L’Éloge de rien, dédié à personne/3e édition/L’Éloge de rien

L’eloge
de rien.



Homere, le premier des Poëtes Grecs, a fait un Poëme du Combat des Rats & des Grenouilles, & Virgile le Prince des Poëtes Latins, en a fait un ſur un Moucheron. Ovide a fait l’Eloge de la Puce, Lucien de la Mouche, Melancton, Agrippa & pluſieurs autres celui de l’Aſne. Iſocrate a fait l’Eloge de Buſiris fameux Tyran, André Arnaud de Phalaris autre Tyran, Cardan de Neron, Platon & Carneades de l’Injuſtice. Etienne Guazzy a loüé la Vie paraſitique, Eraſme la Folie, Joannes Fabricius la Gueuſerie, Ulrich de Hutten la Fiévre, Jerôme Fracaſtor l’Hyver, Etienne Dolet la Vieilleſſe, Elias Major le Menſonge, Douza l’Ombre ; & moi, Meſſieurs, j’entreprends de vous faire aujourd’hui l’Eloge de RIEN. Quelle extravagance, dira-t-on ! & qui s’eſt jamais avisé de faire un Diſcours ſur RIEN ? Qu’y a-t’il donc de ſi blâmable dans mon entrepriſe, Meſſieurs ? Ne vaut-il pas mieux faire un Diſcours ſur RIEN, que de compoſer de froides Comédies comme Afranius, des Tragédies pitoyables comme Barbaridés, des Opera ennuyeux comme Craſſotius, des Odes proſaïques comme Dariolin, des Epigrammes ordurieres comme Epaphos, des Vaudevilles libertins comme Horribilis, des Babioles périodiques Comme Faribolin, des Poëmes inſipides comme Garalipton, de fades Eloges comme Tœdioſus & Miſeremini, des Brevets ſatyriques comme Regius, des Diſſertations vagues & infructueuſes comme Lucius, des Romans dangereux comme Patelinius ? Ne vaut-il pas mieux diſcourir de RIEN, que de faire des raiſonnemens creux ſur la Politique comme Navardius, que de raconter des avantures équivoques comme Turpius, que de médire éternellement de tout le monde comme Oledicus, que de faire des Syſtêmes en l’air & vuides de ſens comme Vagantinus ; que de parler enfin à tort & à travers de tout ce qu’on ſçait & qu’on ne ſçait pas comme Strepitoſus. Mais non-ſeulement il vaut mieux parler de RIEN préférablement à tout ce qui ſe dit & s’écrit parmi nous la plûpart du tems, j’oſe encore ſoutenir que RIEN eſt digne de toutes nos loüanges par lui-même, & qu’on ne doit jamais oublier RIEN quand il s’agit de préconiſer le mérite & la vertu. Si d’abord vous faites attention à l’ancienneté de RIEN, quel être, ſi vous en exceptez l’Etre ſouverain, eſt plus ancien que RIEN ? On peut même avancer ſans crainte d’impiété, que RIEN eſt auſſi ancien que l’Etre ſouverain lui-même : car enfin qu’y avoit-il avant que les Anges & le Monde fuſſent créez ? RIEN. Qu’y a-t’il eu de toute éternité avec Dieu ? RIEN. Tout a commencé par RIEN, & RIEN n’a jamais eu de commencement. Si on conſidére l’excellence de RIEN, elle eſt admirable ; RIEN, auſſi-bien que la Divinité, ne ſe peut définir que par lui-même. Qu’eſt-ce que RIEN ? C’eſt RIEN. Comme elle, RIEN eſt immenſe, incommenſurable, & s’étend au-delà de toutes choſes. RIEN eſt immuable & indiviſible. On ne ſçauroit l’augmenter, ni le diminuer. Ajoutez RIEN à RIEN, cela fait toujours RIEN. Otez RIEN, de RIEN, il reſte toujours RIEN. RIEN ne vient de perſonne, & tout ce que nous voyons dans la nature vient de RIEN. Ce ſoleil ſi lumineux, ces aſtres ſi brillans, ces charmantes fontaines, ces prairies ſi riantes, ces plaines ſi agréablement diverſifiées, ces lacs, ces mers, ces montagnes, ces mines ſi précieuſes qu’elles cachent ; tout cela a été fait de RIEN. Ces viandes ſi ſucculentes que nous mangeons avec tant d’avidité, ces vins délicieux que nous buvons avec tant de contentement, ces doux fruits, ces excellentes liqueurs dont nous faiſons nos délices, viennent originairement de RIEN. Bien plus ; ces Princes redoutez que nous ſervons avec tant de reſpect, ces Beautez enchantereſſes que nous idolatrons avec tant de complaiſance, ces tendres Amis que nous cheriſſons avec tant de cordialité, ſont iſſus en droite ligne de RIEN. Que vous dirais-je d’avantage ? Nôtre Ame, cette glorieuſe portion de là Divinité qui nous diſtingue ſi avantageuſement des bêtes, a été faite de RIEN. RIEN ſouvent nous paroît quelque choſe, & quelque choſe ſouvent nous paroît RIEN. RIEN ſe trouve par tout, & ne réſide nulle part. Le Monde a été fait autrefois de RIEN, & il retournera un jour à RIEN ; & je ne doute pas que des millions d’Ames qui font tant aujourd’hui les vaines & les orgüeilleuſes, ne déſirent extrêmement un jour d’être réduites à RIEN : mais elles le déſireront en vain ; l’Etre ſouverainement puiſſant pour les punir de leur orgüeil & de leur moleſſe, leur refuſera avec juſtice ce qui par rapport au funeſte état où elles ſeront plongées, ſeroient pour elles le plus grand des avantages.[1]

