Gérard Machelosse (p. 129-131).


Jactance

Le vin, le vin !

C’est un jus divin,
Un merveilleux liquide
Qui rend le faible intrépide.
Par lui le plus petit
Soudain se trouve grandi,
Et, devenant téméraire,
Ne craint plus d’adversaire.

Une souris sortit un soir
De sa cachette.
Malgré qu’il faisait noir,
Elle sentit que Minette
Était absente alors.
Elle met donc le nez dehors
Et s’avance craintive,
Flairant fort de son museau fin,
Redoutant alerte vive,
Recelant peut-être sa fin,
Car Minette en la place
Cachée à la nuit d’avant
S’était subitement
Déclarée et fait la chasse ;

La pauvre souris
Éperdue, affolée,

Lançait mille petits cris
Craignant d’être étranglée.
Tout à coup.
Elle avait reconnu son trou,
Son gîte,
Et s’y précipitait bien vite.
Qui fut bien trompé ?
Le chat qui croyait souper.

Mais ce soir la petite bête,
Inquiète,
Sa hasarde dehors
Pouce par pouce,
Traînant son petit corps,
Doucement elle se pousse
Et ne flaire point
(Quoique flairant avec soin)
D’ennemi nulle trace.
Lentement, elle se déplace.
Ah ! un parfum nouveau
Rafraîchit son museau !
Quel suave arôme
Qui dans l’air embaume !
On en pourrait manger !
Souricette douce et craintive,
À ce moment arrive
Sur le plancher
Près d’une mare embaumante,
Et plonge sa langue brûlante

Dans la boisson qui rafraîchit.
Elle boit… boit… boit davantage ;

Elle y boit du courage,
Puis… follement rit.

La boisson que Souricette
Vient de trouver, c’est du vin.
Joson, le valet, en cachette
A commis un larcin.
Il a trop empli son verre
Et le vin a coulé par terre.
C’est ce nectar
Qu’un instant plus tard
La petite bête
Découvre joyeusement,
Le happe goulûment,
Et devient bientôt en « fête ».
La souris se sent grandir
Et du même coup s’enhardir ;
Sur ses deux pattes d’arrière
Elle se dresse, va, vient,
Titubant, vaillante et fière,
Ne craignant plus rien !
Quelle morgue ! quelle insolence
Lorsqu’elle lance
Ce défi provocateur
Les poings clos, tel un boxeur
Plein de jactance :
— Qu’il vienne donc pour voir,

Le chat qui me courut hier soir !