L’Éducation en Angleterre/Chapitre XVI

Librairie Hachette (p. 287-326).

PROBLÈMES ET SOLUTIONS

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Voici notre enquête terminée.

Tout le long du chemin, presque involontairement, j’ai pensé à la France, exprimant souvent les comparaisons que suggérait le voyage, et en sous-entendant beaucoup d’autres. Qui me reprochera d’avoir agi de la sorte ? S’il n’y avait pas en France des Français à élever, quel intérêt aurait-on à étudier les systèmes d’éducation des autres peuples ?

Parmi les problèmes scolaires, celui qui aujourd’hui surexcite le plus l’opinion publique dans notre pays, c’est le surmenage ; ce n’est peut-être pas le premier par rang d’importance ; mais tous les chemins sont bons qui mèneront à une réforme ; et puisque celui-là est le plus fréquenté, prenons-le.

Le surmenage — un mot barbare, a dit spirituellement M. Jules Simon, et auquel on ne peut reprocher de l’être, puisqu’il sert à désigner une barbarie — a été fort à la mode l’hiver dernier. Je crois même qu’il a eu sa place dans les revues et les chansons de cafés-concerts, ce qui est vraiment la consécration supérieure de toute popularité. Il serait regrettable de voir une question si sérieuse et qui demande à être traitée avec une si grande réserve tourner à l’emballement et devenir la manie d’un jour. Mais si on en a parlé à la légère, elle a aussi été discutée par des hommes éminents. L’Académie de médecine, considérant que le surmenage avait pour corollaire l’oubli des lois de l’hygiène, s’en est occupée. Somme toute, la conclusion à laquelle on semble s’être arrêté généralement, c’est qu’il faut introduire de grandes réformes dans le mode et les programmes d’enseignement.

Est-ce bien là qu’est le remède ?

Il est permis d’en douter. Certes nos écoliers travaillent trop ; leurs programmes sont trop étendus et l’enseignement même gagnerait à être restreint. Mais si l’on se borne à supprimer des heures de travail sans rien mettre à la place, ce n’est vraiment pas la peine. Serait-ce seulement pour prolonger ce qu’on appelle, dans nos collèges, des récréations ? Oh ! Alors non ! Il faut encore mieux laisser les enfants courbés sur les pupitres que de les faire tourner entre quatre murs autour d’un arbre rachitique. On a évidemment trop donné à l’esprit, mais surtout on n’a pas assez donné au corps, et augmenter la durée des récréations, ce n’est pas combler la lacune. Vous avez beau dire aux enfants de jouer, à quoi voulez-vous qu’ils jouent quand vous les lâchez dans ces préaux qui seraient trop étroits pour le sixième d’entre eux ? C’est vraiment une recommandation un peu ironique[1]. Ah ! je sais ! il y a les promenades, ces randonnées malsaines à travers Paris. Peut-on voir passer sans serrement de cœur les longues files de collégiens obligés d’employer de cette inepte façon leurs congés hebdomadaires ? Si on diminue le temps de leurs études ; il y aura sans doute deux de ces promenades par semaine au lieu d’une. Voilà une belle avance ! Non ! ce n’est pas là qu’est le remède ; cherchons ailleurs.