RIEN eſt également excellent en Vers & en Proſe, en Grec & en Latin, en François & en Anglois, en quelque Langue enfin que ce ſoit. Qu’y a-t’il de plus beau par exemple dans la Poëſie Grecque que l’Iliade d’Homere ? RIEN aſsûrément, quoi qu’en diſent nos délicats Modernes ; & dans la Poëſie Latine, que les Eclogues & les Georgiques de Virgile ? RIEN. Qu’y a-t’il de plus éloquent en Proſe que les Harangues de Démoſthenes & les Oraiſons de Ciceron ? RIEN. Qu’avons-nous de mieux écrit en François que les Lettres de Madame de Sevigné, les Fables de la Fontaine & le Telemaque de M. de Fenelon ? RIEN. Qu’avons-nous de plus plaifant en Eſpagnol que le Dom Quichote de Cervantes ? RIEN. Qu’avons-nous de plus ſublime en Anglois que le Paradis perdu de Milton ? RIEN. Qu’avons-nous en France de meilleur en fait de Tragédies, que Corneille & Racine ? RIEN. En fait de Comédies, que Moliere & Regnard ? RIEN. En fait de Satyres, que Regnier & Deſpreaux ? RIEN. En fait d’Hiſtoires, que Daniel & Mezeray ? RIEN. En fait de Romans, que Zaïde, la Princeſſe de Cleves & les Œuvres de Madame de Ville-Dieu ? RIEN. Qu’avons-nous en fait d’Aſtronomie de plus clair & plus à portée de tout le monde que les Soirs de Fontenelle ? RIEN. Parcourez toutes les Sciences, tous les Arts, tous les Emplois, tout ce qu’il y a de plus rare dans ce vaſte Univers ; après un mûr examen, vous trouverez que tout y eſt moins que RIEN, & qu’hormis une ſeule choſe, tout y doit être compté pour RIEN. Il faut que RIEN après tout ſoit quelque choſe de bien excellent, puiſqu’un des plus célébres Auteurs[2] du dernier ſiecle a mis RIEN immédiatement au-deſſus d’un Livre qui fait l’amuſement de mille gens, & l’érudition principale des beaux Eſprits de la Province. Le fameux Duc de Valentinois[3] Ceſar de Borgia, ne mettoit pas de milieu entre être Ceſar ou RIEN. Ou Ceſar ou RIEN, diſoit-il, aut Ceſar aut Nihil ; c’étoit ſa deviſe ! c’eſt que les grands Hommes veulent toujours avoir tout ou RIEN. Toutes les choſes de ce monde s’en vont, & ſe réduiſent à RIEN. Par tout ici bas on ſe repaît & on s’entête de RIEN. C’eſt pour RIEN qu’on diſpute, qu’on plaide, qu’on ſe fait la guerre, qu’on ſe tuë. Les hommes ne remportent de leurs inquiétudes & de leurs travaux ſur la terre que la honte d’avoir été les dupes de RIEN. Il eſt le commencement, le progrès & la concluſion de toutes nos vanitez. Il eſt toujours conſtant, toujours uniforme, toujours lui-même ; il remplit l’eſprit & le cœur ſans les remplir, & les occupe ſans les occuper ; ſa ſtérilité eſt féconde, & ſa fécondité ſtérile. RIEN eſt un grand Magicien qui ſe fait voir aux aveugles & entendre aux ſourds : car que voyent les aveugles & qu’entendent les ſourds ? RIEN. Que diſent les muets & que ſentent ceux qui n’ont point d’odorat ? RIEN. Un RIEN a ſouvent donné lieu aux plus grandes entrepriſes, & les plus grands projets ont ſouvent abouti à RIEN. D’illuſtres Aſſemblées ont ſouvent été convoquées pour RIEN, & ſe ſont terminées à RIEN. Combien de fois a-t’on vû de grands Hommes privez de leurs Emplois pour RIEN, & remplacez par d’autres qui avoient moins de mérite que RIEN ? Combien de conteſtations tous les jours & de querelles ſur RIEN ? L’Homme de ville, l’Homme d’Etat, l’Homme de guerre, les Philoſophes même font ſouvent grand bruit pour RIEN. Les Courtiſans ne ſe donnent-ils pas ſans ceſſe bien du mouvement pour RIEN ? Les ambitieux ne ſe tourmentent-ils pas, & ne tourmentent-ils pas éternellement les autres pour RIEN ? Les envieux apperçoivent des RIENS dans leurs voiſins, & ne voyent pas une poutre qui leur creve les yeux. Et quel vacarme la plupart du tems un avare ne fait-il pas dans ſon domeſtique pour un RIEN ? Toute cette agitation du monde, dit un Auteur Noble Venitien, tout ce flux & reflux des peuples dans les villes, toute cette foule d’hommes, de femmes, d’enfans, de laquais qui courent comme des foux par les ruës ; tous ces gens qui ſe pouſſent, qui ſe battent, qui s’injurient, qui ſe ſalüent, qui s’embraſſent ; les caroſſes qui roulent, les fardeaux qu’on porte, qu’on tire, qu’on traîne, les maiſons qui tombent & qu’on releve, les palais qu’on bâtit, le bruit des armes, les cris & les clameurs de la populace, & mille autres choſes qui ſautent aux yeux, ſont les effets & les jeux de RIEN. Le pouvoir de RIEN eſt extraordinaire : un RIEN nous fait pleurer, un RIEN nous fait rire, un RIEN nous afflige, un RIEN nous conſole, un RIEN nous embaraſſe, un RIEN nous fait plaiſir, il ne faut qu’un RIEN pour remonter un pauvre homme, il ne faut qu’un RIEN pour le renverſer. Un RIEN broüille un ami avec ſon ami, un amant avec ſa maitreſſe, une femme avec ſon mari, & l’homme ſouvent avec lui-même. Un RIEN fait bien eſpérer d’un malade, & un RIEN rend innocent celui qu’on croyoit le plus coupable. Dominer ſur une petite portion de nome terre, eſt moins que RIEN par rapport au vaſte eſpace de l’univers ; de combien de déſirs cependant cette domination n’eſt-elle pas l’objet ? La crainte du Cocuage eſt moins que RIEN, quelle diſcorde néanmoins cette frivole crainte n’excite-t-elle point dans la plupart des familles ? Les plus grands honneurs de la terre n’ont qu’un éclat de RIEN, les richeſſes & les plaiſirs ne ſont pas plus ſolides que RIEN ; la vie même la plus longue n’a qu’une durée de RIEN. A quoi ſervent la Muſique, la Danſe, la Peinture, la Poëſie & la plupart des Sciences humaines ? A RIEN en vérité. Hors la Science du ſalut, toutes les autres ſont moins que RIEN. A quoi ſervent les titres, les rangs, les diſtindions, la parure, le fard & tous les ornemens extérieurs ? A RIEN. Songeons ſeulement à orner nôtre ame de toutes les vertus, ſi cela ſe peut, & comptons tout le reſte pour RIEN. Dans la Cour des Princes on compte pour RIEN la franchiſe, la candeur & la bonne foi. Dans la plupart des commerces du monde, juſques dans les mariages, le cœur, la probité, les ſentimens, la naiſſance ne ſont ils pas comptez aujourd’hui pour RIEN ? Pour s’aſsûrer une vie tranquille, qui eſt le ſeul bien eſtimable dans le monde, il faut compter pour RIEN tout ce qu’on n’a pas, dit[4] un de nos meilleurs Poëtes :

