L’église habillée de feuilles/En ce jour-là l’église allégrement sonnait

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En ce jour-là l’église allègrement sonnait,
car la fille d’un métayer se mariait.
L’église sonnait sur la gloire des maïs d’Août.
Elle sonnait au-dessus des granges recueillies,
et sonnait au-dessus des hangars et des puits
dont on entendait les chaînes rouillées se taire,
et sonnait au-dessus des greniers et des aires,
et sonnait au-dessus des batteuses qui ronflent,
et sonnait au-dessus des filles brunes et blondes
qui s’élançaient pour la noce de leur amie,
et sonnait à grands sanglots d’amour qui s’espacent,
et sonnait. Et les bœufs ensommeillés qui passent
s’arrêtaient intrigués, levant leurs cornes pâles
vers ces cœurs de la haie, les roses du Bengale.
Et sonnait. Et les pigeonnes gonflant le dos
roucoulaient sur les toits, diaprées comme l’eau.

Leurs pieds roses éperonnés coupaient l’air bleu.
Et la fille du métayer comme une fleur
se balançait sur le perron, parmi les coqs.
Et sonnait, et sonnait. On entendait le choc
de chaque coup de cloche au large des collines.
Et le cortège se formait au potager.
Et les amies suivaient la blême fiancée.
comme l’on suit le vol d’un papillon des neiges.
Une musique naïve précédait le cortège,
et le poète louait Dieu en se disant :
C’est ainsi qu’autrefois partit pour Chanaan
Rebecca dont la race était vaillante et fière.
Les temps n’ont point changé pour ceux qui croient au Père.
Voici le puits, peut-être, où tu laissas, Rachel,
se dénouer tes boucles lourdes sur tes mains belles,
cependant que Jacob guettait, dessous les palmes,
comme un fruit d’or bruni tes joues fermes et calmes.