Beaucoup de nos collèges parisiens sont de vieilles constructions ; l’aération y est mal établie, le quartier est souvent peu sain. On conçoit que ces conditions ne soient pas favorables au développement physique des enfants, et toutes les mesures d’hygiène qui seront prises à l’égard de tels établissements ne devront être qu’applaudies. Mais il en est d’autres, nouvellement fondés, où ces mesures ont déjà été appliquées. Je visitais, au printemps, le lycée Janson-de-Sailly, situé à Passy, dans la rue de la Pompe. Le long des bâtiments courent de grandes galeries ouvertes et les façades sont égayées par des pierres de couleur qui en rendent l’aspect « agréable et plaisant à l’œil », me disait mon cicerone ; de plus, grâce à des promenoirs savamment disposés, on peut circuler à l’abri d’un bout à l’autre du lycée. Eh bien ! on n’y joue pas plus qu’ailleurs, malgré les mosaïques des murailles, et les enfants préféreraient peut-être à toutes ces belles choses un grand jardin dans lequel ils pourraient gambader tout à l’aise, quitte à recevoir de temps à autre quelques gouttes de pluie. Dans ce même lycée Janson comme dans beaucoup d’autres, il y a un gymnase et une salle d’armes. Le sport y est, au gré de bien des gens, très suffisamment représenté de la sorte. Certes, la gymnastique a une importance capitale, et ce n’est pas moi qui dénigrerai l’escrime. Je crois pourtant devoir faire les réserves suivantes. La gymnastique a lieu pendant les récréations, et, comme il y a beaucoup d’élèves pour le même trapèze, chaque élève ne fait guère plus d’une culbute par jour, moins le jeudi et le dimanche !… Pourquoi donc le gymnase n’est-il pas toujours ouvert, avec faculté pour les écoliers d’exercer leurs biceps toutes les fois que bon leur semble ? Tant que la gymnastique sera réglementée de la sorte, il n’y aura pas grand’chose à en attendre. Quant à l’escrime, même remarque. Le professeur ne peut consacrer que quelques instants à chacun, et, s’il laisse des débutants ferrailler les uns contre les autres, ceux-ci prennent de détestables habitudes qui les empêchent ensuite de devenir bons tireurs. J’ajouterai que l’escrime — ce sport français par excellence et dont nous avons presque le monopole — n’est pas de ceux que les enfants puissent apprécier ; il est bon qu’ils s’y adonnent dès leur jeune âge, mais le fleuret exige du sang-froid, de l’expérience et le complet développement du corps.

En été, il y a les bains froids ; cela dure deux mois de l’année : le reste du temps, on ne se lave pas. Il devient manifeste que le nombre augmente de ceux qui trouvent le système des ablutions utile, pour ne pas dire nécessaire à la santé aussi bien physique que morale. Mais passer de la théorie à la pratique est chose laborieuse ; tout compte fait, je sais un collège qui a une piscine : c’est le lycée de Vanves, organisé d’ailleurs avec un soin tout spécial. Malheureusement la piscine, n’étant pas couverte, ne sert pas l’hiver. Un simple rapprochement : à Harrow, près de Londres, chaque élève (ils sont cinq cents) paye environ 12 francs par an pour l’entretien de la piscine ; ce n’est pas cher : je ne sais ce qu’a coûté l’installation première, mais cela vaut bien la peine qu’on fasse un sacrifice.

Quand on aura ouvert les gymnases et construit des piscines, la question du surmenage aura déjà fait un pas vers sa solution définitive et cela sans qu’il y ait eu besoin d’empiéter beaucoup sur les classes et les études. Mais tout ne sera pas dit. Aucune précaution hygiénique, aucun exercice, militaire ou non, ne peuvent remplacer les jeux. La variété dans les jeux est une condition sine qua non. Comment voulez-vous que des enfants dont le caractère, la force et les aptitudes physiques sont si différents puissent prendre plaisir à jouer tous au même jeu ? Les choses sont pourtant ainsi, et l’on en arrive à imposer un jeu et à donner des pensums et des punitions aux enfants qui n’y prennent pas part ou n’y apportent pas assez d’entrain. Ce qui est, à coup sûr, très ingénieux. Alors, pour éviter les châtiments immérités, les enfants apprennent l’hypocrisie et font semblant de jouer jusqu’à ce que le surveillant ait de nouveau le dos tourné et qu’ils puissent reprendre la conversation interrompue… Dieu sait sur quel sujet elle roulait.