Dans un lieu du bruit retiré,
 pour peu qu’on ſoit modéré,
On peut trouver que tout abonde,
Sans amour, ſans ambition,
Exemt de toute paiſſon,
Je joüis d’une paix profonde ;
Et pour m’aſsûrer le ſeul bien
Que l’on doit eſtimer au monde,
Tout ce que je n’ai pas, je le compte pour RIEN.

Un autre Auteur[5] a dit dans le même ſens :

Le ſage écoute tout, s’explique en peu de mots,
Il interroge, & répond à propos,
Plaît toujours ſans penſer à plaire,
Dans ſes moindres diſcours fait voir ſon jugement,
Et ſçait au juſte le moment
Qu’il doit ou parler, ou ſe taire :
Devant un plus ſage que lui
Rarement il ouvre la bouche,
Il n’eſt point curieux des affaires d’autrui,
Et ce qui le regarde eſt tout ce qui le touche ;
Jamais à s’affliger il n’eſt ingenieux,
Il s’accommode aux tems, aux perſonnes, aux lieux,
Ne s’allarme jamais d’une choſe incertaine :
Il court par ſa prudence au-devant du danger :
Et ſouffre ſans chagrin, ſans murmure & ſans peine
Ce qu’il ne peut ni rompre ni changer.
Le repos de l’eſprit eſt tout ce qu’il ſouhaite,
Et s’il n’a pas beaucoup de bien,
Du peu qu’il a ſon ame eſt ſatiſfaite,
Et tout ce qu’il n’a pas il le compte pour RIEN.

