne paſſent pas toujours pour les plus chaſtes, je ne doute point de ton honnêteté : néanmoins je crains pour ta vertu, ſi nous ne trouvons l’un & l’autre le moyen de la mettre à l’épreuve de toutes les foibleſſes qui pourroient en ternir l’éclat. Eh quoi ! mon cœur, lui dis-je, d’où vous peuvent venir ces craintes ſi ſubites ? quel fondement avez-vous de vous allarmer de la ſorte ? Je ne veux néanmoins, pourſuivis-je, pas vous détourner de votre deſſein. Je ſouhaite, me dit-il, de te faire prendre la ceinture de chaſteté : cela ne doit point te fâcher. Si tu es ſage, comme je le crois, tu ne dois pas t’y oppoſer ; & ſi au contraire tu n’étois pas honnête, tu verrois que je t’en voudrois revêtir. Je ſouffrirai de vous, lui dis-je, tout ce que vous voudrez, & même avec joie ; puiſque je ne ſouhaite rien tant que d’être à vous ſeul, préférablement à tous les autres hommes, que j’ai en averſion, ou que je mépriſe tout au moins : je vous promets même, continuai-je, de ne parler plus à Cléante, je ne veux pas même le regarder davantage. Bien-loin de cela, reprit-il, j’entends que vous agiſſiez familiérement avec lui, avec honnêteté, & je vous prie de faire en ſorte que ni lui ni moi n’ayions pas ſujet de nous plaindre de vous ; lui, ſi vous le traitez trop rudement ; & moi, ſi vous lui donnez trop de liberté. Mais la ceinture nous mettra hors de toutes ces craintes, & toutes choſes vous ſeront permiſes ſitôt que vous en ſerez revêtue : en attendant, je ne ſerai pas fâché que vous évitiez ſes entretiens. Après cela, il prit ſur mon corps la meſure de la ceinture, avec un cordon de ſoie ; & pour me flatter un peu : je ferai en ſorte, me dit-il, ma chere, que tu auras lieu de te louer de moi, lors même qu’il ſemblera que je te ferai une injure. Les chaînes qui tiendront ton honneur captif, ſeront d’or, le gril, qui ſera comme la porte du palais de l’amour, en ſera pareillement, mais de plus, orné & enrichi de tant de pierreries, qu’on pourra juger du mérite d’une eſclave, par le prix ineſtimable de ſes fers. J’ai choiſi pour Orfevre, Dominico ; c’eſt un homme qui travaille le mieux de la ville, & qui m’a beaucoup d’obligation. Je lui demandai quand cela ſeroit fait ; il me dit qu’il eſpéroit qu’il ſeroit achevé dans quinze jours : après quoi nous allâmes nous coucher, & il me fit l’affaire cette nuit-là trois fois, aſſez vigoureuſement.

Octavie.

Que Vénus t’aime, de te favoriſer neuf fois de ſes careſſes, en ſi peu de temps ! mais eus-tu bien aſſez de force, pour ſupporter courageuſement tant d’aſſauts ?

Tullie.

Aſſurément. Voyant même qu’Oronte au troiſieme coup ne pouvoit preſque décharger, je le pouſſai & le ſecouai ſi vivement, qu’il fit ſon devoir, non pas ſi bien qu’aux autres fois ; mais que veux-tu ? d’un mauvais payeur on en tire ce qu’on peut. Sempronie me vint voir le lendemain, je lui contai tout ce qui s’étoit paſſé, & la priai d’en avertir Cléante.

Octavie.

Il n’eut donc point affaire avec toi ce jour-là ?

Tullie.

Non-ſeulement pour celui-là ; mais pendant une ſemaine entiere, nous n’eûmes pas le moindre entretien particulier, & avec raiſon, parce qu’Oronte avoit toujours les yeux ſur nous, auſſi-bien que pluſieurs domeſtiques qui étoient à ſa diſcrétion. — Baiſe-moi, Octavie ; je ne puis te regarder ſans me ſouvenir d’un Gentilhomme François, qui te reſſembloit beaucoup de viſage : il n’y avoit rien de ſi aimable, & je me ſuis divertie avec lui, étant à Rome, avec bien de la ſatisfaction ; il fut ſuivi le même jour de trois autres, qui prirent auſſi le plaiſir avec moi.

Octavie.

O Dieux ! tu m’étonnes ; quoi ! tu aurois laſſé, toute ſeule, quatre hommes dans un même jour ?

Tullie.

Sans doute, & je t’en entretiendrai une autre fois : mais revenons à Cléante. Il étoit avant-hier chez nous, lorſqu’Oronte dit qu’il avoit deſſein d’aller paſſer quelques jours à une maiſon de campagne, que nous avons dans la Marche d’Ancone. Cléante s’offrit de l’y accompagner ; il en fut bien-aiſe, afin qu’il ne reſtât pas en ville avec moi. Ils y paſſerent huit jours enſemble ; & Cléante ſut ſi bien ſe rendre maître de l’eſprit d’Oronte, qu’il ne pouvoit plus être un moment ſans lui : il lui ouvrit ſon cœur, & lui fit confidence de ſes plus ſecretes penſées. Il lui dit entr’autres choſes, qu’il ſe croyoit bienheureux de ce qu’il avoit une femme fort ſage, fort honnête, & fort belle tout enſemble. Aſſurément, dit, Cléante : c’eſt un avantage d’autant plus grand pour vous, qu’il eſt rare à préſent, & que peu le poſſedent. Pour moi, continua-t-il, je crois qu’un mari peut s’aſſurer de l’honnêteté de ſa femme ſur ſa bonne foi ; qu’il peut s’en rapporter aux ſoins des domeſtiques, mais je penſe que le plus ſûr : c’eſt d’en confier la garde à un cadenat. La foibleſſe de la femme eſt grande ; les ſerviteurs peuvent être corrompus : mais une ſerrure eſt à l’épreuve de toutes les tromperies. Je ſuis de votre ſentiment, dit Oronte, & j’ai déja donné ordre à Dominico ; orfevre fameux de cette ville, de travailler à une ceinture pour ma Tullie. C’eſt ſagement fait, reprit Cléante ; & j’en ſuis d’autant plus aiſe, que voulant lier avec vous une étroite amitié, je n’aurai plus rien qui puiſſe la troubler : car je vous avouerai, continua-t-il, que comme nous ſommes la plupart un peu ſoupçonneux, & ne pouvant pas me diſpenſer, en vous voyant, d’être ſouvent avec Tullie, j’aurois craint que cela ne vous eût donné Martel en tête ; ce qui m’auroit tenu dans une gêne extrême. Mais après que vous l’aurez revêtue de la ceinture, il n’y aura plus rien à craindre de votre côté, & je n’aurai auſſi rien à appréhender du mien. Au reſte, continua-t-il, permettez-moi d’aller demain en ville, pour être ici de retour le jour d’après, parce que je dois recevoir des lettres d’importance ; vous ſavez que c’eſt le jour de poſte, & vous n’ignorez pas qu’en faiſant mes affaires, je fais les vôtres. Il vint de la ſorte ici le dixieme. Oronte le chargea de deux lettres, dont l’une étoit pour moi, & l’autre pour l’orfevre, avec ordre de le preſſer d’achever l’ouvrage qu’il avoit entre les mains. Sur-tout, lui dit-il en partant, tenez ſecret ce que vous en ſavez ; car Tullie mourroit de déplaiſir, ſi elle croyoit que j’euſſe fait connoître mes ſoupçons à d’autres qu’à elle. Sitôt qu’il fut arrivé en ville, il s’acquitta de ſa commiſſion auprès de l’orfevre ; & s’en vint enſuite à la maiſon, où il me trouva ſeule avec Sempronie. Il me donna la lettre d’Oronte, & nous fit voir le deſſein de l’ouvrage auquel on travailloit pour moi. Il me railla ſur ce ſujet : je lui dis qu’il avoit plus de ſujet de s’affliger, s’il m’aimoit, que de ſe réjouir de l’eſclavage dans lequel j’allois être. Ah ! ma chere Tullie, s’écria-t-il, tout tranſporté de joie, je ſuis le plus heureux de tous les hommes. Quel nouveau ſujet de bonheur avez-vous, lui dis-je ? apprenez-le, dit-il, puiſque vous y avez part. Pendant, pourſuivit-il, que j’étois chez l’orfevre, j’ai eu aſſez d’adreſſe pour pouvoir le détourner de ſon travail, & imprimer ſur de la cire, la forme de la clef de la ſerrure qui vous eſt préparée, ſans qu’il s’en apperçût. Ah ! quelle fortune ! dit Sempronie ; c’eſt le vrai moyen de vivre tous deux heureux le reſte de vos jours : vous poſſéderez l’eſprit d’Oronte, & vous jouirez du corps de Tullie. Cléante nous apprit enſuite les meſures qu’il avoit priſes pour s’avancer ſi fort dans les bonnes graces de mon mari. Je fus ſurpriſe de ce qu’il en étoit venu à bout ſi facilement, parce qu’Oronte eſt aſſez éclairé. Point tant de diſcours, interrompit Sempronie : le ſoupé nous attend, & je me prépare après cela à coucher avec toi, Tullie. Que deviendrai-je donc, dit Cléante ? Ne vous en mettez pas en peine, nous y mettrons ordre.

Octavie.

Il coucha ſans doute au milieu de vous deux, & vous en fit goûter à l’une & l’autre ?

Tullie.

Non, tu te trompes, parce que ta mere avoit pris ſa ceinture ; & ton pere, qui étoit parti le matin avec Joconde, pour aller à Verone, avoit emporté la clef avec ſoi. On conduiſit d’abord Cléante dans un appartement particulier ; mais après que tout le monde fut retiré, il vint nous trouver, comme nous étions convenus. Il s’approcha du lit, du côté que j’étois couchée, & en même-temps me donna un baiſer. Je ne te dirai point, Octavie, toutes les folies & toutes les badineries qu’il fit avec moi & avec ta mere ; tu ſauras ſeulement que nous goutâmes toutes deux le plaiſir juſqu’à dix fois.

Octavie.

O bonté de Vénus ! tu me ſurprends : & à peine Pamphile, la premiere nuit de mes noces, eſt-il allé juſques à trois.

Tullie.

Oronte a fait une fois juſques à huit courſes dans une nuit. Joconde les a faites auſſi avec ta mere. Mais ce n’eſt rien auprès de Cléante, il a une ſource inépuiſable de ſemence qui ne tarit jamais, il & eſt auſſi vigoureux à la derniere la premiere cavalcade.

Octavie.

Ma mere dormoit-elle pendant tout ce temps-là ? ou bien jugeoit-elle des coups, ſans y avoir part ?

Tullie.

Elle avoit ſujet d’être contente de la précédente nuit, où ſon mari l’avoit repaſſée ſix fois, & Joconde trois à ſon tour, avant que de partir avec ton pere.

Octavie.

Que fit donc pour lors la pauvre Julie ?

Tullie.

Je te le dirai, quand tu m’auras appris ce que devint la pauvre Octavie, après qu’elle fut dépucelée : car je crains beaucoup pour elle ; le Pere Théodore me fait trembler.

Octavie.

Ah, ah, ah ! tu fais bien de m’en faire ſouvenir.

Tullie.

Tu ris : c’eſt-à-dire que tu ne tins pas ta promeſſe, & que la perte de ta virginité ne fut ſuivie d’aucune cérémonie ?

Octavie.

Tu te trompes, le ſacrifice fut fait mais ce qu’il y a de plaiſant, c’eſt que la douleur qu’il me cauſa, ſervit à me faire goûter le plaiſir avec plus de ſenſibilité. Tu ſauras, Tullie, que trois jours après, ma mere m’avertit du vœu que j’avois fait entre les mains du Pere Théodore : Penſez-vous, me dit-elle, à faire les funérailles de votre virginité ? Oui, ma mere, lui dis-je, & je m’acquitterai de ces derniers devoirs, quand il vous plaira. Elle me prit au mot ; & ſans différer plus long-temps, nous allâmes trouver le bon Pere. Il nous dit de revenir le ſoir ; nous y retournâmes ; & il nous fit entrer dans une eſpece de chapelle retirée, qui n’avoit point de communication avec le dehors : il ferma la porte ſur nous, & nous dit de ne rien craindre, parce qu’il étoit maître de ce lieu. Après cela il nous fit un diſcours ſur les fruits de la pénitence, & ſur les grands avantages qu’on en retiroit ; il avoit les yeux baiſſés, la tête découverte, & parloit avec tant de feu, qu’il ſembloit qu’il fût perſuadé de tout ce qu’il diſoit. Cela m’anima tellement, que je crois que j’aurois de bon cœur ſacrifié ma vie, s’il me l’eût commandé. Sitôt qu’il me vit ainſi diſpoſée par ſes exhortations, à ſouffrir tout ce qu’il jugeroit à propos de me faire endurer, il me dit que ma mere me ſerviroit d’exemple. J’étois ſi tranſportée, que je craignois plus pour elle que pour moi : Il n’eſt point néceſſaire, lui dis-je ; il n’y a que moi qui ſuis coupable, & ma mere n’a aucune part à la perte de ma virginité. Vous m’excuſerez, dit-elle, puiſque j’y ai conſenti, outre que je ne ſouffrirai pas que vous ayiez toute ſeule le mérite.

Tullie.

O la plaiſante diſpute !

Octavie.

Voilà une ſainte émulation qui me plaît, dit le Pere Théodore ; je verrai maintenant laquelle des deux aura le plus de courage. Cependant je déshabillois ma mere : je ne lui laiſſai que ſa chemiſe, qu’elle releva ; & ſe mettant à genoux devant le Pere, elle le pria de ne la point épargner, & de châtier ſur-tout avec rigueur, cette partie infame, qui étoit (à ce qu’elle diſoit) plus coupable que toutes les autres. Il lui demanda où étoit le pieux inſtrument qui devoit punir tous ces crimes ; elle dit qu’elle l’avoit oublié dans les poches de ſon habit : elle s’inclina pour le prendre ; & cependant je conſidérai attentivement toutes les beautés que cette poſture expoſoit à mes yeux : j’admirai ſes feſſes blanches, fermes, polies ; il ne ſe peut rien voir de plus beau.

Tullie.

Tu ne dis rien du bel endroit ?

Octavie.

J’eus un peu de peine à le voir ; je l’apperçus néanmoins. Le Pere Théodore ayant donc pris le fouet en main, & marmottant je ne ſais quelle priere entre ſes dents, il la chargea de coups avec tant de violence, que cela auroit été capable de me faire changer de réſolution, ſi je n’avois été bien conſtante. Courbez votre corps, lui dit-il, afin que cette partie que la loi du mariage aſſujettit à mille pollutions, reçoive le châtiment qu’elle mérite. Elle obéit, & cette ſituation découvrit à mes yeux le chemin qui conduit au plaiſir : je le conſidérois avec une curioſité extraordinaire. Il étoit revêtu de petits poils fort bruns & friſés ; l’ouverture qui paroiſſoit au milieu, étoit rouge ; & la montagne qui l’entouroit étoit d’une élevation telle que Vénus la ſouhaiteroit pour elle-même. Cette aimable partie étoit expoſée aux ſupplices comme une criminelle, & ce bourreau déguiſé la maltraita avec une cruauté ſans exemple. Ah, ah, ah ! s’écria-t-elle dans le moment qu’il la mettoit tout en ſang, ah ! je n’en puis plus : le cœur me manque ; un peu de treve ; vous frappez trop rudement pour que je puiſſe le ſupporter. Vous vous moquez dit-il, & continua toujours avec la même rigueur. Elle ne changea point de poſture pour cela ; elle pouſſa ſeulement quelques ſoupirs, & verſa des larmes. Tenez-vous droite à préſent, lui dit-il : elle ſe releva, & je fus bien ſurpriſe de voir que ce ſaint homme s’alla mettre à ſes côtés ; je ne ſavois point à quel deſſein.

Tullie.

Ce ſaint homme ! dis plutôt ce bourreau, puiſque le ſang, les larmes, & les ſoupirs d’une perſonne auſſi aimable que Sempronie, n’étoient pas capables de l’attendrir.

Octavie.

En effet, il ſemble qu’il n’en fut aucunement touché ; car il ne s’étoit de la ſorte approché d’elle, que pour la contempler de plus près, & la toucher plus vivement. Enfin, ce grand œuvre fut achevé, la tempête ceſſa, & ma mere ayant baiſé la terre, ſe leva, & s’habilla. C’eſt à vous, ma fille, me dit-elle, à prendre à préſent ma place. Je m’y diſpoſe, lui dis-je. Elle m’aida à me déshabiller, & releva ma chemiſe ſur mes épaules : Ayez bon courage, continua-t-elle, & penſez que plus vous ſouffrirez, plus vous goûterez auſſi de plaiſir. J’endurerai, lui dis-je, volontiers tous les coups que je recevrai de vous. Ce n’eſt pas à moi, reprit-elle à faire cet office : c’eſt au Pere Théodore ; & vous aurez bien plus de mérite à prendre cette mortification d’un ſaint homme que de moi, qui ſuis une péchereſſe comme vous. Voulez-vous bien, continua-t-elle, que je vous lie les mains, afin de prévenir les obſtacles que vous pourriez apporter à cet exercice ? J’y conſens, lui dis-je. Cela fut auſſi-tôt fait, mais de telle maniere qu’il ne me reſtoit aucun moyen de me défendre.

Tullie.

Le paillard repaiſſoit cependant ſes yeux de la beauté de ton corps ?

Octavie.

Je n’en doute point. Je veux, me dit-il, éprouver à préſent, laquelle de vous deux aura plus de cœur : je le connoîtrai par votre ſilence ; & celle qui pourra ſouffrir ſans ſe plaindre, remportera la victoire ſur l’autre. Après cela il me mania les feſſes, les ouvrant quelques fois & les reſſerrant ; enſuite il me pinça dans deux endroits, avec l’extrêmité des doigts : j’eus de la peine à retenir quelques ſoupirs, que j’étouffai au-dedans de moi-même. Ce ne fut pas tout : il porta ſes mains à ma partie, il les paſſoit & repaſſoit l’une après l’autre entre mes jambes ; il étoit tout en feu, & enfin il me prit quatre ou cinq petits poils, & les arracha avec violence : je me tins toujours ferme.

Tullie.

Tu es forte, Octavie !

Octavie.

Il en fit autant à ma mere : il lui fit relever ſes jupes, elle n’en fit point de difficulté ; & après l’avoir conſidérée & maniée de tous côtés, il lui tira quelques poils, comme il m’avoit fait ; elle en trembla, & retira ſes feſſes avec une vîteſſe extrême, quand il y imprima ſes ongles : elle ne dit pas néanmoins une parole.

Tullie.

Acheve vîte.

Octavie.

Que veux-tu davantage ? je fus fouettée & miſe en ſang, après quoi nous nous en retournâmes à la maiſon. Comme j’entrois, ma mere me demanda comment je me portois. Je ne me porte pas bien, lui dis-je ; le derriere me démange étrangement ; il me ſemble que je ſuis toute couverte de fourmis, & je ſuis toute en feu. Tant mieux, me dit-elle ; j’en ſuis de même, & toutes ces douleurs ſe changeront bientôt en plaiſirs. Mets-toi ſur le lit, continua-t-elle, & fais ſemblant d’être incommodée d’un mal de tête ; je t’enverrai tout préſentement Pamphile, qui t’en guérira : mais je veux que tu me promette de me faire le récit de ton divertiſſement ; je le lui promis, elle ſe retira. A peine m’étois-je couchée, que mon mari entra. Eh quoi ? me dit-il, ma chere enfant. J’ai appris que tu étois malade ? Sans doute, lui dis-je, parce qu’on m’a dit que vous étiez fâché contre moi. Moi fâché ! reprit-il : bien-loin de cela, je t’aime de tout mon cœur ; & pour t’empêcher d’en douter, je vais t’en donner des preuves. Il n’y manqua pas : il monte ſur le lit, défait ſon haut de chauſſe, & tirant ſon inſtrument conſolatif, il me le fit prendre à pleine main ; je me mets en état, il me trouſſe ; & ſe jette tout d’un coup ſur moi. Le croiras-tu, Tullie ? à la premiere ſecouſſe ; je ſentis couler ma ſemence, mais ſi abondamment, que je te jure que jamais je n’avois goûté un pareil plaiſir. En un mot, je déchargeai trois fois dans ce moment, ou plutôt ce ne fut qu’une décharge continuelle, accompagnée d’un châtouillement ſi doux, que je ne puis pas l’exprimer. Ce ne fut pas tout : car lorſque Pamphile fit ſon devoir, ne crois pas qu’il éteignit mes feux ; non, il les ralluma ; & après même qu’il eut fini l’affaire & qu’il ſe ſut retiré de ma partie, le ſeul attouchement de ſa main qu’il y porta pour l’eſſuyer, me fit encore fondre, & répandre avec profuſion cette divine liqueur dont l’écoulement faiſoit tout mon plaiſir.

Tullie.

Tu dis les choſes agréablement. Il n’y a néanmoins rien là-dedans qui me ſurprenne : car les eſprit les plus ſubtils de notre corps étant attirés par les coups de fouet, avec les parties les plus chaudes de notre ſang, il eſt naturel qu’ils ſe retirent dans les endroits avec leſquels ils ont plus de rapport & de ſympathie, & qu’ils y cauſent par leur ardeur un châtouillement extraordinaire. La Ducheſſe Pulchérie, ſi recommandable par ſon eſprit & par ſa beauté, doit ſa groſſeſſe aux coups de verges, ſans leſquels elle ſeroit encore ſterile. Le Duc Alexandre ſon mari l’aimoit éperdument, & avoit un déplaiſir extrême de ce qu’elle ne pouvoit avoir d’enfants : il tenta toutes ſortes de remedes, mais ce fut inutilement, juſqu’à ce qu’un Médecin Arabe lui dit, que l’unique moyen de rendre ſa femme féconde, c’étoit de la fouetter le plus rudement que l’on pourroit. Cela fut pris pour oracle ; la Ducheſſe y conſentit, & l’exécution en fut faite par ſa mere. Juſqu’à ce jour, dans les plus grandes careſſes de ſon mari, elle n’avoit preſque point trouvé de plaiſir ; mais lorſqu’après cette médecine, le Duc l’alla joindre, peu s’en fallut qu’elle n’expirât ſous lui, tant le châtouillement qu’elle reſſentoit étoit extrême ; elle déchargea copieuſement : & la même cérémonie ayant été renouvellée deux jours après, elle fut engroſſée avec une joie extraordinaire de toute la famille. Il ſe trouve auſſi des hommes, qui ne pourroient jamais bander ſi on ne ſe ſervoit de cet artifice. Le Comte Ardolphe que tu connois, eſt réduit à cette extrêmité, ſans laquelle tous les attouchements de ſa femme qui eſt aſſez jolie, tous les remedes de la médecine, & les épiceries du Levant ne le feroient pas dreſſer d’un pouce.

Octavie.

Il faut donc qu’il ſoit bien froid. Mais l’as-tu expérimenté quelquefois, & as-tu trouvé quelqu’un qui t’ait voulu rendre ce-bon office ?

Tullie.

Non, mais j’ai deſſein de l’éprouver, afin de goûter le plaiſir de toutes ſortes de manieres. Je partirai demain, pour aller trouver Oronte qui m’a écrit d’aller paſſer quelques jours avec lui à la campagne ; & je trouverai le moyen de faire ce que je voudrai. Je t’enverrai Cléante : fais en ſorte qu’il n’ait pas ſujet d’être mécontent de toi.

Octavie.

Je n’ai rien à démêler avec lui, il faut qu’il ſe conſerve pour ton retour. Tu as oublié de me dire comment les noces de Julie s’étoient faites.

Tullie.

Helas ! elles ſe ſont faites comme du temps de nos premiers peres, c’eſt-à-dire ſans aucune cérémonie. Ton pere étoit abſent, aucun des parents n’y fut appellé. Sempronie ſeule fit promettre la foi à nos deux amants, & les conduiſit elle-même dans le lieu où le meilleur de la fête ſe devoit paſſer. Auparavant elle eut un long entretien avec Julie, & lui conſeilla malicieuſement pluſieurs choſes qui l’auroient rendue odieuſe à ſon mari, s’il n’avoit pas connu ſa ſimplicité & les artifices de ta mere. Sempronie étant donc montée dans la chambre de nos nouveaux mariés, elle voulut déshabiller Julie, qui n’oſoit preſque lever la vue d’abord qu’elle ſe vit en chemiſe : elle ſe retira après dans une chambre, d’où on pouvoit voir & entendre facilement ce qui ſe paſſoit dans celle-là. Si-tôt qu’elle fut ſortie, Julie ſe mit à genoux devant ſon mari : Vous n’aurez pas de peine avec moi, lui dit-elle ; je vous obéirai en toutes choſes, & vous n’aurez qu’à commander. Joconde la releve, & lui dit d’ôter ſa chemiſe, mais voyant que la honte l’en empêchoit, il la lui tira lui-même : il admira en même-temps la beauté de ſon corps ; il la baiſe, il lui manie les tettons, & enfin s’applique à conſidérer la principale partie ; il l’ouvre, il la ferme, il y met les doigts. Eh, eh, dit Julie. Il la fait mettre au lit, & ſe couche à ſon côté. Elle, pour pratiquer les conſeils de ta mere, prit un couſſin qu’elle mit ſous ſes feſſes, & écarta les cuiſſes le plus qu’elle put ſans attendre qu’on l’en priât. Ce n’eſt pas tout : elle prit le membre de ſon mari, qui ne put s’empêcher d’en rire. Que ſignifie tout ceci, dit-il ? Et en même-temps il ſe jetta ſur elle, qui ne quitta point priſe, & voulut elle-même le conduire où il vouloit entrer. Auſſi-tôt qu’il y fut, elle éleva ſes jambes le plus qu’elle put ſur les cuiſſes de Joconde. Retire ta main, lui dit-il, j’acheverai bien le reſte ; elle la retira, & l’embraſſa le plus étroitement qu’elle put. Il la preſſe ; & à la quatrieme ſecouſſe, il entra tout entier au-dedans.

Octavie.

La trouva-t-il vierge ? connut-il qu’elle avoit ſon pucelage ?

Tullie.

Il le connut, comme la plupart des hommes ont coutume de le connoître : c’eſt-à-dire en s’en rapportant à la bonne foi de ſa femme.

Octavie.

Je craignois que la façon d’agir de Julie ne lui eût donné à penſer qu’elle eût été ſouillée par un autre.

Tullie.

Non ; il connut facilement que toutes ces manieres étoient un effet de la jalouſie de Sempronie, qui tâchoit de lui rendre ſa femme mépriſable dès le commencement. Quand cette premiere courſe fut finie, Joconde interrogea Julie : Qui t’auroit cru, lui dit-il, ſi ſavante la premiere nuit de tes noces ? & qui peut t’avoir appris ces mouvements de feſſes & ces ſoupirs faits ſi à propos ? Elle ne répondoit rien. Parle ſans crainte, reprit-il, & me déclare le myſtere de tout ceci. Je n’oſerois, dit-elle ; mais je n’ai rien fait que les plus chaſtes filles comme je ſuis, ne pratiquent dans de pareilles occaſions. Mais qui eſt-ce qui t’a dit que c’étoit la coutume, dit Joconde ? N’exigez pas de moi, dit-elle, que je vous l’apprenne. Je veux, reprit-il, que vous me le diſiez, ou bien j’aurai de mauvais ſentiment de votre honneur. N’en parlez donc point à d’autre, dit Julie. C’eſt Sempronie qui m’a donné ces avis, & qui m’a dit qu’il étoit du devoir d’une jeune mariée de faire tout ce que j’ai fait. Cependant, ce qu’il y a de plaiſant là-dedans, c’eſt que Sempronie voyoit & entendoit tout.

Octavie.

Quel deſſein avoit-elle en abuſant ainſi de la ſimplicité de Julie ?

Tullie.

C’étoit de la rendre ſuſpecte à ſon mari : elle n’y réuſſit pas ; car elle a toujours paſſé dans ſon eſprit pour une fille très-ſage & une femme fort honnête.

Octavie.

Tu n’as point achevé de dire les particularités de leurs divertiſſements.

Tullie.

D’abord que le membre de Joconde fut entré tout entier, Julie s’écria : pardonnez-moi, vous me faites mal, ah, ah, ah ! & lui ; n’en pouſſoit que plus fort : l’ayant donc animée par des ſecouſſes plus violentes : Oh, oh, dit-elle, je me meurs de plaiſir, continuez, pouſſez, preſſez encore plus.

Octavie.

Ah, ah, ah !

Tullie.

Sempronie lui dit d’agir de la ſorte, & qu’auſſi-tôt qu’elle ſentiroit le moindre châtouillement, elle le fît connoître à ſon mari par mille careſſes, par ſes ſoupirs, par ſes baiſers, & par les mouvements les plus laſcifs qu’elle pourroit s’imaginer. Elle n’y manqua pas auſſi : car d’abord qu’elle ſentit les approches du plaiſir, elle remua les feſſes, éleva les cuiſſes, & répondit aux ſecouſſes de Joconde par des ſaillies que Vénus même auroit eu de la peine à inventer. Ces tranſports la conduiſirent au ſouverain bien. Ah, ah, ah, s’écria-t-elle ! qu’eſt-ce que je ſens ? je n’en puis plus ! Son cavalier la preſſe le plus vivement qu’il peut, afin de goûter avec elle cette douce volupté ; cependant elle le baiſe, l’embraſſe, & l’oblige enfin à faire ſon devoir. Ah, ah, ah, ah ! dit-il, en attirant à ſoi avec les deux mains les feſſes de ſa Julie, je me meurs, ma chere enfant, tu me tues par tes ſecouſſes ; ah, ah ! Il perdit ici la parole. Ce qu’il y a de plaiſant, c’eſt que cette pauvre innocente ſe ſouvenant des conſeils de ta mere, prit en même-temps à pleine main le membre de ſon mari, & le preſſa ſi fortement, qu’il ſembloit qu’elle en voulût tirer juſqu’à la derniere goutte.

Octavie.

Etant jeune comme elle eſt, put-elle bien ſans peine ſupporter un ſi long combat ?

Tullie.

Hélas ! elle n’avoit pas ſujet d’être fatiguée, parce que Joconde ne la vit point cette nuit-là, ni la ſuivante, qu’après avoir ſatisfait juſqu’à deux repriſes la convoitiſe de ta mere. Tellement qu’on peut dire qu’elle n’a point goûté le plaiſir dans toute ſon étendue, que deux fois depuis un mois.

Octavie.

Comment cela ſe peut-il faire ? car une femme jalouſe ne donne point de quartier.

Tullie.

Tu ſauras que le mois paſſé, Joconde ſe divertiſſant avec ta mere, & la trouvant fort diſpoſée à lui accorder ce qu’il ſouhaiteroit, il lui demanda une grace. Et quoi, dit-elle ? Voulez-vous bien, reprit-il, me permettre d’être pere ? J’y conſens, dit-elle. Et comment pourrai-je, continua-t-il, ſi vous ne m’accordez la jouiſſance de Julie ſans reſtriction ? la pauvre enfant a déja aſſez ſouffert, & la mere Théreſe l’a aſſez maltraitée pour qu’elle mérite un peu de plaiſir. Je vous le permets, dit Sempronie, à condition que ce ne ſera que dans le deſſein d’avoir des enfants : & afin que vous ne manquiez pas votre compte, je ſouhaite que vous paſſiez huit jours dans la continence ; & qu’après qu’ils ſeront expirés, vous faſſiez avec elle ce que vous deſirerez. Cela fut conclu de la ſorte, & la ceinture ne fut point ôtée à Julie qu’après la huitaine. Joconde fit un ſi bon uſage de cet intervalle, que ſa femme fut engroſſée. Sempronie le croit ainſi ; & il eſt vraiſemblable, parce que depuis ce temps, elle eſt fort dégoûtée, & incommodée de douleurs de tête qu’elle ne reſſentait pas auparavant.

Octavie.

J’ai Théreſe en averſion, depuis que j’ai ſu qu’elle avoit de la ſorte maltraité cette pauvre innocente.

Tullie.

Et moi, je veux mal à ta mere, parce que c’eſt elle qui eſt l’origine de tous ſes maux. Elle alla voir Théreſe, & ne l’entretint pendant toute ſa viſite, que de la crainte qu’elle avoit que Julie s’éloignât de ſon devoir ; qu’elle reconnoiſſoit qu’elle avoit beaucoup de penchant pour le libertinage, & qu’elle croyoit qu’il ſeroit néceſſaire de la mortifier un peu pour la rendre plus ſage. Théreſe qui ajoutoit foi à toutes ſes paroles, dit à ta mere, qu’elle n’avoit qu’à la lui envoyer. Ce qui fut fait, après que Sempronie lui eût ôté la ceinture qu’elle conſerva chez elle, Sitôt que Julie fut entrée dans le monaſtere, Théreſe lui demanda ſi elle ne deſiroit pas être bien chaſte. Oui, dit-elle. Eh bien, continua Théreſe, il faut pour cela que vous paſſiez ces trois jours ici en mortification & en pénitence, & que vous ſouffriez la diſcipline réguliere que je vous donnerai. Elle conſentit à tout, & fut fouettée des mains de Théreſe trois fois différentes, puis renvoyée le ſoir du troiſieme jour à ſon mari. Sempronie par bonheur ne ſe trouva pas à la maiſon : Julie raconta à Joconde tout ce qui s’étoit paſſé ; il en eut bien du déplaiſir, & lui promit de prendre garde une autre fois, qu’il ne lui arrivât quelque choſe de ſemblable. Enfin, pour lui faire oublier toutes les douleurs qu’elle avoit ſouffertes, il la coucha ſur le lit, & lui donna tant de plaiſir, qu’elle ne ſe ſouvint plus des peines qu’elle avoit endurées.

