L’Abîme (Rollinat)/L’Auberge

L’Abîme. PoésiesG. Charpentier et Cie, éditeurs. (p. 141-142).


L’AUBERGE


À l’auberge de l’Égoïsme,
Certains soirs le Deuil apparaît
Drapé de noir et tout maigret
Dans son humble fantômatisme.

D’abord il jette un froid secret.
Mais au bout d’un vague mutisme,
Chacun reprend son air distrait,
Reboit, retrinque à l’optimisme.


— « Encore un, grogne l’Intérêt,
Qui se trompe de cabaret !
— « Au moins, ricane le Cynisme,
Quand on vient chez nous, on devrait
Rengainer le Croquemortisme ! »
— « Bah ! j’aurai soin de ce pauvret
Sussurre le Jésuitisme »
Bref, on relègue l’indiscret
Dans le coin du parasitisme.

Quelques hélas au laconisme,
Mouillés d’un petit pleur suret,
C’est la ration de regret
Dont on repaît son famélisme
À l’auberge de l’Égoïsme.