On dit que tout ce qui eſt précieux coûte beaucoup à acquérir ; qu’y a-t’il en ce cas de plus précieux que RIEN ? Puiſqu’on n’aquiert RIEN qu’avec peine, puiſqu’on n’obtient RIEN qu’après bien des ſollicitations ; puiſqu’on n’apprend RIEN qu’à force d’application & d’étude ; puiſqu’on ne fait RIEN à fond dans quelque ſcience que ce ſoit, qu’après bien des recherches & des ſpéculations ; puiſqu’enfin le Ciel & la terre n’accordent RIEN aux pauvres mortels qu’à force de prieres & de travail.

Nôtre bonheur dépend ſouvent d’un RIEN : Car enfin que faut-il déſirer pour être heureux ? RIEN. Il faut réputer pour RIEN les dignitez & les grandeurs.

Vains lauriers, vains honneurs, ſortez de ma mémoire,
Que mon aimable Iris ſoit mon unique gloire ;
Puiſſai-je ſans éclat, loin des fameux dangers,
Sous ces arbres fleuris, ſous ces verds orangers,
De myrtes amoureux la tête couronnée,
Paſſer comme un moment la plus longue journée,
De mon aimable Iris entendre les ſoupirs,
Auprès mon Iris borner tous mes déſirs,
Vivre avec mon Iris dans une paix profonde,
Et réputer pour RIEN tout le reſte du monde.

Auſſi eſt-ce le comble de la ſageſſe de regarder comme RIEN tout ce qu’on eſtime & qu’on recherche avec le plus d’ardeur ici bas ; comme le Philoſophe Bias, qui jetta dans la mer tout ſon or & tout ſon argent, pour pouvoir contempler avec moins de diſtraction les choſes céleſtes. Et que croyez vous qu’eût ce grand Homme, quand il diſoit à ſes amis qu’il portoit toutes ſes richeſſes avec ſoi : Omnia mecum porto ? RIEN certes ; & avec ce RIEN il étoit l’homme du monde le plus tranquille & le plus content.

Heureuſe, dit un Poëte[6] que j’ai déjà cité,

Heureuſe une Bergere aimable
Qui n’a pour couvrir ſon beau corps
Qu’une étoffe à peine capable
D’en cacher aux yeux les treſors.
Pauvre de tous les biens donc la fortune ordonne,
Mais riche de tous ceux que la nature donne,
Elle a tout en poſſedant RIEN.
Nul vain deſir ne la tourmente,
Et ſans s’appercevoir qu’elle manque de bien ;
Elle vit pauvre, mais contente
Des dons de la terre & du Ciel.
Elle entretient les dons de la ſage nature,
Elle vit de lait & de miel,
Elle ſe rafraîchit, & ſe lave d’eau pure,
Et la ſource qui ſert à la déſalterer,
La conſeille aux beaux jours de Fête,
Quand d’un chapeau de fleurs voulant parer ſa tête,
Au lever du ſoleil elle va s’y mirer.
Qu’il tonne, qu’il grêle, qu’il vente,
Elle n’y prend nul intérêt ;
Tout l’accommode & RIEN ne lui déplaît ;
Elle vit pauvre, mais contente.

Ce même Auteur a dit que c’étoit une foibleſſe & une ſimplicité de ne jamais accorder RIEN à les déſirs.

A ſes goûts ſe laiſſer guider,
Et pour ſes goûts tout haſarder,
C’eſt emportement, c’eſt yvreſſe :
Avec ſes goûts s’accommoder.
Et quand il faut, leur commander,
C’eſt habileté, c’eſt ſageſſe :
Contre ſes goûts toujours plaider,
Sans jamais RIEN leur accorder,
C’eſt ſimplicité, c’eſt foibleſſe :
Avec ſes goûts être d’accord,
Et ne pouvoir les ſatiſfaire,
C’eſt un étrange & triſte ſort ;
N’en avoir plus, c’eſt la miſere,
Il vaudroit autant être mort.