Octavie.

Cela n’eſt-il point venu à la connoiſſance de ma mere ?

Tullie.

Non : elle n’en a pas ſeulement eu le moindre ſoupçon, parce qu’avant qu’elle fût de retour à la maiſon, Joconde ſortit ; & quand il arriva, il la trouva avec Julie, qu’il ſalua comme s’il ne l’eût point vue depuis trois mois.

Octavie.

Eh quoi ! ne ſalua-t-il point ma mere ?

Tullie.

Il n’y manqua pas ; & la tirant à quartier, il dit à Julie, qu’il avoit quelque choſe à lui communiquer, & qu’elle l’attendît dans ſa chambre ſans en ſortir. Ils ſe retirerent enſuite tous deux dans la chambre de ton pere. Que veux-tu davantage ? Il l’embraſſe, il la renverſe ſur le lit, & termine l’affaire avec elle. Après qu’ils eurent achevé, ils s’en allerent tous deux trouver Julie, qu’ils rencontrent couchée ſur le lit. Je veux, lui dit Joconde, que Sempronie connoiſſe combien vous êtes pure & chaſte, & qu’elle vous remette elle-même votre ceinture. Ta mere donna mille éloges à Julie, & la pauvre enfant fut remiſe dans les fers.

Octavie.

Il n’y eut qu’une partie d’elle-même.

Tullie.

Quoi qu’il en ſoit, on la rendit captive ; Pars ludicra in vincula miſſa eſt. Je veux, Octavie, éprouver ſi la tienne eſt auſſi propre au jeu comme il ſemble qu’elle doive l’être.

Octavie.

Cléante t’en dira des nouvelles, quand nous aurons paſſé quelques moments enſemble.

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02


SIXIEME

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-02
OCTAVIE, TULLIE
CLEANTE, MEDOR.


Octavie.


QUe votre entretien eſt charmant, ma Couſine ! vous venez de me faire par votre diſcours, une ſi naïve peinture des plaiſirs que je dois recevoir cette nuit, que j’en ſuis déja toute pénétrée.

Tullie.

Ah ! ma très-chere, toutes mes paroles n’ont pu te repréſenter que des ombres & des figures : ces plaiſirs ſont mille fois plus doux que tu ne peux te l’imaginer ; & les petites careſſes qui devancent cette ſouveraine volupté, ſont même au-deſſus de tout ce qu’on peut exprimer.

Octavie.

Cléante & Medor ſeront-ils tous deux de la partie ?

Tullie.

Oui, Octavie ; & ce ne ſera qu’avec toi que ces deux athletes combattront.

Octavie.

Ah, Dieux ! que dites-vous-là, Tullie ? de ſi rudes Cavaliers auroient bientôt crevé leur monture !

Tullie.

Eſt-il poſſible que tu t’oppoſes toi-même à ton bonheur ? as-tu de l’eſprit, de rejetter ſi fortement un plaiſir, que les plus fameuſes héroïnes en amour voudroient acheter au prix de leur ſang ? Certes, tu n’y penſes pas.

Octavie.

C’eſt vous plutôt qui n’y faites pas de réflexion : car que deviendrai-je, ſi vous ne partagez la peine avec moi ? Je ſerai malheureuſe, lors même que je poſſéderai les biens que vous me ſouhaitez.

Tullie.

Tu as beau diſputer, il y faudra venir ; toutes ces cérémonies ſont inutiles.

Octavie.

Certes, ma Couſine, vous n’êtes pas raiſonnable : quand bien même j’accepterois votre offre, je ne pourrois pas ſuffire à de ſi rudes combattants. Quoi ! je paſſerois tout le jour & toute la nuit plongée dans la volupté ; je regorgerois (pour ainſi parler) de la nourriture des Déeſſes, & vous ne feriez que juger des coups ? Non, non, il faut au moins que vous me ſerviez de ſeconde dans le combat. Mais, Dieux ! que je me rends facilement !

Tullie.

Ne fais point tant la délicate, tu n’en mourras pas : j’en ai mis quatre hors de combat, & tu en appréhendes deux !

Octavie.

D’accord, mais ces deux-là ſont extrêmement vigoureux. Vous dites que Cléante a coutume de vous le faire douze fois ; & ce que vous m’avez raconté de Medor, n’approche pas moins du prodige. Comment voulez-vous donc, jeune & délicate comme je ſuis, que je leur puiſſe ſuffire ? Si je le fais, ce ſera plutôt pour vous complaire, que pour ſuivre mon inclination.

Tullie.

Il ne m’importe, ce ſera pour l’un & pour l’autre. Mais je veux t’apprendre des nouvelles d’un de ceux qui doivent contribuer à ta ſatiſfaction : c’eſt de Medor ; Cléante m’en a dit des choſes qui ſurpaſſent l’imagination des plus braves qui ſe ſoient ſignalés en amour.

Octavie.

Mais encore, qu’eſt-ce que vous en avez appris ? n’eſt-il jamais venu aux priſes avec vous ?

Tullie.

Fort ſouvent. Tu ſauras donc que Medor étant derniérement dans cette ville, Cléante me l’amena, avec la permiſſion d’Oronte. (admire ſa complaiſance !) Cléante m’aime éperduement ; & avec toute cette tendreſſe, il ne laiſſe pas d’aſſurer Medor qu’il le feroit bientôt jouir de la même fortune : en un mot, il lui fit tout eſpérer de moi, ſans néanmoins m’avoir demandé mon conſentement.

Octavie.

Et vous, ne vous en fâchâtes vous pas ?

Tullie.

Je m’en fâchai, comme tu peux te l’imaginer, & je lui en fis même de grands reproches ; c’eſt pourquoi, comme il craignoit extrêmement de me déplaire, en m’embraſſant les genoux pour m’appaiſer, il me dit : Pardonnez-moi, ma Reine, pardonnez à ma facilité, & faites-moi eſpérer qu’il ne tiendra pas à vous que je ne m’acquitte de ma promeſſe. Medor meurt d’amour pour vous ; je lui ai promis de ſoulager ſon mal, & je ne pouvois pas honnêtement m’en diſpenſer : c’eſt une vieille dette que je lui paye, & donc je lui étois redevable il y a long-temps. Vous ne concevez pas peut-être tout ceci, aimable Tullie ? Vous ſaurez donc, continua-t-il, pour vous éclaircir ſur ce ſujet, que lorſque j’étois à Naples, je devins eſclave de la beauté d’une jeune parente de Medor : j’en étois éperduement amoureux ; & cet ami, pour favoriſer ma paſſion, feignit d’avoir auſſi de l’amour pour elle : il fut écouté ; & après quelques proteſtations de part & d’autre, elle lui donna un rendez-vous dans ſa chambre : Admirez la généroſité de Medor ! il me conduiſit chez Marianne, (c’étoit le nom de cette aimable enfant) & me fit adroitement cacher dans la place qui lui étoit deſtinée. Que voulez-vous davantage ? je poſſédai le tréſor que j’aurois inutilement cherché ſans lui, & je jouis cette nuit du bien que j’avois ſi ardemment deſiré. Qu’en penſez-vous, Madame ? dois-je être ingrat d’un ſervice de cette nature ? Pardonnez-moi donc, ſi je deviens coupable auprès de vous, en voulant m’acquitter de mon devoir envers un ami ſi obligeant.

Octavie.

Eh bien, que répondiez-vous à tout cela ?

Tullie.

Rien ; & malgré le deſſein que j’avois formé de lui marquer avec chaleur mon reſſentiment, je m’appaiſai. Ah ! Octavie, que la voix d’un amant a de pouvoir ſur nous ! qu’il eſt facile de nous fléchir, quand nous aimons ; & que notre cœur devient facile aux moindres ſoumiſſions d’un objet pour lequel nous avons conçu de la tendreſſe ? N’avez-vous pas de honte, lui diſois-je néanmoins, de vouloir ainſi expoſer mon honneur & ma réputation ? faites-vous réflexion, que vous devez la ménager plus que tout autre, puiſque je ſuis à vous ? Ah ! Madame, reprit-il, avec un air engageant ; au nom de ce que vous avez de plus cher ; accordez quelque choſe à mes prieres : ſi c’eſt un crime que d’aimer Medor, forcez-vous en ma conſidération à le commettre ; ce ſera la derniere importunité que vous recevrez de moi : tout ce que j’exigerai dorénavant de vous, ſera honnête, & je vous jure que toutes les demandes que je vous ferai ne pourront vous être déſagréables. J’aime Cléante, & pour lui en donner des marques, je conſentis à tout ce qu’il voulut de moi en faveur de ſon ami.

Octavie.

J’ai préſentement les mêmes raiſons de me plaindre de vous, & je puis dire que ; j’en ai encore plus de ſujet que vous n’en aviez pour quereller Cléante.

Tullie.

Tais-toi, tu es une ſotte : je veux te traiter en bonne parente, & en véritable amie ; je te deſtine à des embraſſemens qui te feront mourir de plaiſir : mais je reviens à mon hiſtoire. Que je vous ſuis obligé, me dit Cléante ; & que je dois beaucoup à vos bontés ! Aimable Tullie, reprit-il auſſi-tôt, puiſque vous vous êtes rendue ſenſible à nos maux, permettez que Medor & moi, qui mourons d’amour pour vous, nous vous en donnions les dernieres marques. Quoi ! lui dis-je, quel honneur recevrai-je, ſi je deviens ſenſible pour un autre que pour vous ? Mais quoi ! Octavie, j’avois beau faire la fâchée, il connoiſſoit mon foible, & il y avoit long-temps que je lui avois montré l’endroit par où je me laiſſois prendre. Après avoir donc un peu diſputé, pour garder les formes de la bienſéance, je conſentis que Medor auroit ſatisfaction, mais ſeulement pour une fois : je voulois ménager le feu de leur paſſion, afin que quand ils viendroient à un combat particulier avec toi, petite Couſine, ils ne ſe trouvaſſent pas tout-à-fait épuiſés.

Octavie.

Oh, oh ! qu’ils ont bien la mine de ne revenir pas fort vigoureux d’entre vos bras.

Tullie.

Ce beau jeu ſe faiſoit dans notre jardin, que j’avois eu ſoin de faire fermer de tous côtés & où l’on ne pouvoit être vu que de ma chambre. Pendant que j’avois cette converſation avec Cléante, ſon ami ſe promenoit doucement derriere nous, & me jettoit de temps en temps des œillades ſi pleines de feu, que je remarquai bien l’ardeur de ſa paſſion. Cléante ſe tournant de ſon côté : Rendez, lui dit-il, des graces immortelles à Madame, pour le préſent qu’elle vous fait, & qui eſt digne des Dieux ; approchez, & venez jouir du ſouverain bien. A ces mots je demeurai interdite ; & comme je ne ſuis pas trop hardie de mon naturel, je rougis auſſi-tôt que je vis approcher Medor : il me donna d’abord un baiſer en me ſaluant, & me fit une déclaration d’amour fort ſpirituelle. Avant qu’il eût fini ſon diſcours, nous étions entrés dans un cabinet propre pour prendre la fraîcheur, & qui étoit dans un coin du jardin. J’ai une choſe à vous dire, Tullie, dit Cléante, & à vous auſſi, Medor. Quoi ! répondit ſon ami ? Tullie, dit-il, vous parlera bientôt avec des ſoupirs & des remuements de feſſes, qui vaudront bien mieux que tous vos compliments. Que Vénus vous puiſſe punir, lui dis-je, folâtre que vous êtes. Madame, reprit-il, un mot à l’oreille : vous ne ſavez pas à quel Cavalier vous aurez à faire ; toutes les filles de Rome & de Veniſe, qui ſont entrées en lice avec lui, avouent que c’eſt le plus rude fouteur qu’elles ayent jamais connu ; enfin elles publient que jamais elles n’ont été ſi copieuſement arroſées que par Medor : en un mot, c’eſt un miracle, ou plutôt un monſtre dans la nature : vous en jugerez, quand il vous montrera ſon inſtrument.

Octavie.

Voilà qui eſt bien ; mais que faiſoit Medor pendant tous ces propos ? le temps ne lui duroit-il pas ? car on dit qu’à Vit bandé, il n’y a point d’arrêt.

Tullie.

Cela eſt vrai, Octavie ; c’eſt pourquoi Medor qui ne pouvoit plus attendre : Qu’eſt-il néceſſaire, dit-il, que nous perdions ainſi le temps ? J’aime Tullie, je l’adore, elle y eſt ſenſible, le lieu nous eſt favorable : & à quoi bon ce retardement ? En diſant cela, il pria Cléante de ſe mettre à quatre pieds à terre ; puis me prenant impitoyablement, il m’étendit ſur le dos de ſon ami, d’une maniere que ma tête penchoit ſur les feſſes de Cléante : il croiſa mes deux jambes, & les mit autour de ſon col, & me dit de les hauſſer le plus que je pourrois, en élargiſſant un peu les cuiſſes ; ce que je fis fort exactement. Mais comme cette poſture rendoit l’entrée du C.. extrêmement étroite, le gros membre de Medor eut bien de la peine à ſe faire paſſage : néanmoins s’étant enfin rendu maître de la place, il pouſſa & repouſſa ſi rudement, que l’appréhenſion que j’eus de tomber, fit que je portai la main ſans deſſein, ſous le ventre de Cléante, qui gémiſſoit de la peſanteur du fardeau. Le haſard me fit rencontrer l’inſtrument de mon porteur ; je l’empoignai de la main droite, & je donnai la gauche à Medor, pour mieux réſiſter à ſes ſecouſſes. Mais quoi ! je me ſentis d’abord pénétrée au-dedans d’une liqueur chaude, qui aſſoupit tous mes ſens ; & pour combler ma félicité, Cléante m’en donna en même-temps ma pleine main. Non, Octavie, de ma vie je n’ai goûté un ſemblable plaiſir ; & peu s’en faut que la ſeule idée qui m’en reſte, ne me faſſe pâmer.

Octavie.

Vraiment, Tullie, peu s’en faut auſſi que je ne ſois également touchée de votre récit, & je ſens un certain châtouillement… Mais qu’eſt-ce que j’entends ? il me ſemble que quelqu’un monte : ah ! ne ſeroit-ce point Medor & Cléante ? ah ! j’en tremble de peur, & je ſens déja la pudeur qui me couvre tout le viſage.

Tullie.

O Hyménée, quelle joye ! voici Cléante, Qu’eſt devenu votre ami ?

Cléante.

Le Gouverneur de la ville l’a retenu chez lui pour s’informer de ſes affaires, & de la ſanté de ſes parents : pour moi, je me ſuis adroitement dérobé de la compagnie, & la violence de ma paſſion m’a conduit ici, eſpérant que la belle Octavie aura pitié de moi. Mais quoi ! elle ne dit rien : d’où vient ſon ſilence ?

Octavie.

Je ſuis tellement confuſe, ma chere Tullie, que je n’oſerois lever les yeux, ni prononcer une parole.

Cléante.

Quoi, Madame ! vous me refuſez un baiſer ! ah, que je ſuis malheureux !

Tullie.

Ah ! que tu fais de façons ! tu n’y gagneras rien, pour faire ainſi la délicate ; il faut mettre bas toute cette pudeur enfantine qui te reſte. Je ſuis ravie de ce que tu n’as que ta ſimarre ; elle ſera bientôt ôtée : me fais donc point la ridicule.

Octavie.

Ridicule vous même. Quoi ! vous me déſhabillez, pour m’expoſer ainſi toute nue à la vue & aux regards de Cléante ! êtes-vous folle ?

Tullie.

Aidez-moi, Cléante ; défaites ſa jupe pendant que je la tiens : ah ! voilà qui eſt bien ; elle n’a plus à cette heure que ſa chemiſe.

Octavie.

Ah, Tullie ! en quel état m’avez-vous miſe ! quoi ! vous me tirez encore ma chemiſe ?

Cléante.

Ah ! divine Octavie, je vais expirer à vos pieds ; la ſeule vue de votre corps me ravit l’ame & l’eſprit. O dos plus beau mille fois que celui de Diane ! ô feſſes capables de brûler les hommes & les Dieux ! favoriſez-moi, charmante Tullie, & faites en ſorte que cette Déeſſe permette qu’on l’adore.

Octavie.

Tullie, ne ſouffrez pas au moins à votre vue qu’on me violente de la ſorte. Je vais crier ; helas ! helas ! voyez comme il me met la main au ſein, comme il profane par ſes attouchements toutes les parties de mon corps : ah ! ſi vous ne vous retirez…

Tullie.

D’où vient donc cette maniere ? êtes-vous folle, & avez-vous perdu l’eſprit ? Je vous jure par Vénus, qui eſt mon plus grand ſerment, que ſi vous ne recevez Cléante pour votre ami, je me déclare déja votre ennemie.

Octavie.

Ah ! que ne ferois-je point pour me conſerver votre affection ! Cléante, c’eſt à Tullie, à qui vous en aurez l’obligation.

Tullie.

Je ſavois bien que tôt ou tard il y falloit venir ; à quoi bon faire ainſi la ſotte ? Baiſe-moi, fripponne, & te mets ſur le lit de damas pour contenter Cléante.

Cléante.

Ah ! aimable Octavie, je vous tiens maintenant entre mes bras : ah, qu’il y a de plaiſir d’être ainſi nud à nud ! Quand je ne ferois que ſatisfaire ma vue, je ſerois très-heureux. Ah ! que cette petite fente eſt rubiconde, & que le petit poil follet qui l’environne eſt fin & délié !

Octavie.

Ah ! ah ! vous m’oppreſſez du poids de votre corps ! ah ! Tullie, que deviendrai-je ?

Tullie.

Courage, courage, tu ne me fais point de pitié ; ne diroit-on pas, à t’entendre crier, qu’on va t’écorcher ? Cléante, ſerrez-la étroitement ; & toi, embraſſe pareillement Cléante : & moi, afin de n’être pas tout-à-fait inutile, je vais mettre l’oiſeau dans la cage. Ah ! il y eſt déja ; on diroit qu’ils ſont faits l’un pour l’autre : courage, Cléante, piquez bien, & n’épargnez pas votre monture.

Octavie.

Ah ! vous m’étouffez, ah Dieux ! comme vous m’agitez ! Tullie, retirez votre main ; pourquoi me chatouillez-vous ? Ah ! je ſens… ah, ah ! pouſſez à préſent, je conſens de bon cœur à tout ce que vous ferez.

Tullie.

Pouſſez de plus haut, Cléante ; réitérez vos ſecouſſes : & vîte, vîte ; ah, Dieux ! comme les… lui branlent !

Cléante.

Si vous ſentez quelque plaiſir, mon Octavie, donnez-moi un baiſer.

Octavie.

Ah ! de tout mon cœur, mon plus cher ; mets ta langue entre mes levres : bon ; ah ! que ces baiſers ſont doux ! treve, treve, je meurs : fais-je bien, mon cher Cléante ? ah ! que mon plaiſir eſt grand ! veux-tu que je remue les feſſes avec plus de vigueur ?

Tullie.

Fais donc, badine, il n’eſt pas ici queſtion de cauſer : ah ! tu as les feſſes mobiles ; courage, continue : je manierai cependant les teſticules de Cléante, & les exciterai par ce chatouillement à faire leur devoir.

Cléante.

Ah ! que vous me rendez heureux, l’une & l’autre ; que vous ſatisfaites bien ma lubricité ; vous, Tullie, par vos attouchements, & Octavie par ſes douces agitations ! Ah, ah ! maintenant levez, levez les reins, mon petit cœur ; vîte, vîte, ah ! mon amour !

Tullie.

Qu’as-tu, ma mignonne ? tu ne dis mot. Ah ! comme tu roules tes yeux dans la tête ! tu languis, tu languis ; tu n’en peux plus, fripponne.

Octavie.

Ah ! je ſens, je ſens… ah ! que cette urine eſt chaude, & qu’elle eſt pouſſée avec impétuoſité ; ah ! bai… baiſe-moi, mon cœur : je coule déja de toutes parts, les veines de Vénus me diſtillent, j’ai le même plaiſir que Junon prend avec Jupiter ; on n’en goûte point de pareil ſur la terre : ah ! il me vient du Ciel ; je n’en puis plus, je pâme, je me meurs : ah, ah ! juſqu… juſqu’au fond, ah…

Tullie.

Que dis-tu là entre tes dents ? eſt-ce que Cléante a touché le fond de ton canal ?

Octavie.

Que je l’ai ſenti juſqu’au plus profond. Mais quoi ! mon cher, vous vous rendez déja ? voulez-vous ſitôt lever l’ancre ? Souffrez au moins auparavant que je vous baiſe mille fois, permettez que je vous embraſſe, que je vous dévore avec mes baiſers, avant que vous ſortiez d’entre mes bras.

Tullie.

Ah ! que te es laſcive, petite couſine ! veux peut-être, avant qu’il déconne, exciter ſon nerf à un nouveau combat : ne vois-tu point qu’il n’a pas une goutte de ſang, & que les forces lui manquent ? Non, non, la choſe n’ira pas ainſi. Cléante, vuidez pays, & vous en allez promptement trouver Medor, de crainte que votre longue viſite ne lui faſſe ſoupçonner quelque choſe de peu honnête pour nous.

Cléante.

Je vous obéirai, Madame : je m’en vais le trouver ; & je lui dirai, pour prétexte de mon retardement, que j’ai eu une petite affaire à communiquer à Alphonſe, couſin du Gouverneur.

Tullie.

Voilà qui ſera bien ; mais dites-moi, Cléante, comment trouvez-vous Octavie ? en êtes-vous ſatisfait ?

Cléante.

Je n’ai rien trouvé en elle qui n’approche de vous, ma Tullie ; c’eſt beaucoup dire en peu de paroles : je vous jure que j’ai cru être entre les bras de Vénus ; mais nous parlerons de cela une autre fois. Adieu.

Octavie.

Que de graces ne vous dois-je point, ma Couſine, puiſque par votre moyen j’ai goûté aujourd’hui un plaiſir qui ne ſe peut exprimer ! Cette ſeule fois m’a preſque raſſaſſiée, par le chatouillement que je recevois par la longueur du membre de Cléante : car il n’eſt pas ſi gros que celui de mon mari, bien qu’il le ſurpaſſe de beaucoup en longueur.

Tullie.

Je ſuis ravie que tu ayes trouvé véritable tout ce que je t’avois dit de Cléante, & que tu avois tort de t’oppoſer à mes deſſeins.

Octavie.

Avez-vous remarqué comme il s’eſt levé tout joyeux de-deſſus moi, comme il m’a baiſée avec tendreſſe, & m’a donné de petits coups ſur les feſſes ? Ah ! que vous êtes heureuſe de jouir de ſes embraſſements au gré de votre cœur, & de n’avoir d’autre regle de vos plaiſirs que celle de votre volonté. Mais dites-moi un peu, ma très-chere, combien de fois avez-vous pris le même paſſe-temps avec Medor ? Vous m’obligerez infiniment de me l’apprendre ; car je prends beaucoup de part à tout ce qui vous regarde.

Tullie.

Que tu es curieuſe. Je vois bien que tu ſouhaites que je t’acheve le récit de l’hiſtoire que Cléante a interrompu : je le veux de tout mon cœur, puiſque le ſouvenir ne m’en peut être que très-agréable. Tu ſauras donc, que comme, entre les animaux, l’homme abonde le plus en ſemence, ainſi, entre les hommes, Medor eſt celui qui en a le plus. Je vous avertis, me diſoit Cléante, de vous mettre en une poſture ſi avantageuſe que vous n’en perdiez pas une goutte ; car c’eſt l’unique moyen que vous ayiez de ſentir le plaiſir dans toute ſon étendue. Après cela il ſe retira.

Octavie.

Continuez, je vous en prie.

Tullie.

Medor m’ayant donc fait mettre, dans le cabinet du jardin, en cette poſture que je t’ai déja dite, & qui eſt la plus lubrique & la plus luxurieuſe qu’on puiſſe s’imaginer, particuliérement quand on eſt nud, il s’en donna (comme on dit) à cœur-joie ; mais comme les fureurs de ſon amour n’étoient pas tout-à-fait éteintes, nous allâmes dans la chambre, pour y être plus commodément. Je n’y fus pas plutôt entrée, qu’il me jetta ſur le lit, malgré tous mes efforts : il me mit une main dans le ſein, & de l’autre il me leva mes jupes juſqu’à la ceinture, & me découvrit le bel endroit, mettant bas auſſi-tôt ſes vêtements qui pouvoient l’embarraſſer.

Octavie.

Quand il fut prêt, je m’imagine que vous vîtes un membre bandé, gros, roide, rubicond, &c. en un mot digne d’une héroïne.

Tullie.

Il eſt à peu près comme celui de Cléante ; & il y a ſi peu de différence de l’un à l’autre, qu’à peine m’en ſuis-je apperçue. Il a environ onze ou douze pouces de longueur, & ſa groſſeur eſt aſſez proportionnée. Il me coucha après à la renverſe, & ſe jetta ſur moi avec impétuoſité, en me careſſant légérement les extrêmités de la partie ; puis il me friſoit le poil qui l’environne. Retirez-vous, diſois-je, vous me mettez toute en feu. Ah ! dit-il, recevez les marques de mon amour : & en diſant cela, il m’enfonça ſon Vit juſqu’aux gardes. Je ne l’eus pas plutôt ſenti au-dedans, que je m’écriai : vous me tuez, Medor. Cléante, qui n’étoit pas fort loin, accourut au bruit : Prenez garde, dit-il, qu’on ne vous entende du voiſinage ; retenez votre voix, & non pas vos feſſes.

Octavie.

Vous ſurprit-il dans la chaleur du combat ? put-il bien s’empêcher de rire, & de reſſentir quelque émotion à la vue de vos nudités ?

Tullie.

Il nous vit ; & s’appercevant que mon pied gauche, qui étoit hors du lit, touchoit à terre : Je veux vous rendre, dit-il ; un bon office ; & en même-temps il mit une chaiſe ſous ma jambe qu’il éleva : ce qui fit entrer l’inſtrument plus avant. Enſuite il donna quelques coups de main ſur les feſſes de Medor, qui étoient à découvert ; & il ſe retira de la ſorte.

Octavie.

O le plaiſant ſpectacle, que de vous voir dans cette poſture !

Tullie.

Medor s’arrêta quelque-temps immobile, & ſon membre étoit devenu furieux. Embraſſez-moi, me dit-il ma reine, & vous préparez à ſoutenir le premier choc : il y a trois mois que je n’ai approché de femme pour ſoulager mes reins ; c’eſt pour quoi vous avouerez que ma vigueur doit emporter le prix ſur celle de votre mari.

Octavie.

Pouviez-vous bien réſiſter à ſes fureurs ?

Tullie.

Sois attentive : il pouſſa auſſi-tôt avec plus de violence qu’auparavant ; & au ſixieme branle, je me ſentis le dedans arroſé d’une pluye chaude, qui me cauſa une ſi grande démangeaiſon, que, pour la diminuer, je remuai avec une eſpece de fureur, toutes les parties de mon corps : & en même-temps je fis une abondante éjaculation de ſemence. Sitôt que mon cavalier le connut, il voulut m’aider par des ſecouſſes réitérées, & plus vigoureuſes que les autres ; ce qui fit qu’il déchargea preſque auſſi-tôt que moi ; & il ſe fit alors un ſi agréable mêlange de nos ſemences ; que nous reſtâmes long-temps dans le raviſſement. Auſſi-tôt que nous fûmes revenus de cette douce léthargie, Medor me fit mille careſſes ; & ſe plaignant amoureuſement de ce que je l’avois devancé dans le ſentiment de la volupté, il me récita les vers ſuivants :

Medor étoit prêt à mourir
Entre les bras de ſa Tullie,
Que, bien-loin de le ſecourir,
Voulut auſſi perdre la vie :
Attends, lui dit-elle, un moment,
Qu’une pareille mort me vienne ;
Nous en mourrons plus doucement,
Si ma mort ſe mêle avec la tienne.
Alors elle perdit la voix ;
Medor dès long-temps aux abois,
Acheva bientôt de la ſuivre ;
Et cette fin leur plut ſi fort,
Qu’ils ne commencerent à vivre,
      Que pour mourir encor de cette douce mort.

Je t’aſſure, Octavie, que je goûtai cette fois-là un plaiſir parfait, & que jamais homme n’a ſi bien éteint le feu de ma concupiſcence, que Medor. C’eſt un Héros, c’eſt un Hercule, d’être ſi vigoureux dans ſa tendre jeuneſſe.

Octavie.

Mais quoi, Tullie, étiez-vous tellement raſſaſſiée, que s’il ſe fût préſenté un nouveau combattant, vous l’euſſiez refuſé ?

Tullie.

Oui certes, une nouvelle attaque m’auroit plus cauſé de dégoût que de plaiſir ; & je crois même que dans les embraſſements de Jupiter, je n’aurois pu trouver de volupté.

Octavie.

On dit que tout animal après l’action amoureuſe, eſt triſte : eſt-il vrai, ma couſine ?

Tullie.

Aſſurément : je t’en dirai la raiſon une autre fois ; mais je te puis aſſurer à préſent qu’il n’en fut pas de même de Medor. Il avoit le viſage le plus gai du monde ; ſa vue ſeule m’inſpiroit de l’amour : il n’avoit pas encore ôté le pied de l’étrier, qu’il me récita les vers que tu as entendus, & me témoigna par mille careſſes, qu’il étoit tranſporté de joie d’avoir joui avec tant de plaiſir des biens qu’il avoit ſi ardemment deſirés. Il appella Cléante, pour lui faire part de ſon bonheur ; mais je me tirai adroitement d’entre ſes bras, & me débarraſſai de tous deux. Ce qui m’inquiéta néanmoins un peu, c’eſt que de cette grande quantité de ſemence, dont Medor m’avoit arroſée, je n’en ai pas ſenti couler une goutte au-dehors : je ne ſais ce que cela veut dire ; ſi je devenois groſſe, j’en ſerois au déſeſpoir, car j’aime beaucoup Oronte.

Octavie.

Et de quoi avez-vous peur ? arrive ce qui pourra, le mariage cachera tout.

Tullie.

Tu as raiſon, c’eſt ce qui me conſole ; car ſans cela le mal ſeroit ſans remede.

Octavie.

Que cela ne t’inquiete point, ma chere Tullie ; penſe ſeulement à me faire le récit de ce qui t’arriva à Rome, & apprends-moi quels furent tes divertiſſements.

Tullie.

Je le veux, ma mignonne. Tu ſauras donc qu’Oronte étant allé à Rome pour terminer un procès qu’il avoit avec Ortobon notre parent, il tomba ſi dangereuſement malade, que les Médecins l’abandonnerent & déſeſpérerent de ſa vie. J’en reçus la nouvelle avec bien du chagrin, & je partis en toute diligence pour l’aller trouver. Mon voyage fut heureux pour lui : car je le tirai du péril où il étoit, & il doit à mes ſoins le recouvrement de ſa ſanté ; auſſi ne le nie-t-il pas. Sitôt donc qu’il fut hors de danger, je penſai à me divertir l’eſprit, afin de le tirer, par les plaiſirs, de la mélancolie où il avoit été plongé pendant trois mois. Il venoit ordinairement dans la maiſon où j’étois, une vénérable Matronne, qui s’appelloit Urſine ; elle étoit entre deux âges, & d’une fort noble famille. Comme j’étois étrangére, & que je n’avois aucune habitude dans la ville, la néceſſité m’obligea de faire connoiſſance avec elle : je la trouvai fort ſpirituelle, & ſon entretien me plaiſoit tant, que ſouvent je la priois de coucher avec moi, afin d’en jouir à mon gré. Une nuit entre les autres, que nous cauſions en attendant le ſommeil, l’amour me mit dans un tel état, que, tout d’un coup je devins toute en feu. Ma compagne, à qui l’âge avoit donné de l’expérience, s’apperçut de ce changement, & vit bien par mes mouvements continuels, que ma penſée étoit du côté de la chair. Elle m’interrogea & je ne lui cachai rien de ce que je reſſentois : Ah ! ma chere lui dis-je, d’un ton languiſſant, je n’en puis plus : je ſens revivre dans mes veines un feu qui me brûle ; & s’il eſt d’auſſi longue durée qu’il eſt violent, je ne ſais quel en ſera l’évenement. La bonne Dame amie de nature, & ſenſible s’il en fut jamais aux maux de la jeuneſſe, fit ſon poſſible pour me ſoulager. J’ai conçu trop d’affection pour vous, me dit-elle, pour vous en refuſer des marques dans cette occaſion : je ſais qu’il n’y a qu’un remede qui puiſſe vous guérir, & ſi vous voulez, je vous ferai goûter demain les plaiſirs amoureux avec les plus aimables Gentilhommes dont vous puiſſiez ſouhaiter les embraſſements. Acceptez cette offre, continua-t-elle, ſi vous êtes ſage ; cela n’ôtera rien à votre honneur ni à votre réputation : remettez-vous ſeulement entre mes mains, & vous abandonnez à ma conduite.

