L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/Sur la mort de l’Algarotti

Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 189-190).

SUR LA MORT DE L’ALGAROTTI

A payé son tribut à la Nature,
Le fameux philosophe Algarotti,
Et à Pise, au milieu des hommes les plus illustres,
On lui a élevé un magnifique tombeau.

Par son savoir il a fait grande figure,
Et des rois ont été ses dévots ;
Même dans les pays les plus lointains
A pénétré le renom de son esprit.

En fait, de ses écrits il appert
Que cet homme fut une grande intelligence,
Mais moi par dessus tout je l’estime

De n’avoir jamais dépensé un sou pour une femme ;
Et d’avoir su faire que l’une ou l’autre
Toujours par amour lui prêtait sa moniche.

MÊME SUJET

Si c’était vrai, ce que disent tant de gens,
Que privé du corps, en l’autre monde on pense,
Je voudrais avec une intense allégresse
Me réjouir de ce que vous êtes loin de nos maux.

Je vous dirais que nous, tous tant que nous sommes,
Sommes malheureux, sans un bien qui compense ;
Vous, retourné dans le sein de l’immense matière,
Vous jouissiez du repos où vous étiez avant.


Je pleure sur vous, non seulement
De ce que votre corps ne soit plus avec nous,
Mais je pleure aussi de ce que vous n’êtes plus rien ;

Car si vous étiez quelque chose, je suis sûr
Que vous m’aviseriez fidèlement
Si j’ai dit vrai touchant le Paradis.