L’église habillée de feuilles/Le poète est tout seul dans la forêt de l’âme

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Le poète est tout seul dans la forêt de l’âme.
Il est découragé par le trop long chemin.
Il attend, mais en vain, sous le cristal des lianes
et sous les baumiers bleus le bon Samaritain.
Il prie Dieu qui se tait. Alors, il s’exaspère,
et la douleur sur lui pèse comme un tonnerre :
Répondez-moi, Seigneur, que voulez-vous de moi ?
Je suis dépossédé même de votre joie,
et je me sens dans une grande sécheresse.
Revenez ! Donnez-moi seulement l’allégresse
de cet oiseau chantant au cœur de l’arbousier ?
Que me voulez-vous donc pour que vous me brisiez ?


— Je laboure ton cœur. Patience, ô mon enfant !
Tu souffres que je doive avec toi être juste.
Garde-moi dans ce cœur, même lorsque le vent
arrache les dernières roses des arbustes.

Ne m’abandonne point, car j’ai besoin de toi.
Ô mon fils bien-aimé ! J’ai besoin de tes larmes.
J’ai besoin d’un oiseau pour chanter sur la Croix.
Veux-tu donc me quitter, rouge-gorge de l’âme ?

— Mon Dieu, sur votre front ceint d’une haie d’épines,
je chanterai durant toute votre agonie :
mais lorsque fleurira la couronne terrible
vous laisserez l’oiseau y construire son nid.