Dans les rares occasions où j’ai vu des collégiens français laissés libres de se grouper pour un jeu quelconque, j’ai toujours remarqué l’ardeur qu’ils y apportaient, ils n’eussent pas été si empressés autrement ; mais cette ombre d’association, cette autonomie, ce trésorier nommé pour recevoir de minimes cotisations destinées à assurer le fonctionnement ou l’achat des objets nécessaires, tout cela redoublait leur zèle, en même temps que naissait l’émulation toujours plus facile à activer entre groupes qu’entre individus. Ces deux particularités, variété et liberté, se retrouvent partout dans les jeux anglais. Quant à l’encouragement à donner aux jeux, ce n’est pas assez qu’il vienne des maîtres. En Angleterre il vient du public tout entier ; comment de jeunes garçons ne se prendraient-ils pas d’enthousiasme pour des concours auxquels des hommes faits, instruits et intelligents se montrent prêts à prendre part ? L’opinion était restée froide à cet égard chez nous ; mais un changement indéniable s’opère et les exercices du corps deviennent en honneur. On a établi des concours d’escrime et de gymnastique : il en faut d’autres, plus fréquents ; il faut des prix et des applaudissements.

Le problème est donc d’introduire dans nos mœurs scolaires des jeux qui présentent ce triple caractère : la variété, le groupement, la popularité ; c’est-à-dire qu’il y en ait pour tous les âges et pour toutes les aptitudes, qu’ils soient organisés par les joueurs eux-mêmes se groupant à leur guise et qu’enfin ils excitent l’émulation et l’enthousiasme. Pour cela il y a de sérieuses difficultés à vaincre, dont quelques-unes particulières à la France. La première de toutes provient de la situation de nos collèges, presque toujours établis dans des villes, chef-lieux de département ou grands centres d’industrie et de commerce ; à peine compte-t-on quelques exceptions. Le nombre des élèves est également un obstacle quand il s’agit de jeux qui n’en peuvent naturellement grouper que quelques-uns. Multiplier les groupes devient alors nécessaire ; c’est une dépense de place et d’argent. Or, dans les grandes villes, le terrain est très cher, et d’autre part, bien des parents, qui se gênent déjà pour mieux élever leurs enfants, ne se soucient guère de voir augmenter les frais de la pension. On pourrait répondre que c’est une aberration d’établir des collèges ailleurs qu’à la campagne et que, d’autre part, moins ils seront peuplés, mieux cela vaudra ; mais ce sont des réformes, la première surtout, qui ne s’accompliront pas du jour au lendemain, et force est bien de compter avec l’état de choses actuel et de s’en arranger quand on ne peut faire autrement.

Trouver des terrains est le premier point : cela est difficile partout et semble impossible à Paris, car en province on peut encore avoir une porte de sortie sur la campagne ; mais à Paris ? Il faudrait que chaque collège eût hors des fortifications un champ de taille respectable ; on y jouerait pendant 5 heures consécutives deux fois par semaine ; pas d’encombrement à redouter, car il n’est pas utile que toutes les divisions y aillent le même jour, bien au contraire. En hiver, le foot-ball, qui ne demande pas de grands frais d’installation ; en été, le cricket et le lawn-tennis y feraient les délices de nos collégiens. Ce dernier sport, dont le goût commence à se développer en France, nécessite un sol soigneusement entretenu, des raquettes et des balles en bon état ; néanmoins, on peut se contenter d’un terrain de sable durci ou d’asphalte, ce qui réduit considérablement la dépense. Pourquoi le cricket a-t-il toujours été dédaigné par nous ? C’est un jeu superbe, du plus haut intérêt, exigeant de la discipline et faisant naître l’esprit de corps. Son perfectionnement n’a de limite que la force des joueurs, car c’est surtout de la force qu’on y déploie. Un Anglais appelait le cricket l’« habeas corpus » de ses jeunes compatriotes ; il est bien en effet leur charte fondamentale. L’énumération des autres jeux qui mériteraient d’être introduits chez nous serait trop longue à faire : chaque saison a les siens et c’est le cas de dire qu’il y en a pour tous les goûts ; notons seulement le Hare and hounds, sorte de chasse aux petits papiers très passionnante. Mais on peut aussi trouver d’autres genres de divertissements. En Angleterre j’ai partout trouvé des ateliers où les élèves se livrent à divers travaux manuels, de menuiserie, de métallurgie… sous la direction d’un habile ouvrier. J’ai vu ces ateliers fréquentés surtout pendant la mauvaise saison, et il n’est pas besoin de faire valoir leur utilité. C’est après tout le vœu de Jean-Jacques Rousseau ; mais lui était guidé par je ne sais quel sentiment à la fois poétique et égalitaire en l’exprimant, et les Anglais ont vu tout simplement le côté pratique de la question, l’avantage qu’il y a à savoir se servir de ses mains pour façonner du bois ou du fer.

