L’épluchette/Tonique merveilleux
Un monsieur de la ville,
Valétudinaire, débile,
Chez Gros-Jean vînt chercher, confiant,
Un air plus vivifiant.
Le pauvre, il ne valait guère !
Sur son incessante prière,
Son médecin compatissant
Lui fit un tonique
Merveilleux, magique,
D’un caractère puissant
À réveiller un trépassant.
C’était une poudre
D’un effet prompt comme la foudre.
Il fallait en jeter
Une cuillerée à thé
Sur les aliments à frire.
En remettant
À l’épouse de Gros-Jean
Le tonique, il dut lui dire
Aussi le mode d’emploi.
Le lendemain matin, quoi !
(Dans la campagne tranquille
On dort tellement mieux qu’en ville)
À table il parut tard.
Il y jette un regard :
Rien ! tandis qu’une faim canine
Le traverse de part en part.
Il gagne la cuisine
D’où vient un crépitement long,
Indiquant que dans un poêlon
Rissole quelque chose.
Madame est là toute rose,
Le teint empourpré sous l’ardeur
Du poêle. Elle a mauvaise humeur ;
Elle bougonne de colère.
Le nouveau pensionnaire
Dit : — Eh bien ! ce déjeûner,
Quand allez-vous me le donner ?
La faim, une faim nouvelle
Me talonne et se fait cruelle !
— Mon cher monsieur, ah ! oui bien !
Je n’y comprends plus rien !
Dit la femme d’ire embrasée ;
Je vous préparais, là !
D’là saucisse, mais v’là
Qu’a veut pas cuire, all est emmorphosée !
D’puis qu’jai mis vot’ poudr’, don’ !
A fait qu’danser l’rigaudon !