Octavie.

Que répondis-tu à cette officieuſe Matronne ?

Tullie.

Je la remerciai de la part qu’elle prenoit à mon chagrin, & lui dis, que puiſqu’elle étoit ma caution, je ne ferois point de difficulté de la ſuivre par-tout, & de faire ce qui lui plairoit. Elle fit apprêter le matin un petit dîner compoſé de fort bonnes choſes, mais qui n’étoient pas en grande quantité : elle ne me permit pas de manger beaucoup ; & auſſi-tôt que je fus ſortie de table, elle me lava le ſein, le ventre, les reins & les feſſes avec une eau de fort bonne odeur. Pour la partie qui devoit être la plus attaquée, elle me la frotta avec de l’huile de myrrhe ; elle me revêtit enſuite d’un manteau de ſoie blanche ; il étoit ſi fin & ſi tranſparent, que je croyois plutôt, être environnée d’une nuée brillante, que couverte d’un habit. Cela fait, nous montâmes en carroſſe, & nous allâmes toutes deux dans une maiſon de plaiſance à quelques milles de Rome. C’eſt un lieu embelli de fort beaux jardins ; toute l’année y eſt un printemps continuel, & on y voit des labyrinthes dont les iſſues ſont ſi difficiles, que Flore & Vénus y peuvent rire & prendre leurs plaiſirs en toute liberté. D’abord que je fus arrivée à la maiſon, je fus conduite dans un cabinet ſecret, où la lumiere avoit de la peine à entrer. Au reſte ce lieu étoit admirable pour favoriſer la pudeur d’une fille, & la hardieſſe d’un garçon.

Octavie.

Voilà juſtement comme il faut les lieux de plaiſir ; mais continue.

Tullie.

Je vis d’abord une Matronne avec un viſage modeſte & poſé, qui dit, en s’adreſſant à Urſine : Je ferai en ſorte, Madame, que votre jeune fille aura ſujet d’être ſatisfaite, & qu’elle ſe croira obligée de vous marquer ſa reconnoiſſance des bons traitements qu’elle aura reçus. Diſant cela, elle me prit par la main, & fit ſigne à Urſine de ſe retirer ; elle me mena dans une chambre richement parée ; & après avoir fermé la porte ſur nous : Il faut, me dit-elle, ma fille, que je vous apprenne ce que vous devez attendre, & à quoi vous devez vous préparer. Vous n’êtes plus maîtreſſe de vous-même, & vous êtes deſtinée pour quatre vigoureux Athletes, qui doivent entrer en combat avec vous. Il y a un François, un Allemand & deux Florentins ; ils ſont fort connus de Madame, (parlant d’Urſine) & tous quatre fort bons amis. Ah, Dieux ! ma bonne mere lui dis-je, je ne puis pas réſiſter à tant d’hommes : il n’en faut qu’un ; renvoyez les autres : faites que ce ſoit un duel, & non pas un combat que j’aye à ſoutenir. Hélene c’étoit le nom de cette vieille) ſourit de ma ſimplicité, & je vis auſſi-tôt entrer les quatre perſonnages dont il étoit queſtion. Leur préſence me troubla extrêmement, & la couleur m’en monta au viſage. Faites choix, me dit-elle, de celui que vous voulez favoriſer le premier, & preſcrivez aux autres l’ordre & le rang que vous ſouhaitez qu’ils tiennent. Je fus donc obligée d’obéir, & je donnai au François appellé Acaſte, mon mouchoir pour ſigne de préférence, puis j’ordonnai qu’au François ſuccéderoit Marius ; à Marius, Conrad ; & à Conrad, Fabrice. Voilà l’ordre qu’ils reçurent de moi. Après cette déclaration, Hélene ſonna la charge. O vous, dit-elle, braves & généreux Cavaliers, mettez aujourd’hui tout ce que vous avez d’eſprit en uſage ; apprenez à cette aimable fille en combien de façons on peut goûter le plaiſir de Vénus.

Octavie.

Pauvre Tullie, que je te plains ! n’appréhendois-tu point de ſuccomber dans ce combat ; & la vue de quatre piques dreſſées contre toi, & prêtes de te percer de part en part, ne te cauſoit-elle point de frayeur ?

Tullie.

Tu vas donc tout entendre. Acaſte commença le premier. Me prenant par la main, après m’avoir baiſée fort tendrement, il me mena dans un coin de la chambre couvert d’un grand rideau de ſoie. Il n’y avoit point d’autre commodité qu’un petit lit de damas bleu, auprès duquel étoit une lampe, dont la lumiere foible & tremblante ſembloit être complice de l’action que j’allois faire.

Je n’étois preſque pas encore arrivée dans cet endroit, que Fabrice ſe fit entendre à Acaſte : Mon ami, dit-il, dépêche-toi, fais vîte, je n’en puis plus. Un peu de patience, reprit Acaſte, cela ſera bientôt achevé.

Octavie.

Que diſois-tu à tout cela ?

Tullie.

Hélas ! rien ; & comme je ſuis naturellement honteuſe, je fus ſi interdite de ce dialogue, que je ne ſavois à quel ſaint me vouer. Acaſte me pria de m’étendre ſur le lit ; mais comme je faiſois la ſourde, d’une main il me renverſa & de l’autre il me leva ma jupe. Ah Dieux ! que direz-vous de moi, qui ai toujours mené une vie ſi pure & ſi honnête ? n’aurez-vous pas lieu, lui diſois-je, de me mépriſer, ſi je vous donne tant de liberté ? Ah ! que cette pudeur eſt importune ! Défaites-vous-en, reprit-il, & penſez que vous n’êtes pas la premiere avec qui nous avons pris ce divertiſſement. Les Dames de la plus haute qualité ont paſſé par nos mains ; leur honneur & leur réputation n’ont rien perdu pour cela de leur éclat, & elles n’ont pu recevoir de reproches d’une action qui n’étoit ſue que d’elles-mêmes. Il quitta en même-temps ſes caleçons, & me fit voir un gros Vit, dont la tête extrêmement rouge & animée me menaçoit d’un furieux combat. S’étant donc jetté ſur moi, il m’enfila, & pouſſa enſuite le plus vigoureuſement qu’il put. Il ſe remuoit avec une agilité & une adreſſe merveilleuſe : pour moi, j’étois immobile. Ah ! charmante Tullie, me dit-il, vous êtes : plus ſavante que vous ne voulez paroître ; favoriſez-moi tout au moins, à préſent que je ſuis prêt de finir cette attaque. Je lui obéis ; mais je n’eus pas ſitôt remué le derriere, que je me ſentis en même-temps arroſée d’une douce liqueur, qui me ravit juſqu’au ciel. Ce fut alors que je me dépouillai de toute ma pudeur ; je n’eus égard ni à l’honneur, ni à l’honnêteté ; je perdis même le ſouvenir de ce que j’étois ; & parmi cette confuſion de plaiſirs, je déchargeai avec des tranſports extraordinaires.

Acaſte n’eut pas plutôt fait ſon affaire, qu’un autre prit ſa place ; ce fut Conrad : c’étoit un bon Allemand, mais fort groſſier. Avec votre permiſſion, Madame, me dit-il en m’abordant, je m’abſtiendrai de paroles, & ne vous parlerai que par les effets. Il m’enconna là-deſſus ſans grande cérémonie ; & à la quatrieme ou cinquieme ſecouſſe, le chatouillement de la décharge de ſa ſemence, cauſa une ſeconde éjaculation de la mienne. Pourquoi, Conrad, lui dis-je, n’avez-vous pas ſuivi l’ordre que j’avois donné ? vous ſavez bien que Marius devoit venir le ſecond. Cela eſt vrai, reprit-il, mais nous ſommes ainſi convenus ; les Florentins viendront enſemble : je crois même, pourſuivit-il, qu’ils chercheront la volupté dans un chemin différent du nôtre ; car cette nation traite les François & les Allemands d’inſenſibles, de ce qu’ils ont horreur de prendre ailleurs leur plaiſir que dans la vie ordinaire.

Conrad ne ſe fut pas plutôt retiré, que voilà les deux Florentins qui viennent. Après quelques petites badineries de part & d’autre. Levez vos jambes, aimable Déeſſe, me dit Fabrice ; je les levai : alors il ſe coucha ſur moi, & m’enfonça ſon membre juſqu’aux gardes. Marius cependant me tenoit toujours les cuiſſes élevées ; & mettant ſes mains ſur mes hanches, il me remua les reins avec une vîteſſe incroyable. Je t’avoue, Octavie, que cette ſorte de mouvement eſt bien luxurieuſe, qu’elle cauſe un plaiſir extrême. Ah ! doucement, je brûle, leur criois-je, & je ſentis en même-temps la décharge de Fabrice, qui ne me cauſa pas peu de volupté. Il n’eut pas plutôt levé l’ancre, que Marius prit ſa place. Son inſtrument étoit ſi enflé, qu’il reſſembloit plutôt à un tiſon de feu, qu’à un membre de chair. Je vous prie, Madame, me dit-il, de vous tourner.

Octavie.

Ah ! je vois déja ce qui en arrivera.

Tullie.

Je me tournai comme il voulut. Sitôt qu’il eut vu mon derriere, dont la blancheur & l’embonpoint ont quelque choſe d’aimable : Ah ! que cette partie me découvre de beautés, me dit-il ; mettez-vous, ma Déeſſe, ſur les genoux, & courbez tout le reſte du corps. Je baiſſai donc la tête, & élevai mes feſſes ; on vit alors les deux chemins qui conduiſent au plaiſir, dont l’un eſt chaſte & honnête, & l’autre défendu. Par où irez-vous, dit Fabrice ? Par où vous êtes déja allé, reprit Marius : & en même-temps il me perça ſi vigoureuſement, que je crois qu’il toucha le fond de ma matrice. Cependant il me manioit les tettons, & me preſſoit avec tant de chaleur, que je ſentis dans un moment couler ce divin baume qui nous donne la vie. La quantité de ſemence dont il me remplit, me cauſa un ſi grand chatouillement, que je fis une ſi copieuſe décharge, qu’elle épuiſa toutes mes forces, & m’affoiblit plus que les trois autres qui avoient précédé. Voilà, Octavie, la quatrieme ſcene du premier acte de cette comédie.

Octavie.

J’avois conçu une mauvaiſe opinion de la poſture où Marius vous avoit fait mettre ; mais je me ſuis trompée. Je ſais que les Florentins ſont fort ſujets à entrer par la porte de derriere : ils diſent que c’eſt-là où l’amour le plus délicieux prend ſes ébats ; & ils aiment paſſionnément les filles, qui, pour leur complaire, veulent bien ſe métamorphoſer en garçons.

Tullie.

Je l’ai expérimenté, & je te dirai comment ils s’y prennent. Acaſte & Conrad vinrent donc dérechef ; ils mirent l’oiſeau dans le cage, & le même ramage s’en ſuivit. Un peu après, Hélene entra, & dit à Marius & à Fabrice de faire en ſorte que je n’euſſe point de ſujet de me plaindre d’avoir été ſouillée par le derriere ; qu’il leur étoit bien permis d’y faire leur entrée ; mais qu’il leur étoit rigoureuſement défendu d’y répandre la ſemence ; que s’ils étoient ſi téméraires que d’aller contre cet ordre, ils auroient Urſine pour ennemie. La bonne vieille m’exhorta enſuite à me préparer à de nouvelles attaques ; mais avant que de les commencer, ils vinrent encore tous quatre, & entrerent dans la place par la brêche la plus large, & ce fut l’acte huitieme du Quartumvirat. Comme j’aimois beaucoup Acaſte, j’eus la penſée de lui donner la primauté dans ces attaques inconnues, dont Hélene m’avoit parlé, & où elle vouloit qu’on me dépucelât.

Octavie.

Les Florentins diſent que la virginité d’une fille ſe trouve à plus d’un endroit, & qu’on la perd de plus d’une maniere.

Tullie.

Je parlai donc à Acaſte ; mais il me querella vivement, & me dit que je lui faiſois un ſenſible affront de lui offrir un préſent de cette nature. L’unique grace, me dit-il, que je vous demande, c’eſt que vous vous mettiez en état que je puiſſe contempler à mon aiſe votre divine beauté. Pour le ſatisfaire, je quittai mes habits. Cela fut bientôt fait, parce que je n’avois qu’une ſimple veſte de taffetas & ma chemiſe, qu’il me tira lui même. Il ſe jetta enſuite à mon col, il me conſidéra long-temps ainſi nue, me mania par-tout ; & les baiſers qu’il donna à toutes les parties de mon corps, furent ſi tendres & ſi enflammés, qu’il ſembloit qu’il me voulût dévorer. Après ces careſſes qui n’étoient que les entr’actes de la piece, il acheva ſon perſonnage fort galamment, & en véritable héros. A Acaſte ſuccéda Conrad, qui eut bientôt joué ſon rôle : il fut ſuivi des deux Florentins, qui m’ayant apperçue toute nue, firent voir par leurs cris de joie, combien cette ſurpriſe leur étoit agréable. Marius, après m’avoir bien conſidérée de tous côtés : Couchez-vous, me dit-il ſur le ventre, & nous faites voir vos belles feſſes. Moi qui me doutois bien de leur deſſein, je les priai tous deux d’avoir pitié de moi, & de conſidérer mon ſexe ; ils furent inſenſibles à mes prieres. A quoi bon tant de façons, dit Fabrice ? vous qui avez tant d’eſprit, & qui l’avez cultivé par l’étude des belles-lettres, pourquoi faites-vous difficulté de nous accorder ce que les plus nobles & les plus galantes Dames de Rome ne nous ont pas refuſé ? Ah, Fabrice, lui dis-je, la ſeule penſée m’en fait horreur ; outre que n’étant point accoutumée à cette ſorte de combat, il eſt ſur que j’y ſuccomberai. Ah, que vous faites la précieuſe ! interrompit Marius ; il y a une infinité de filles plus jeunes & moins fortes que vous, qui y ont bien réſiſté, & qui ſe ſont rendues recommandables parmi les hommes par cet uſage de leur corps. Eſt-ce que la virginité du derriere vous doit être plus chere que celle du devant ? pour moi je crois que l’une vaut bien l’autre. Enfin, Octavie, tout ce que je pus dire à ces furieux pour les fléchir, ne ſervit de rien. Marius braqua ſon canon près de la fortereſſe ; & malgré toutes mes réſiſtances & les deux demi-lunes qui en couvrent l’entrée, il enfonça la porte de derriere, & s’en rendit par ce moyen le maître. Jamais je n’avois logé un ſi mauvais hôte, il me mit toute en feu. Après quelques courſes fort précipitées, il ſortit d’où il étoit entré, avec rudeſſe ; & cette ſortie ſe fit avec tant de violence, que je ne pus retenir mes cris. Pour m’appaiſer, il ſe retira promptement dans le lieu de ſa retraite ordinaire, & m’y remplit d’une manne celeſte, plus douce mille fois que le nectar des Dieux. Marius ayant de la ſorte fini les attaques, Fabrice s’avança la pique à la main ; on eût dit à le voir, qu’il ne vouloit conſidérer que les avenues : mais je fus trompée ; car toutes ſes courſes ne furent point inutiles. Il m’attaquoit en vrai Capitaine, & il vouloit ſe ſaiſir des dehors, pour mieux ſe rendre maître du dedans ; ce qui lui réuſſit très-bien : car il entra peu après dans la place. Il n’y fit pas long ſéjour, & ſe divertiſſoit ſeulement à en faire de temps en temps quelques ſorties ; juſques à ce que ces mouvements continuels l’ayant extraordinairement échauffé, il fut obligé de prendre ſon repos dans le même endroit que Marius, & termina ainſi ſa campagne.

Octavie.

La deſcription que tu viens de faire de ces dernieres attaques, m’a infiniment plu ; & le tour que tu as donné à l’hiſtoire, pour en cacher la difformité, m’a ſemblé fort ſpirituel : mais y trouvois-tu du contentement ?

Tullie.

Le plus grand plaiſir que-j’y pris, me fut donné par Fabrice ; car le jeu qu’il faiſoit de ſon membre autour de mes feſſes, joint aux fréquentes entrées & ſorties qu’il fit de mon derriere, me cauſerent une démangeaiſon qui me plut beaucoup. Ce qui me fait croire que je n’aurois pas beaucoup de peine à m’accoutumer à ce badinage. Mais Dieu m’en préſerve ! & je ſerois bien fâché qu’Oronte fût jamais atteint de cette folie.

Octavie.

Confeſſe-moi ingénuement s’il n’a jamais uſé ſur ton derriere, des mêmes droits que ces Meſſieurs.

Tullie.

Je t’avouerai tout.

Octavie.

Je te dirai pareillement ce qui m’eſt arrivé ſur ce ſujet.

Tullie.

Tu ſauras donc qu’un mois après que je fus mariée avec Oronte, l’amour l’échauffa un jour après-midi plus que de coutume ; qu’il ſe mit tout nud dans la chambre, & voulut que je fiſſe de même… J’entends quelqu’un ; prête l’oreille.

Octavie.

Ah ! c’eſt Cléante & Medor ; je les entends parler…

Tullie.

Oui, ce ſont eux : courage, ma mignonne, tu vas jouer un joli jeu ; je ſuis ravie de ce que nous ſommes encore au lit.

Octavie.

Ah, Dieux ! je n’oſe y penſer.

Tullie.

Soyez le bien venu, Medor : voici une jeune Dame, infiniment aimable & ſpirituelle, s’il en fut jamais ; vous n’en ſauriez trouver une plus digne de votre amour.

Médor.

Hélas ! je connois parfaitement mon bonheur, & la ſeule préſence de Madame me cauſe de ſi doux mouvements, que j’en ſuis preſque hors de moi-même. Ah ! que vous êtes aimable, belle Octavie ! accordez moi un baiſer.

Octavie.

Ah, que vous êtes incommode ! vous ne vous contentez pas d’un baiſer : vous en venez encore aux attouchements. Si vous ne vous retirez, je vais me lever pour m’enfermer dans le cabinet.

Médor.

Ah, Dieux ! que j’apperçois de beautés ſous cette chemiſe voltigeante ! Ah, Octavie ! ſi vous étiez moins cruelle, vous en ſeriez plus aimable, & moi plus heureux. Eh, de grace, pourquoi vous retirez vous ſi vîte ?

Tullie.

Où vas-tu donc, folle ; où cours-tu ainſi toute nue en chemiſe ? Arrêtez-la donc, Medor ; demeurez-vous les bras croiſés ?

Cléante.

Eh quoi ! Octavie, ne ſavez-vous pas que la colere eſt ennemie de la beauté des Dames ? Quel ſujet avez-vous d’agir de la ſorte avec Médor ? toutes ſes violences vous doivent être douces, puiſqu’elles n’ont que votre plaiſir pour fin. Bon, voilà qui eſt bien, remettez-vous au lit.

Octavie.

Le voilà qui me tient déja ; ah, comme il pouſſe ! Ah, ah ! je le veux bien à préſent ; je conſens à tout ce que vous ferez. De grace, un peu de trêve, afin que je me mette dans une poſture plus commode ; déshabillez-vous cependant.

Médor.

Voilà qui eſt fait : quoi ! vous vous cachez encore entre les draps ? je ſaurai bien y vous trouver. Ah ! je vous tiens à préſent ; embraſſez-moi bien, comme je fais.

Cléante.

Vous ne prenez pas garde, Octavie, qu’un de vos pieds touche la terre ; je vais le relever : que cela ne vous trouble point, Médor.

Octavie.

Cléante, laiſſez-moi en repos ; ah, que vous êtes badin ! pourquoi me gratter ainſi les pieds ? Eh, eh ! Et vous Medor, que vous me ſecouez rudement ! Ah ! je me meurs, je n’en puis plus.

Tullie.

Ça donc, Médor, dépêchez-vous vîte, vîte ; ne voyez-vous pas comme la pauvre enfant tombe en défaillance ? Je vais cependant vous chatouiller ces deux globes de chair, afin que, par une prompte décharge, ils rendent la vie à cette belle mourante.

Octavie.

Courage, mon cher Médor, ne m’épargnez point : ah ! que cette premiere ſecouſſe m’a plu, & cette ſeconde, & cette troiſieme, & celle-ci, & celle-là ! Ah, que vous me chatouillez agréablement ! que cette liqueur eſt douce ! Ah ! vous me répandez la vie par-tout le corps.

Tullie.

Eh quoi, Octavie, eſt-ce que tu es auſſi ſeche qu’une pierre ? tes canaux ſpermatiques ſont-ils bouchés ? d’où vient donc qu’ils ne coulent point ?

Octavie.

Ah, taiſez-vous, Tullie, je n’en puis plus, je décharge : ah, ah !

Tullie.

Excitez-la encore ; Medor ; repouſſez, avancez : fort bien, fort bien.

Octavie.

Ah ! vous avez penſé me ſuffoquer par cette ſecouſſe, & par celle-ci encore : ah ! je me ſens un peu ſoulagée de l’ardeur de ce feu que vous aviez allumé dans mes reins. Mais quoi ! vous diſtillez encore ! ah, que votre nerf eſt lubrique ! eſt-ce que ce plaiſir ne finira point ? Ah ! je crois que du Con d’une jeune fille, vous en voulez faire un torrent de ſemence.

Cléante.

Fais vîte, Medor, je n’y ſaurois plus réſiſter : je creve ; & le comble de la félicité où je te vois, me rend malheureux.

Octavie.

Ah ! je me pâme, mon cher Medor ; & la langueur où je vous vois, acheve de me tuer. Eſt-ce que vous voulez ſitôt quitter la partie ?

Tullie.

Voilà notre dégoûtée ! qu’appelles-tu ſitôt ? Je crois que Jupiter même ne pourroit pas te contenter, quand il ſe changeroit en pluie. Si tu es ſi échauffée, regarde le membre de Cléante, comme il bande ; il eſt tout en feu.

Cléante.

Soyez moi-favorable, aimable Octavie ; & vous auſſi, Tullie.

Tullie.

Eh bien, que voulez-vous que nous faſſions toutes deux ?

Cléante.

Je deſire que pendant que je manierai les tettons d’Octavie, elle avance & recule les feſſes d’un mouvement prompt & égal ; & vous, Tullie, qu’avec votre belle main, vous me grattiez doucement la peau de la bourſe qui renferme votre tréſor. Je ne vous demande cela, qu’afin que cette belle enfant ſoit arroſée avec abondance, & puiſſe goûter à longs traits la douceur de ce plaiſir extatique.

Tullie.

Faites votre devoir, badin ; nous ferons le nôtre.

Octavie.

Ah ! Cléante, que vous êtes inhumain ! vous me crevez. Je m’en vengerai, mes ſecouſſes répondront à toutes les vôtres, & ſeront encore plus vigoureuſes. Hem, hem, fais-je bien ? cela vous plaît-il ?

Tullie.

Ah ! vous faites merveilles, Cléante ; & toi, Octavie, il ſemble que tu ailles rendre l’ame.

Octavie.

Que vous êtes importune, Tullie, avec votre babil ! à quoi bon diſtraire ainſi mon eſprit de la contemplation d’un ſi doux objet ? Ah ! baiſez-moi, mon cher Cléante ; ah, que vous avez une langue qui eſt lubrique ! certes, elle eſt auſſi laſcive que les autres parties de votre corps. Bon, redoublez ; ah ! je crois que vous déchargez ? ah ! je ſens, je ſens… & moi, & moi, auſſi.

Tullie.

Et toi, & toi auſſi : ah, que tu es laſcive, petite Couſine ! Mais vous, Medor, à quoi rêvez-vous-là ? à quoi penſez-vous ?

Medor.

Patience, reprit-il ; (en montrant ſon Vit) celui-ci vous le dira.

Tullie.

Ah, Dieux ! comme il eſt crû dans un moment ! il eſt plus furieux que jamais. Il faut avouer que vous êtes infatigable : mais ne voulez-vous

pas donner un peu de repos à Octavie ?
Medor.

Nous goûtons le même repos, & endurons les mêmes fatigues.

Cléante.

Allons, Medor, occupez ce champ de Vénus, où Mars même ſe croirait heureux de deſcendre pour combattre.

Medor.

Quoi ! vous fuyez, Octavie ?

Octavie.

Non, je ne fuis pas ; mais je ſouhaite me rafraîchir, & reprendre un peu haleine.

Tullie.

Cela n’eſt pas néceſſaire ; tu n’as qu’à réveiller ton appetit perdu par quelque nouvelle poſture : ta langueur n’eſt qu’un dégoût, elle ne vient pas de plénitude : Il faut aſſaiſonner le plaiſir de Vénus en tant de façons, que le dernier que nous prenons, nous en faſſe toujours goûter de nouveaux.

Octavie.

Ah, Dieux ! comme Medor bande ! veut-il m’attaquer dérechef, quoique je ſois vaincue ? quelle gloire pourra-t-il tirer de ſa victoire ? Et toi, Tullie, je ne ſais pas ce que tu appelles aſſaiſonner le plaiſir en diverſes façons : pour moi, je n’y ai jamais vu faire qu’une façon.

Tullie.

Je m’en vais te l’apprendre. Remarque bien comme j’éleve mes feſſes, en courbant le reſte de mon corps ; mets-toi maintenant à la renverſe ſur moi, de maniere que notre dos ſoit l’un contre l’autre, & que nos feſſes ſoient auſſi jointes enſemble : de plus, ouvre un peu les cuiſſes, & appuye tes pieds ſur le lit, afin de me ſoulager de la peſanteur du fardeau.

Octavie.

Certes, Tullie, tu n’auras pas aſſez de force pour ſoutenir un ſi rude poids, particuliérement lorſque Medor ſe jettera ſur moi ; je veux pourtant bien t’obéir.

Medor.

Je vous ſoulagerai, Tullie, tant que mes forces le permettront. O poſture luxurieuſe ! ah, je n’y puis plus réſiſter ; & la vue de tant de beautés me met déja tout en feu.

Octavie.

Ah ! Medor, mon cher Medor, que n’entrez-vous ? la porte eſt ouverte, vous ferez vos compliments au-dedans. Bon, voilà qui eſt bien ; vous m’avez déja ſoulagée d’une étrange démangeaiſon que je ſentois dans les reins !

Tullie.

Remue les feſſes, Octavie, comme moi ; donne-leur la même cadence : fort bien. Ah ! que ton derriere eſt chaud ! tu m’excites à la décharge.

Medor.

Courage, continuez, mes Déeſſes ; ah ! vous me comblez de plaiſir : je n’en puis plus, je vais rendre l’ame.

Tullie.

Pouſſe les feſſes en-haut, Octavie, & réponds par ce mouvement à mes agitations & aux ſecouſſes de Medor.

Octavie.

Tullie, ah, Tullie, ah, Medor ! vous me mettez en fureur, je ne puis m’empêcher de crier. Le moyen de me contenir ! je ſens… ah ! je ſens couler, ah, ah, couler une pluye.

Tullie.

Une pluye ?

Octavie.

Oui, une pluye que Danaé préféreroit à la pluye d’or de ſon Jupiter : continue, Tullie.

Tullie.

Je m’acquitte de mon devoir.

Octavie.

Quoi ! déja deux fois, Medor ? & moi auſſi deux. Non, ah, ah, je décharge encore ; ce ſont trois : ah ! c’eſt aſſez.

Medor.

Je ne crois pas, adorable Octavie & charmante Tullie, qu’on puiſſe trouver deux Dames plus ſavantes & plus luxurieuſes que vous ; il eſt impoſſible de goûter plus parfaitement le plaiſir, quand même on jouiroit des Graces toutes nues : je veux mourir, ſi Vénus même, qui eſt l’inventrice de tout ce qu’il y a de plus piquant dans la volupté, eût pu jamais s’imaginer une poſture ſi ingénieuſe que celle que vous avez inventée.

Cléante.

Voulez-vous, Octavie, l’expérimenter avec moi ; tenez ferme ; Tullie ? & vous, la belle, demeurez-là.

Tullie.

Je le veux bien : mais je ſens une ſi grande laſſitude répandue par tout le corps, que je crains de ſuccomber, avant que vous ayiez achevé.

Octavie.

Ah, vous m’avez enconnée avec trop de violence ! j’aurois reçu plus de plaiſir, ſi vous étiez entré plus doucement. Mais je vous le pardonne, pourvu que vous vous acquittiez bien du reſte : voilà qui va bien ; continue, mon cœur, tu me ravis.

Tullie.

Arrêtez, Cléante, vous ſecouez trop rudement ; conſidérez que je ſuis laſſe : faites vîte, je ne puis plus vous ſoutenir ! Ah ! je tombe, je tombe, les forces me manquent.

Octavie.

Que Vénus te puiſſe punir, Tullie ! tu viens de rompre le meilleur coup du monde : ah ! que j’y ai de regret. Rentrez mon cher Cléante, voilà le jardin des délices ouvert.

Cléante.

Je veux un peu conſidérer les avenues, avant que d’entrer : permettez-moi cette ſenſualité.

Octavie.

Je vous le permets : ah ! que vous êtes badin ! cela continuera-t-il long-temps ?

Cléante.

Non ; tenez, je me retire au-dedans, & préfere votre priſon à la plus douce liberté.

Octavie.

Dépêchez vîte, mon cher, je ſuis déja ravie au ciel ; pouſſez, ah, pouſſez encore plus fort.

Cléante.

Vous allez bientôt reſſentir cette divine liqueur, dont je vais vous remplir : ah, je ſuis prêt à verſer dans votre coupe, ce divin nectar des Dieux ; & à l’exemple d’un grand Prêtre de Priape, je vais vous préſenter une victime que j’arroſerai de… ah ! le voilà qui coule. Ah, ah, ah…

Tullie.

Et toi, fripponne, as-tu auſſi déchargé ?

Octavie.

Oui, Tullie. Donne-moi un baiſer, mon cher Cléante, mais un baiſer qui ſoit accompagné de tous les agréments que peut inſpirer l’amour.

Tullie.

Ah, que tu es paillarde, petite Couſine ! que tu es laſcive !

Octavie.

Il s’eſt répandu par tous mes membres une ſi grande laſſitude, que je deviens preſque inſenſible.

Medor.

Il eſt impoſſible de ſe raſſaſſier jamais avec Octavie, & ce beau cul m’inſpire de nouvelles fureurs.

Tullie.

Ne ſoyez pas ſi téméraire, que de rien faire ailleurs que dans le bel endroit.

Medor.

Toutes les parties d’une perſonne auſſi aimable qu’Octavie, ne ſont-elles pas belles ? mais laiſſons-là ces bagatelles, & venons à des choſes plus ſérieuſes. Allons, ma Vénus, préparez-vous

Tullie.

Dans quelle poſture voulez-vous qu’elle ſe mette ? Mais il m’en vient une en penſée : je me leverai, & hauſſerai tant que je pourrai la jambe droite d’Octavie, de maniere qu’elle touche le ciel du lit ; & toi, qui fais la ſérieuſe, tu étendras l’autre tant que tu pourras, tellement que l’entrée ſera d’autant plus agréable à Medor, qu’elle ſera dificile. Courage, leve la cuiſſe : & vous, Medor, montez à cheval, & faites voir comment vous avez été inſtruit dans les exercices académiques. Allons, donnez fort de l’éperon, n’épargnez pas votre monture.

Octavie.

Ah ! Tullie, que Medor fait bien voir par ſes aſſauts furieux, combien il a de déférence pour tes ordres, & combien il eſt obéiſſant ! Mais tu me fais mal ; ah ! tu leves ma jambe, & la baiſſes avec trop de violence : je crains que tu ne me bleſſes par ces mouvements ſi fréquents.

Medor.

En vérité, Tullie, vous jouez un admirable jeu. Il n’eſt point néceſſaire, Octavie, que vous vous agitiez aucunement ; il y a bien aſſez du branle que Tullie vous donne.

Octavie.

Je ne contribue en rien à tout ce badinage, que par la patience ; vous devez tout le reſte à Tullie : mais, Dieux, je me ſens déja toute pénétrée : ; eh, eh.

Tullie.

Ah, fripponne, tu décharges, je le vois à tes yeux ; c’eſt à moi à qui tu as obligation de ce plaiſir : baiſe-moi, mon petit, mon bec amoureux.

Octavie.

Ah, ah ! je fonds : arrêtez, Medor, un peu de treve, je me meurs, ah, ah ! mon cœur…

Medor.