Mais ſi c’eſt ſimplicité & foibleſſe, ſelon ce Poëte, de paſſer ſa vie ſans accorder RIEN à ſes inclinations, c’eſt force, c’eſt grandeur d’ame, ſelon moi, de ſervir ſes amis, & de leur faire plaiſir dans toutes les occaſions, ſans leur demander RIEN : Et comme il eſt certain qu’il n’y a pas de gens que nous fuïons avec plus de précaution que ceux qui nous demandent ſans ceſſe quelque choſe, il n’y a perſonne au contraire que nous voïons plus volontiers que ceux qui nous flatent, nous loüent & nous amuſent ſans nous demander RIEN. Il n’y a pas de ſervices qui plaiſent plus à toute ſorte de perſonnes, même aux grands Seigneurs, que ceux qu’on leur rend ſans en exiger RIEN. Il n’y a pas de paſſion qui flate plus une belle ame que celle qu’on témoigne conſtamment, ſans paroître vouloir obliger la perſonne aimée à promettre & à accorder RIEN qu’autant qu’elle le voudra bien, & que cela lui fera plaiſir. C’eſt que preſque tous les hommes aiment naturellement à être ſervis & obéïs, & n’aiment pas beaucoup à donner RIEN ; c’eſt que perſonne ne veut ſe déſaiſir de RIEN ; c’eſt que le poſſeſſeur de RIEN joüit d’un bonheur qui n’eſt ſujet ni à l’envie, ni à la médiſance ; c’eſt que le poſſeſſeur de RIEN eſt exemt de mille craintes, & libre de beaucoup de ſoins & d’inquiétudes. Le poſſeſſeur de RIEN n’appréhende ni les taxes, ni les impôts, ni les recherches des Huiſſiers, ni les pourſuites des Procureurs, ni l’avidité des Greffiers. Il ne craint pas que le feu prenne à ſes granges, ou que la tempête ravage ſes moiſſons ou que les eaux inondent ſes prairies. Il ne court pas riſque qu’un héritier impatient lui abrége par le poiſon ou autrement une vie qui n’eſt déjà que trop courte, ou que d’infames brigands ſe mettent en embuſcade pour le dévaliſer. Il va hardiment de nuit comme de jour dans les forêts les moins fréquentées, comme dans les aſſemblées où il y a le plus de preſſe. Le poſſeſſeur de RIEN a avec lui la ſauvegarde du Roy, dit un[7] Auteur qui vivoit il y a plus d’un ſiecle. De là le proverbe Latin :

Cantabit vacuus coram latrone viator.

A quoi revient fort cette Epigramme Françoiſe d’un[8] de nos Poëtes :

Chez un fils d’Apollon dépourvû de finance
Et meublé ſuivant l’ordonnance,
Un voleur s’étant introduit,
Le Poëte en riant l’apperçut, & lui dit :
Ta peine eſt inutile, & ton erreur extrême,
Qui vient voler chez moi ne s’adreſſe pas bien ;
Qu’y pourrois-tu trouver de nuit, lorfque moi-même
En plein midi j’y trouve RIEN ?

On ne ſçauroit donc diſconvenir que les poſſeſſeurs de RIEN, comme ſont tous les Peuples que nous appellons Sauvages, & qui le ſont en effet bien moins que nous, ne ſoient ſans contredit les hommes les plus tranquilles de l’univers ; de même que ceux qui vivent contens de RIEN, en ſont les plus riches & les plus heureux[9] :

Qui vit content de RIEN, poſſede toute choſe.

Et comme a dit La Fontaine dans ſa Fable de Philemon & de Baucis :

Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux,
Ces deux Divinitez n’accordent à nos vœux
Que des biens peu certains, qu’un plaiſir peu tranquille :
Des ſoucis dévorans c’eſt l’éternel aſyle,
Veritables vautours que le fils de Japet
Repréſente enchaînez ſur ſon triſte ſommet.
L’humble toict eſt exemt d’un tribut ſi funeſte,
Le ſage y vit en paix, & mépriſe le reſte :
Content de ces douceurs, errant parmi les bois,
Il regarde à ſes pieds les favoris des Rois,
Il lit au front de ceux qu’un vain luxe environne,
Que la fortune vend ce qu’on croit qu’elle donne.

Approche-t-il du but ? quitte-t-il ce séjour ?
RIEN ne trouble ſa fin, c’eſt le ſoir d’un beau jour.

Mais ſi ceux qui vivent contens de RIEN ſont les plus riches & les plus heureux des hommes, on répute avec raiſon pour les plus habiles ceux qui ont le rare talent de pouvoir ſubſiſter de RIEN, de pouvoir figurer avec RIEN, comme font tant de Chevaliers d’induſtrie dont Paris fourmille ; pour les plus braves ceux qui ne s’étonnent & ne s’effrayent jamais de RIEN ; pour les plus ſages ceux qui ne s’affligent ni ne s’abattent jamais de RIEN ; les Stoïciens les comparoient à Jupiter même ; pour les plus aimables ceux qui ne ſe fâchent jamais de RIEN ; pour les plus complaiſans & les plus polis ceux qui ne blâment jamais RIEN ; & pour les plus téméraires ceux qui n’ont plus RIEN, parce que ſuivant un de nos Poëtes.

Lorfque l’on n’a plus RIEN, il faut tout haſarder.

