L’Abbaye de Fontenay et l’architecture cistercienne/2
(L’église. Le dortoir.)
DESCRIPTION DE L’ABBAYE
Après avoir traversé la ville de Montbard et dépassé le petit village de Marmagne, le voyageur, qui se dirige à l’est, pénètre dans le vallon des Egrevies resserré entre les collines plantées de vieux arbres et arrosé par le ruisseau de Fontenay, dont les eaux limpides se jettent dans la Brenne, affluent de l’Yonne. Laissant la route de Touillon, au milieu de cette vallée silencieuse et mélancolique, il s’engage sous une sombre ramure de mélèzes et de sapins et se trouve bientôt en face de vastes bâtiments auxquels donne accès une porte couronnée d’un écusson surmonté de la crosse abbatiale et portant : de gueules à trois bandes d’or ; chargé de deux bars, adossés, au naturel, brochant sur le tout, et surmonté d’une fleur de lis d’or.
C’est l’austère et antique abbaye de Fontenay qui, depuis plus de sept siècles, atteste dans son immuable beauté architecturale la vitalité de l’art français à l’une de ses plus belles époques. Si les moines qui l’ont fondée et l’animaient dès le premier tiers du xiie siècle ont disparu, ils nous ont, du moins, laissé un merveilleux témoignage de l’activité et de la force expansive de l’ordre religieux transformé par le génie de saint Bernard.
Conformément au plan très généralement adopté par la Constitution cistercienne, celui de l’abbaye de Fontenay forme un ensemble de corps de bâtiments groupés autour du cloître.
L’église, située au nord, occupe un côté tout entier. À l’orient, en prolongement du transept, nous trouvons la sacristie, la salle capitulaire, un magasin, un passage faisant communiquer le cloître avec les jardins et enfin une vaste salle de six travées. Au-dessus de ces différentes pièces, s’étendait le dortoir commun des moines, relié au transept de l’église par un escalier qui permettait aux religieux de se rendre commodément aux offices de nuit. La cellule de l’abbé se trouvait à l’extrémité méridionale du dortoir qu’il traversait et pouvait surveiller en allant au chœur. Au sud, les chauffoirs, puis le réfectoire construit perpendiculairement au cloître et aux cuisines. Les celliers et les magasins surmontés des dortoirs des convers, aujourd’hui démolis, constituaient, comme dans la plupart des autres abbayes, l’aile occidentale.
Ces différentes constructions sont réunies et mises en communication par le quadrilatère des galeries du cloître, entourant le préau où se trouvait le lavabo des religieux, en face de la porte du réfectoire. On ne saurait méconnaître, dans cette disposition, la conservation de la tradition classique du plan de la maison grecque et de la maison romaine, dont les divers appartements encadrent l’atrium.
Des bâtiments secondaires sont disséminés dans l’enceinte de l’abbaye : la forge et le moulin situés le long de la rivière pour utiliser sa force motrice, la conciergerie, l’hôtellerie des étrangers, la boulangerie, les communs, le colombier, l’infirmerie entièrement isolée au levant, et enfin l’« enfermerie » ou prison contiguë au réfectoire.
Toutes ces constructions sont figurées sur le plan, avec les parties restituées, indiquées par des teintes et des hachures.
On chercherait en vain à Fontenay la trace de l’oratoire primitif dédié à saint Paul. Il devait être fort petit et très simple, comme la première église de Cîteaux, qui avait été consacrée en 1106 et qui fut respectée dans les remaniements du monastère, jusqu’à la destruction de Cîteaux, sous la Révolution.
Dom Martène a visité cette petite église avec Dom Durand, au commencement du xviiie siècle ; le savant bénédictin la décrit pieusement : « Elle était, dit-il, assez petite ; je ne crois pas qu’elle ait plus de 15 pieds de largeur ; la longueur est proportionnée ; le chœur peut avoir 30 pieds. Elle est voûtée et fort jolie[1]. » C’est l’édicule à une seule nef qui est figuré sur le plan relevé en 1718 par Dom Prinstel, et qu’on trouvera reproduit plus loin d’après le dessin original. (Voir la lettre M du plan.)
Aucun monument ne rappelle sur la terre de France la première époque de l’histoire cistercienne. Fontenay, avec sa grande église et son ample monastère, représente la seconde période de cette histoire ; elle en est le monument le plus complet et le plus pur, celui qui évoque pour nous la puissance d’un grand corps monastique et l’esprit d’un saint Bernard.
- ↑ Dom Martène, Voyage littéraire de deux religieux bénédictins, t. I, 1re partie, p. 223, Paris, 1717.