P. F. Fauche et compagnie (Tome IVp. 116-118).


LETTRE CXLII.

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La Comtesse de Longueil
au
Marquis de St. Alban.


Je profite d’une occasion, mon cousin, pour vous répondre sur le champ, et je suis tentée de vous dire, que vous êtes bien nigaud de ne pas trouver le moyen de pénétrer les dispositions de la Comtesse, sur son prétendu mariage avec le Prince ; personne n’est moins capable de dissimulation, et tout se peint malgré elle au moment sur sa charmante figure, il est donc aisé d’y lire, et comment ne profitez-vous pas dans cette occasion, de cette facilité ? Disposée à accepter les propositions du Prince, ou déterminée à les rejeter, dans le premier cas, il est impossible que quelque symptôme de satisfaction n’éclate sur son visage, lorsqu’il est question de lui ; dans la seconde supposition, elle doit montrer des mouvemens d’impatience et d’inquiétude. Supposons qu’elle ne fasse voir que de l’indifférence, alors il est clair qu’elle est, non-seulement déterminée à refuser ses offres séduisantes, mais qu’elle est assurée que ses parens ne lui feront aucune instance ; car l’idée d’avoir à combattre leurs sentimens, lui causerait un chagrin facile à démêler ; examinez donc bien la Comtesse, et vous saurez, et ses intentions et celles de ses parens ; pour moi je ne doute pas qu’ils ne la laissent absolument maîtresse de refuser le Prince, et je serais bien tentée de croire, qu’ils lui laisseront encore une plus grande liberté, celle d’épouser un homme qui ferait de son goût, un Émigré même, s’il avait su leur plaire et s’en faire estimer. C’est assez vous en dire, et voilà je crois, mon cousin, de toutes mes lettres celle qui vous aura fait le plus de plaisir. Adieu, mandez-moi la réception du Prince, et comptez à jamais sur la tendre amitié de votre cousine.

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