Et comme ceux qui ne perdent jamais RIEN paſſent pour être extrêmement heureux, témoin ce[10] Tyran de Samos ſi célêbre dans l’Hiſtoire par le bonheur continuel qui l’accompagnoit par tout ; de même ceux qui n’ont plus RIEN ſont fort malheureux, & doivent haſarder beaucoup pour ſe tirer de la funeſte ſituation où ils ſont réduits. Quoiqu’ils ſoient fort à plaindre, ceux-là ne le ſont pas moins à mon avis qui ne ſont plus bons à RIEN, qui ne voyent plus RIEN, qui n’entendent plus RIEN, qui ne ſentent & n’aiment plus RIEN, qui enfin n’eſpérent plus RIEN. Leur ſort eſt ſans doute le comble de la miſere, & nous prouve d’une maniere admirable combien il eſt difficile de ſe paſſer de RIEN, & que RIEN ne fut jamais inutile ſur la terre : ce qui eſt confirmé par ce fameux axiome de Philoſophie : Deus & natura nihil faciunt fruſtra : Dieu & la nature ne font jamais RIEN en vain.

J’ajouterai à tout ce que je vous ai déjà dit ſur RIEN, Meſſieurs, que le meilleur pays de la terre ſeroit celui où l’on vivroit pour RIEN, où l’on mangeroit pour RIEN de fines perdrix & de bonnes fricaſsées de poulets, où l’on boiroit pour RIEN des vins meilleurs que les plus délicats vins de Bourgogne & de Champagne ; & que nous regarderions comme un homme divin celui qui nous donneroit une belle Maiſon ou une bonne Terre pour RIEN. J’ajouterai encore que la plupart des Poëtes ſont des grands diſeurs de RIEN, que ce qui fait la plupart du tems le mérite de nos Orateurs, ce ſont des RIENS brillans enchaſſez dans de grandes paroles, & étalez avec pompe ; que mille tendres RIENS font l’occupation de presque tous ceux qui aiment ; qu’on amuſe quelquefois les plus grands Hommes avec des RIENS ; que la plupart de nos converſations ſont pleines de RIENS, & que ce ſont ordinairement ces converſations pleines de petits RIENS agréable, qui réjouiſſent & divertiſſent le plus ; que la plus grande partie des hommes s’occupent de RIEN, & s’étudient à RIEN ; que tout le fruit que nous retirons de nos veilles & de toutes nos études eſt moins que RIEN, au ſentiment même de Socrate : car ce grand Philoſophe, qui lut, médita, étudia toute ſa vie, & qui fut jugé le plus ſage des mortels par l’Oracle d’Apollon, que ſçavoit il ſelon ſon propre aveu ? RIEN : Hoc unum ſcio, quòd nihil ſcio. : Je ne ſai qu’une choſe, diſoit-il, qui eſt que je ne ſai RIEN. J’ajouterai encore quelque choſe de plus fort ; c’eſt que RIEN eſt Dieu & Diable. Il eſt le Dieu des Eſprits forts, & le Diable de ceux qui n’ont point d’argent, ſuivant cette Epigramme d’un ancien Poëte François[11] :

Un Charlatan diſoit en plein marché
Qu’il montreroit le Diable à tout le monde.
Si n’y en eut, tant fût-il empêché,
Qui ne coſtrût pour voir l’Eſprit immonde,
Lors une bourſe aſſez large & profonde
Il leur déploye, & leur dit : Gens de bien,
Ouvrez vos yeux, voyez, y a-t-il RIEN ?
Non, dit quelqu’un de plus près regardant :
Et c’eſt, dit-il, le Diable, oyez-vous bien,
Ouvrir ſa bourſe, & y voir RIEN dedans.

Pour finir enfin en peu de mots l’Eloge de RIEN, répondez-moi, Meſſieurs, je vous prie : Qu’y a-t-il au monde de plus précieux que l’or, l’argent, les perles & les pierreries ? RIEN aſsûrément, me direz vous. Qu’y a-t-il de plus eſtimable que la vertu ? RIEN ; de plus aimable que le vrai mérite ? RIEN. Qu’y a-t-il ſur la terre au-deſſus de la Royauté, & dans le Ciel au-deſſus de la Divinité ? RIEN. Si après des prérogatives ſi diſtinguées, je ne finiſſois pas ici mon Eloge de RIEN, on auroit raiſon de me blâmer, & je pécherois moi-même contre une maxime que j’ai toujours fort approuvée, & qui étoit la maxime favorite[12] d’un des ſept Sages de la Grece : RIEN de trop, ne quid nimis : Maxime qui, ſi elle étoit exactement ſuivie, nous épargneroit ſouvent de grands ridicules, & beaucoup d’inconvéniens ; puiſque preſque tous nos maux viennent de l’intempérance, je veux dire, de ne sçavoir modérer ni notre langue, ni nos appetits divers.

