L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/Confession de l’auteur

Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 148-149).

CONFESSION DE L’AUTEUR

Mon Père je vous confesse mon péché :
J’ai commis de grosses foutaises en ce monde,
Bien mieux que la moniche m’a plu le rond,
Mais le plus souvent néanmoins j’ai baisé.

Puisque Dieu n’a pas eu pitié de moi,
Puisque me voici au fin fond de la terre
Précipité, et qu’un pêcheur pareil à moi
Il n’y en a jamais eu sous le Ciel,

Figurez-vous que j’ai fait tout ce que peut faire
Un homme qui ne croit pas qu’il y ait
D’autre bien que son ventre et que son oiseau.

Par cela seul jugez quelle fut ma vie,
Et tirez-en la conséquence que ma cervelle
Est occupée de cent mille foutaises.

CONFESSION DE L’AUTEUR

Réponse du même à son Confesseur

Doucement, doucement, Père, un peu de discrétion ;
Je ne sais trop si la théologie morale
Condamne un homme qui pèche en Sodomie
À se donner du martinet sur le derrière ;

Pour moi, je ne le fais point de profession,
Je bulgarise un tantinet par fantaisie,
Rien que pour montrer la bonne veine en poésie,
Et pour ne point faire tort à ma nation.


Or pour cette bagatelle, à un homme tel que moi,
Me dire de me fouetter ! Oh ! fichtre ! quelle conscience !
Je crois que vous me coïonnez, oui par Dieu !

Pour un cul embroché semblable pénitence !
Je ne la ferais, certes, vrai comme il y a un Dieu,
Si j’avais défoncé le cul à Votre Révérence.