Évidemment la plus grosse objection à de telles innovations c’est le prix qu’elles coûteraient ; dans l’hypothèse où les collégiens auraient un terrain de jeu situé à une grande distance de leur collège, il faut songer aux moyens de les y transporter ; c’est un détail qui a son importance. Mais les chemins de fer sont là avec leurs cartes d’abonnement et les frais pourraient être assez minimes. L’État, qui est chez nous un si gras personnage, pourrait, il me semble, donner ou prêter des terrains. Est-ce trop attendre de sa générosité ? espérons que non ; mais comme il est préférable d’avoir deux cordes à son arc, il importerait que les collèges pussent avoir recours à une association, à une ligue qui se fonderait pour faciliter l’introduction des jeux et les encourager par tous les moyens possibles. Une telle ligue sera-t-elle donc si difficile à établir et à maintenir ? En tout cas, l’expérience vaut la peine d’être tentée. Les sociétés d’anciens élèves pourraient également jouer un rôle utile. Ce serait à elles à donner des prix, à diriger le concours… De la sorte on arriverait à fournir le matériel à très bon compte ; resteraient seulement les petites cotisations nécessaires pour que les enfants se sentent bien maîtres et propriétaires de leurs jeux : ce ne serait plus rien.

Si la question financière est la plus importante, elle n’est pas la seule ; des pères s’inquiéteront sans doute de ce qu’ils considéreront comme une occasion d’échapper à la surveillance, une fissure dans la discipline à laquelle ils aiment voir leurs enfants continuellement soumis. Sans vouloir discuter ici les mérites de la surveillance étroite que l’on pratique en France, il me semble qu’elle ne sera pas plus difficile à exercer dans un champ en pleine campagne que dans les corridors et les cours. Les jeux, au début, mettront peut-être quelques cervelles en ébullition ; mais cela se calmera bien vite. Enfin, dira-t-on, ces jeux prendront du temps et il faudra rogner sur les études !… c’est ici que les modifications dans les programmes dont on parle tant, trouveront leur place ; mais on conçoit qu’avant de tout bousculer pour opérer ces réformes, il faille entreprendre ce qui les rendra nécessaires. Avant de faire une place, prenons-en la mesure, afin de ne pas tailler une brèche exagérée dont il faudrait bientôt combler une partie.

Je suis persuadé que l’expérience démontrera bien vite, et mieux que tous les raisonnements, que le véritable remède au surmenage ou plutôt aux effets qu’on lui attribue n’est pas dans l’affaiblissement et le ralentissement des études, mais dans le contrepoids que le sport fournit à la fatigue intellectuelle. C’est le sport qui rétablira l’équilibre rompu ; il doit avoir sa place marquée dans tout système d’éducation ; qu’il pénètre chez nous et bientôt l’on reconnaîtra tous les avantages dont on lui sera redevable.

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Dernièrement, à Bruxelles, des docteurs en droit se sont trouvés au nombre des candidats pour une place d’huissier à la Chambre des députés.

Voilà du déclassement, ou je me trompe beaucoup. Que si vous en voulez une définition plus scientifique, j’appellerai déclassés tous ceux qui, ayant reçu une éducation supérieure à leur condition sociale, n’ont pas eu le talent de s’en servir pour sortir de cette condition et s’affranchir de son joug.

