Texte établi par Alphonse Constantau bureau de la direction de La Vérité (p. 101-103).

XX

Les Parias.


Société moderne, mère sans entrailles, sache que les enfants désespérés que tu repousses à jamais de ton sein sont, de droit et de fait, tes ennemis mortels.

Que veux-tu qu’on leur dise pour les apaiser ? que peut-on leur promettre, et quelle moralité veux-tu qu’on leur donne ?

Comment redeviendraient-ils honnêtes ? ils sont flétris !

Comment le libéré, par exemple, gagnera-t-il légitimement sa vie, et qui voudra lui donner du travail ?

Comment la pauvre prostituée retrouvera-t-elle une famille ?

Pourquoi ne donnes-tu pas la mort aux enfants que tu ne veux plus nourrir ?

Les voilà devenus tes ennemis, et tu les broies sous ton pied ; mais, comme le serpent de la légende, ils se replient pour te mordre le talon.

Il serait temps cependant de prendre un parti, et de leur donner tout de suite une position possible, fût-ce dans la tombe !

Je sais bien que tu as des prisons et des échafauds ; mais il faut passer par le vol et par le meurtre pour arriver là ; et ce moyen de gagner ses invalides est un peu dur.

Société sans entrailles, qui ne sens tressaillir ton cœur que sous la pointe du poignard, quand donc cesseras-tu de dévorer tes enfants comme l’épouvantable Moloch ?

Société meurtrière, qui n’as pas encore aboli la peine de mort et qui ne trembles pas pour toi-même,

Que répondras-tu au Christ lorsqu’un jour tes parias, leur tête sanglante à la main, t’accuseront devant son trône ?

Tu n’as rien fait pour eux, et tu leur as pris leur liberté et leur vie.

Tu les as déshérités, puis tu les as flétris ! Malheur à toi ! car tous leurs crimes retomberont sur ta tête.

Et tu leur devras encore du retour devant la justice éternelle ; car ils ne pourront jamais te faire autant de mal que tu leur en as fait !