De tous les animaux l’homme a le plus de pente
A ſe porter dedans l’excès ;
Il faudroit faire le procès
Aux petits comme aux grands ; il n’eſt âme vivante
Qui ne pèche en ceci, RIEN de trop eſt un point
Dont on parle ſans ceſſe, & qu’on n’obſerve point.[13]

Pour ne point paroître violer une maxime qui vient ſi bien à la matiere que je traite, traite, diſpenſez-moi, Meiſſieurs, de m’étendre davantage ſur RIEN. Je craindrois malgré le mérite de mon ſujet, de vous ennuyer, en vous entretenant plus long-tems de RIEN. Si vous recevez favorablement ce RIEN que j’ai l’honneur de vous préſenter, & qui n’eſt qu’ébauché, je m’engage à vous l’offrir de nouveau dans quelque tems revu, corrigé & augmenté de pluſieurs autres RIENS, qui ne contribueront pas peu, j’en fuis sûr, à vous le rendre beaucoup plus agréable. Permettez-moi ſeulement en finiſſant, de vous faire part d’une Enigme ſur RIEN, dont je voudrois connoître l’Auteur, pour lui en faire l’honneur qui lui eſt dû.

Lecteur, je ſuis encore à naître ;
Si pourtant tu veux me connoître,
Je ſuis ſous toi, je ſuis deſſus,
Je ſuis à peine imaginable,
Dans la bourſe je ſuis un diable,
Et quand je ſuis, je ne ſuis plus.
Je ſuis le grand coffre du monde,
Ma nature fut ſi feconde,
Que tout fut engendré de moi.
Je ſuis le vaſte inacceſſible,
Je ſuis le point indiviſible,
Et le bien d’un gueux comme toi.

Ce qu’a fait un larron qu’on juge,
Ce que reſpecta le déluge,
Ce qui ſert aux Cieux de ſoutien ;
Ce qu’un Recors ne ſauroit être,
Ce qu’on ſait quand on ne fait RIEN
C’eſt, Lecteur, mon nom & mon être.

FIN.

Il y a quelque choſe d’ajouté par-ci par-là dans le corps de l’Eloge de RIEN de cette nouvelle Edition ; mais j’ai cru devoir mettre ici à la fin les additions ſuivantes en forme de notes.

On diſoit autrefois à la Cour : Il a eu pour tout remerciment le RIEN du Cardinal ; il en remportera pour toute récompenſe le RIEN du Cardinal : ce qui avoit donné lieu à cette façon de parler, fut ce que dit le Cardinal de Richelieu au Préſident Maynard, quand il lui recita l’Epigramme ſuivante.

Armand, l’âge affoiblit mes yeux,
Et toute ma chaleur me quitte,
Je verray bien-tôt mes ayeux
Sur les riyages du Cocyte ;

C’eſt où je ferai des ſuivans
De ce grand Monarque de France
Qui fut le Pere des Savans
Dans un ſiecle plein d’ignorance.
Dès que j’approcharai de lui,
Il voudra que je fui raconte
Tout ce que tu fais aujourd’hui
Pour couvrir l’Eſpagne de honte,
Je contenterai ſon déſir,
Et par le recit de ta vie
Je calmerai le déplaiſir
Qui lui fit maudire Pavie ;
Mais, s’il demande à quel employ
Tu m’as occupé dans le monde,
Et quel bien j’ai reçû de toy,
Que veux-tu que je lui réponde.

Le Cardinal de Richelieu lui dit d’un ton ſec. RIEN.

SONNET DE M. LE NOBLE.
Sur le M…. Galant dans le tems que Monſieur
Dufreny y travailloit.


DU plus grand des humains une loüange fade
D’un ſtile dur & plat d’abord y saute aux yeux,
Puis des Morts on eſſuye un regiſtre ennuyeux,
Après qu’un petit air a fourni ſon aubade.



L’Auteur y sert enſuite une maigre salade
D’un tas de méchans vers ramaſſée en tous lieux,
Et d’un ton de Roman préſente aux curieux
D’un conte mal tiſſu la frivole boutade.


L’Enigme enfin paroît, ce chef d’œuvre d’eſprit,
Où cinq cens noms bourus dont le Lecteur frémit,
Rempliſſent ſans raiſon quatre mortelles pages.


La Gazette finit l’endormeur entretien.
Echo ! Divine Echo, par ces galans ouvrages,
Dis-nous que nous apprend ce rare Hiſtorien.
L’Echo…… RIEN.

