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IV


La santé du vieillard déclinait de plus en plus et en 1833 toute la famille partit pour l’étranger. À Baden, Wanda rencontra un riche émigré polonais qu’elle épousa. La maladie s’aggrava définitivement et le vieux gentilhomme mourut au début de 1834 dans les bras d’Albine. Il n’avait pas permis à sa femme de le soigner et jusqu’au dernier moment, n’avait pu lui pardonner la faute de l’avoir épousée.

Mme Iatcheski retourna dans leur domaine emmenant Albine dont le seul intérêt dans la vie était Migourski.

À ses yeux le jeune homme était le plus grand des héros et des martyrs. Elle avait décidé de consacrer sa vie à le servir. La correspondance entre eux avait commencé dès le départ de la famille pour l’étranger. Elle avait d’abord écrit sur ordre de son père et avait continué d’elle-même.

À son retour en Russie, leur correspondance se poursuivit et lorsqu’elle eut dix-huit ans, elle annonça à sa belle-mère qu’elle avait décidé de partir à Oural pour y épouser Migourski.

Mme Iatcheski commença par reprocher à Migourski cet égoïsme qui, pour améliorer sa condition, attirait une jeune fille riche et l’obligeait à partager son malheur. Albine entra en grande fureur et répondit à sa belle-mère qu’elle était la seule qui osât prêter des pensées aussi lâches à un homme qui avait tout sacrifié pour sa patrie ; que bien au contraire Migourski avait refusé toute offre de sa part et que sa volonté était bien arrêtée de partir pour l’épouser, si toutefois il voulait bien lui faire ce grand honneur.

Albine était majeure, avait son argent à elle, les trois cent mille zlotis qu’un oncle avait laissés à ses deux nièces. Aussi rien ne pouvait la retenir.

En novembre 1834, Albine fit ses adieux à tous ses familiers qui la conduisirent les larmes aux yeux comme si elle devait mourir dans la lointaine et barbare Moscovie. Elle monta dans la vieille voiture paternelle qu’on avait disposée pour le grand voyage, en compagnie de sa fidèle nourrice Louise.