Je défie qu’on puiſſe trouver dans l’empire de Vénus, une jeune perſonne plus laſcive que vous ; vous m’avez dévoré tout mon pauvre Vit : voyez comme il eſt flaſque ; conſidérez la pauvre figure qu’il fait : cela eſt étrange ; c’eſt pécher contre les droits de l’hoſpitalité, que de ſuccer ainſi ſes hôtes. Il eſt entré chez vous avec un embonpoint merveilleux, gros & gras, & d’une couleur qui marquoit ſa ſanté : c’eſt à vous à le mettre dans ſa premiere forme ; car il n’eſt plus reconnoiſſable.

Tullie.

Medor a raiſon ; il faut que vous le vengiez, Cléante : vous le pouvez ; car je vous ai vu boire un verre de vin mêlé de certaines drogues, qui vous auront rendu vos forces.

Cléante.

Il eſt vrai, Tullie ; & j’ai puiſé dans cette liqueur, de nouveaux feux dont Octavie reſſentira bientôt l’ardeur.

Octavie.

Je crois que vous avez deſſein de me tuer, & de m’accabler par vos jeux & vos badineries.

Tullie.

De quoi as-tu peur, ſotte ? comment veux-tu que ce qui donne la vie à tout le monde, te cauſe la mort ? Tu reves, ſans doute ; Medor, mettez ſur vos épaules cette victorieuſe héroïne.

Octavie.

Je n’en puis plus, les reins me rompent, je ne ſaurois y réſiſter davantage.

Tullie.

Tu fais bien la délicate ! obéis ſeulement. Medor, faites la correction à cette opiniâtre, donnez-lui le fouet ; bon, fort, voilà qui eſt bien.

Octavie.

Je crois, Medor, que ce n’eſt pas pour rire ! ah, Dieux ! comme vous frappez ! vous m’avez mis les feſſes tout en feu. Ah ! que vous êtes un rude précepteur ! attendez un peu, je me jetterai moi-même ſur vos épaules.

Tullie.

Allons, Medor, tenez ferme, & entrelaſſez vos bras avec ceux d’Octavie ; & toi, ouvre les cuiſſes. Approchez, Cléante ; toute cette machine ſe prépare pour vous : venez vous aſſeoir dans votre trône, mais que ce ſoit le ſceptre à la main.

Cléante.

Ouvrez donc, ma Vénus, ma Déeſſe, mon cœur, mon Amour, ouvrez vos cuiſſes, & me faites voir le chemin qui conduit à la gloire.

Tullie.

Vous voilà bien empêché, ouvrez-les vous-même.

Cléante.

Eh bien, je tiens la clef à la main : mais voici deux chemins & deux portes ; laquelle eſt-ce qui doit me donner entrée ?

Octavie.

Ah ! je vous prie, Cléante, ne cherchez rien là ; votre clef n’eſt pas faite pour une petite ſerrure.

Cléante.

Ne vous plaignez point, Octavie, je n’en veux qu’à cet endroit ; c’eſt ma partie mignonne & favorite, pour laquelle je veux employer tout mon amour. Tenez vous ferme, Octavie, je vais vous en donner de fortes preuves.

Octavie.

Ah, Dieux ! Cléante, vous êtes déja tout en ſueur, & vous n’avez rien avancé ; je crois que l’entrée eſt trop difficile de cette maniere, & cela nous fatiguera l’un & l’autre.

Cléante.

Tant mieux, mon Cœur, nous en goûterons mieux le plaiſir : je n’irai pas tout droit au ſiege de Venus ; le chemin ſera un peu en pente, & la réſiſtance que je trouverai ne fera que nous chatouiller davantage.

Tullie.

Je remuerai légérement les cuiſſes d’Octavie, & aiderai le pauvre Cléante à faire ſon devoir. Mais, Dieux, que vos ſecouſſes ſont violentes ! vous jetterez ſans doute par terre & la monture & le cavalier : doucement, modérez-vous.

Octavie.

Que le ciel te puiſſe punir, Tullie ! de quoi te mêles-tu ? pourquoi l’empêcher d’aller vîte ?

Tullie.

Ah ! friponne, tu commences à ſentir le plaiſir ; ah ! que Vénus te chérit ! Et vous, Cléante, je crois qu’on vous a noué l’aiguillette.

Octavie.

Non, non, tu te trompes ; ah ! il pleure, je le ſens, je n’en puis plus.

Cléante.

Recevez, mon cœur, ces petites gouttes de… ah, ah !… de baume qui vous gueriront.

Tullie.

Cléante, ſecouez, preſſez bien, afin qu’il ne s’en perde pas une goutte, & que toute cette liqueur précieuſe rempliſſe les vaiſſeaux de Vénus. Toi ſuce avec les levres de ton petit connaut, ce divin miel & cette céleſte ambroiſie. Ah ! on diroit, à te voir, que tu vas expirer ; courage, acheve.

Octavie.

Ah, mon cher Cléante, que tes embraſſements ſont doux, qu’ils me ſont agréables ! mais quoi, tu ne dis rien, décharges-tu encore ? l’excès du plaiſir m’empêche de m’en appercevoir…

Cléante.

C’en eſt fait, grace à Vénus. Ne croyez pas néanmoins que je ſois hors de combat ; car pour peu que je conſidéraſſe les beautés du corps d’Octavie, je ſerois bientôt en humeur d’y rentrer.

Tullie.

Medor, quittez ce précieux fardeau, & permettez à cette pauvre enfant, fatiguée de tant de combats, de réparer ſes forces par le repos. Voyez, elle ne peut preſque ſe ſoutenir ſur les jambes.

Octavie.

De grace, Medor, jettez-moi ſur le lit ; je n’y ſaurois monter toute ſeule.

Tullie.

Ne t’abuſe pas, Octavie : ce n’eſt ici qu’une treve ; tu n’en ſeras pas quitte à ſi bon marché : Medor & Cléante ont réſolu de t’enconner chacun dix fois.

Octavie.

Ah, Dieux ! ils ont trop d’amitié pour moi, pour me traiter ſi rudement ; ce ſeroit me mettre aux abois, & à deux doigts de la mort.

Tullie.

Tu as beau dire ; c’eſt leur deſſein, que de te le faire vingt fois.

Octavie.

Vingt fois, ah, Dieux ! quel monſtre ! vous me parlez d’un prodige : vingt fois !

Tullie.

Je vois bien que tu n’es pas ſi laſſe que tu veux le paroître. Tien, ils te l’ont fait l’un après l’autre ſept fois ; reſte encore trois pour chacun, & le compte ſera rond. Veux-tu ? Tu as encore les yeux frippons. Je te menerai enſuite dans une autre chambre pour te repoſer, & j’aurai ſoin que tu ayes bientôt recouvré tes forces.

Octavie.

Non, je ne le puis, Couſine, il m’eſt impoſſible.

Tullie.

Tu m’as pourtant encore la mine de le bien faire deux ou trois coups.

Octavie.

Tullie, approche-toi, je te prie, que je te diſe un mot à l’oreille.

Tullie.

Que veux-tu ? parle haut.

Octavie.

Je n’oſerois. Approche-toi donc, ma chere enfant ; je ſens une ſi grande démangeaiſon à la partie, que je n’y puis plus réſiſter : je me ſens toute en feu ; que faire à cela, ma Couſine ?

Tullie.

Ah, ah, ah, la plaiſante maladie ! C’eſt vous Cléante & Medor, qui la lui avez cauſée : ſavez-vous de quoi elle ſe plaint ?

Médor.

Dites-le nous, Tullie ; de quoi ſe plaint-elle ?

Octavie.

Ne le dites pas, Tullie, je vous en prie.

Tullie.

Ah, ah, elle dit qu’elle brûle.

Octavie.

Vous avez autant de peine à retenir votre langue, que Medor à gouverner ſon Vit : vous confier un ſecret, c’eſt mettre de l’eau dans un crible. Que vous êtes une étrange cauſeuſe ! peu s’en faut que je ne m’en fâche contre vous.

Médor.

Parlons d’autre choſe, puiſqu’Octavie eſt de mauvaiſe humeur. Vous ſouvenez-vous, Cléante, de la belle Marianne.

Cléante.

Sans doute, je m’en ſouviens ; il faudroit que j’euſſe oublié le ſervice que vous me rendîtes auprès d’elle, pour en avoir perdu la mémoire.

Tullie.

Eſt-ce cette même Marianne que vous donnâtes à Cléante ? Ah, que vous abuſâtes malicieuſement de la crédulité de cette pauvre fille, quoiqu’elle vous aimât tant !

Octavie.

Ah, que je ſerois aiſe d’apprendre cette hiſtoire, Cléante ! Medor, faites-m’en le récit, ſi vous voulez me faire plaiſir.

Médor.

Que Cléante faſſe l’hiſtorien ; ce fut lui qui profita de la ruſe.

Cléante.

Je le veux. Vous ſaurez qu’étant à Rome chez Médor, ſur la fin de l’automne, je devins éperduement amoureux de Marianne ; & la violence de la paſſion que je reſſentois pour elle fut ſi grande, que je crois que je fuſſe mort de déplaiſir, ſi je n’euſſe reçu du ſoulagement. Ce fut Medor qui me tira de cette langueur où j’étois, par la plus illuſtre marque d’amitié que j’euſſe pu attendre de lui. Il avoit conçu de l’amitié pour cette belle, & étoit aſſez heureux d’en être aimé ; & ſacrifiant tous ſes intérêts à mon amour, il gagna la gouvernante, & la perſuada de l’introduire la nuit dans ſa chambre. Celle-ci, qui s’étoit apperçue de l’inclination que la jeune fille avoit pour Medor, crut l’entrepriſe facile, & l’aſſura d’une heureuſe réuſſite ; elle en parla enſuite à Marianne, qui donna ſon conſentement. Medor apprit l’heure du rendez-vous, & l’endroit : il m’inſtruiſit de tout, & me mit en ſa place. La gouvernante ne manqua pas de venir ouvrir la porte à l’heure donnée ; elle me prit par la main, croyant que j’étois Medor, & me mena vers Marianne qui étoit couchée dans ſon lit. Je ne fus point reconnu, parce qu’il n’y avoit point de lumiere. Vous remarquerez que la chambre de la mere de Medor étoit proche de celle de Marianne, qui étoit fille de ſa ſœur.

Le ſilence nous fut recommandé par la Matrone, de crainte que la tante ne nous entendît. Elle ajouta, en me parlant à l’oreille, que le combat devoit être ſans bruit, & mes ſecouſſes fort douces, parce que j’avois affaire à une vierge ; outre que ſi elles étoient trop rudes & trop violentes, le bruit du lit découvriroit tous nos divertiſſements.

Tullie.

Que Marianne fut heureuſe cette nuit-là ! car il n’y a rien de plus doux que de poſſéder ce qu’on a long-temps deſiré, & d’en jouir à ſon gré.

Cléante.

J’entrai donc dans la chambre, où je trouvai cette jeune pucelle dans une grande impatience : je me déshabillai promptement ; & me mettant au lit, je m’étendis tout de mon long ſur elle ſans lui dire une parole. Vous ſavez, Marianne, lui dit alors la gouvernante, de quoi je vous ai avertie : ce ne ſera pas ſans ſouffrir quelque douleur, que vous ſerez dépucelée ; mais il faut être bien conſtante ; & quelque mal que vous faſſe Medor avec ſon inſtrument, endurez-le patiemment : ne dites pas un ſeul mot, ſi vous ne voulez vous perdre tous deux. La bonne Dame prit après cela mon inſtrument à pleine main, & elle en mit juſtement la tête à l’entrée de la fente de cette innocente. Elle me dit de pouſſer, je le fis, mais ſi fortement, que dans deux ou trois coups, je rompis la porte, & entrai avant de trois doigts. Cette officieuſe femme retira alors ſa main pour me gratter légérement le haut du membre, afin de l’exciter, & de le mettre en fureur par ce chatouillement.

Octavie.

Eh que faiſoit alors Marianne ?

Cléante.

Sa gouvernante lui leva d’une main les feſſes, & j’entrai alors tout entier au-dedans. Ah, ah, ah ! diſoit cette pauvre enfant en ſoupirant, pouſſez, pouſſez, Medor, vous n’êtes pas encore aſſez entré. Cependant je ſecouai d’une étrange maniere, ce qui me fit faire une ſi abondante éjaculation de ſemence, que le vaiſſeau en régorgeoit. Marianne me ſerroit amoureuſement entre ſes bras, pendant que cette pluie tomboit à gros bouillons ; elle me baiſoit tendrement, & faiſoit entendre de petits gémiſſements, ſemblables à ceux d’une tourterelle qui eſt careſſée de ſa compagne.

Tullie.

Et Mariane, ne déchargea-t-elle point ?

Cléante.

Nous fûmes tous deux pleinement ſatisfaits. Mais la douceur du plaiſir qu’elle reſſentoit par la décharge, & le chatouillement que lui cauſoit la ſortie de ſa ſemence, lui firent oublier l’avertiſſement qu’elle avoit reçu. Ces mouvements continuels, accompagnés de quelques ſoupirs & de quelques paroles qu’elle proféroit de temps en temps avec éclat, éveillerent ſa tante, qui entra auſſi-tôt dans notre chambre, pour ſavoir la cauſe du bruit qu’elle avoit entendu.

Octavie.

Ah, que je crains pour vous ! je crois que la peur vous ſaiſit dans ce moment.

Cléante.

Vous l’allez apprendre. Qu’eſt-ce que j’entends, cria la mere de Medor ? êtes-vous ſeule ? Oui, nous ſommes toutes deux ſeules, répondit la gouvernante. Je rêvois, ajouta Mariane, & je croyois voir un fantôme hideux qui me pourſuivoit à grands pas ; & comme la peur que j’en avois me faiſoit fuir, je ſuis preſque tombée du lit en m’écriant. C’eſt tout juſte, reprit ſa tante, ce que j’ai attendu : rendormez-vous ; tous les ſonges ne ſont que pures folies. Je me ſuis levée, dit la gouvernante, au bruit qu’elle a fait dans la frayeur. Vous avez bien fait, reprit-elle, demeurez encore un peu de temps auprès de ſon lit ; & afin de lui ôter cette terreur panique de l’eſprit, faites-lui le récit de quelque choſe qui la divertiſſe : pour moi, je vais me coucher.

Tullie.

Mais pendant qu’elle étoit préſente, que faiſiez-vous, quel étoit votre perſonnage ?

Cléante.

Ma pauvre Marianne me ſerroit amoureuſement dans ſon ſein, avec des embraſſements paſſionnés. Je ſuis perdue, mon cher Medor, me diſoit-elle tout bas, & peut-être vous auſſi ; cachez-vous bien juſqu’au fond du lit, de crainte de ſurpriſe, ce que je fis : tellement, que ſes feſſes me ſervoient d’oreiller & de couſſin. J’étois extrêmement touché de ſes frayeurs : mais d’abord que ſa tante fut partie, & qu’elle nous eût laiſſés en liberté, pour lui en ôter le ſouvenir, je m’étendis dérechef ſur elle ; & afin qu’elle ne reſſentît pas tant de douleur, je frottai mon inſtrument depuis un bout juſqu’à l’autre avec la pommade de jaſmin que la Gouvernante me donna. Marianne s’en ſervit auſſi pour graiſſer le dehors & le dedans de ſa partie. Le croiriez-vous, Octavie ? cette onction fut admirable ; car dans quatre ou cinq ſecouſſes que je donnai ; qui furent accompagnées du mouvement des feſſes de ma Déeſſe, nous fîmes elle & moi une ſi abondante décharge de ſemence, que nous en perdîmes en même-temps la parole, & demeurâmes l’un ſur l’autre ma bouche collée ſur la ſienne, ſans donner aucune marque de vie, que par de légers ſoupirs. Auſſitôt que nous fûmes revenus de cette extaſe, la bonne Matrone m’obligea de me retirer, & de prendre congé de Marianne. Les paroles n’eurent point de part à cet adieu ; il ne ſe fit que par les plus tendres baiſers que l’amour ſoit capable de donner & de recevoir. Voilà en abrégé comment ſe paſſerent les noces de cette Belle : elles furent heureuſes, comme vous voyez ; car cette interruption que la mere de Medor y apporta, ne ſervit qu’à rallumer nos feux.

Octavie.

La beauté de Marianne eſt-elle ſi parfaite, comme on la dépeint ? Car je me ſouviens d’avoir vu ſon portrait.

Cléante.

Marianne eſt auſſi grande qu’une fille le peut être, ſans être ridicule ; ſa taille eſt admirable, quoiqu’elle la néglige ; elle a beaucoup d’embonpoint ; ſes yeux ſont noirs & bien fendus ; ils n’ont rien de trop languiſſant, & leur douceur eſt animée par un certain feu, qu’elle ménage comme il lui plaît. Sa bouche eſt fort petite, & tous les mouvements en ſont ſi remplis de charmes, qu’elle enleve les cœurs, quelque indifférente choſe qu’elle diſe. Son teint eſt d’une blancheur vive & animée ; enfin, Octavie, elle a beaucoup de votre air. Sa gorge eſt bien remplie, & d’une élevation telle qu’il la faut pour plaire ; ſes tettons ſont fermes, blancs, & d’une groſſeur telle qu’on la peut deſirer. Ils ſe baiſent inceſſamment, parce qu’ils ſont fort près l’un de l’autre. Pour peu que j’euſſe l’ame poétique, je pourrois les comparer à deux citadelles, où l’Amour, les Graces, les Ris & les Jeux prennent leurs divertiſſements, & d’où ils bleſſent & percent de leurs fleches, ceux qui ſont ſi oſés que de former le deſſein de leur conquête. Ses feſſes ſont fermes, blanches, polies, & tout ſon derriere eſt d’une forme & d’un tour admirable ; ſes cuiſſes ſont de même : mais ce qu’il y a de plus charmant, c’eſt qu’au centre de toutes ces beautés, on voit une fente merveilleuſe qui peut paſſer pour un chef-d’œuvre de la nature. Elle étoit extrêmement petite pendant ſa virginité, mais à préſent elle eſt un peu plus large. Cette ouverture eſt environnée d’un petit poil follet qui ne fait que naître, & qui eſt plus fin que la ſoie. Cette partie de Marianne me ſembla plus élevée que celle du commun ; car comme ſon embonpoint rend ſon ventre un peu avancé, cet endroit paroît comme une piece hors d’œuvre : c’eſt la ſituation la plus avantageuſe qu’on puiſſe deſirer, pour goûter le plaiſir dans toute ſon étendue.

Tullie.

Tout ce que vous venez de dire, me paroît divin ; c’eſt plutôt la peinture d’une Déeſſe que d’une mortelle ; & il me ſemble par le portrait de Marianne, voir Vénus toute nue. J’ai ſeulement remarqué une choſe parmi tant de beautés, qui paſſe dans mon eſprit pour une imperfection ; c’eſt que ſes tettons ſe touchent : il me ſemble qu’ils ſeroient bien plus agréables, s’ils étoient ſéparés par une juſte diſtance.

Cléante.

Ah ! Tullie, ſi l’éloignement de ces deux parties a quelque agrément, ſachez que leur proximité a auſſi ſes avantages : elle eſt extrêmement voluptueuſe pour celui qui fait l’action ; elle lui échauffe bien plus l’imagination que s’ils étoient éloignés, & le plaiſir qu’on reçoit de cette ſituation doit être préférable à l’autre.

Octavie.

Eſt-il vrai, Tullie, que le voiſinage de ces deux parties ſoit une choſe ſi voluptueuſe, pour ceux qui jouiſſent de nos embraſſements ?

Tullie.

Tu l’apprendras une autre fois ; ſonge ſeulement à te mettre en état de danſer encore trois ſarabandes : tu n’ignores pas qu’il te manque encore trois coups pour aller au comble du plaiſir, & au calcul que nous avons fait.

Medor.

Tullie a raiſon, c’eſt aſſez parlé de Marianne. Préparez-vous, Octavie, à nous faire voir que vous avez encore plus de beauté qu’elle : voyez comme j’ai les armes en main ; mais je prétends entrer au combat par un nouveau chemin.

Octavie.

Par un nouveau chemin, dites-vous ? non, je vous jure, la porte en eſt fermée, & pour vous & pour tout autre ; ſans doute, vous rêvez.

Medor.

La langue m’a tourné, je voulois dire par une nouvelle poſture.

Tullie.

Bon pour cela ; quelle eſt donc cette poſture ? Je vais vous en dire une qui aura du rapport à votre inclination ; on l’appelle, le cheval d’Hector. Couchez-vous tout de votre long, Medor, & tenez votre pique la plus droite que vous pourrez. Octavie, tourne-lui le dos, comme ſi tu voulois lui montrer tes feſſes ; & t’aſſéyant ſur ſon ventre, fais entrer ce lingot d’amour dans le cabinet de tes richeſſes : prens-le à pleine main ; bon, voilà qui eſt bien.

Octavie.

Aide-moi, mon cher Medor ; hen, hen, hen, aide, je commence déja à ſentir par tout le corps un plaiſir incroyable.

Medor.

Je vous aide de toutes mes forces ; & vous, aidez-moi à me ſoulager, par le remuement de vos feſſes.

Octavie.

Je fais tant que je puis, hen, hen hen ; tant que je puis.

Tullie.

O charmants ſoupirs ; ô doux gémiſſements ! quoi, vous avez déja fait tous deux ? c’eſt trop-tôt. Octavie, pourquoi permettre à Medor de déconner ſi vîte ? Il falloit le faire demeurer plus long-temps, afin de le ſucer juſqu’à la derniere goutte : ſouviens-t-en une autre fois.

Octavie.

Je n’y manquerai pas.

Cléante.

Où fuyez-vous donc, Octavie ? quoi, vous l’avez accordé à Medor, & vous me le refuſez ! vous vous moquez de moi.

Octavie.

De bonne foi, Cléante, je n’en puis plus ; ce combat m’a tellement affoiblie, que je ne ſaurois me ſoutenir ſur mes jambes : de grace, laiſſez-moi coucher en repos ſur ce lit.

Cléante.

Quoi, vous reprenez déja votre chemiſe ? quittez-la, je vous prie, & me permettez au moins de contempler toutes les beautés de votre corps, ſi vous ne voulez pas que j’en jouiſſe : que mes yeux ſe contentent, ſi vous ne voulez pas que mes autres ſens ſe ſatisfaſſent.

Octavie.

Eh bien, j’ai quitté ma chemiſe, me voyez vous ? contemplez-moi bien, & me laiſſez après en repos.

Cléante.

O corps mille fois plus beau que celui de Vénus ! pouvez-vous, Tullie, regarder ces belles feſſes ſans les admirer ? Ah, ſouffrez que je les baiſe, & que je les manie. Ah, ah, qu’elles ſont fermes & blanches ! on diroit deux montagnes couvertes de neige, & ſéparées par une même vallée. Oui, peu s’en faut que je ne donne la préférence à ce beau-cul, par-deſſus toutes les autres parties du corps ; ah ! que ces attouchements me plaiſent & m’excitent : ah ! je n’en puis plus, je ſuis tout en feu.

Octavie.

Et moi auſſi ; voilà l’effet de vos badineries, vous m’avez miſe en un état de ne pouvoir rien vous refuſer. Mais faites vîtenent, car je fonds : quelle poſture voulez-vous ?

Cléante.

N’en changez point, & demeurez comme vous êtes : je vous enconnerai par-derriere ; car la vue de vos feſſes me charme ? Baiſſez un peu la tête ; bon, voilà qui eſt bien ; tenez-vous ferme.

Octavie.

Ah, que vous êtes entré rudement ! vous me brûlez, vous avez le membre tout en feu : vîte, & vîte, je n’en puis plus, je décharge déja ; ah, ah, Cléante, ah !…

Tullie.

Serrez-la bien avec vos deux mains ſous les hanches, & approchez ſes feſſes de votre ventre, le plus que vous pourrez : pouſſez ferme, & tirez : bon, voilà qui eſt déja fait. Ça, Medor, c’eſt à vous de ſuccéder à Cléante ; je vois que vous n’êtes pas mal en état de vous défendre.

Octavie.

Un peu de treve, Tullie, je vous en prie ; je ſuis laſſe, affoiblie, & épuiſée ; un moment de repos, je vous en conjure.

Tullie.

Bagatelles ! il y a un moment que tu faiſois la vigoureuſe, & préſentement tu fais ſemblant de n’avoir plus de forces ; à d’autres, tu te moques de nous.

Octavie.

Je crois qu’on frappe à la porte ; écoutez, Medor.

Medor.

Sans doute, j’entends quelqu’un.

Octavie.

Retirez-vous donc l’un & l’autre : adieu, Medor, adieu, Cléante, mon cœur, mon amour & mes délices : adieu !

Tullie.

Pourquoi s’allarmer ? nos maris ſont abſents, & j’ai donné ſi bon ordre aux domeſtiques, qu’ils n’ont pas lieu de rien ſoupçonner de nous ; tout eſt en ſûreté. J’entends qu’on leur parle bas ; nous ſaurons qui c’eſt, avant qu’ils partent.

Octavie.

C’eſt peut-être de la part du Gouverneur.

Tullie.

Sans doute ; car c’eſt un homme qui aime ſon divertiſſement, & qui ſe plaît à paſſer les nuits entieres à rire & à boire, avec la jeune nobleſſe de la ville. Pour moi, j’approuve fort ſa conduite ; car une vie exempte des plaiſirs de Vénus & de Bacchus, n’eſt pas une véritable vie : & cette maniere d’agir lui a attiré l’amitié de tous les honnêtes gens.

Octavie.

Il en eſt pourtant qui ne l’approuvent pas, & qui le font paſſer pour être trop libre.

Tullie.

Je ſais de qui tu veux parler : ce ſont des perſonnes entêtées de leur propre ſageſſe, qui ne louent rien qu’elles-mêmes, & qui ne peuvent approuver que les mœurs fades & inſipides : Reliquis iniqui judices, æqui ſibi. Fuyons leurs yeux, fuyons devant ces faux ſages ; ce ſont des harpies qui ont la figure humaine, & ſont ennemis de tout ce qui a la forme d’homme ; ce ſont des miſanthropes, qui, ſous les apparences d’une cenſure juſte, gâtent & ſaliſſent tout ce qu’il y a de plus beau, & rendent criminelles les actions même les plus innocentes. Bien que leur critique nous ſoit odieuſe, nous devons néanmoins nous en garder avec beaucoup de ſoin ; & au milieu même de nos divertiſſements & de nos entretiens, quand ils ſont publics, nous devons avoir beaucoup d’égard pour l’honnêteté.

Octavie.

Mais, Tullie, dis-moi un peu quelle maniere de vie eſt-ce que tu appelles honnête ? car on ne s’accorde point là-deſſus ; il n’y a rien de ſi équivoque.

Tullie.

L’honnêteté, Octavie, ne conſiſte que dans l’apparence : Honeſtum eſt honeſtum videri. Les hommes n’approfondiſſent jamais les choſes ; & comme leur eſprit eſt limité, ils ne peuvent examiner que ce qui tombe ſous les ſens. Revêtons-nous de l’apparence de la vertu dans nos actions même les plus criminelles, (pour parler ſelon nos mœurs) nous paſſerons pour honnêtes dans l’eſprit des plus ſéveres critiques, & des plus auſteres cenſeurs des plaiſirs de la vie. C’eſt à quoi, Octavie, nous devons nous appliquer, ſans imiter de certaines femmes qui vivent ſans ménagement, qui ne peuvent aimer ſans rendre leur paſſion connue, & qui ne trouveroient, pour ainſi dire, aucun plaiſir dans la volupté, ſi elles n’en faiſoient part à tout le monde. Cette conduite eſt bien dangereuſe ; car outre que notre condition nous aſſujettit à garder plus de meſures que les hommes, je trouve encore le plaiſir bien plus doux quand il n’eſt ſu que de celui avec qui je le prends, que ſi pluſieurs autres en avoient la connoiſſance : & il eſt infiniment plus agréable de ſe divertir en perſuadant au monde qu’il n’en eſt rien, que de rendre ſa paſſion publique. C’eſt-là mon ſentiment, & je trouve que c’eſt la fin & le charme le plus piquant de la volupté.

Octavie.

C’eſt une choſe étrange, que nous ſoyons obligées de nous gêner dans des actions qui devroient être entiérement libres.

Tullie.

Que veux-tu, ma pauvre enfant ; ce ſont des loix injuſtes & rigoureuſes que ces faux ſages nous ont impoſées, & deſquelles nous ne pouvons nous éloigner ſans donner occaſion à ces ridicules reformateurs, de crier contre nous, de nous accabler d’injures, & de noircir notre réputation par la médiſance la plus atroce. Pour eux, ils ſe cachent à nos yeux ; ils vont maſqués, & font tout leur poſſible pour ſe dérober à notre pénétration. Faiſons-en de même, Octavie ; ce monde n’eſt qu’une comédie : nous louons ou blâmons dans les ſpectacles, ce que les autres font & diſent ſur le théâtre ; mais de ce qui ſe paſſe derriere, nous n’en parlons point. Il en eſt de même dans la vie civile : les actions que les hommes voyent, ſont expoſées à leur cenſure ; & celles qui ſe font dans le ſecret, en ſont exemptes. Mais ſi nous voyions au-dedans de ces ſages ce qui s’y paſſe, ſi nous pouvions pénétrer juſques dans leur cœur, pour y étudier leurs paſſions, ah ! que ne découvririons-nous point dans l’intérieur de ces faux dévots, qui, ſous le voile d’une trompeuſe humilité, & d’une ſévérité de mœurs affectée, nous prêchent la vertu ! ah, que nous verrions de déſordres, de débauches, & de déréglements ! O, ſi nous les voyions ! mais finiſſons, voici Cléante.

Cléante.

Je viens vous annoncer une nouvelle. Le Gouverneur nous a envoyés prier, Medor & moi, d’aller paſſer quelques heures avec lui. Que devons-nous faire, ma Tullie ? quel conſeil nous donnez-vous, Octavie ?

Octavie.

Ce que l’honnêteté exige de vous.

Medor.

Quoi ? nous ſéparer ſitôt ?

Octavie.

J’en ſuis fâchée.

Tullie.

Il faut obéir ; les prieres des Grands doivent paſſer pour commandements ; allez-vous-en : baiſez-moi, Cléante.

Octavie.

Hélas ! mes délices s’en vont avec vous : baiſez-moi, Medor. O la plus-chere moitié de mon ame !

Medor.

Ah, que ce baiſer m’eſt doux ! mais, Octavie, donnez-moi la joie entiere.

Octavie.

Non, c’en eſt fait, je ne la donnerai pas.

Cléante.

Ni à moi auſſi ?

Tullie.

Ni à l’un, ni à l’autre ; vous êtes des importuns : cédez au temps, non pas à l’Amour.

Octavie.

Ah, que vous avez de peine à ſortir ! allez vîte, nous nous reverrons ; adieu, Cléante, adieu, Medor.

Tullie.

Enfin, les voilà partis. Eh bien, Octavie, te voilà bien abuſée ; tu croyois recevoir tout au moins vingt inondations de ſemence, & à peine as-tu été arroſée de la huitieme. Fie-toi une autre fois aux choſes de ce monde.

Octavie.

Mes forces n’étoient pas proportionnées à un ſi grand travail : j’aurois bien pu aller juſques à la dixieme ; mais c’eſt tout : car n’appelle point plaiſir ce qui fatigue le plaiſir. Croirois-tu même, Tullie, que ce badinage me tient tellement le cœur & l’eſprit alertes, que j’aurois bien de la peine à dormir quand je voudrois ? Cauſons un peu.

Tullie.

Je le veux bien, pour paſſer le temps plus joyeuſement : mais qu’eſt-ce que je vois à terre ? C’eſt un billet ; Il ſera ſans doute tombé de la poche de Cléante, ou de Medor. Tiens, fais-en la lecture.

Octavie.

Les caracteres tracés ſans art & ſans ordre, font d’abord voir qu’ils ſont de la main d’une fille.


MARIANNE A MEDOR,
Salut, &c.

Malheureuſe que je ſuis ! faut-il que je vous prévienne, & que je vous donne le ſalut que vous devriez m’avoir ſouhaité le premier ? Quel cruel deſtin vous a empêché de venir à l’heure que vous m’aviez promis, pour ſatisfaire mon amour ? En quel état penſez-vous que votre manquement de parole m’ait réduite ? Je ne puis vivre, ni mourir ; ah, que cette impuiſſance m’eſt douloureuſe ! D’un côté, je trouve que la mort eſt le ſeul ſoulagement aux maux dont mon ame eſt accablée ; & de l’autre, le ſeul eſpoir que j’ai de vous revoir, me fait ſouhaiter de vivre. Imaginez-vous donc quel combat je ſouffre, puiſque je ſuis entre la vie & la mort : ſi vous venez, je vivrai ; ſi vous ne venez pas, la mort m’eſt inévitable : n’en doutez pas, puiſqu’il n’y a que vous qui ſoyez capable de me donner des plaiſirs. Les objets qui ſeroient agréables à d’autres, me déplaiſent ; & je ſuis abſente à moi-même, depuis que je ne vous vois plus. Si vous ne venez, je ne pourrai réſiſter à tant de maux à la fois ; mes chagrins & mes inquiétudes me conſumeront, & vous aurez le plaiſir d’avoir cauſé la mort à une perſonne qui vous aime avec tant de paſſion. Laiſſez-vous attendrir, mon cher Medor, par mes prieres & par mes ſoupirs ; venez rendre la vie à une mourante, & ne mépriſez pas un amour auſſi tendre que le mien : je vous attends avec impatience. Adieu.

