L’éducation dans les oasis

L’éducation dans les oasis
Revue pédagogique, premier semestre 18829 (p. 318-319).

L’ÉDUCATION DANS LES OASIS.



Il nous a paru intéressant d’examiner la manière dont les habitants des oasis élèvent leurs enfants, non que la méthode d’enseignement diffère de celle qu’on emploie dans les villes, mais parce que l’éducation a là quelque chose de plus sévère. On donne le nom d’oasis à ces ksour ou bourgs fermés qui sont noyés dans des forêts de palmiers, entre les steppes et le Sahara. Les indigènes, de race berbère, qui demeurent au milieu de ces bocages verdoyants, partagent leurs soins entre la culture de la terre et la garde des provisions déposées chez eux par les nomades. Leur vie est simple, mais ils ont une foi ardente ; tout dans leurs mœurs se rapporte à la loi du Koran, et c’est d’après ce livre qu’ils se conduisent. Chaque oasis possède une école primaire installée dans une annexe de la mosquée. C’est une salle, souvent mal éclairée, dont le sol est entièrement recouvert d’une natte. Le long des murs sont accrochées les planchettes sur lesquelles sont écrites les leçons. Au bout de la salle, dans une sorte de niche qui sert de mihrab, au moment de la prière, se tient l’instituteur, accroupi sur un tapis ; devant lui sont rangés les enfants, les jambes croisées. Lorsque la leçon commence, le plus âgé des élèves prend les planchettes et les distribue à ceux dont elles portent le nom. On ne se fait aucune idée de la lenteur du procédé qu’emploie le maître pour tracer les modèles. À défaut de papier, il dessine à l’encre sur ces tablettes blanchies la leçon à étudier, et chaque écolier travaille séparément, le classement par division et par rang de force n’étant usité nulle part. De là une perte de temps considérable.

L’enseignement primaire consiste à apprendre aux jeunes musulmans entre l’âge de six à douze ans la copie, la lecture et la récitation du Koran, sans s’inquiéter du sens, et par conséquent sans qu’ils puissent le comprendre[1].

Il est d’usage que les élèves récitent le livre sacré deux ou trois fois en entier, durant leur séjour à l’école ; ils apprennent en même temps l’écriture qui est presque un art aux yeux des indigènes. Celui qui manque d’exactitude ou qui s’obstine à ne point étudier ses leçons est puni de la falaka. Tel est le nom d’un instrument composé d’un bâton, aux extrémités duquel une corde est attachée de manière à former un arc. On passe les jambes du patient entre le bois et la corde, puis on tourne l’instrument plusieurs fois sur lui-même afin de les étreindre fortement et de les réduire à l’immobilité. Dans cette posture, on applique à l’enfant des coups de baguette sur la plante des pieds, À Gadamès[2], un autre châtiment est infligé aux enfants paresseux, on leur met les fers aux pieds.

Un fait à remarquer, c’est que la plus parfaite égalité règne dans les écoles musulmanes : l’enfant du riche est assis à côté de l’enfant du pauvre ; ils ont pour lien commun la prière. En outre, on leur inculque l’idée qu’ils appartiennent au peuple chéri de Dieu.

Quelle que soit la disposition de la salle, on y voit invariablement, à côté des ex-voto, des tableaux calligraphiques où sont célébrés les mérites et les vertus du fondateur de l’islamisme. Car Mahomet règne dans cette société. Quelques-uns même sont allés jusqu’à le mettre sur le même rang que la divinité et c’est à juste titre que la religion des Arabes est appelée mahométisme.


  1. Les thaleb qui instruisent les enfants ne comprennent pas le Koran sans l’aide d’un commentaire.
  2. L’ancienne Cydamus.