L’Émigré/Lettre 081
LETTRE LXXXI.

à la
Cesse de Loewenstein.
J’étais à vos pieds pour implorer mon
pardon, et je m’y prosterne de nouveau
pour adorer la clémence de mon
adorable sœur. Ah ! permettez-moi
de vous donner ce nom si doux à mon
cœur, ce nom qui me rappellera sans
cesse le seul genre d’affection que je
puis espérer de vous. Monsieur le
Commandeur est dans ma chambre,
il me presse de partir pour aller
dîner chez lui et ne me laisse pas
un moment pour vous écrire une
plus longue lettre ; mais ce n’est pas tout, il exige de moi que je
l’accompagne, ce soir chez vous, madame
la Comtesse. J’ai épuisé toutes
les défaites possibles pour me refuser
à son désir, il a eu réponse à tout, et
vous sentirez qu’il est bien difficile à
un homme isolé, sans relations, sans
affaires, de trouver des excuses valables,
pour se dispenser d’un voyage
qu’on suppose devoir lui être agréable.
Vous connaissez le ton d’autorité du
bon Commandeur, et tous ses droits
sur moi ; je n’ai pu me défendre de
ses instances. Il se plaît à dire que
vous me devez la vie ; il est encore
bien plus certain que je vous la dois,
que… je suis obligé de finir, et
n’ai que le temps d’offrir à ma charmante
sœur l’hommage de mon respect,
du plus tendre attachement, de la plus
profonde admiration et d’une éternelle
reconnaissance.