Octavie.

Je t’aſſure que Marianne écrit fort bien, Medor eſt heureux d’être aimé d’une fille ſi tendre & ſi ſpirituelle. Je croyois qu’il n’y avoit que Cléante qui eût eu part à ſes faveurs.

Tullie.

Tu te trompois ; & l’amour qu’elle avoit pour Medor, ne pouvoit pas être plus violent, Une nuit qu’elle étoit couchée, elle ſe trouva dans des inquiétudes extrêmes ; elle ſouhaitoit ſon amant & ne le poſſédoit pas. Sa gouvernante lui demanda ce qu’elle avoit, & pourquoi elle ne dormoit pas ? Ah ! ma chere Terence, (c’eſt ainſi qu’elle s’appelloit) ſuis-je en état de repoſer ? je vous ferois pitié, ſi vous ſaviez ce que je ſouffre. Ah, Medor, mon cher Medor, il n’y a que vous ſeul qui puiſſiez éteindre le feu qui me conſume ! En diſant cela, elle ne faiſoit que ſe tourner ; tantôt d’un côté tantôt de l’autre ? Enfin, on eût dit que ſon lit étoit d’épines, & qu’elle n’y pouvoit pas trouver une place commode pour dormir. La pauvre Terence étoit aſſez embarraſſée ; elle faiſoit tout ce qu’elle pouvoit pour la conſoler : Ce n’eſt rien, lui diſoit-elle, je vous guérirai de votre maladie ; ayez bonne eſpérance, & ne vous affligez pas par tant d’inquiétudes qui ſeroient nuiſibles à votre ſanté : je ferai en ſorte que vous aurez demain ſatisfaction. Ces paroles remirent un peu Marianne, & elle s’endormit auſſi-tôt. D’abord que le jour fut venu, Terence ſe leva, & alla trouver Medor dans ſa chambre ; elle lui raconta ce qui ſe paſſoit, & le pria de venir avec elle, pour ſoulager une pauvre enfant qui mouroit d’amour pour lui. La tante de Marianne étoit heureuſement allée le jour auparavant à une maiſon de plaiſance diſtante de Rome de deux milles. Medor ſuivit cette bonne vieille, & trouva celle qui l’attendoit avec impatience, négligemment étendue ſur le lit. Elle voulut ſe lever quand elle le vit, mais il l’en empêcha ; elle pleuroit de joie, & lui dit tout ce que l’amour qui s’eſt rendu le maître du cœur d’une femme, peut inſpirer de tendre & de paſſionné. Elle lui raconta dans quelles inquiétudes elle avoit paſſé la nuit, & le querella amoureuſement de ce qu’il étoit cauſe de tous ſes chagrins, Medor tâcha de ſe juſtifier, mais enfin la paix ſe fit entre eux du conſentement de l’un & de l’autre. Voici de quelle maniere elle fut conclue. Medor prit la cuiſſe gauche de Marianne, & la mit juſtement ſur la jointure du bras droit ; il poſa enſuite des oreillers ſous les feſſes de cette Belle, & éleva ſa cuiſſe droite ſur ſon épaule gauche. Après qu’ils furent ainſi préparés, Terence prit en main le membre de Medor, & le plongea dans un pot d’huile de ſenteurs : ce qu’elle fit avec prudence ; car le Vit de Medor eſt fort gros & fort dur quand il bande. Le Con de Marianne étoit extrêmement petit & étroit. Cela fait, Medor pria Marianne de conduire elle-même ſon inſtrument dans le lieu du combat ; ce qu’elle fit ; mais il fallut plus de ſix rudes ſecouſſes pour le faire entrer à moitié : il fit tant néanmoins qu’à la fin il le cacha tout entier. Ah ! Medor, que me faites-vous, lui diſoit-elle, tranſportée de joie ? que le plaiſir que vous me cauſez eſt grand ! ah, je n’en puis plus ! je me meurs, mon cher, & je ſens, ah, ah, cou… couler ; je ſens… de toutes mes veines ah ! je me pâme !… Et moi auſſi, dit Medor ; ah, mon amour, je fonds, ah, divine Marianne ! Ah, ah ! Quoi ? diſoit Terence, tous deux à la fois ? que Vénus vous aime ! Ils perdirent la parole pour quelque temps, & ne revinrent de leur extaſe, que pour ſe donner mille baiſers. Medor, qui croyoit être au ciel, ne voulut point déconner ; Marianne en fut ravie ; & ſe conſidérant ainſi l’un & l’autre, leur imagination s’échauffa tellement, qu’ils furent aiſes une ſeconde fois.

Octavie.

Ah ! je me ſens une démangeaiſon horrible ; tu racontes les choſes avec tant de naïveté, qu’il ſemble qu’on les touche, & qu’on les voye. Je voudrois que Medor fût ici, & qu’il le fît à Marianne. Je crois cette attitude bien voluptueuſe ! Ne l’as-tu jamais éprouvée ?

Tullie.

Ah, Dieux ! pluſieurs fois ; c’eſt ma poſture favorite : elle cauſe un plaiſir incroyable, particuliérement quand celui qui eſt de la partie, a un gros membre bien fourni & ſucculent, & que la fille ſait bien le ſeconder.

Octavie.

Je m’imagine que Marianne fit merveille de ſon côté, & que cette honnête Putain répondit amoureuſement aux ſecouſſes de ſon cavalier.

Tullie.

Tu détournes malicieuſement le ſens d’un vilain mot : apprends que l’application que tu en fais, eſt hors des regles ; & qu’on n’appelle Putains, que les femmes de la lie du peuple, qui ne s’abandonnent que pour l’argent, & non pour le plaiſir. En quelque lieu que ces vilaines aillent, elles portent toujours avec elles la ſaleté du Bordel ; elles ſont un opprobre à elles-mêmes. Il n’en eſt pas de même des perſonnes de qualité : quelque commerce qu’elles puiſſent avoir avec ceux de leur rang, on ne leur donne jamais ce nom infame ; & tu dois ſavoir que Louve, Putain, Bordel, ce ſont des termes inventés pour marquer l’ignominie de la fortune, & non pas la conduite des mœurs.

Octavie.

Laiſſons-là cette belle morale. Si je m’en ſouviens, tu avois déja couru la bague douze fois, lorſque Médor a interrompu ton diſcours ; raconte-moi le reſte de l’hiſtoire.

Tullie.

Je le veux.

Octavie.

Que Vénus puiſſe perdre Fabrice & Marius, d’avoir violé en ton endroit les loix de la Nature !

Tullie.

Ceux qui ſe piquent d’eſprit, diſent qu’il n’y a rien qu’on doive condamner dans ce plaiſir ; que le cul d’une femme n’eſt pas d’une autre nature que les autres parties de ſon corps ; qu’il n’y a pas plus de mal de lui mettre le Vit au derriere, que de le faire branler entre ſes mains. Quoi qu’il en ſoit, la choſe me paroît ridicule, ſi elle n’eſt pas vilaine en elle-même.

Octavie.

Elle me paroît ridicule & infame : car je ne ſais comprendre quel plaiſir on peut trouver dans des fureurs ſi extravagantes ; ni concevoir comment ce déréglement eſt entré dans la plupart des eſprits, pour en corrompre l’innocence.

Tullie.

Les Aſtrologues diſent que ce vice eſt entré dans le monde par une certaine conſtellation, dont la malignité s’eſt répandue dans les cœurs des hommes : que ceux néanmoins qui ſont au-delà des Alpes, y ſont moins ſujets que les autres, & que les Italiens & les Eſpagnols y ſont les plus adonnés. Ces derniers tâchent de nous perſuader, que c’eſt un jeu qui n’a rien de malhonnête, & dont l’uſage a été reçu chez toutes les nations bien policées. Ils n’ont pas de peine à nous le prouver ; car nous ſavons que les Grecs, qui ont infiniment d’eſprit, y ont excellé, & ont pouſſé cette badinerie juſques dans l’excès. Ils rendirent à Callipiga, à cauſe de la beauté de ſes feſſes, les mêmes hommages qu’à Vénus : elle n’avoit néanmoins rien dans le viſage, qui dût lui attirer ces adorations ; & ſi les Syracuſains lui dédierent un temple, on peut dire que ce ne fut qu’en conſidération de ſon derriere. Je crois, Octavie, que ſi tu avois été de ce temps-là, on t’auroit eue en vénération pour le même ſujet, & qu’on t’auroit érigé des autels.

Octavie.

Ce ſont des contes. Mais je veux que mes feſſes ſoient belles comme tu le dis, qu’elles ſoient agréables à voir, à manier, à baiſer même : ſi tu veux, je ne m’y oppoſe point ; mais de dire que je permiſſe à quelqu’un d’en faire autre uſage, non, je mourrois plutôt que de m’abandonner ainſi à des plaiſirs infames.

Tullie.

O les belles paroles ! je ne vois pas, moi, que tu euſſes ſujet de traiter un homme d’infame, pour t’avoir mis le Vit au derriere, pourvu qu’après quelques allées & venues, il le tirât dehors pour faire ſa retraite dans le lieu ordinaire. Tu en aurois bien plus de plaiſir ; & la décharge qu’il feroit de ſa ſemence, en ſeroit bien plus chaude & plus impétueuſe.

Octavie.

Puiſque nous ſommes ſur cette matiere, oblige-moi, Tullie, de m’apprendre comment ce vice a pris ſa naiſſance, comment il a été reçu des hommes, & autoriſé par l’uſage, enfin ; par quelle raiſon il y a des peuples qui en ſont infectés, & d’autres non ? Pour moi, je crois que ce feu eſt venu des enfers, pour ſouiller les flammes innocentes de l’amour.

Tullie.

Je te ſatisferai ſur ce que tu me demandes. Tous les hommes, Octavie, ſont ſujets aux mêmes paſſions, & ſont compoſés de la même maniere & des mêmes membres. Ils appellent amour, cette cupidité, ou plutôt ce deſir piquant qui les pouſſe à s’unir avec l’objet qu’ils chériſſent ; mais ils conſiderent plus leur plaiſir dans cette union, que celui de la perſonne aimée. Ils aiment juſqu’à l’emportement, toutes les parties de notre corps qui irritent davantage leurs fureurs, & qui les excitent le plus à l’éjaculation de cette humeur que nous appellons ſemence. Cette liqueur ſert à la génération de l’homme, quand elle eſt repandue dans la partie que la nature a deſtinée à cet effet, & c’eſt dans ſon épanchement que les hommes trouvent la véritable béatitude. Mais c’eſt une choſe étrange, Octavie, que cette évacuation n’eſt pas plutôt faite, qu’ils mépriſent pour l’ordinaire nos careſſes, nos baiſers, & nos embraſſements ; & ce qui les raviſſoit auparavant juſques à l’excès, n’a plus enſuite le moindre charme pour eux.

Pour ce qui eſt de la ſemence qui ſe cuit dans les reins de l’homme & de la femme, les plus ſages tiennent qu’elle ne doit point être entiérement employée pour la génération ; & il en eſt de même, diſent-ils, que de la ſemence des arbres & des autres plantes. Une partie du froment n’eſt-elle pas deſtinée pour l’uſage des animaux, & l’autre pour le laboureur, tellement qu’une partie ſe change en notre ſubſtance, & l’autre ſe perd ? Pour ce qui eſt des autres plantes dont la ſemence n’eſt point à l’uſage de l’homme, & qu’aucun plaiſir ne pouſſe à cueillir, la nature en donne une partie à la terre, & ne ſe ſoucie pas que l’autre ſe perde. Il en eſt de même, diſoient Socrate & Platon, de la ſemence de l’homme ; c’eſt une folie de croire que l’intention de la nature ſoit qu’on l’employe toute pour la génération. En effet, Octavie, quand nous ſommes groſſes, & que notre groſſeſſe eſt déja bien avancée, on ne nie point que nos maris n’ayent droit ſur nos corps, (comme il eſt vrai auſſi). Or il eſt ridicule de ſoutenir que leur ſemence s’employe pour lors à la formation de l’homme, puiſqu’il eſt déja formé, & qu’il eſt impoſſible, quand même ils en rempliroient notre matrice, qu’il s’en formât un nouveau ; & il faudroit être fou pour en eſpérer un. Une autre raiſon qui confirme ce que je dis, c’eſt qu’il y a beaucoup de filles, qui tombent dans de dangereuſes maladies, dont elles ne peuvent être guéries que par des remedes qui les provoquent à l’expulſion de la ſemence qui croupit dans leurs reins. Toutes ces raiſons ont quelque apparence de vérité, parce qu’on les tire de l’intention de la nature ; & c’eſt ce qui a porté les hommes à chercher dans leur ſexe & dans le nôtre, de quoi contenter leur lubricité : tellement que ce qui n’étoit au commencement que l’intempérance de quelques délicats, devint enfin dans certaines Provinces le vice de tout un peuple. S’ils prenoient des femmes en mariage, ce n’étoit point par amour, mais ſeulement pour en avoir des enfants ; & ſitôt qu’elles étoient groſſes, il les regardoient comme des eſclaves, les renfermoient dans les lieux les plus ſecrets de la maiſon, & n’avoient plus aucun commerce avec elles.

Notre ſexe n’étoit pas plus recherché dans beaucoup d’autres endroits : il étoit en opprobre chez tous les Rois de l’Aſie ; & tous les peuples réglant leurs mœurs ſur la conduite de leurs Princes, y brûloient comme eux d’un amour infame. Philippe de Macédoine aima Pauſanias, dont il fut aſſaſſiné pour ne l’avoir pas vengé de la violence qu’Attulas ſon favori lui fit, en l’expoſant dans un banquet à la ſenſualité de ſes ſerviteurs. Le Roi Nicodeme prit ce plaiſir avec Jules-Céſar ; Auguſte n’a pas été exempt de cette fantaiſie ; Neron ſe maria à Tigillin, & Sporus à Neron. Pendant que Trajan ſubjuguoit tout l’Orient, il avoit avec lui un ſerrail de jeunes garçons, les plus beaux qu’on pouvoit trouver, avec leſquels il paſſoit les nuits entieres. Le Rival de Plautine ſervit de femme à Adrien, & fut plus heureux que cette Impératrice ; car l’amour que l’Empereur lui porta fut ſi violent, qu’il en fit un grand deuil après ſa mort, & lui conſacra même des Temples en le mettant au rang des Dieux. Tu vois que les noces maſculines étoient en uſages, comme les autres. Héliogabale prenoit ſon plaiſir dans toutes les parties du corps ; le derriere, la bouche, les oreilles étoient pour lui des Cons délicieux ; & ce prodigieux déréglement le fit paſſer pour un monſtre parmi les hommes. Ne crois pas que cette inclination fut particuliere aux Rois : les Philoſophes, dont la gravité des mœurs devroit ſervir d’exemple au reſte des hommes, ont ſuccombé à cette folie. Alcibiade & Phœdon furent favoris de Socrate ; & quand ces deux diſciples vouloient apprendre quelque choſe de leur maître, il falloit qu’ils couchaſſent avec lui : c’eſt dans le lit qu’il leur enſeignoit le plus fin de ſa morale & de ſa politique, & jamais ils ne profitoient davantage, que lorſqu’il leur faiſoit leçon entre deux draps : d’où eſt venu le proverbe, AIMER DE LA FOI DE SOCRATE, Socraticâ fide diligere. Platon, cet homme divin, ne pouvoit être un moment ſans ſon Alexis, ſon Pledius, ou ſon Agathon. Xenophon paſſoit ſon temps avec Callias & Antolicus. Ariſtote avoit ſon Herminas ; Pindare, Amaricon ; Epicure, Pirocles ; Ariſtippe, Entichides ; & ainſi des autres.

Lycurgue, ce grand Légiſlateur, qui vivoit quelques ſiecles avant Socrate, diſoit qu’un Citoyen ne pouvoit être bon ni utile à la république, s’il n’avoit pas un ami avec qui il dormît. Il ordonna que les Vierges paroîtroient toutes nues ſur le théâtre, les jours de ſpectacle, afin que la vue de leur nudité émouſſât (pour ainſi parler) la pointe de l’amour que les jeunes gens concevoient pour elles, & qu’elle rendît plus ardent celui qu’ils ſe portoient entre eux : car on n’eſt pas touché des objets que l’on voit ſouvent. Que dirai-je des Poëtes ? Anacréon brûla pour Batthile. Toutes les plaiſanteries de Plaute ne ſont que ſur cette matiere ; & toutes les expreſſions dont ſes ouvrages ſont pleins, nous marquent qu’il y étoit fort adonné. Virgile, ce maître de Poéſie, qui fut appellé l’Artexius, c’eſt-à-dire Vierge, à cauſe de la pureté de ſes écrits, aima Alexandre, dont Pollion lui fit préſent, & lui donna dans ſes Vers beaucoup de louanges ſous le nom d’Alexis. Ovide reſſentit la même paſſion ; il préféra néanmoins l’amour du ſexe à celui des garçons, parce qu’il vouloit que la volupté fût commune à l’une & à l’autre, & que le plaiſir de la décharge fût également goûté des deux.

L’Aſie a été premiérement le ſiege de ce mal, enſuite l’Afrique, d’où cette peſte ſe répandit dans toute la Grece, & de la Grece dans les Provinces voiſines de l’Europe. Orphée mit le premier ce plaiſir en uſage dans la Thrace, après la mort d’Eurydice ſa femme. Son crime ne fut pas impuni ; car les Dames le déchirerent pendant les myſteres de Bacchus, & diſperſerent toutes les parties de ſon corps par les champs. On dit qu’autrefois les Celtes ſe moquoient de ceux qui ne vouloient point goûter ce plaiſir ; ils n’avoient aucune eſtime pour eux ; & ils y étoient pour la plupart ſi adonnés, que la pureté des mœurs étoit un obſtacle pour poſſéder les charges. Tant il eſt vrai, Octavie, que le Sage ne doit point s’attacher ſervilement à ſes ſeules maximes ; tant il eſt bon, même néceſſaire, qu’il ſe laiſſe quelquefois entraîner au torrent du peuple.

Octavie.

Ah, Dieux, quel eſprit ! continue ; je ſuis charmée de ton ſavoir & de ton éloquence.

Tullie.

Sous le nom Celtes, je ne comprends pas ſeulement les François qui ſont au-delà des Alpes, mais toutes les nations du Couchant, comme les Italiens & les Eſpagnols ; ces deux derniers y ſont les plus adonnés. La plupart des François l’ont en averſion, & font même brûler ceux, qui ſont convaincus de s’y être abandonnés. Ils croyent que le fer n’eſt pas capable de venger l’outrage que l’on fait à la chaſteté. Les Italiens ne ſont pas ſi rigoureux, & diſent que les François n’ont pas le goût bon pour la volupté, puiſqu’ils la mépriſent dans ce qu’elle a de plus piquant ; ils commencent néanmoins à préſent a y être un peu plus ſenſibles. Pour moi, Octavie, je ne vois pas que les hommes ayent là-deſſus tout le tort qu’on s’imagine ; & je confeſſe qu’encore que la beauté qui eſt l’origine de l’amour, ſoit notre partage, nous leur donnons néanmoins ſujet d’aller chercher ailleurs un plaiſir plus parfait que celui qu’ils prennent avec nous.

Octavie.

Je ne conçois pas ce que tu veux dire.

Tullie.

Tu le concevras préſentement. Qui eſt-ce qui niera, Octavie, que nous autres Italiennes & Eſpagnoles nous n’ayions le Con plus large que toutes les autres Européennes ? Cela ſuppoſé comme véritable, n’avoueras-tu pas qu’un Vit qui veut dans le combat être preſſé & ſucé juſqu’à la derniere goutte, n’a point de plaiſir quand il entre ſi facilement, & qu’il ſe promene au large ? Or il n’en arrive pas de même dans notre derriere : l’entrée en eſt fort petite ; & lorſque le membre y eſt une fois, non-ſeulement il remplit cette partie, mais même il la rompt, & l’accommode à ſa capacité, à ſa groſſeur, ou à ſa petiteſſe ; ce qui ne peut ſe faire dans notre matrice : car lorſqu’elle eſt une fois ouverte, il n’y a point d’art, il n’y a point de poſture ni de mouvement, qui puiſſe diminuer d’un pouce la grandeur de l’embouchure, ni empêcher qu’elle n’engloutiſſe tout d’un coup un miſérable Vit ; & c’eſt de-là qu’il arrive que les hommes nous chevauchent par le derriere, pour mieux contenter leur appétit laſcif. Au contraire, les femmes du Septentrion ne ſont point expoſées à ces vilainies, parce qu’elles ſont bien plus étroites que nous ; il ſemble que le froid leur reſſerre la partie, tant elle eſt petite pour l’ordinaire : ce qui fait que leurs maris y trouvant le plaiſir en perfection, ne s’amuſent point à l’aller chercher ailleurs. Voilà, Octavie, ce que tu voulois ſavoir de moi.

Octavie.

Tu as oublié de me dire ſi tu approuvois cette conjonction, ou ſi tu l’avois en horreur comme moi.

Tullie.

Je ferois mal de l’approuver ; quand la terre ne diroit rien, la voix fulminante du ciel la condamne. Je te dirai encore ceci des anciens, avant que de finir. Lucien diſpute ingénieuſement de ces deux Vénus ; il n’en condamne pas une, & il eſt même difficile de dire à laquelle des deux il donne la préférence. Achilles Tatius n’en parle pas avec moins d’obſcurité dans ſon Clitophon. Les écrivains Latins ſemblent être de même ſentiment : mais ce qui eſt plus ſurprenant, c’eſt qu’aucun Légiſlateur ne les a défendues. Ils approuvoient toutes les manieres de prendre le plaiſir, excepté de ſe faire ſucer ; ils vouloient avec raiſon que la bouche fut un lieu ſacré pour le Vit, où il ne pût jamais entrer. Cette diſſolution néanmoins eſt encore aujourd’hui en uſage en beaucoup d’endroit d’Italie.

J’agirai donc de bonne foi, non pas de cette foi de Socrate, & je te dirai que ce vice devroit être ſévérement puni ; car les penſées que les hommes ont de s’unir à nous, leur ſont naturelles, que c’eſt un larcin manifeſte qu’ils nous font, quand ils s’abandonnent à leurs ſemblables. Sitôt que le ſang commence à s’échauffer dans les veines d’un jeune homme, ſans conſulter d’autres que ſoi, il connoît naturellement qu’il ne peut éteindre ſon feu que dans les embraſſements d’une femme. Cette même nature fait la même impreſſion dans le cœur d’une fille ; & quelque groſſiere qu’elle ſoit, elle ſera agitée d’un deſir auſſi violent pour le membre de l’homme, quoiqu’elle ne l’ait jamais vu, que celui-ci le ſera pour la partie de la femme, quoiqu’elle lui ſoit inconnue. Comme ils ſont faits l’un pour l’autre, toutes leurs penſées ne tendent qu’à s’unir. Voilà les progrès de l’amour honnête. Il n’en eſt pas de même dans la conjonction de l’autre ; ce n’eſt pas la nature qui l’inſpire, mais plutôt la corruption des mœurs. Si le derriere avoit été deſtiné à cet uſage, il auroit été plus commodément formé ; le membre de l’homme y auroit pu entrer & ſortir ſans tant de travail & de danger : ce que nous ne voyons pas ; puiſque de jeunes filles qui ſont facilement dépucelées, ne peuvent ſupporter les attaques du derriere ſans reſſentir de cuiſantes douleurs, qui ſont ſouvent ſuivies de maladies que toute l’induſtrie d’Eſculape ne peut guérir.

Les raiſons que ces débauchés apportent pour autoriſer leur diſſolution, ne me convainquent pas, quoiqu’ils les tirent de la nature des choſes, des exemples des anciens, & des mœurs mêmes des plus ſages : car quelqu’un peut-il s’imaginer, pour peu de lumieres qu’il ait, que la perte volontaire de la ſemence ſe faſſe ſans quelque crime ? N’eſt-il pas vrai, Octavie, que celui qui s’abandonne à cet infame plaiſir, tue un homme puiſqu’il en auroit pu former un ? C’eſt un adultere, c’eſt un homicide, & il étrangle (pour ainſi parler) par cette ſale volupté, un enfant qui n’eſt pas encore né. N’eſt-ce pas ôter la vie, que de la refuſer quand on la peut donner ? Lorſque la nature travaille à former la ſemence dans nos reins, ſa fin eſt la génération, & non pas l’accompliſſement ſeul de notre ſenſualité, qui n’eſt que ſon ſecond motif, par lequel elle tâche de nous attirer au déduit, dont les hommes & les femmes ſeroient rebutés, par les douleurs de l’enfantement, ſi le plaiſir n’en étoit pas comme la récompenſe. Mais, dira quelqu’un, que doit faire l’homme quand la femme eſt groſſe ? le ſperme qu’il pouſſe dans ſa matrice en la chevauchant, n’eſt-il pas perdu ? Non ; c’eſt une erreur, que de ſe l’imaginer : on la peut connoître comme auparavant ; il faut ſeulement prendre garde qu’elle ne ſe mette point dans une poſture qui puiſſe incommoder l’enfant. Les Médecins ſoutiennent qu’il ſe peut former un nouveau fruit ; que le premier ſortira à ſon terme, & le ſecond quelques jours après ; & c’eſt ce qu’ils appellent Surcouche. Pourquoi ne pas confier à la puiſſance & à l’adreſſe de la nature, cette matiere dont elle forme ſon chef-d’œuvre ? Je réponds maintenant à ceux qui, pour défendre leur déréglement, ſe ſervent de la comparaiſon du froment & des autres plantes, dont une partie eſt conſommée par les bêtes, & l’autre pouſſe du grain ; je réponds, dis-je, que le froment n’eſt pas proprement une ſemence, mais un fruit parfait, qui contient en ſoi-même la ſemence, par le moyen de laquelle il renaît. Le bœuf & le mouton ſont des animaux parfaits dans leur genre. Qui eſt-ce qui nous pourra empêcher d’en manger, par ce qu’ils contiennent en eux une ſemence vitale, qui perpétue leur eſpece ? On ne fait en cela aucun tort à la nature, on n’agit point contre ſon intention, & les Philoſophes les plus critiques n’ont jamais condamné l’uſage qu’on faiſoit du bled & des autres fruits.

Octavie.

En vérité, Tullie, tu parles comme un Oracle ; mais permets moi de te dire, que les raiſons dont tu te ſers pour détruire les arguments que tu as mis en avant, ne me ſemblent pas encore aſſez fortes. Car il eſt certain que ſi l’amour naît de la reſſemblance, elle eſt plus parfaite entre deux garçons qu’entre un homme & une fille. S’il eſt vrai, comme tous le confeſſent, que ce qui eſt agréable ſoit préférable à ce qui ſera utile, nous ne devons point être ſurpriſes, ſi les hommes mépriſent nos embraſſements, pour chercher un plaiſir qu’ils trouvent plus parfait dans leurs ſemblables : outre que ces mœurs approuvées par un long uſage, & confirmées par l’exemple des plus grands hommes, ſemblent autoriſer la pratique de ce plaiſir.

Tullie.

Il faut que tu ſaches, Octavie, qu’il n’y a point d’uſage qui puiſſe permettre la corruption des mœurs, à cauſe de ſon ancienneté. Les larcins, les meurtres & les empoiſonnements, ſont des crimes qui ſont auſſi anciens que le monde : cependant qui eſt-ce qui les louera & qui les ſupportera ? On a vu des familles entieres éteintes par les maladies, & de grandes Provinces ravagées par la peſte ; & qui oſera nier que ce ne ſoit pas un grand mal, à cauſe que ſon origine ſera auſſi vieille que le monde ? C’eſt pourquoi, comme l’ancienneté d’un crime ne lui ôte point ſa laideur ni ſa difformité de même les louanges des grands hommes ne peuvent pas le rendre légitime. Au reſte, tu ne dois pas croire que ce mal ſoit ſi univerſel que perſonne ne s’en garantiſſe : non, il y en a une infinité qui n’y ſont point adonnés ; & le nombre de ceux qui ſont exempts de cette tache, eſt bien plus grand que celui des autres. Enfin, Octavie, pour ne te point tromper dans les jugements que tu feras, tu dois juger des choſes par elles-mêmes, jamais par application.

Octavie.

Je ne m’étonne plus à préſent de l’amitié particuliere que tu avois pour Acaſte, & de l’averſion que tu avois conçue pour Marius & Fabrice, qui t’avoient ſi maltraitée contre ton inclination.

Tullie.

Tu me fais ſouvenir de continuer l’hiſtoire, que la chaleur avec laquelle j’ai parlé de ces vilains a interrompue. Acaſte vint donc ſitôt que Fabrice & Marius ſe furent retirés. Quelle eſt votre bonté, ma Déeſſe, me dit-il, d’avoir ſouffert que ces Florentins ayent ainſi ſouillé un ſi beau corps ? Voulez-vous que je venge l’injure qu’ils vous ont faite, & qu’avec cette main je les ſacrifie tous deux à votre juſte reſſentiment ? Non, mon cher, lui dis-je : vous ſavez ſous quelles conditions je ſuis entrée ici ; ils ſe ſont ſervis de leur droit : mais je loue votre généroſité & votre honnête façon d’agir. Il me ferma la bouche par un baiſer le plus tendre que j’aie jamais reçu ; il ſe mit ſur un tabouret, & me fit mettre ſur lui ventre contre ventre : je hauſſai les cuiſſes tant que je pus, & embraſſai le col d’Acaſte du bras droit, & paſſai l’autre ſous ma cuiſſe gauche pour la ſoutenir. Il m’enfila de la ſorte, & nous demeurâmes ainſi quelque temps l’un dans l’autre, ſans nous remuer. Je le mordois à force de le baiſer, & lui diſois les mots les plus tendres & les plus paſſionnés que l’amour peut inſpirer. Je trouvois tant de plaiſir dans cette poſture, que je crois que j’y ſerois encore, ſans quelque bruit que j’entendis à la porte de la chambre. Je crus que c’étoit les Florentins. Ah, Acaſte dis-je, déconne promptement ; je ne veux point que ces brouillons entrent : il m’obéit, & j’allai fermer la porte pour être plus en ſûreté. Il me ſuivit, le Vit bandé ; il n’eut pas la patience que je me jettaſſe ſur le lit nous courûmes la bague au grand contentement de l’un & de l’autre. Jamais je n’ai vu un garçon plus adroit ; il ne manqua preſque pas un coup ; il donnoit toujours au but : j’étois toute nue, comme tu peux croire, & lui auſſi. Tu remarqueras que comme cet exercice le mit en feu, & qu’il ſentit que ſa ſemence cherchoit une iſſue pour s’exhaler, il m’arrêta au milieu de la ſixieme courſe ; & après m’avoir priée de demeurer toute droite, il me mit les deux mains ſur les tettons, & fit gliſſer ſon Vit tout enflammé entre mes cuiſſes, que je ſerrois le plus que je pouvois, afin de rendre l’entrée du Con plus étroite. Ah ! quel plaiſir, diſoit-il, vais-je recevoir, de vous faire perdre la parole, de ne laiſſer à votre divine bouche que la force de ſoupirer, & de voir languir ces beaux yeux pour qui je meurs ? Oui, ce ſera le comble de ma félicité. Soyez donc, ajouta-t-il avec des ſoupirs à demi-étouffés, ſoyez la conductrice de ce furieux Priape ; menez-le où il faut, de crainte qu’ils ne s’égare dans un chemin ſi ténébreux : car je ne veux pas arracher à mes mains le bonheur dont elles jouiſſent. Que veux-tu ? je fis ce qu’il voulut ; je plaçai ſon inſtrument au bord de ma partie, dont il chatouilloit doucement le dehors avec ſa tête : enfin, après avoir ainſi badiné, il pouſſa avec tant de roideur, que je crois que je ſerois tombée à la renverſe, s’il ne m’avoit enclouée au premier coup. A la ſeconde ou troiſieme ſecouſſe, je déchargeai ſi abondamment, que le chatouillement que j’en reſſentis par toutes les parties de mon corps, me fit plier les jambes à ne pouvoir quaſi me ſoutenir. Arrêtez, diſois-je, mon cher Acaſte, je n’en puis plus, les forces me manquent, mon ame eſt prête à ſortir. Ne craignez point, me dit-il, en riant, toutes les iſſues ſont fermées ; par où voulez-vous qu’elle ſorte ? En diſant cela, il me regardoit fixement, & n’ôtoit point ſes mains de-deſſus mes tettons, & je ſentois au-dedans que cette contemplation lui faiſoit enfler le Vit, & le mettoit tout en feu. Je veux maintenant, me dit-il, repouſſer dans votre corps cette ame fugitive ; il me ſerra alors étroitement, & me fit ſentir la tête de ſon membre, juſtement dans l’endroit qui eſt le ſiege de l’ame. Il devint furieux ; & comme il ne pouvoit par ſes grands efforts s’incorporer tout avec moi, il faiſoit entrer avec ſon Vit tous ſes deſirs les plus laſcifs, ſes penſées les plus luxurieuſes, & ſon eſprit même. Quand la ſemence fut ſur le point de couler, il ôta les deux mains de deſſus mes tettons, & les mit ſous mes feſſes qu’il ſouleva le plus qu’il put juſques à ce qu’il m’eût fait perdre terre ; je l’embraſſois cependant étroitement, & lui donnois des coups ſur le derriere, afin d’exciter davantage la chaleur. Enfin, j’étois ſuſpendue en l’air, comme ſi j’euſſe été attachée à un clou.