Ceux de Perouſe ayant envoyé deux Ambaſſadeurs vers le Pape Urbain V. étant à Avignon, on leur ordonna d’expoſer en peu de mots leur Commiſſion. Le premier de ces deux Ambaſſadeurs ſans avoir égard à l’ordre que lui avoit fait donner le Pape qui étoit incommodé, se mit à faire une longue & ennuyeuſe harangue dont Sa Sainteté ſe trouva extrêmement fatiguée. Ce qu’ayant remarqué l’autre Ambassadeur, il reprit la parole, après que ſon Collégue eut fini, & dit très-reſpectueuſement, en s’adreſſant à Urbain : Nôtre Commiſſion, porte encore, ô très-Saint Pere, que ſi votre Sainteté n’accorde pas au plûtôt nos demandes, mon Collégue recommence ſon diſcours, & y ajoute, même beaucoup d’autres choses s’il le trouve néceſſaire. RIEN, RIEN d’avantage, s’écria le S. Pere effrayé, j’aime mieux vous accorder ce que vous demandez : nihil nihil ampliùs.

Un Gentilhomme étant venu du fond de la Province à la Cour, pour demander quelque grâce à Louis XI. il s’adreſſa d’abord à quelques Courtiſans, & à ses Ministres, qui l’amuſerent long-tems de belles eſpérances : ennuyé de leurs remiſes, il présenta enfin un Placet au Roy lui-même, qui écrivit au bas de son Placet. RIEN. Ce qu’ayant vû le Gentilhomme, il se mit à louer tout haut le Roy, en s’en retournant & à le combler de bénédictions ; dont le Roy qui l’entendit étant fort surpris, il le fit rappeller & lui demanda s’il n’avoit pas lû ce qu’il avoit écrit au bas de son Placet. Je vous demande pardon, Sire, je l’ai lû, & j’en remercie très-humblement Vôtre Majeſté : si vos Miniſtres m’en avoient dit autant, il y a six semaines, ils m’auroient épargné bien des ſoins & des inquiétudes, & je n’aurois pas dépenſé tant d’argent à la poursuite de RIEN. Loüis XI. charmé de la repartie de ce Gentilhomme, lui fit expédier sur le champ la grace qu’il ſollicitoit.

Qu’eſt-ce que l’homme aporte avec lui en venant au monde ? RIEN. Qu’en remporte-t’il, quand il en sort ? RIEN.

Saladin un des plus grands & des plus vaillans Princes qui ayent été parmi les Mahometans, & qui poſſedoit les plus beaux Etats de l’Orient ; commanda en mourant qu’on attachât au bout d’une pique un morceau de drap dans lequel il avoit été enseveli, & que des Hérauts allaſſent crier par toute la ville : Voilà tout ce que le Grand Saladin emporte de toutes ſes pompes & de ses immenſes richeſſes.

La plûpart des Maîtres voudroient avoir des Serviteurs qui eussent des pieds de cerf, des oreilles d’âne, des mains qui ne fuſſent pas poiſſées, la bouche conſuë, & qui ne leur demandaſſent jamais RIEN.

Il y a beaucoup de Gens de qualité, & quelques Partisans qui ont de belles Bibliotheques ; mais qu’en liſent-ils ? RIEN.

A la Cérémonie de l’Exaltation des Papes dans S. Pierre de Rome, le Diacre Apoſtolique revêtu de ſa Tunique, tient une eſpece de perche très-mince & très-élevée, au haut de laquelle est attaché un peu de filaſſe, où l’on met le feu, cette filaſſe en un moment est consumée & dans le même tems le Diacre dit à haute voix ces mots : sic tranſit gloria mundi ; ce qu’il répete deux fois ; ce qui veut dire que les plus hautes grandeurs ne sont qu’une légere fumée, & sont bien-tôt réduites à RIEN.


F I N.
  1. Melius eſſe ſi non natus fuiſſet.
  2. La Bruyere.
  3. Ce Duc de Valentinois qui avoit de ſi grands deſſeins, & à qui les plus grands crimes coutoient peu de choſe pour en venir à bout, fut dans la ſuite dépouillé de tous ſes biens, mis en priſon par ordre de Ferdinand Roy d’Arragon, & tué dans une rencontre prés de Vianne, en combattant pour le Roy de Navarre. Sur quoi Sannazar fit ce diſtique, en faiſant alluſion à ſa deviſe :

    Omnia vincebat, ſperabas omnia Ceſar ;
    Omnia deficiunt, incipis eſſe Nihil.

  4. Regnier des Marais.
  5. Chevreau.
  6. Regier des Marais.
  7. Charles Duverdier fils de celui qui a fait une Bibliotheque.
  8. Le Brun.
  9. Boileau.
  10. Polycrate Roy des Samiens, étoit ſi heureux, qu’il ne pouvoit RIEN perdre, diſent les Hiſtoriens. Un jour ſe promenant ſur le bord de la mer, il jetta dedans un anneau fort précieux qu’il avoit au doigt, en diſant qu’il vouloit perdre quelque choſe une fois en ſa vie. Quelque tems après, ſon Cuiſinier trouva cet anneau dans le ventre d’un poiſſon qu’il accommodoit pour ſa table.
  11. Melin de S. Gelais
  12. Cleobule.
  13. La Fontaine.