L’épluchette/Cinq sous de l’avare

Gérard Machelosse (p. 97-98).


Les cinq sous de l’avare

Chaque pays de notre sphère
A des Harpagons de Molière,
Et celui du Castor
Et de l’Érable, jeune encor,
N’est pas exempt de cette race ;
Car, quoique l’on fasse,
Il y aura toujours partout :
Pingre, vilain, avare ou grippe-sou.

Un jour, l’avare Jean-Baptiste
(Cousin germain de Gros-Jean)
Dût laisser son argent
Au bord de la tombe, fort triste,
Ainsi que son or,
Et vers les cieux prendre son essor.
Au seuil de la claire Empyrée
On lui refusa son entrée.
— Vous n’avez rien en main,
Interrogea le portier divin,
Qui vous donne droit de passage ?
Pas le plus petit bagage
Spirituel : prières, jeûnes, dons
Religieux, mortifications…
Ainsi qu’autres actions

Méritoires aux yeux du Maître ?
Car autrement je ne puis vous admettre.
— Attendez ! fit Harpagon,
Il me souvient d’une bonne action.
— Oui ? — Une fois j’ai fait l’aumône ;
J’ai donné deux sous à un gueux.
— Est-ce tout ? — Non. J’ai fait encore mieux :
La charité n’appauvrit pas personne !
Une autre fois, un autre mendiant
Sans qu’il m’en coûta regret, oui, vraiment,
Reçut de moi trois beaux sous neufs. — Ensuite ?
— C’est tout, il n’y a pas de suite.
— Tiens ! lui dit le saint d’un ton sec :
V’là tes cinq sous et va chez l’diable avec !

MORALE :

Il sera beaucoup plus facile
De passer un gros chat par le trou d’une aiguille,
Que de voir entrer là-haut,
Un grippe-sou, l’espèce de chameau !