Octavie.

En vérité, je te plains, & tu m’aurois fait compaſſion dans cet état.

Tullie.

Que tu es railleuſe ! écoute le recit. Ce membre ardent de Priape me mettoit le feu dans les entrailles, & me chatouilloit ſi agréablement, que je déchargeai une ſeconde fois pendant que j’étois ainſi ſuſpendue. Le plaiſir que je reſſentis fut ſi grand, que je ne pus m’empêcher de crier : Ah ! je n’en puis plus, mon cher Acaſte : non, Junon n’a jamais été foutue par Jupiter ſi délicieuſement que je le ſuis ; ſoutenez-moi, je me meurs ; ah ! ne vous remuez point, de crainte que je ne tombe ; ah, Dieux ! que vous me comblez de biens ! je ſuis ravie au ciel. Non, cria Acaſte, attendez encore un peu, & ne quittez point le ſéjour des mortels, que vous ne m’ayiez fait part de vos faveurs & de votre immortalité. Dans ce moment, Acaſte, que les plus violentes fureurs de l’amour avoient mis tout en ſueur, m’arroſa le dedans d’un ruiſſeau de ſemence ſi chaud, que je crus effectivement qu’il me brûloit l’ame. Le plaiſir qu’il reſſentoit de ſon côté étoit ſi doux, qu’il n’auroit pu ſe ſoutenir s’il n’eût ramaſſé toutes ſes forces dans ce moment ; il m’embraſſoit & me baiſoit ſi amoureuſement, qu’on eût dit qu’il eût voulu rendre ſon eſprit ſur mes levres. Non, Octavie, le lierre n’eſt pas plus fortement attaché au noyer, que je l’étois à Acaſte par mes embraſſements ; & comme tu vois, cette conjonction fut accompagnée de tout ce qu’on peut s’imaginer de plus lubrique & de plus chatouillant. Mais parce que le plaiſir de Vénus n’eſt pas éternel, il fallut mettre fin à nos careſſes. Conrad ſe préſenta auſſi-tôt : Quoi ! dit-il, Madame, en m’abordant, voulez-vous que je ſois le ſeul qui ſois privé de vos faveurs ? Car tu ſauras que les deux Florentins s’étoient retirés dans le jardin, pour y prendre l’air : je ne ſais quel bon Ange les enleva de ma préſence.

Octavie.

Je voudrois qu’ils fuſſent perdus, ces miſérables qui t’ont ſi maltraitée.

Tullie.

Conrad m’attaqua donc ; j’étois aſſiſe ſur le lit. Je ſuis au déſeſpoir, me dit-il, de l’inſolence des Florentins, & je voudrois venger le tort qu’ils vous ont fait : je ne vous aime pas moins qu’Acaſte, que ſouhaitez-vous que je faſſe ? mais quoi ! vous ne répondez rien ? En effet je ne parlois point, & le François s’étoit retiré. Pour moi, ajouta l’Allemand, je ſuis de bonne foi, ſans façon ; je m’en vais vous faire tout voir : en diſant cela, il m’ouvre les cuiſſes, tire ſon inſtrument, & en fit ce que tu peux penſer.

Octavie.

Tu n’avois donc point de repos de la ſorte, ma pauvre Tullie ? & pour achever ce quatorzieme travail avec Conrad, tu devois être animée de la force d’un nouvel Hercule.

Tullie.

Conrad ne me déplaiſoit, ni ne me plaiſoit pas beaucoup ; il m’étoit preſque indifférent, & je puis dire que je ne lui refuſai ni ne lui donnai rien. Il prit ce qu’il voulut d’une femme qui étoit comme endormie ; car quelque careſſe qu’il me fit, je ne lui répondis jamais une ſeule parole : ce n’étoit pas par mépris ; mais tu ſauras, Octavie, que j’étois épuiſée & aſſoupie par la perte de la chaleur naturelle que j’avois faite dans tant de combats. Ce bon Allemand, qui remarqua bien que j’étois dégoûtée, inventa, pour me faire revenir l’appétit, une poſture qui n’étoit pas impertinente ; il me jetta ſur le lit, me prit ma cuiſſe droite qu’il mit ſur ſon épaule gauche, & me fit croiſer l’autre par-deſſus. Dans cette ſituation, il m’enconna, & entra tout entier dès le ſecond coup ; il preſſe, il pouſſe, il ſe tourmente : & quoi, encore ? devine-le, Octavie.

Octavie.

Je ſais ce qui en arriva. Mais dis-moi, Tullie, quand Fabricius & Marius vinrent à la charge, fus-tu contente d’eux ?

Tullie.

Je ne finirois jamais, ſi je voulois te raconter tout par le menu. Conrad me le fit ſept fois, Marius cinq, Fabrice ſept, & Acaſte huit ; de maniere que tout bien compté, je ſoutins vingt-ſept aſſauts, & reſtai encore maîtreſſe du champ de bataille. Ils me féliciterent tous, & avouerent unanimement que Vénus me devoit couronner de myrthe & de laurier, comme la plus âpre fouteuſe de tout ſon Empire. Je t’avouerai néanmoins, que tant de travaux, tant de ſang perdu, m’avoient extrêmement affoiblie ; & à peine, à la vingtieme lutte, pouvois-je me ſoutenir ſur les pieds.

Octavie.

Tu étois peut-être laſſe, mais tu n’étois pas raſſaſſiée ?

Tullie.

Ma foi, j’étois l’un & l’autre. Acaſte, le plus brave de tous, commença & finit le combat ; je lui fis donner le diamant, pour marque de ſa valeur. Il me demanda mon nom & la rue où je demeurois, & me pria de lui permettre de me venir voir ; je le lui accordai, & il me rendit pluſieurs viſites : mais j’avois un ſi grand dégoût pour le déduit, que quelque priere qu’il me fît, je ne voulus jamais ſouffrir qu’il me chevauchât plus de trois ou quatre fois dans trois mois. La premiere fois que je le vis, j’étois ſur un lit de repos occupée à repaſſer un point de Veniſe ; il me fit mettre dans une poſture qui m’auroit extrêmement plu dans un autre temps : mais j’étois encore ſi dégoûtée, que je fus preſque inſenſible à ſa décharge, qui fut ſi copieuſe, & à ſes mouvements, qui furent les plus laſcifs qu’une femme eût pu ſouhaiter.

Octavie.

Quel miracle ! d’où venoit donc un dégoût ſi extraordinaire ?

Tullie.

Il provenoit de ce grand écoulement de ſemence dont j’avois été arroſée pendant mon Quartum virat. Il avoit tellement lâché les ligaments de ma matrice, qu’il avoit éteint en même-temps toutes les flammes de ma lubricité ; de maniere que je n’ai pas eu pendant trois mois une ſeule penſée de prendre le divertiſſement dont j’avois été raſſaſſiée.

Octavie.

En effet ; quand j’y penſe, tu en avois aſſez goûté, pour n’en pas deſirer davantage ; & c’eſt comme je voudrois que fiſſent les Dames qui ſont ſi chaudes de leur naturel : elles devroient prendre à tout le moins une fois l’an, deux ou trois jeunes hommes des plus vigoureux, & s’en faire donner uſque ad vitulos, juſqu’à regorger. Ce ſeroit ſageſſe à elles, que d’agir de la ſorte, quand elles le peuvent ; car il viendra un temps où il ne leur reſtera que le regret de n’avoir pas profité des avantages de leur jeuneſſe : mais il ſera trop tard ; & perſonne ne voudra d’elles, quand elles ſeront ſur leur retour.

Tullie.

Tu crois donc, Octavie, que toutes les femmes ſont comme toi, ou comme moi : il en eſt de ce plaiſir, comme de celui de boire & de manger ; les uns plus, les autres moins. Il y en a qui voudroient qu’on le leur fît dix fois la ſemaine, & d’autres ſeroient contentes d’une ſeule fois par mois & d’autres enfin ne le ſouhaitent point du tout. L’inſenſibilité de ces dernieres te ſurprend peut-être : mais il eſt certain qu’il s’en trouve qui ont naturellement averſion pour cela ; elles fuyent les hommes, & évitent même de ſe trouver ſeules avec eux. Pour moi je les regarde comme des phénix, ou plutôt comme des monſtres de la nature, dont elles violent les loix les plus ſacrées, en rejettant l’amour qu’elle inſpire à un ſexe pour l’autre.

Octavie.

Je ne ſais, Tullie, ſi le dégoût extraordinaire de ces femmes ſi ennemies de Vénus, vient de leur tempérament, des réflexions qu’elles font ſur les mouvements ridicules qu’on fait pendant ce plaiſir, & qui nous rendent ſemblables aux autres animaux ; ou bien ſi c’eſt, comme je le crois, parce que l’honneur chimérique du monde qui les aſſujettit à l’abſtinence, les oblige de paroître auſſi froides, bien qu’intérieurement elles ſentent les mêmes aiguillons que nous ; & cela de peur de paſſer pour luxurieuſes, ce qui eſt aujourd’hui un nom d’opprobre, bien que ce ſoit une perfection de la nature.

Tullie.

Que nous importe d’où viennent leurs dégoûts. Ce ſont toujours des vierges folles, qui ne méritent pas qu’on mette de l’huile dans leurs lampes pour les illuminer ; laiſſons-les dans leur aveuglement. Je crois que j’en ſuis, ſi je ne me trompe, à la ſeconde viſite que mon pauvre Acaſte me rendit. Oronte étant allé un jour à la campagne, Acaſte le ſut, & m’écrivit un billet, par lequel il me marquoit le deſir extrême qu’il avoit de me voir ; je lui fis réponſe qu’il pouvoit venir, & que je l’attendois avec impatience. Il n’y manqua pas ; il monte doucement à ma chambre à l’heure aſſignée, & me ſurprend à une fenêtre qui regardoit dans le jardin. Je paroiſſois fort penſive & avec raiſon, parce qu’ayant égaré une lettre de Cléante, je craignois qu’elle ne fût tombée entre les mains de mon mari, ce qui m’auroit perdue. Je ne venois que de m’en appercevoir, tellement que j’attendois plutôt Acaſte pour lui faire part de mon chagrin, que pour en venir aux priſes avec lui. Pendant que je faiſois de différentes réflexions là-deſſus, je me ſentis doucement lever ma jupe par-derriere : je voulus me tourner bruſquement, pour ſavoir ce que c’étoit ; & en même temps j’apperçus Acaſte qui s’éclata de rire. Au nom de Dieu, lui dis-je, laiſſez-moi, je ne ſuis pas en état de vous contenter ; j’ai bien d’autres choſes en tête que le plaiſir. Mais que veux-tu ? j’eus beau crier ; cet importun crut que ce que je criois & ce que j’en faiſois, n’étoit que pour le mettre davantage en humeur. Il me dit de m’appuyer ſur la fenêtre qui étoit fort baſſe, & de hauſſer le derriere tant que je pourrois : je le fis ; & m’ayant fait mettre ma cuiſſe gauche ſur le genouil droit, il m’appliqua ſi heureuſement ſon inſtrument à ma partie, qu’à la ſeconde ſecouſſe il entra tout au-dedans, & à la ſizieme, il déchargea. Je le ſuivis de bien près, & oubliai pour ce moment tout le ſujet de ma triſteſſe. Choſe admirable, Octavie ! Acaſte, en déconnant, vit tomber de-deſſous mes jupes le billet dont j’étois en peine : il me le donna, & je lui dis que c’étoit ce qui m’affligeoit. Pour le récompenſer, du plaiſir qu’il m’avoit procuré à force de ſecouer vigoureuſement, je lui permis une ſeconde attaque dans une poſture toute différente.

Octavie.

Que devint-il enfin ? te vit-il toujours pendant que tu fus à Rome ?

Tullie.

Hélas ! ne me le demande pas ; je ne puis te le dire ſans verſer des larmes. Ah, mon cher Acaſte ! il m’a été enlevé à la fleur de ſon âge, par la trahiſon de Fabrice. Ah ! je ne puis y penſer ! Ce monſtre l’a fait aſſaſſiner. Ah ! que ne me faiſoit-il mourir en même-temps ? Ah, le perfide !

Octavie.

N’en parlons plus, puiſque ce ſouvenir vous afflige ſi fort ; ſongeons à quelque choſe d’agréable, pour diſſiper cette douleur. Dis-moi un peu, Tullie, y-a-t-il d’autres manieres de chevaucher que celles que tu as expérimentées ? Ah, bonté de Vénus ! en combien de poſtures t’es-tu métamorphoſée, pour goûter ce que la volupté a de plus ſenſible & de plus piquant ?

Tullie.

Toutes les inflexions & les contorſions du corps ſont autant de poſtures différentes : on n’en peut point dire préciſement le nombre, ni quelle eſt la plus luxurieuſe ; chacun prend conſeil de ſon goût du lieu, & du temps. Tout le monde n’a pas une même maniere d’aimer. Pour moi, je veux qu’un jeune homme me tourmente ; toutes ſes fureurs me ſont agréables, pourvu qu’il ne les tourne point contre mon derriere. Les entretiens paillards, les baiſers où la langue a part, courir la bague, enconner, déconner, les attouchements, & les diverſes ſituations du corps, ſont pour moi des avant-goûts qui me charment, & qui me font trouver le plaiſir de la décharge mille fois plus doux, que s’il étoit ſans cet aſſaiſonnement. Une belle Grecque, appellée Eléphantide, peignit toutes les poſtures qu’elle ſut être en uſage de ſon temps parmi les débauchées. Une autre en avoit inventé douze extrêmement luxurieuſes pour l’homme & pour la femme. De notre temps, Pierre Aretin, ce divin eſprit, en a expoſé trente-cinq dans ſes Colloques, que Titian & Carrache, ces fameux Peintres, ont enſuite tirées & dépeintes d’après nature. Le dernier de ceux qui nous ont laiſſé quelque choſe par écrit, eſt Alexius, ſurnommé Cunnilogus par quelques-uns, à cauſe des traités qu’il a faits ſur cette matiere, & appellé par d’autres : Cunnicola, à raiſon d’une infinité de poſtures qu’il n’a point expoſées qu’après les avoir lui-même miſes en uſage. Voici ce qu’un Auteur du temps a dit de lui dans un ouvrage qu’il a fait à ſa louange.

Platon, Ariſtote, Héraclite,
Zénon, Socrate, Démocrite,

Tous grands Docteurs ſans controuver,
Par le moyen de leur étude,
N’ont pas encore pu trouver,
En quoi gît la béatitude.
Alexius ſans comparaiſon,
Plus ſavant dans cette ſcience,
Se moque d’eux avec raiſon,
Se fondant ſur l’expérience :
Et dit que le ſouverain bien,
Ne conſiſte qu’à foutre bien.

Ce n’eſt pas, Octavie, il faut que je te l’avoue, qu’il n’y ait beaucoup de poſtures entre celles qu’on nous a laiſſées, dont on ne ſauroit ſe ſervir ; un homme lubrique en peut inventer plus mille fois qu’il n’en pourra exécuter ; & quoiqu’on ne faſſe que les eſſayer, elles donnent toujours beaucoup de plaiſir, & ne laiſſent pas d’échauffer l’imagination de ceux qui les éprouvent.

Octavie.

A quoi bon tant de raffinement ? ou il y a pluſieurs Vénus, ou il n’y en a qu’une : s’il y en a pluſieurs, pourquoi tout le monde n’en convient-il pas ? s’il n’y en a qu’une, pourquoi tant de chemins pour y aller ?

Tullie.

Quelques-uns diſent que la poſture la plus naturelle eſt quand on chevauche la femme à la maniere des autres animaux, c’eſt-à-dire quand elle ſe met à quatre pieds, d’autant que dans cette ſituation, le membre entre bien plus avant, & la ſemence coule avec plus de facilité dans la matrice. Quelques autres ſont pour la poſture commune, quand l’homme s’étend ſur la femme ventre ſur ventre, poitrine ſur poitrine, bouche contre bouche. Les Médecins diſent que la premiere poſture eſt moins propre pour la génération, parce qu’elle convient moins avec les parties génératives. Quoi qu’il en ſoit ma chere Octavie, j’aime beaucoup qu’on me le faſſe à la commune maniere.

Octavie.

Pourquoi ne l’aimerois-tu pas ? Qu’y a-t-il, je te prie, de plus doux que d’être toute nue ſous ſon amant ? d’être comme étouffée ſous la peſanteur de ſon corps ? Qu’y a-t-il de plus ſenſible, que de repaître ſes yeux d’un ſi tendre objet ? Que veux-tu de plus voluptueux, que de le manier par-tout, de lui mettre la langue dans la bouche, & d’expirer amoureuſement entre ſes bras ? Pour moi, je crois que c’eſt-là le comble de la félicité ; car je ne vois rien qui puiſſe flatter davantage la paſſion de l’un ou de l’autre, que les mouvements laſcifs de tous deux Ah ! qu’il eſt doux, Tullie, de ſe regarder mourir l’un & l’autre, & de reſſuſciter un moment après ! Celui qui s’amuſe au derriere n’y a qu’un ſeul plaiſir ; mais celui qui aime le devant, goûte tous les plaiſirs enſemble.

Tullie.

On perd ſouvent l’appétit à une table bien garnie ; on y quitte des mêts, délicieux, pour ſe raſſaſſier de viandes communes : ce qui fait que l’on cherche le plaiſir dans le changement, & qu’un homme qui aura une belle femme, la mépriſera ſouvent pour s’abandonner à une vilaine. Trop de biens nous cauſent ordinairement du dégoût ; nous nous plaiſons à la diverſité, & nous avons du penchant pour les choſes qui nous ſont défendues. Mais pendant que nous cauſons ainſi, nous paſſons la nuit ſans dormir : repoſons un peu, Octavie ; baiſe-moi, mon cœur, & t’endors : que Vénus te puiſſe toujours favoriſer !


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-01
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-01



ÉPIGRAMMA.


Dicite, Grammatici, cur maſcula nomina Cunnus,
Et cur fœmineum Mentula nomen habet ?




ÉPIGRAMME.


        Dites-moi, Docteur de Grammaire,
Pourquoi le Vit chez vous, eſt d’un nom féminin,
Et que le Con paroît du genre maſculin ?
    On ne ſait ce qu’on doit en croire :
Mais ſi vous ne ſavez expliquer ce myſtere,
        Et qu’avec votre bel eſprit
Vous demeuriez tout court, ſans pouvoir paſſer outre.
        Vous méritez, ſans contredit,
        Que toute Femme qui ſait foutre,
        Vous coupe raſibus le Vit.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-05
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-05

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02


SEPTIEME

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-01
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-01


OCTAVIE, TULLIE.


Tullie.


ASſéyons-nous à l’ombre de cet arbre : veux-tu, Octavie ?

Octavie.

De tout mon cœur ; ah ! que l’air de la campagne eſt agréable ! qu’il me plaît ! & que je prends de plaiſir de parler d’amour, à la vue des prairies & des boccages ! & toi, Tullie ?

Tullie.

Pour moi, je ne doute point que tu n’y prennes bien du plaiſir ; mais je crois qu’Alphonſe en prit encore davantage, à te regarder avant-hier toute nue.

Octavie.

Moi, toute nue ?

Tullie.

Oui, Octavie, toute nue ; & pour t’en donner des preuves certaines, c’eſt qu’il ne parle rien que de la beauté de ton corps, & de la ſituation avantageuſe de ta partie.

Octavie.

Tu te moques de moi, Tullie ; perſonne ne m’a jamais vue de la ſorte, excepté Pamphile.

Tullie.

Tu ne mets donc pas le Pere Théodore au nombre des hommes ? ou bien, tu le comptes pour rien ?

Octavie.

Ah ! je ne puis m’en ſouvenir qu’avec honte ! ah, Dieux ! comme il m’aveugla par ſes diſcours !

Tullie.

Je me doute bien de ce que tu me veux cacher ; à quoi bon ? j’en ſais autant que toi ſur ce ſujet, & toutes tes badineries me ſont connues.

Octavie.

Fort bien. Mais qu’eſt-ce que-tu-me reproches d’Alphonſe ? eſt-ce que je lui ai paru toute nue lorſqu’il rêvoit ? car il ne peut m’avoir vue de la ſorte qu’en dormant.

Tullie.

Eſt-ce que ceux qui te connoiſſent juſques dans le fond de l’ame, à qui tes mœurs & ton eſprit paroiſſent à découvert, ne te voyent pas toute nue, puiſqu’il n’y a rien de caché pour eux ?

Octavie.

O la plaiſante penſée ! c’eſt-à-dire qu’Alphonſe demande une femme pour ſon eſprit, & non pour ſon corps ; ſachons lequel des deux le fera plutôt bander ? Alphonſe étoit dans une maiſon de campagne de Léonor : Iſabelle étoit de la compagnie ; & Aloyſia (qui eſt, comme tu ſais, nouvellement mariée,) s’y rencontra auſſi avec moi. Nous nous divertîmes galamment ; & après le repas, nous eûmes un entretien, mais le plus laſcif qu’on puiſſe jamais entendre. Il ſembloit que nous fuſſions ivres. J’y plus néanmoins.

Tullie.

Tu plus à Alphonſe, & Alphonſe plut à Léonor.

Octavie.

Ah ! il eſt trop volage pour moi ; ſon amour ne me revient pas : outre que je ferois mal de le recevoir, & Léonor auroit ſujet de s’en plaindre.

Tullie.

O l’incomparable héroïne, dont le courage eſt auſſi grand que le…! Le deſtin devoit te faire naître dans un meilleur temps que celui-ci ; tu étois digne du ſiecle d’or, où les plus petits Cou… étoient du poids de deux ou trois livres. Mais ſais-tu bien que quelques crimes que l’on faſſe dans l’amour, on n’offenſe jamais que le Dieu des Poëtes ; & que toutes les circonſtances & les changements dont nous nous plaignons, ne ſont que des fables pour le préſent. La liberté fait le propre caractere de cette paſſion, & la contrainte ne s’y peut mêler ſans en rendre les plaiſirs de mauvais goût.

Octavie.

Voilà, ſans doute, de beaux préceptes ; mais, Tullie, tu ignores peut-être quel a été le commerce d’Alphonſe avec Léonor depuis qu’elle eſt veuve, & que ſon mari fut tué dans une bataille par les François. Il l’aime éperduement, & elle m’a avoué qu’elle ne lui avoit rien refuſé pour le rendre heureux, & qu’il avoit eu d’elle tout ce qu’il pouvoit deſirer. Eh bien, eſt-ce que tu me louerois, ſi je me déclarois la rivale d’une perſonne qui ne craint rien de moi ? non certes ; tu m’en blâmerois avec raiſon.

Tullie.

Je t’aime, ma chere Octavie, & j’admire ta généroſité. Continue de vivre avec le même courage.

Octavie.

Je crois, Tullie, que tu ne ſeras pas fâchée que je te faſſe part de ce qui fut dit dans la converſation. Tu ſauras donc qu’après que nous eûmes toutes pris place, Léonor s’adreſſant à Aloyſia : Eh bien, lui dit-elle, avec un air libre & enjoué, comment ſe ſont paſſées les nouvelles nuits ? a-t-on bien combattu ? s’eſt-on bien défendu ? La pauvre enfant fut toute honteuſe à ces paroles ; elle ſourit néanmoins. Eh quoi, vous rougiſſez ? lui dis-je ; ah, cette pudeur eſt laſcive, m’écriai-je auſſi-tôt ! je vois dans tes yeux les feux les plus amoureux, ; & Vénus même ne peut pas paroître plus lubrique. Eh que ne parles-tu, ſotte, lui dis-je enſuite, puiſque nous en agiſſons ici librement ? Pour moi, reprit-elle, je crois qu’une femme qui ſe plaît à ces ſortes de diſcours, eſt moins chaſte, que celle qui goûte tout-à-fait le plaiſir. Fort bien, fort bien, dit Alphonſe en riant ; c’eſt-à-dire que celle-là eſt pure, dont les paroles ſon chaſtes, & le bas abandonné, & qu’il importe peu que nos mœurs ſoient conformes à nos paroles. Il a toujours été permis, dit Léonor, aux perſonnes d’eſprit, de faire & de dire dans ma maiſon tout ce qu’elles ont jugé ne leur être pas défendu. Ceux-là ne vivent pas, repris-je, qui ſont toujours dans la crainte ; & ſi la fortune rejette les timides, l’amour les a en averſion : le premier degré du bonheur, c’eſt d’entreprendre hardiment d’y arriver, par les véritables voies de l’amour.

Tullie.

Tu n’as pas manqué de dire quels étoient ces degrés de la vie bienheureuſe, & par où il falloit aller au ſouverain bien.

Octavie.

Parmi les honnêtes gens, toutes choſes ſont bonnes & honnêtes, dit Léonor ; ceux-là ſont honnêtes, qui s’éloignent prudemment des ſentiments du vulgaire, & lui cachent avec adreſſe juſqu’à la moindre de leurs actions. Imagine-toi, Octavie, me dit-elle, que c’eſt Vénus même qui te parle. En effet, repris-je, qui eſt-ce qui niera que nous autres ne ſoyons la joie, la lumiere & la vie du genre-humain ? Si nous ſommes la joie, la meilleure partie de la joie ſe prend dans les divertiſſements & les plaiſirs. Si nous ſommes la lumiere, eh ! qu’y a-t-il de plus agréable, puiſque ſans elle la beauté même ne nous toucheroit aucunement ? Enfin, quelle ſatisfaction ne donne point la vie, quand elle eſt accompagnée des jeux & des ris ? Car ſans cela elle nous eſt odieuſe, elle nous donne même du dégoût, & il n’y a que les plaiſirs qui en faſſent le véritable aſſaiſonnement. Toutes choſes ne reſpirent donc parmi nous que les plaiſirs, rien que jeux, rien que divertiſſements ; & s’il ſe trouve quelque femme ſcrupuleuſe, & de cette dévotion auſtere, qu’elle s’en aille, qu’elle ſe retire parmi les ours & les lions. Car qui eſt l’homme qui voudroit rendre ſes reſpects à une bête, dont il ne pourroit avoir aucun contentement ? Enfin, dis-je, comme il eſt bien doux de goûter le plaiſir, il n’eſt pas moins agréable de rappeller dans ſon eſprit ces doux moments de la jouiſſance ; il y en a même qui trouvent dans l’eſpérance, ou dans le ſouvenir de la volupté, la volupté même ; & j’en connois qui reſſentent de plus douces émotions en parlant de Vénus, qu’en la mettant en pratique. Avoue-donc, Aloyſia, que cet agréable paſſe-temps qui ne dure qu’un moment, devient long ; par nos entretiens. Veux-tu vivre heureuſe, ma chere enfant, continuai-je ? cueille des fruits dans le champ de Vénus, pendant que tu es jeune ; cueilles-y des roſes : toutes choſes cedent à cette Déeſſe ; les Dieux même lui rendent leurs hommages. Parlons donc ſans crainte, puiſque nous pouvons trouver dans l’ombre du plaiſir, le plaiſir même que nous voulons.

Tullie.

Ah ! que voilà dire beaucoup de choſes en peu de paroles ? on ne peut pas parler avec plus d’éloquence.

Octavie.

Que veux-tu davantage ? Aloyſia s’en laiſſa perſuader ; & tout d’un coup, ſe défaiſant de la pudeur qui lui reſtoit, elle nous a dit les choſes les plus plaiſantes du monde. Léonor rioit de tout ſon cœur, & moi de même ; & Iſabelle & Alphonſe n’en pouvoient plus, & ſe tenoient les côtés pour rire plus à leur aiſe.

Tullie.

Mais aviez-vous ſujet de rire de la ſorte ?

Octavie.

Quoi ! tu te ſerois empêchée de rire ? Lors, diſoit-elle, que Roderic m’enfonça ſon poignard juſques aux gardes, tous mes ſens & tous mes eſprits ſe retirerent dans cette partie attaquée ; je ne me reconnoiſſois plus que dans cet endroit, & je crois que mon ame avec toutes ſes facultés n’avoit point d’autre ſiege que celui-là ; mon eſprit y étoit caché, & je crois que pour le trouver il m’eût fallu ouvrir le dedans. Qui eſt-ce qui niera à préſent, repris-je, qu’Aloyſia ne faſſe pas l’affaire avec eſprit, ayant une partie ſi ſpirituelle ? Tu as raiſon, reprit-elle ; & ſi quelqu’un demande où il eſt, je ne puis lui repondre ſincérement, qu’en lui diſant qu’il eſt là-bas, que c’eſt-là où il loge, & qu’il n’a point d’autre demeure. Quand vous voudrez, interrompit Alphonſe, nous rendrons nos hommages à ce génie merveilleux, & nous le tirerons des ténebres.

Tullie.

Vous aviez ſans doute raiſon de rire, & Vénus même n’auroit pas pu dire les choſes plus plaiſamment.

Octavie.

Après cela nous nous ſommes entretenus de l’art d’aimer, de la beauté & de l’eſprit des femmes, de la ſympathie qui eſt entre les amants ; enfin Vénus fut toujours préſente, & nous anima d’une étrange maniere.

Tullie.

Nous vivons toutes pour aimer, & pour être aimées ; c’eſt l’intention de la nature : & celle qui mépriſe les douces ſaillies de cette paſſion, n’eſt pas vivante ; elle eſt morte, & déja dans la corruption.

Octavie.

Il y en a, dis-je, qui ſont belles, & d’autres qui ſont agréables ; la nature forme les belles de ſa main, & les autres ſe forment elles-mêmes avec l’art. Il y a, dit Alphonſe, pluſieurs opinions touchant la beauté : néanmoins la plupart tombent d’accord, que celle-là doit paſſer pour la plus belle, qui plaît à beaucoup de perſonnes. Pour moi, je crois que celle-là l’emporte ſur toutes les autres, qui fait le plus bander quand on la voit. Fabrice, continua-t-il, aimoit Livie, quoique chaſſieuſe, camuſe, & édentée, & ne pouvoit paſſer un moment ſans elle. Son pere le reprit d’un amour qui lui ſembloit ſi ridicule. : Ah ! mon pere, lui dit-il, regardez-la par mes yeux, & non par les vôtres, & vous la trouverez la plus aimable du monde. Il avoit raiſon, parce que Livie étoit l’unique qui pût le faire bander ; il étoit froid devant toute autre, & n’avoit que du mépris pour celles qui faiſoient l’admiration de la Cour. Il en eſt preſque de même, pourſuivit-il, de la taille comme de la beauté : car les uns aiment les femmes graſſes & dont le corps eſt plein de ſuc ; & les autres ne cherchent que celles qui ſont plus légeres & moins peſantes. Les Grecs aimoient les premieres ; & on dit qu’Hélene, dont la beauté étoit admirable, étoit ainſi compoſée. Les Phrygiens au contraire avoient de l’inclination pour les autres, & avoient même ſi grand’peur que leurs filles ne devinſſent trop graſſes & trop replettes, qu’ils les faiſoient jeûner de temps en temps, & ne leur donnoient à manger que des choſes dont elles ne pouvoient tirer beaucoup de ſubſtance. Les François les aiment de cette maniere ; ils veulent qu’elles ayent le corps agile & dégagé de matiere. Les Italiens & les Eſpagnols tout au contraire. Pour moi, dans la recherche que j’en fais, je fuis également les deux extrêmités ; & de même qu’une maſſe de chair ne me plaît pas, auſſi je ne prends pas de plaiſir de me divertir avec un ſquélette : j’aimerois autant faire comme Périandre, Tyran de Syracuſe, qui chevaucha ſa femme après qu’elle fut morte. Les grandes, dit Léonor, ont beaucoup d’avantage. Alcmene, mere d’Hercule, étoit admirée pour ſa hauteur. Pour moi, diſoit Alphonſe, s’il m’étoit permis de choiſir, je prendrois plutôt une petite qu’une grande : car, pour l’ordinaire, celles qui ſont ſi hautes, ſont toutes en cuiſſes & en jambes, & le reſte du corps n’y répond point ; ce qui me ſemble, continua-t-il, ridicule quand j’y penſe ſeulement : car comment regarder ces femmes de Géants, ſans s’imaginer voir un Con monté ſur des échaſſes, ou, ſi vous voulez, appuyé au bout de deux perches ? Qui ne riroit, Tullie, d’une ſi groteſque penſée ?

Tullie.

Elle eſt aſſez plaiſante, en effet. Mais pour revenir à ce que tu diſois, ſi les grandes ont leurs défauts, les petites ne ſont pas plus parfaites.

Octavie.

Je ſais ce que tu veux dire. Elles ont le bruit d’être extrêmement ouvertes ; & Léonice, qui paſſoit pour naine parmi les Pigmées, a ce défaut. Du reſte, elle eſt aſſez proportionnée.

Tullie.

Elle n’avoit que treize ans, lorſqu’elle fut mariée à Guſman ; elle étoit encore vierge ; & avec cela, dès le premier coup, il entra au-dedans, & la trouva auſſi fendue qu’étoit Vénus après que Mars l’eut enfilée. Il avoit promis à ſes parents, qui étoient dans une chambre voiſine de celle où ſe fit le débat, qu’ils entendroient bientôt les cris & les derniers accents de la virginité mourante de ſa femme ; mais il fut bien trompé : elle ne verſa pas une larme ; elle ne pouſſa pas même un ſoupir ; Priape ſe promenoit au large. Que fit Guſman ? il tourna Léonice de l’autre côté, & l’encula avec vigueur ; elle s’écria auſſi-tôt : Ah, vous me tuez, vous me mettez en pieces, je n’y puis réſiſter ! il retira ſon inſtrument. C’en eſt aſſez, dit-il, voilà ce que je demandois ; & ſans ces cris, vous n’auriez pas paſſé pour pucelle. Après cela, il reprit le véritable chemin du plaiſir, & ils y arriverent tous deux avec un égal contentement.

Octavie.

Celles qui ſont ſi grandes, continua Alphonſe, ne ſont pas pour l’ordinaire fort vigoureuſes : à la ſeconde courſe, elles ſont laſſes ; & à la troiſieme, elles n’ont pas même de mouvement. Pour celles qui ſont comme Octavie diſoit-il, elles ſont infatigables. Pour moi, interrompit Aloyſia en s’éclatant de rire, je crois que Mars même ſe laſſeroit avec moi : oui, je le fatiguerois ; qu’il vienne, qu’il vienne.

Tullie.

Je crois auſſi que tu ne lui en céderois guere, Octavie ; la vivacité de tes yeux, avec la juſte proportion de toutes les parties de ton corps, ſont des marques évidentes de ce que tu peux faire.

Octavie.

Que tu es malicieuſe, de m’attribuer une qualité qui t’appartient ! oui, Tullie, ou toutes les regles de la Philoſophie ſont fauſſes, ou tu es la plus lubrique qui ſe puiſſe trouver. Il y en a qui diſent que celles-là ont le plus de penchant au plaiſir, qui ont le poil de la partie noir. Mais ce ſont des contes ; car tu as les cheveux blonds.

Tullie.

Je ne veux pas me fâcher contre toi, qui es le petit Couillon gauche de l’amour. Mais je te dirai qu’on ne peut tirer aucune conſéquence certaine de la couleur des cheveux : chacun à ſon amour particulier ; les uns aiment les blonds, d’autres les noirs ; & il en eſt qui n’eſtiment que les cendrés. Aſpaſie étoit blonde, & fort conſidérée à cauſe de cette qualité ; & lorſque Theſée eut perdu deux des filles qu’il conduiſoit en Grece au Minotaure, il prit deux jeunes garçons dont il teignit les cheveux de cette couleur, afin qu’ils euſſent par-là plus de rapport avec celles dont ils rempliſſoient la place. Cet art de teindre les cheveux, a été inventé par Vénus même, lorſqu’elle étoit Reine de Chypre. Les Italiennes le mettent à préſent beaucoup en uſage ; la ſeule couleur blonde leur plaît ; & pour l’acquérir, elles s’expoſent la tête toute nue au ſoleil. Quelle folie ! Anacréon & Pindare n’étoient pas de leur ſentiment ; car l’un a peint les Muſes, & l’autre ſa maîtreſſe, avec des cheveux noirs. Ovide étoit pour la couleur cendrée, qui eſt entre le blond & le noir, & qui tient néanmoins plus de celui-ci que de l’autre.

Octavie.

Alphonſe dit auſſi pluſieurs choſes ſur les qualités des yeux. Mais, Tullie, toi qui contes les choſes ſi agréablement, & qui es ſavante ſur toutes ſortes de matieres, qu’en penſes-tu ? dis-m’en ton ſentiment.

Tullie.

Les traits les plus vifs & les plus dangereux de l’amour ſont cachés dans les yeux. Chryſéis, qui faiſoit les amitiés d’Achille, les avoit noirs ; & Catulle ſe tut de la beauté d’une perſonne, en diſant qu’elle les avoit d’une autre couleur. Les Poëtes néanmoins parlent avec éloge des yeux de Minerve, bien qu’ils fuſſent bleux ; ils les appellent des étoiles à cauſe de leur éclat, & du rapport qu’a leur couleur avec celle du ciel. Les Grecs aimoient les gros yeux, tels que Junon, Vénus & Hermione les avoient. Les petits ont auſſi eu leurs adorateurs.

Octavie.

Tout ainſi que pour tirer plus juſte, les guerriers ferment la moitié des yeux, de même l’amour, par ſes petits yeux demi-ouverts bleſſe plus profondément, & décoche ſes traits les plus dangereux. La Reine Iſabelle les avoit de la ſorte ; & toi, Tullie, bien que tu ne les ayes pas fort grands, tu n’en es pas moins aimable : au contraire, leur vivacité en éclate bien davantage ; pour cela ſeul, tu plais.

Tullie.

Il y a pluſieurs opinions touchant la couleur du viſage ; les uns ſont pour les blanches, & les autres pour les brunes. Ces premiers ont un grand éclat ; mais il eſt de peu de durée elles ne ſont pas vigoureuſes, & leur jeuneſſe ſe paſſe en moins de rien. Il n’en eſt pas de même des brunettes : elles ſont pour l’ordinaire robuſtes ; elles ſont enclines au plaiſir, & y ſont fort propres, outre qu’elles ont la peau du corps fort douce & fort polie.

Octavie.

Cornélie, ſœur d’Iſabelle, eſt blanche comme un lys, & celle-ci eſt tout-à-fait brune. Tu rirois, ſi je te racontois ce qui leur arriva à toutes deux la premiere nuit de leurs noces ; comme l’une étoit froide & inſenſible, l’autre étoit ardente & invincible dans le débat.

Tullie.

Fort bien. Mais achevons auparavant le portrait d’une belle femme. Preſque tous ſont d’accord des qualités que doivent avoir la bouche, les levres & les dents. Ils diſent qu’une petite bouche eſt le véritable ſiege de l’amour ; & que les femmes qui l’ont de la ſorte, ont la partie d’en-bas fort petite, & peu ouverte. C’eſt le ſentiment de tous.

Octavie.

C’eſt en quoi ils s’abuſent ; & Ferdinand s’eſt plaint d’avoir été trompé par-là. Il épouſa Froſine, dont la bouche étoit ſi petite, qu’elle en étoit admirée de tous ceux qui la voyoient. Eh bien ! la premiere nuit de leurs noces, Ferdinand qui eſpéroit que la bouche d’en-bas auroit du rapport avec celle d’en-haut, fut bien ſurpris de voir une porte cochere où il entroit ſans difficulté. O la belle bouche ! dit-il, en baiſant ſa femme ; mais qu’elle eſt encore bien plus trompeuſe ! Fais en ſorte, ma chere Froſine, continua-t-il, qu’elle ne me ſéduiſe pas dans les autres choſes, comme elle m’a menti dans celle-ci. Eh quoi, interrompit-elle, quel ſujet avez-vous de vous plaindre ? on ne vous a point trompé : & ſi vous êtes ſi au large, ce n’eſt pas que je ſois trop ouverte ; mais cela vient de ce que votre inſtrument eſt trop petit. Ferdinand ſourit, & acheva l’affaire.

Tullie.

Pour ce qui eſt des levres, je n’en trouve point de plus beau modele que les tiennes : elles ſont rouges & élevées comme il faut ; il n’y a rien de plus agréable. Les dents doivent être blanches, polies, luiſantes, rangées comme des perles à l’entrée de la bouche. Elles ſervent non-ſeulement de défenſe, mais auſſi d’ornement ; elles ſont ainſi diſpoſées de la nature, comme pour conſerver la plus éloquente de toutes nos parties, & qui exprime ſi bien nos penſées. Ah ! ma chere Octavie ! qu’elle eſt d’un grand uſage dans les tranſports amoureux ; & que la douceur que reſſentent deux amants, dans les baiſers où elle a part, eſt grande !

Octavie.

En effet, Tullie, pour moi je ſuis ſenſible à ce plaiſir autant qu’on le peut être ; & lorſque Pamphile & moi nous baiſons de la ſorte, & que je ſens deux langues dans ma bouche, je ſuis hors de moi-même ; & la volupté que je goûte, me chatouille preſque autant que le véritable déduit. Une Reine des Sarmates diſoit que les baiſers étoient la nourriture de l’amour ; que ce n’étoit pas aſſez d’approcher les aliments de la bouche, qu’il falloit les mettre au-dedans ; que ſans cela, ce petit Dieu n’étoit pas plus heureux que Tantale.

Tullie.

Le ſein eſt auſſi une partie capable de rendre la vie à l’amour, quand même il ſeroit prêt d’expirer. A la vue des tettons, un amant ſe réveille, il les baiſe, il les ſuce, & y prend un plaiſir ſingulier. Les Phrygiens les aimoient quand ils rempliſſoient tout le ſein ; pour moi, Octavie, je les trouve bien plus agréables, quand ils ſont blancs, durs, fermes, & de telle groſſeur qu’une ſeule main les puiſſe empoigner. Enfin, une femme, pour être d’une beauté achevée, doit avoir la peau, les dents & les ongles blancs ; les cheveux, les yeux & les ſourcils noirs ; les joues, les levres & le deſſous des ongles, un peu coloré de rouge. Les cheveux doivent être longs, & la main auſſi ; les dents courtes, & les oreilles petites ; & la taille, pour être belle, doit être entre la grande & la médiocre. Le front doit être grand, les épaules larges, les ſourcils ſéparés par un petit eſpace ; enfin, le corps doit être libre & dégagé, la bouche petite, & la partie d’en-bas médiocrement ouverte. Les feſſes & les cuiſſes, doivent être graſſes & bien fournies ; les doigts & le nez maigres, ou tout au moins peu chargés de matiere ; les cheveux fins ; & la tête, les tettons, & les pieds petits. Il y en a qui eſtiment les cheveux naturellement friſés, & qui aiment celles dont le nez eſt aquilin. Enfin chacun a ſon goût, Octavie ; & c’eſt lui ſeul qui nous ſert de raiſon dans le choix que nous faiſons d’une perſonne.

Octavie.

Tu ſais, Tullie, qu’on remarquoit entre autres choſes dans Lucrece, la beauté de ſes feſſes. Elle les avoit blanches, fermes, bien élevées ; enfin telles qu’il les falloit pour ſervir de couſſin à l’amour, ou, ſi tu veux, d’enclume pour forger le genre humain.

Tullie.

Chez les Grecs, celles qui avoient de belles feſſes, étoient fort eſtimées ; ce ſeul avantage étoit capable de leur faire trouver des partis conſidérables : c’étoit ſouvent tout leur bien ; & on peut dire que quand elles faiſoient voir leur derriere à leur mari, elles lui montroient tout leur douaire. Ils étoient plus raiſonnables ſur ce point que nous, puiſqu’ils priſoient plus la beauté que les richeſſes. Mais revenons à ce que tu avois à me dire de Cornélie, & de ſa ſœur Iſabelle.

Octavie.

Oui, je le veux. Tu ſais que Cornélie, ta couſine, fut mariée à dix-neuf ans, à Gordien, jeune homme fort robuſte, & de l’âge de trente ans ; & qu’Iſabelle ſa ſœur fut donnée à quinze ans à Remond, qui en avoit vingt-cinq. Cornélie, ainſi que je t’ai déja dit, eſt blanche comme un lys, & Iſabelle tout-à-fait brune. Eh bien, la premiere nuit de leurs noces, elles ne mériterent pas la même louange pour le débat. Cornélie fut dépucelée ſans grand travail ; & avec cela elle ne put faire que trois courſes avec ſon mari ; elle fut laſſe à la quatrieme : & Gordien, qui alla juſqu’à la neuvieme, la trouva pour lors ſans mouvement, & à demi-morte. Iſabelle, qui avoit tout appris, l’en railla le matin le plus agréablement du monde. Eh quoi ! lui dit-elle en riant, tu n’en peux plus, ma pauvre enfant ! il ſemble que tu ſortes du tombeau. Ah, Iſabelle ! reprit Cornélie, ſi tu avois eu autant à ſouffrir que moi, tu ſerois peut-être autant fatiguée : je n’ai pas fermé l’œil de toute la nuit. Il eſt vrai, interrompit Iſabelle, que tu es fort à plaindre ; neuf courſes par nuit, c’eſt trop pour une fille auſſi délicate que toi. Pour moi, douze ne m’ont pas laſſée ; mais, ſans doute, elles n’étoient pas ſi vigoureuſes que les tiennes. Mais dis-moi, continua Iſabelle, après être revenue de cet aſſoupiſſement, où l’excès du plaiſir t’avoit plongée, comment as-tu reçu ton mari en grace ? car ſans doute il étoit coupable de deux crimes, de n’avoir épargné ni la virginité, ni la vierge ; d’avoir immolé l’une à ſa fureur, & d’avoir réduit l’autre aux abois, Cornélie fut pouſſée à bout : elle ne répondit rien ; & ſa ſœur la quitta en lui diſant de ſe conſoler, qu’elle en avoit encore plus fait que Minerve, & que toutes les Veſtales enſemble.

Tullie.

En effet, c’étoit ſeulement ſon coup d’eſſai ; elle eſt à préſent plus vaillante, & le jeune Adolphe l’a trouvée fort vigoureuſe.

Octavie.

Dis plutôt qu’il l’a trouvée fort facile, & peu honnête ; la chaſteté ne paſſe pas chez elle pour une vertu, mais pour un crime.

Tullie.

Que veux-tu ? C’eſt par un eſprit de charité & de compaſſion qu’elle a accordé à Adolphe ce qu’il deſiroit : elle n’a pu voir un jeune homme ſi beau & ſi amoureux d’elle, ſans en avoir pitié ; & la dévotion, de cette maniere, a plus de part à leur divertiſſement que le crime.

Octavie.

Il eſt vrai ; mais parlons d’autres choſes. Il y a trois jours que je couchai avec Léonor. Ah, que nous paſſâmes agréablement le temps ! ah, qu’elle eſt lubrique ! Vénus n’auroit pu inventer tant de badineries. Elle me donna mille baiſers, & je me ſouviens qu’elle me dit une fois : ah ! que je crains, ma chere Octavie, que l’amour ne ſe contente pas de cette ſorte de baiſers quand il ſera en fureur ! que j’appréhende qu’il ne faſſe un autre uſage de cette bouche divine ! Je reprenois, continua-t-elle, il y a quelque temps, Valerie, de ce qu’elle ſouffroit que ſon mari, qui eſt un jeune homme Napolitain, abuſât d’elle de cette maniere ; mais elle me répondit qu’elle étoit auſſi bien femme par le haut que par le bas, & qu’une femme mariée ne pouvoit avoir trop de complaiſance pour ſon mari. Je demandai enſuite à Léonor, ſi elle n’avoit jamais éprouvé de ſemblable fureur. Je t’avouerai, me dit-elle, qu’Alphonſe le tenta une fois ſur moi ; je l’aime, c’eſt pourquoi je ne lui réſiſtai pas beaucoup ; mais il en uſa bien ; car après avoir fait quelques entrées & quelques ſorties du lieu où je lui avois permis d’entrer, il ſe retira, & fit ſa décharge dans l’endroit que la nature a deſtiné pour cela. Mais d’où vient, Tullie, que beaucoup de femmes ont du penchant & de l’inclination pour ce plaiſir ? Elvire & Théodoſie n’en goûtent jamais, à ce qu’elles m’ont dit, de plus parfait que lorſqu’elles ſucent à loiſir le Vit de leurs Amants. D’où peut venir ce déréglement ?

Tullie.

Je vais te l’apprendre. Prométhée avoit fait un homme ; il ne lui manquoit plus qu’un Vit pour être parfait : il prit de la terre moins groſſiere pour le former ; & avant que de l’appliquer, il le lava dans une fontaine qui étoit proche. Il fit enſuite de la même terre le corps de la femme, & leur donna à l’un & à l’autre la vie : la femme eut ſoif ; elle s’approcha de la fontaine où le membre de l’homme avoit été lavé, elle s’inclina, & but : & c’eſt delà, Octavie, qu’eſt venu la ſympathie du Vit de l’homme avec la bouche de la femme.

Octavie.

Je crois, Tullie, que pour trouver du plaiſir dans ce badinage, il faut avoir le goût dépravé ; & le Pere Chriſogon fait peut-être cela par un eſprit de mortification : car il paſſe pour être fort vertueux.

Tullie.

Je vais te faire rire d’un trait de ſa vertu, qui eſt à remarquer. Emilie, que tu connois fort bien, étoit prête d’épouſer un Capitaine François, qui étoit bien fait, & qui l’aimoit éperduement. Au moment que ce mariage tant deſiré alloit être conclu, Emilie alla voir le Pere Chriſogon : elle eut un long entretien avec lui, & ce Tartuffe lui fit un diſcours ſi perſuaſif des avantages de la virginité, qu’il lui fit changer de réſolution. Elle ne voulut plus entendre parler de mariage, & les larmes de ſon amant n’eurent aucun pouvoir ſur ſon eſprit. Elle s’alla jetter dans un cloître ; & ſans réfléchir ſur la nature de ſon engagement, elle y prit l’habit, de Religieuſe, & y fit des vœux à la fin de l’année. Mais hélas ! cette ferveur ne dura pas toujours ; deux ans après, elle ſe repentit de ce qu’elle avoit fait ; elle pleuroit continuellement la perte de ſa liberté ; elle ne ſoupiroit plus que pour ſon amant ; il étoit toujours préſent à ſon eſprit : & ce qui la mettoit au déſeſpoir, c’eſt qu’elle ne voyoit point de remede à ſon mal. Dans ce grand embarras où elle ſe trouvoit, elle fit part de ſes peines à ſa ſœur ; celle-ci lui promit de faire ſon poſſible, pour la tirer de ſon chagrin : en effet elle y réuſſit. Emilie reçut viſite de celui qu’elle aimoit ; elle en fut engroſſée en peu de temps ; il l’enleva de ſon Couvent, & l’emmena avec lui dans un lieu de ſûreté. Eh bien, en veux-tu davantage ? O la belle dévotion ! elle devint la concubine de celui de qui, par dépit, elle n’avoit pas voulu être la femme. Le Pere Chriſogon ne mérite-t-il pas beaucoup de louanges, d’être venu à bout d’une ſi ſainte entrepriſe, & d’avoir ôté, pour ainſi dire, une femme à ſon mari, pour la mettre entre les mains d’un raviſſeur ? Tous ces gens-là tachent de ſe mettre en bonne odeur parmi le vulgaire ; ils ne font pas de même avec les ſages qu’il eſt dificile de tromper ; ils préferent le grand nombre au meilleur, & les eſprits foibles à ceux qui ont le diſcernement fin, & le jugement ſolide.

Octavie.

Ce que j’ai oui dire de Livie, a beaucoup de rapport avec ce que tu me viens de raconter. Livie paſſoit pour une des plus ſages filles de la ville, lorſqu’elle fut mariée à Alexandre Borgia ; elle ſe comporta ſi honnêtement avec lui qu’elle fut regardé de tout le ſexe comme un modele de perfection ; & comme elle n’avoit point eu d’yeux que pour ſon mari, elle ne voulut plus paroître ſitôt qu’il fut mort. Elle crut qu’elle ne pouvoit conſerver la réputation qu’elle s’étoit acquiſe, qu’en ſe renfermant dans un Couvent ; elle ſuivit ces premiers mouvements ; & laiſſant aux mondains (c’eſt ainſi qu’elle parloit) les bagatelles qui faiſoient leur amuſement, elle prit en partage des biens & des richeſſes qui ne devoient jamais périr. Elle fut donc enſevelie toute vive dans les ténebres d’un cloître ; le révérend Pere Chriſogon conduiſois le Couvent : mais hélas ! elle n’y fut pas trois mois, ſans s’appercevoir qu’elle n’étoit pas encore morte au monde, qu’elle avoit tant mépriſé. Le Pere Chriſogon le reconnut, & la retira de ce tombeau. Il corrompit cette vertu qui avoit été juſques-là inviolable : Oppreſſit tantus vir, tantam virtutem.

Tullie.

Dis plutôt que les vertus de l’un & de l’autre s’unirent enſemble ; Virtus virtutem junxit. Quand ces ſaints perſonnages prennent ces ſortes de divertiſſements, ils en ſéparent toujours tout ce qu’ils ont de terreſtre ; ils n’enviſagent que le Ciel, & pour cela ils dirigent toujours leur invention.

Octavie.

Tu veux dire leur intention : mais il faut que je te faſſe part d’une autre hiſtoire. Il y a quelque temps qu’un jeune homme, de la famille des Poncians dans le Portugal, conçut un amour extraordinaire pour une Religieuſe du pays, qui s’appelloit Agnès. Il fut aſſez malheureux pour ne pouvoir trouver l’occaſion de lui parler comme il ſouhaitoit ; afin de lui faire une déclaration de ce qu’il reſſentoit pour elle, que fit-il ? Pour braver la fortune qui lui étoit contraire, il ſe déguiſa en jardinier ; (il étoit fort robuſte) il alla trouver l’Abbeſſe du lieu, & lui fit offre de ſon ſervice ; il lui plut, & il fut reçu dans la maiſon pour vaquer à l’emploi qu’il avoit recherché. Cependant le bruit courut que la peſte, ou quelqu’autre maladie contagieuſe, étoit dans les maiſons voiſines du monaſtere. Toutes les Religieuſes en prirent l’épouvante, & ſortirent toutes, excepté l’Abbeſſe & trois autres plus courageuſes, à ſavoir Agnès, Gertrude, & Brigitte. Agnès étoit la plus jeune, & celle qui étoit cauſe que Marcel (c’étoit le nom de ce jardinier traveſti) faiſoit un tel perſonnage. Elle ne l’avoit vu qu’une fois ſans lui pouvoir parler ; c’eſt pourquoi elle ne le reconnut point : elle en devint néanmoins amoureuſe. Marcel s’en apperçut, & en fut ravi, tellement qu’il ne manquoit plus que l’heure du Berger, pour tirer cet amour caché de l’obſcurité d’où il n’oſoit ſortir. Cette occaſion ſi néceſſaire à nos deux amants vint fort à propos. L’Abbeſſe deſcendant le ſoir d’un eſcalier fort obſcur, fit un faux pas ; & tombant du haut en-bas, elle tira après ſoi Brigitte qui la ſuivoit. Les bleſſures que ſe firent ces bonnes Meres, les obligerent de garder le lit pendant pluſieurs jours. Sœur Agnès profita de cet accident ; car le gouvernement du Monaſtere fut remis entre ſes mains, & elle reſta de la ſorte maîtreſſe d’elle-même. Un jour donc que toutes les Religieuſes prenoient un peu de repos après-midi, & que tout-étoit dans un profond ſilence, Agnès ſe promenoit ſeule dans le cloître, en s’entretenant de ſon amour, & des moyens néceſſaires à ſa réuſſite. Pendant ce moment de rêverie, Marcel vint au-devant d’elle, elle le reçut à bras ouverts ; & après quelques paroles, ils goûterent ce plaiſir pour lequel ils ſoupiroient depuis long-temps. Le lendemain, du conſentement d’Agnès, Marcel dreſſa des embûches à Gertrude. Son pucelage étoit mûr, & de l’âge de vingt-cinq ans ; elle fut difficile à gagner : néanmoins l’amour, à qui tout cede, en vint au bout. Il l’a renverſa dans un petit cabinet du jardin où il la rencontra ; elle réſiſta un peu, mais elle fut la plus foible : il la trouſſe, il leve ſes jupes, lui apprend ce qu’il avoit enſeigné à ſa compagne, & lui en fit deux leçons conſécutives. Agnès ſe préſenta devant elle, ſitôt que l’affaire fut faite ; mais elle n’oſa preſque lever la vue pour la regarder, tant elle étoit honteuſe. Il ne reſtoit plus que Brigitte ; elle eut ſon tour peu de temps après, & Marcel la fit paſſer par l’étamine comme les autres.

Tullie.

Eh quoi ! la bonne mere n’en goûta-t-elle point ?

Octavie.

Ecoute ſeulement, elle y viendra bientôt. Un jour que la ſœur Agnès étoit avec elle, elle ſe plaignit qu’elle avoit bien de la peine à ſe remettre de ſa chûte ; qu’elle ſe ſentoit toujours foible ; & que la douleur de ſon bras droit, où elle s’étoit bleſſée, n’étoit preſque point diminuée. Vraiment notre mere, reprit ſœur Agnès, je n’en ſuis point ſurpriſe, vous prenez trop de chagrin ; la moindre affaire vous inquiette, & vous ne conſidérez pas qu’il n’y a que le divertiſſement qui puiſſe vous rendre votre premiere ſanté. Mais quel divertiſſement voulez-vous que je prenne ? dit l’Abbeſſe. Il faut prendre, dit ſœur Agnès, tous ceux que l’occaſion vous préſente, ſans examiner ſcrupuleuſement s’ils n’ont rien de défectueux ; quand il y va de la vie, nous ne devons rien négliger pour nous la conſerver, ſi nous ne voulons être homicides de nous-mêmes ; & ce ſeroit un crime bien plus conſidérable que tous ceux qui peuvent renfermer les plaiſirs les moins permis. La Mere vénérable ſe laiſſa perſuader ; elle ſe loua beaucoup des ſoins & des aſſiduités que Marcel lui avoit rendus. Gertrude & Brigitte entrerent, & acheverent d’en faire l’éloge. Ah, notre Mere ! diſoit Brigitte, nous n’avons point encore eu un garçon plus accompli que celui-là ; il chante & danſe agréablement, & fait tout ce qu’il veut de ſon corps. L’Abbeſſe, pour ſe retirer de la triſteſſe que lui cauſoit la maladie, le fit appeller dans le deſſein de s’en divertir ; il vint. Eh bien ! lui dit-elle, j’ai appris que vous chantiez & que vous danſiez fort bien ; voulez-vous nous chanter quelque air nouveau ? Il ne ſe fit pas beaucoup prier, il chanta, & il plut : elle lui dit de danſer ; il demanda quelle danſe elle ſouhaitoit ? celle que vous ſavez le mieux, reprit-elle. Ah ! dit-il, j’en ſais une bien jolie ; quoiqu’elle ne ſoit pas nouvelle ; elle s’appelle le Pouſſe avant ou le Menuet redoublé. Le Pouſſe avant ! dit l’Abbeſſe ; je n’en ai point entendu parler : il faut, ſans doute, qu’elle ſoit nouvelle ; car elle n’étoit pas en uſage quand je ſortis du monde. Vous m’excuſerez, reprit Marcel, & vous ne l’ignorez que parce que vous ne l’avez jamais danſée. L’Abbeſſe ne répondit rien ; & Agnès, Brigitte & Gertrude, qui craignoient que leur préſence n’empêchât leur mere d’agir librement, ſe retirerent & la laiſſerent avec ſon infirmier. D’abord qu’elle ſe vit ſeule, elle connut les embûches ; Marcel, profitant de l’embarras où il la voyoit approcha du lit, lui, donna un baiſer, lui mit une main dans le ſein, & gliſſa l’autre ſous ſa jupe. Elle s’écria, elle appella à ſon aide ; mais toutes ſes Religieuſes étoient ſourdes à ſes paroles. Marcel la preſſe ; & dans le moment qu’il eſt prêt de faire entrée dans ce con vénérable, elle le repouſſa avec aigreur : Miſérable coquin ! lui dit-elle, oſes-tu me violenter de la ſorte ? Marcel ſourit, & lui dit : Quand vous ſaurez, Madame, que celui qui vous parle eſt un Gentilhomme de la famille des Poncians, & par conſéquent votre parent, vous ne ſerez peut-être pas ſi rigoureuſe. Elle le reconnut ; Marcel ne lui donna pas le temps de faire là-deſſus les réflexions qu’elle auroit ſans doute faites, & il continua ſes pourſuites. La bonne Mere, qui n’avoit que trente ans, n’étoit pas tout-à-fait inſenſible ; elle ſuccomba, l’affaire ſe fit, & le Menuet redoublé fut danſé de l’une & de l’autre, pendant qu’Agnès, Brigitte & Gertrude chantoient l’épithalame à la louange de leur Adonis.

Tullie.

A ce que je vois, Marcel n’étoit pas extraordinairement membru, puiſqu’il vint ſi facilement à bout de ces vénérables pucelages.

Octavie.

Tu te trompes ; il en eſt fort bien partagé, & la raiſon que tu en apportes n’eſt pas bonne, puiſque c’eſt la commune opinion qu’une fille peut ſouffrir un homme, pourvu que la groſſeur de ſon membre n’excede pas celle de ſon bras. Connois-tu Clémence, qui fut mariée, il y a huit jours, au Vicomte Rodolphe ?

Tullie.

Oui, je la connois : elle eſt fort belle, & fort agréable ; mais elle eſt d’une complexion tendre & délicate.

Octavie.

Tu ſauras que toutes ſes amies pleuroient de compaſſion la veille de ſes noces. Rodolphe paſſe pour monſtre, quoique ſon membre n’ait que ſix pouces de long ; mais la groſſeur en eſt prodigieuſe : elles avoient pitié de cette pauvre enfant, qu’elles prévoyoient devoir être déchirée & miſe en pieces. Elles repréſenterent à ſa mere le peu de proportion qui étoit entre ce couple ; celle-ci en conſulta Sabine ſa ſœur, qui lui dit ſon ſentiment, & en parla enſuite à Clémence. Vous ſavez bien, ma niece, lui dit-elle, que vous êtes deſtinée pour le Vicomte Rodolphe ; mais, vous ignorez peut-être que c’eſt un homme qui ne pourra vous dépuceler ſans vous faire des maux étranges ; & même, ſelon les apparences, il aura bien de la peine à en venir à bout, tant ſon membre eſt monſtrueux. Je vous avertis de cela, continua-t-elle, afin que vous ayiez bon courage, & que vous enduriez patiemment toutes les douleurs qui ſont inévitables aux nouvelles mariées : qu’en dites-vous ? Il ſuffit ma tante, reprit Clémence, que j’aime extrêmement, pour que l’amour me donne des forces pour ſoutenir ces attaques que vous me repréſentez devoir être ſi furieuſes. Je le ſouhaite, mon enfant, dit Sabine, & je deſire qu’elles ne te manquent point. Mais laiſſe-moi voir, pourſuivit-elle, ſi ta partie eſt bien diſpoſée pour cela : elle paſſa auſſi-tôt ſa main ſous ſa chemiſe, & la porta dans l’endroit qui devoit être ſi maltraité ; elle en ouvroit les levres, elle les manioit, & faiſoit entrer le doigt le plus avant qu’elle pouvoit. Ah, ah, ah ! s’écria Clémence, retirez-vous, vous me chatouillez trop vivement, & vous m’excitez à un plaiſir que je ne connois point. Sabine retira ſa main : Ah, mon enfant, dit-elle à Clémence, que ta partie eſt avantageuſement placée ! qu’elle eſt aimable ! elle eſt telle que Vénus la ſouhaiteroit pour ſes filles. Je t’avoue qu’elle eſt un peu étroite ; mais il n’y a point de remede : il vaut mieux endurer une nuit, pour être heureuſe le reſte de tes jours, que d’augmenter le nombre de ces vierges folles, qui n’ont jamais goûté le plaiſir. Pour t’achever cette hiſtoire, tu ſauras qu’elle ſoutint vigoureuſement ſix aſſauts la nuit ſuivante : elle fut miſe en pieces ſans verſer une larme ; & au troiſieme coup, cet inſtrument furieux ſe logea tout entier au-dedans. Enfin, elle fut dépucelée, & jamais fille n’a paru plus ferme & plus conſtante. Il ſembloit le matin, à voir leurs draps, qu’ils euſſent fait une boucherie de leur lit, tant il étoit rempli de ſang. Clémence ſe reſſentit de toutes ces fatigues quand elle fut levée ; car à peine pouvoit-elle ſe tenir debout, bien-loin de pouvoir marcher.

Tullie.

Ce diſcours me fait ſouvenir du pere Théodore, dont tu n’as pas achevé l’hiſtoire.

Octavie.

Je vais la pourſuivre. J’étois étendue tout de mon long ſur le lit où il m’avoit jetté, dans une poſture aſſez commode pour lui & pour moi, lorſqu’il m’enconna. La longueur de ſon inſtrument ne lui permit pas d’entrer tout au-dedans ; il en reſta quatre pouces de long au-dehors, que je preſſois vivement avec mes doigts. Un moment après, il déchargea : Ah, bonté de Vénus, quel raviſſement ! je crus que tout ce que la volupté avoit jamais eu de ſenſible, que tout ce qu’elle pouvoit avoir pour le préſent, & que tout ce qu’elle auroit à l’avenir de douceurs, s’étoit aſſemblé dans cette partie, où il ſe faiſoit le débat. Je m’imaginai être métamorphoſée en Déeſſe, & être placée dans le ciel, tant le plaiſir que je reſſentois étoit exceſſif. Enfin, ce contentement ceſſa, & je reconnus que j’étois encore en terre : mon adverſaire ſe retira la tête baiſſée ; & quoiqu’il eût combattu vaillamment, je reſtai néanmoins victorieuſe.

Tullie.

Tu triomphois de Théodore, pendant que ta mere diſputoit ſans doute la victoire avec le Pere Chriſogon.

Octavie.

O la plaiſante farce ! tu vas rire, Tullie, ſi tu veux m’entendre. Quand nous eûmes achevé, Théodore & moi, je lui demandai s’il vouloit que nous allaſſions voir à quoi le Pere Chriſogon & ma mere paſſoient le temps. Je le veux bien, reprit-il ; mais quelque plaiſir qu’ils prennent, il ne peut pas être ſi grand que celui que j’ai goûté avec vous, belle Octavie. Il dit cela, en me donnant un baiſer. Je ſortis, il me ſuivit à petit bruit ; nous montâmes au-deſſus de la chambre où le jeu ſe faiſoit. Il y avoit une petite fente, d’où l’on pouvoit voir tout ce qui ſe paſſoit au-dedans ſans être vu.

Tullie.

Je m’étonne comment Sempronie, qui ſait qu’une femme prudente doit tout craindre quand elle ſe divertit, ne s’eſt point apperçue de cette ouverture. La pauvre Lucie, femme d’Ulric & sœur de Fonſeque, penſa périr miſérablement par un ſtratagême ſemblable, que lui dreſſerent ſes ennemis. Elle avoit un jeune ſerviteur fort bien fait, de l’âge de ſeize ans, qui s’appelloit Florent ; il étoit fort, aimable, & digne de l’affection qu’elle conçut pour lui. Ils auroient été plus heureux dans leurs amours, ſi Pélagie, qui étoit, une fille de chambre de la maiſon, eût été moins ſenſible aux belles qualités de ce jeune homme ; mais elle en devint éperduement amoureuſe, & par conſéquent la rivale de ſa maîtreſſe. Le mépris qu’elle connut que Florent faiſoit de ſa perſonne depuis qu’il étoit dans les bonnes graces de Lucie, la mit au déſeſpoir ; elle conçut mille deſſeins de malice pour troubler cette intelligence : mais voyant que toutes ſes ruſes avoient été de nul effet, elle ne penſa plus qu’aux moyens de les perdre entiérement. Pour en venir plus facilement à bout, elle perça deux ou trois planches, dont les ouvertures donnoient lieu de voir tout ce qui ſe pouvoit paſſer entr’eux. Un jour donc de grand matin qu’Ulric étoit allé à la chaſſe, Lucie fit appeller Florent : il entra auſſi-tôt dans la chambre, où il la trouva ſur ſon lit, couchée d’une maniere à donner de l’amour au plus froid de tous les hommes. Elle avoit tout le ſein & les cuiſſes découvertes, le viſage riant, & tout le reſte du corps ſi négligemment caché, qu’elle n’étoit pas fâchée d’être vue dans cette poſture. Pélagie, que la jalouſie animoit ; alla avertir Judith, ſœur d’Ulric, du commerce de nos deux amants, & de l’occaſion qui ſe préſentoit de le découvrir : celle-ci ne vouloit point de bien à Lucie depuis long-temps ; elle vint donc, & regarda attentivement tout ce qui ſe paſſoit dans la chambre. Florent prioit Lucie d’avoir compaſſion de lui, d’avoir égard à l’excès de ſon amour, & de lui accorder la faveur pour laquelle il ſoupiroit jour & nuit. Il la preſſoit, mais elle le repouſſoit toujours. Je ne refuſe point ton affection, mon cher Florent, lui diſoit-elle ; mais pour te permettre la moindre choſe qui me déshonore, c’eſt ce que je ne ferai jamais, pas même ſi les Rois l’exigeoient de moi. Je ne refuſe point ce que je te puis accorder, contente tes yeux & tes mains, regarde & manie tout ce que tu voudras, je ne m’y oppoſe pas ; mais ne prétends pas paſſer plus avant. Après ces paroles, elle ſe découvrit, & ſe vit voir toute nue à Florent. Ah ! ma Reine, diſoit-il, n’eſt-ce pas me refuſer tout, que de me défendre ſi étroitement ce qui peut ſeul me donner le véritable plaiſir ? ah ! que vous êtes cruelle, de preſcrire de ſi rigoureuſes loix à notre amour ! Tout au moins, continua-t-il, (en montrant ſon inſtrument qui prenoit feu à la vue de tant de beautés) que vos belles mains, aimable Lucie, me ſoulagent un peu pendant que je vous contemplerai à mon aiſe. Je t’entends, lui dit-elle ; avoue donc que je ſuis bien bonne, & regarde combien tu m’as d’obligations : elle fit ce qu’il vouloit, elle prit ſon invention, & l’excita doucement à la décharge, pendant que Florent de ſon côté lui rendoit un ſemblable office. Courage, courage, diſoit-il d’abord, plus vîte, plus vîte, & un peu après ; ah ! doucement, ma chere Lucie, ne faites pas ſitôt finir le plaiſir ! ah, ah ! je n’en puis plus. En diſant cela il déchargea ſur un linge qui étoit tendu à deſſein, & s’appuya ſur Lucie, qui goûta auſſi-tôt le même plaiſir. Mais hélas ! Octavie, cette joie fut bientôt ſuivie de triſteſſe. Judith entra dans ſa chambre comme une lionne, traita cette pauvre enfant d’infâme & d’adultere ; elle la fit lever promptement ; & étant aſſiſtée de Pélagie, elle la conduiſit dans un Bordel. Ah ! ma ſœur, diſoit Lucie, faites de moi ce que vous voudrez, pourvu que vous donniez la liberté à Florent. C’eſt moi qui ſuis coupable, & qui ai commis le crime, ſi c’en eſt un néanmoins que d’avoir fait une légere badinerie. Je ferai, dit Judith, ce que je jugerai à propos ; ſuivez-moi ſeulement. Florent fut enfermé, ſans donner connoiſſance aux autres ſerviteurs, de la raiſon pourquoi on le faiſoit ; & Lucie fut menée au Bordel. Ce fut là où Judith, s’étant enfermée avec elle dans une chambre, lui dit qu’il falloit qu’elle ſe réſolût d’être bouclée ; où bien de ſe préparer à mourir. A ces paroles, les larmes tomberent des yeux de Lucie. Ah ! ma chere ſœur, dit-elle à cette Mégere, ayez compaſſion de moi, & ne puniſſez pas ſi rigoureuſement une ſi petite foibleſſe. Judith étoit inexorable, & la fit promptement dépouiller ; il ne lui reſtoit plus que ſa chemiſe, qu’elle lui ôta : l’amour attendrit le cœur de cette tigreſſe ; elle ne put voir la beauté du corps de Lucie, ſans en devenir elle-même amoureuſe ; & comme changée en une autre perſonne, elle ſe jetta au col de cette pauvre affligée, & la baiſa avec une ardeur extraordinaire. Ah ! ma chere enfant, lui dit-elle, que tu es agréable dans ta triſteſſe même ! ne crains plus rien, ſi tu veux être à moi, & avoir Florent en averſion. Lucie lui promit tout ce qu’elle voulut. Ah ! que je t’aime, & que je ſuis fâchée de t’avoir ainſi affligée ! n’y penſe plus, ſonge ſeulement à m’aimer auſſi tendrement que je te chéris : je veux coucher cette nuit avec toi ; mon frere eſt abſent, & je te ſervirai de mari occupant ſa place.

Octavie.

Ah ! ah ! ah !

Tullie.

Elle y coucha en effet, & remplit tout le lit de ſes fureurs : elle donna mille baiſers à Lucie, & la fatigua plus par ſes ſecouſſes, qu’elle ne l’auroit été dans les embraſſements de ſon mari. Judith s’appaiſa de la ſorte, & donna la liberté à Florent, avec défenſe néanmoins de ne point entrer dans la chambre de ſa maîtreſſe. Le pauvre enfant en étoit au déſeſpoir, il en mouroit de déplaiſir : il va trouver Pélagie, fait ſemblant d’être outré contre Lucie, & de ne vouloir plus être qu’à elle ; il lui parle en amant paſſionné, elle le crut, ils firent l’affaire enſemble, & ce fut par cet artifice qu’il recouvra le moyen de jouir de ſa maîtreſſe. Ah, Pelagie, lui dit-il, (dans la chaleur de leurs embraſſements) je t’aime ; tu ſouffres que je ſois maltraité de Lucie, qui me mépriſe, & qui me regarde à préſent comme un eſclave ! ah ! ſi tu voulois, j’en prendrois bien vengeance ! Et quelle vengeance, dit Pélagie ? eſt-ce que tu veux la punir par ſa volupté même ? Ah, Dieux ! reprit Florent, j’aimerois mieux chevaucher Thiſiphone, & coucher avec les Furies, que d’avoir affaire avec cette ingrate. Promets-moi donc de m’être toujours fidele, dit Pélagie. Je te le jure, reprit-il, & je t’engage ma parole que je n’en aimerai d’autre que toi.

Octavie.

Il ne vit donc plus Lucie depuis ce temps-là ?

Tullie.

Il eut toute la liberté de la voir, depuis qu’on crut qu’ils étoient en mauvaiſe intelligence. Il l’alla donc trouver une après-dînée qu’elle étoit ſeule dans ſa chambre. Lucie pleura d’abord qu’elle le vit entrer, parce que c’étoit la premiere ſois depuis leur déſaſtre. Eh bien, mon enfant, lui dit-elle, nous avons paſſé un mauvais pas. Oui, reprit-il en ſoupirant, & je n’en ai appréhendé les dangers que pour vous ; mais à préſent j’ai détruit leur artifice par un ſtratagême. Je le ſais, dit Lucie, & tu as agi ſpirituellement. Judith eſt contente, & m’aime paſſionnément, quoique je l’aye en averſion : c’eſt pourquoi il n’y a plus rien à appréhender de ſon côté. Cependant Florent étoit tout en feu, Lucie s’en apperçut ; & le regardant avec des yeux languiſſants, elle lui donna un baiſer : Ah ! mon cœur, lui dit-elle, je me meurs, je t’aime trop, & c’eſt toi qui es la cauſe de toutes mes foibleſſes ! Ah ! ma chere maîtreſſe, repondit-il, ne croyez pas que je ſois inſenſible ; je reſſens les mêmes mouvements que vous, & je connois qu’il n’y a que vous qui puiſſiez les appaiſer : nous ſommes ſeuls ; ceux qui pourroient nous ſurprendre ſont hors de la maiſon ; en un mot, nous n’avons rien à craindre. Elle rougit à ces paroles ; il la baiſe, il l’embraſſe, & enfin, après un peu de réſiſtance, il en reçoit la derniere faveur. Voilà, Octavie, comme les choſes ſe paſſerent : pardonne-moi cette digreſſion que j’ai faite inſenſiblement, & revenons au Pere Chriſogon.

Octavie.

Quand nous fûmes arrivés dans l’endroit d’où nous pouvions voir ce qui ſe paſſoit, nous apperçûmes le pere Chriſogon aſſis ſur le bord du lit avec ma mere, qu’il tenoit par la main. Eh bien, ma Sainte, (c’eſt ainſi qu’il l’appelloit) que penſez-vous que fait le pere Théodore avec Octavie ? Je m’en doute bien, reprit-elle, car j’ai entendu ſa voix comme ſi elle eût pleuré ; aſſurément il lui parle du mépris du ſiecle, que le chemin du paradis eſt difficile, & que les tourments de l’enfer ſont terribles. Ah, ah ! vous n’y êtes pas, dit le pere Chriſogon en riant ; il force cette pauvre enfant avec un Vit plus terrible que tous les Diables enſemble, quand il eſt en fureur, & c’eſt delà que proviennent ſes cris. J’aime beaucoup Théodore, continua-t-il, en parlant à ma mere ; & je lui aurois même fait part de ma fortune, ſi l’amour extrême que je te porte me l’avoit pu permettre : mais j’aime avec trop d’excès, & je porte même envie à ton mari de ce qu’il partage des plaiſirs qui ne devroient être goûtés que de nous deux. Ne voulant donc point avoir d’aſſocié dans mes amours, j’ai conſeillé Théodore de tenter fortune auprès d’Octavie, & je lui en ai fait eſpérer une bonne iſſue. En achevant ces paroles, il la renverſa ſur le lit : O mon Amour ! diſoit-il, anime par tes baiſers ces mouvements à demi-languiſſants. Je veux mal, reprit-elle, à cette robe ridicule, qui me cache les beautés de ton corps. Ah ! que cet habit eſt incommode ! à quoi bon le faire d’un ſi grand volume ? releve-le donc. Il obéit, & elle vit auſſi-tôt cet inſtrument philoſophique qui commençoit à prendre feu ; elle l’apoſtropha plaiſamment. Ah ! voilà, s’écria-t-elle, ce ſuperbe Roi des Vits, qui eſt à préſent lâche, ſans courage, & à demi abattu ! regarde ton ennemie, diſoit-elle, qui t’appelle en duel, & te défie au combat. Ah ! ma chere Sempronie, reprit Chriſogon, ſi tu veux qu’il ſoit bientôt en état, quitte ces vêtements, qui ne ſont pas moins incommodes que les miens ; tu es plus belle toute nue, qu’avec tout ces vains ornements. Elle les quitta, & il ne lui reſtoit plus que ſa chemiſe, qu’il tira lui même. Elle baiſſa les yeux quand elle ſe vit toute nue. Ah ! Tullie, qu’elle a le corps blanc & bien proportionné !

Tullie.

Je le ſais.

Octavie.

Cependant le Pere Chriſogon paroiſſoit le plus impatient du monde ; il tournoit ma mere d’un côté & d’autre, ſans rien faire : Ah ! ma chere Sempronie, lui dit-il après, mettez-vous dans cette poſture que j’aime. Auſſi-tôt elle écarta les cuiſſes, & le Pere Chriſogon les élevant ſur ſes épaules, l’enconna avec vigueur. Théodore qui conſidéroit attentivement tout ce badinage, en fut ému. Ah ! ma chere Octavie, me dit-il, c’en eſt aſſez, ma curioſité eſt ſatisfaite ; je n’y puis plus réſiſter ; allons faire nos affaires de notre côté. J’y conſentis, nous nous en allâmes. Il me fit mettre ſur le lit, dans une poſture plus commode que celle où j’avois été auparavant ; il tira ſon inſtrument : Ah, Dieux ! quand j’y penſe, j’en ai frayeur. Je le meſurai par curioſité ; le croiras-tu ? Tullie ; il avoit treize pouces de long, ſa groſſeur étoit proportionnée, & à peine pouvois-je l’empoigner, Tantæ molis erat ! Je tremble, lui dis-je, à la vue d’une machine ſi furieuſe ; j’appréhende que vous ne me mettiez en pieces. Ne craignez point, dit-il, avant que d’en avoir fait l’épreuve. En diſant cela, il ſe jetta ſur moi en m’écartant les cuiſſes ; je reçus ce nouvel hôte avec une intrépidité admirable ; il preſſe, il ſecoue, & enfin m’enivre de cette douce ambroiſie qu’il répandit avec abondance. Je déchargeai preſque auſſi-tôt, avec un ſi doux chatouillement, que j’en perdis la parole, & ne faiſois que ſoupirer. L’affaire faite, d’un coup de cul je fis ſortir Priape de ſon gîte, & donnai un baiſer à mon cavalier, & nous nous ſéparâmes ainſi. Voilà, Tullie, ce qui s’eſt paſſé entre Théodore & moi.

Tullie.

Fort bien. Mais il faut, devant que de nous quitter, que je te faſſe le récit des circonſtances de la mort de Clémence, ſi tu ne les ſais pas.

Octavie.

Non ; oblige-moi de me les apprendre, car j’y ai été fort ſenſible.

Tullie.

Tu ſauras que Victor, couſin de Rodolphe, qui eſt un jeune Gentilhomme fort aimable, & qui, il y a quelque temps, avoit conçu beaucoup d’amitié pour Gétulie, étoit toujours auprès d’elle, & lui rendoit des aſſiduités qui devoient être apparemment ſuivies de-quelques faveurs, ſi elle eût été moins fiere. Mais il n’y profita de rien ; & après l’avoir traitée d’ingrate & de cruelle, il rompit avec elle pour jamais. Ne ſachant, après cette rupture, où placer ſes affections, il jetta la vue ſur Clémence, qui étoit mariée à Rodolphe : tu ſais qu’il n’y avoit rien de plus aimable que cette jeune femme. Il lui plut ; mais de l’humeur qu’elle étoit, il n’y avoit pas beaucoup à gagner auprès d’elle. Elle ſouffroit bien d’être aimée, mais il ne falloit pas prétendre d’en venir aux effets ; volebat diligi, nolebat ſubigi. Victor reconnut bientôt le peu d’eſpérance qu’il avoit de réuſſir dans ſon amour ; il ne put néanmoins le modérer, tant il étoit charmé des belles qualités de celle qu’il chériſſoit. Il ſe plaint auprès d’elle, & ſe ſert de toutes les expreſſions les plus tendres pour la rendre ſenſible à ſon mal ; mais c’eſt ſans effet. Si vous m’aimez, lui diſoit-elle, vous ne devez pas ſouhaiter de me faire commettre un crime ; je préfere l’honnêteté à la vie, ſans laquelle elle me deviendroit odieuſe, & n’auroit plus de charmes pour moi. Aimez en moi ce que vous y trouvez d’aimable, j’y conſens de tout mon cœur ; & tant que votre amour ſera raiſonnable je vous chérirai tendrement, En diſant cela, elle lui donnoit des baiſers, ſed oſcula frigida, & qui n’étoient point animés de cette ardeur que la Mere des Amours nous inſpire. Vous voulez donc que je meure lui diſoit Victor, & que je ſois la victime de cette vertu qui vous ſéduit ? J’y conſens ſi vous croyez pouvoir honnêtement faire mourir un homme qui vous aime. Il tomba en effet malade de déplaiſir quelques jours après, & ſon mal s’accrut tellement, que les Médecins déſeſpérerent de ſa vie. Rodolphe étoit au deſéſpoir de perdre un parent ſi accompli, & dans la fleur de ſon âge. Clémence pleuroit, & n’étoit pas moins affligée que ſon mari, parce qu’elle ſavoit qu’elle étoit la cauſe de ſa maladie. Rodolphe voulut qu’elle allât voir Victor, d’autant que, dans la force de ſon mal, on lui avoit entendu appeller Clémence. Elle y alla ; & lorſqu’il la vit près de ſon lit, où il pleuroit, il ſourit. Il fit ſortir enſuite tous ceux qui étoient dans ſa chambre, & pria Clémence de reſter ſeule avec lui. Eh ! de quoi pleurez-vous ; lui dit-elle, pauvre mourant ? Je vous obéis ; vous m’avez condamné à la mort, & voici que je meurs. Ah Dieux ! dit-elle en eſſuyant ſes larmes, que vous êtes cruel de m’affliger encore dans la douleur que j’ai de votre mal ! non, vivez, je vous l’ordonne, ou bien je vous ſuivrai de bien près, moi, dit-elle, que vous appelliez votre vie & votre Amour. Vivez donc, & vous aurez ſujet d’être content de moi. En lui diſant cela, elle lui donna un baiſer, & ce baiſer le tira du tombeau. Il recouvra la ſanté en peu de jours ; & ſitôt qu’il fut ſur pied, alla trouver Clemence : (Rodolphe étoit abſent pour un mois) eh bien, lui dit-il, vous ſavez à quel prix je me ſuis rendu ; où eſt cette vie que vous m’avez promiſe ? car vous m’en avez fait eſpérer une meilleure que celle que je menois auparavant. Clémence tâchoit de l’entretenir d’eſpérance, & ne lui accordoit rien. Quelque temps après, l’Empereur Charles-Quint lui donna le commandement d’une de ſes armées, & lui ordonna de partir au plutôt pour l’Italie. Il alla en donner avis à Clémence ; & malgré toutes les réſiſtances qu’elle apporta à ſon deſſein, il en vint à bout : elle ſuccomba, & lui accorda enfin cette grace pour laquelle il ſoupiroit depuis ſi long-temps. Le combat fut rude ; le choc ſe renouvelle quatre fois, & la nuit ſépare nos Amants. Sitôt que Victor fut parti, Clémence ſe repentit de ce qu’elle avoit fait, elle en eut horreur. Ah ! malheureuſe que je ſuis ! diſoit-elle ; ne m’étois-je conſervée chaſte, que pour m’abandonner comme j’ai fait ? Quoi ! oſerai-je ſeulement regarder le Ciel, après m’être rendue ſi criminelle ? où fuirai-je ? que deviendrai-je ? Ah ! Il n’y a que la mort qui puiſſe me laver d’une telle infamie ! Elle ſe condamna donc, elle paſſa la nuit ſans repoſer ; & ne prit aucune nourriture le lendemain : elle ne faiſoit que pleurer & ſoupirer. Victor la vint voir la veille de ſon départ pour l’Italie ; il fut bien ſurpris de la trouver dans les pleurs & les gémiſſements. Ah ! qu’eſt-ce que je vois ? miſérable que je ſuis ! s’écria-t-il ; quoi ! ne m’avez-vous donné la vie, aimable Clémence, que pour vous l’ôter ? Il voulut en même-temps la baiſer, mais elle le repouſſa rudement. Retirez-vous lui dit-elle ; vous êtes un enchanteur qui m’avez ſéduite : il n’y a point de punition qui puiſſe effacer mon crime, ſi ce n’eſt la mort. Je m’y prépare, oui, il faut mourir. Si vous êtes ſérieuſement dans cette réſolution, dit Victor, vous aurez un compagnon. Eh quoi ! continua-t-il, eſt-ce ainſi que vous abuſiez de ma crédulité, & que vous me tiriez de tombeau pour me faire mourir d’une mort plus cruelle que celle que j’aurois ſoufferte ? Non, non, Clémence, pourſuivit-il, vos manieres me touchent vivement ; & ſi vous ne ceſſez de vous traiter avec tant de rigueur, je vais me percer de ce poignard. Clémence qui le vit prêt à faire ce qu’il diſoit, le retint : Ah ! s’écria-t-elle, qu’allez-vous faire, mon cher Victor ? Je vous aſſure de mon amour & de ma vie, & conſervez la vôtre. Quoi ! voulez-vous me refuſer ? Non, lui dit-il, je vous l’accorde. Je vous demande encore une choſe, dit-elle ; promettez-moi de me l’accorder. Eſt-il quelque choſe, dit-il, que je puiſſe vous refuſer ? parlez. C’eſt, continua-t-elle, que nous nous aimions l’un & l’autre d’un amour fraternel & honnête : ſi vous ne le voulez pas, dit Clémence, vous me condamnez à la mort ; je croirai que ce ne ſera pas moi que vous aimerez mais votre plaiſir. Cela déplut à Victor ; il prit congé d’elle ſans lui marquer ſon déplaiſir, lui recommanda ſa ſanté, & lui dit qu’il lui obéiroit avec exactitude dans ce qu’elle lui demandoit. Elle fut ravie de ſon conſentement, & reprit en peu de temps ſon embonpoint, que le jeûne & le chagrin lui avoient ôté. Son amant fit ſon voyage, & elle ſe reſſentit bientôt de ſon abſence : car rappellant dans ſon eſprit ce qu’elle lui avoit permis, elle ne faiſoit que pleurer & ſoupirer. Elle n’oſoit pourtant s’abandonner entiérement à la douleur, de crainte d’être parjure. Quatre mois après, elle reçut la nouvelle de la mort de Victor, qui avoit été tué à la bataille de Pavie, où le Roi François I fut pris. Ce fut pour lors que ſa conſtance manqua de forces : elle tomba malade de douleur quelque temps après ; elle ne voulut prendre aucun aliment, & ſe laiſſa miſérablement mourir de faim. Rodolphe qui ne la quittoit point dans cette extrémité, & qui fondoit en larmes près de ſon lit, lui demanda un moment avant qu’elle mourut, pourquoi elle paroiſſoit ſi indifférente pour la vie, puiſqu’elle ſavoit qu’elle perdoit un mari qui l’aimoit ſi tendrement ? Ah ! lui dit-elle d’une voix mourante, vous étiez digne d’une femme plus ſage & plus honnête que moi : j’ai violé la foi que je vous avois donnée ; & pour l’expiation d’un tel crime, je me ſuis condamnée moi-même à mourir ; ayez compaſſion de moi, & me pardonnez. En achevant ces paroles, elle expira entre ſes bras. Admire, Octavie, la vertu de cette femme : in culpâ fæminam vides, in pænitentia heroinam.

Octavie.

Tu te moques de moi, Tullie, & tu ne parles pas ſérieuſement, d’appeller vertu une action de déſeſpoir.

Tullie.

Le déſeſpoir n’eſt pas toujours blâmable. Lorſque Caton ſe tua lui-même après avoir perdu toute eſpérance de ſon ſalut & de celui de la République, il n’en fut que plus eſtimé ; ſon action paſſa pour héroïque. Clémence ne voyoit aucune apparence de pouvoir recouvrer ſon honneur qu’elle avoit perdu, elle fait de même. Elle mérite donc d’être louée comme une femme forte & vertueuſe.

Octavie.

Je ne trouve qu’une choſe qui puiſſe l’excuſer, qui eſt la crainte qu’elle pouvoit avoir d’être découverte de ſon mari ; car pour moi, dans une pareille occaſion, je me donnerois mille fois la mort, plutôt que de m’expoſer à la recevoir d’un furieux.

Tullie.

C’eſt bien mon ſentiment ; & j’aimerois mieux périr par mes mains que par celles de mon mari. N’admires-tu point l’inhumanité des hommes, qui nous défendent des plaiſirs auxquels ils s’abandonnent indifféremment ? Ils eſtiment déſhonneur, de pardonner à une femme que les tigres même épargneroient dans leur fureur.

Octavie.

Je crois encore que cette fureur des hommes qui nous traitent avec tant de rigueur, vient beaucoup de la coutume ; parce qu’il y a des pays où non-ſeulement les femmes ſont communes, mais même où un mari donne de l’argent à celui qui couche avec la ſienne la premiere nuit de ſes noces ; ce qui ne pourroit être, ſi la jalouſie y régnoit.

Tullie.

Tu as raiſon, il n’y a que cette coutume qui gouverne tout ; il n’y a rien de juſte ou d’injuſte de ſoi-même, rien de bon ou de mauvais dans les mœurs, l’uſage ſeul qualifie toutes choſes. Si ces vérités étoient connues d’une infinité de ſcrupuleuſes, elles reconnoîtroient bientôt leurs ſottes opinions ; & examinant à la regle d’une droite raiſon, les néceſſités naturelles, elles trouveroient dans la vie bien plus de douceurs qu’elles n’en éprouvent. Pour vivre heureuſes dans ce monde, nous devons ôter toutes les préventions de notre eſprit, en effacer tout ce que la tyrannie d’une mauvaiſe coutume peut y avoir imprimé, & conformer en ſuite notre vie à ce que la nature pure & innocente demande de nous.

Octavie.

Je vous ai bien des obligations, Tullie, puiſque ſans vous je ſerois encore dans l’aveuglement : car l’effort de mes premieres connoiſſances, des mauvaiſes habitudes, & le torrent de la multitude m’auroient ſans doute emportée, ſi les ſolides inſtructions que vous m’avez données ne m’euſſent fait changer de ſentiment, en me faiſant connoître la vérité.

Tullie.

Tu ne te laſſes point à cauſer, & tu ne prends pas garde que voilà tantôt la journée paſſée : remettons nos entretiens à une autre fois ; baiſe-moi avant que de ſortir : adieu, mon cœur.

Octavie.

Ah, Tullie ! je ne me laſſerois jamais dans de ſemblables converſations ; j’y paſſerois les nuits ſans m’ennuyer ; & ce n’eſt qu’avec peine que je me ſépare de toi : baiſe-moi, Tullie.

Tullie.

Ah, que tu es badine ! je crois que tu ne veux point finir.


FIN.


PL. 1.
L’Académie des dames, 1770, PL-1
L’Académie des dames, 1770, PL-1


PL. 2.
L’Académie des dames, 1770, PL-2
L’Académie des dames, 1770, PL-2
Le Manualisé fecit.


PL. 3.
L’Académie des dames, 1770, PL-3
L’Académie des dames, 1770, PL-3


PL. 4.
L’Académie des dames, 1770, PL-4
L’Académie des dames, 1770, PL-4


PL. 5.
L’Académie des dames, 1770, PL-5
L’Académie des dames, 1770, PL-5
Le poſtillon Ditallier me fecit. 1775.


PL. 6.
L’Académie des dames, 1770, PL-6
L’Académie des dames, 1770, PL-6


PL. 7.
L’Académie des dames, 1770, PL-7
L’Académie des dames, 1770, PL-7


PL. 8.
L’Académie des dames, 1770, PL-8
L’Académie des dames, 1770, PL-8


PL. 9.
L’Académie des dames, 1770, PL-9
L’Académie des dames, 1770, PL-9
La mere Chantal fecit.


PL. 10.
L’Académie des dames, 1770, PL-10
L’Académie des dames, 1770, PL-10


PL. 11.
L’Académie des dames, 1770, PL-11
L’Académie des dames, 1770, PL-11


PL. 12.
L’Académie des dames, 1770, PL-12
L’Académie des dames, 1770, PL-12
Priape VISUS.


PL. 13.
L’Académie des dames, 1770, PL-13
L’Académie des dames, 1770, PL-13
Ex VOTO.


PL. 14.
L’Académie des dames, 1770, PL-14
L’Académie des dames, 1770, PL-14


PL. 15.
L’Académie des dames, 1770, PL-15
L’Académie des dames, 1770, PL-15
L’Espagnolette fecit.


PL. 16.
L’Académie des dames, 1770, PL-16
L’Académie des dames, 1770, PL-16


PL. 17.
L’Académie des dames, 1770, PL-17
L’Académie des dames, 1770, PL-17


PL. 18.
L’Académie des dames, 1770, PL-18
L’Académie des dames, 1770, PL-18


PL. 19.
L’Académie des dames, 1770, PL-19
L’Académie des dames, 1770, PL-19


PL. 20.
L’Académie des dames, 1770, PL-20
L’Académie des dames, 1770, PL-20


PL. 21.
L’Académie des dames, 1770, PL-21
L’Académie des dames, 1770, PL-21


PL. 22.
L’Académie des dames, 1770, PL-22
L’Académie des dames, 1770, PL-22


PL. 23.
L’Académie des dames, 1770, PL-23
L’Académie des dames, 1770, PL-23


PL. 24.
L’Académie des dames, 1770, PL-24
L’Académie des dames, 1770, PL-24
Bon logie, aux croisan.


PL. 25.
L’Académie des dames, 1770, PL-25
L’Académie des dames, 1770, PL-25


PL. 26.
L’Académie des dames, 1770, PL-26
L’Académie des dames, 1770, PL-26


PL. 27.
L’Académie des dames, 1770, PL-27
L’Académie des dames, 1770, PL-27
XVII.


PL. 28.
L’Académie des dames, 1770, PL-28
L’Académie des dames, 1770, PL-28


PL. 29.
L’Académie des dames, 1770, PL-29
L’Académie des dames, 1770, PL-29


PL. 30.
L’Académie des dames, 1770, PL-30
L’Académie des dames, 1770, PL-30
La Cléf de Constantinoble.


PL. 31.
L’Académie des dames, 1770, PL-31
L’Académie des dames, 1770, PL-31
BERCEAU INDIEN.


PL. 32.
L’Académie des dames, 1770, PL-32
L’Académie des dames, 1770, PL-32
L DUCEDO


PL. 33.
L’Académie des dames, 1770, PL-33
L’Académie des dames, 1770, PL-33


PL. 34.
L’Académie des dames, 1770, PL-34
L’Académie des dames, 1770, PL-34
VIAS AMOR.


PL. 35.
L’Académie des dames, 1770, PL-35
L’Académie des dames, 1770, PL-35

  1. Note de WS :
    Mais parce que l’honneur, ce tyran de nos Ames,
    Cette trompeuse idole & ce phantôme vain,
    N’avoit pas ſur les cœurs un pouvoir ſouverain,
    Et ne s’oppoſoit pas aux amoureuſes flâmes,
    On ne connoiſſoit point ſes loix ;
    Et l’on n’écoutoit que la voix
    Du plaiſir et de la nature.
    Aux rigueurs du devoir on n’eſtoit point ſoûmis,
    Et ſans ſe donner torture ;
    Ce qui plaiſoit étoit permis.

    Traduction Du Tasse (Torquato Tasso, 1583): Pastorale traduite de l’italien en Vers François, A Paris, Chez Claude Barbin, sur le second Perron de la Sainte Chapelle, 1676, Avec Privilege du Roy, Google p.52 à 54.