Il est vrai que, parfois, le déclassement s’est fait à l’inverse, de haut en bas ; mais si fréquentes que puissent être les catastrophes causées par des revirements de fortune, ce ne sont encore que des cas exceptionnels : ce qui produit la grande masse des déclassés, c’est la disproportion entre l’éducation et la condition sociale. — Il n’y a à échapper aux conséquences de cette disproportion que quelques natures d’élite supérieurement douées ou pouvant suppléer à force d’énergie aux dons naturels. Les autres retombent dans le milieu où ils sont nés, mais y retombent désorientés, n’étant plus bons à exercer un métier qu’ils considèrent comme vil et en même temps en ayant appris et vu assez pour apprécier leur chute et en souffrir. Le résultat est de faire une foule de mécontents, d’aigris, toujours en rébellion contre les lois et forcément révolutionnaires dans un sens ou dans l’autre — et en ce qui concerne les collèges, d’y introduire un élément propre à en abaisser le niveau et dont l’influence est pernicieuse. Mais avant d’entrer dans quelques détails à ce sujet, il est bon de rechercher les causes de ce déclassement. Elles sont multiples : une fausse interprétation des principes démocratiques — la bureaucratie actuelle, laquelle permet toujours d’attendre d’un changement gouvernemental un rond de cuir quelconque — l’auréole attachée à cet emploi de fonctionnaire ; enfin l’impossibilité qui a subsisté jusqu’à ces derniers temps de s’instruire sans sortir de sa sphère, l’absence en un mot de tout enseignement autre que l’enseignement libéral.

La démocratie est l’ennemie du privilège aussi bien en haut qu’en bas ; c’est en ce sens qu’elle est égalitaire. Il y a des avantages qui lui échappent (le représentant d’une famille illustre sera toujours plus en vue que celui qui porte un nom inconnu) ; mais, ceux dont les hommes disposent, elle ne veut pas qu’ils soient attribués aux hasards de la naissance, à l’exclusion d’une certaine classe de citoyens. Elle veut, en un mot, que tous puissent s’élever ; cela ne veut pas dire qu’il faut que tous s’élèvent ; ce serait passer d’un principe dont bien peu de gens contestent aujourd’hui la justesse à une parfaite utopie ; il faudrait commencer par décréter l’égalité des intelligences, disposition qui manque dans la collection des lois grotesques de la Terreur. Si, ne pouvant agir directement contre cette inégalité-là, on s’efforce d’y suppléer en favorisant par tous les moyens les moins intelligents et en entassant les difficultés sur la route des mieux doués, on fait du privilège à l’envers ; et d’ailleurs on n’arrive qu’à produire une médiocrité générale.

Malheureusement quand on répète à un homme qu’il a le droit d’arriver à tout, s’il n’a pas beaucoup de bon sens il en conclut rapidement qu’il peut en effet y arriver ; la confusion est toute naturelle. Un peu de confiance dans l’étendue de ses capitaux intellectuels, un peu d’espoir en l’avenir, une invocation à Dieu — ou au Hasard, s’il est libre penseur, et le voilà parti !… Il entreprend l’ascension d’une montagne sur les dimensions de laquelle il s’illusionne le plus souvent. Au sommet, dans un nimbe glorieux, resplendit en lettres de feu le mot « administration ». Ah ! quel honneur ce sera pour lui d’appartenir à cette grande famille administrative qui est assise depuis si longtemps à la table du budget ; et que ce repas doit être bon. En vérité cela vaut bien mieux que de confier des semences à la terre qui ne s’en occupe pas du tout quelquefois et en tout cas ne vous dédommage guère de vos peines ! — La période qui s’achève a été troublée, coupée de guerres et de révolutions, remplie d’incertitudes, de transformations économiques imprévues… L’ouvrier qui l’a traversée s’épanouit à la pensée que son fils portera une redingote noire et peut-être un ruban rouge, qu’il émargera du budget et « saura beaucoup de choses ». Il est fier d’appartenir à un pays où « le travail ouvre toutes les portes », comme dit M. Prudhomme ; si son mioche montre un tant soit peu d’intelligence, il le tiendra pour un génie et se sentira disposé aux plus grands sacrifices pour lui « mettre le pied à l’étrier ». Bien de l’argent est gaspillé pour ne faire qu’un raté ; le mioche a tenté l’escalade de la montagne, n’a pu l’accomplir et y a renoncé ; mais ce qui a suffi à son père, il ne saurait plus s’en contenter. D’abord il se croit méconnu ; quel est celui de ces vaincus qui aura la modestie de mettre sur le compte de son insuffisance la défaite qu’il a subie ? il n’y en a pas un sur 1000. Alors il s’en prend à la société ; c’est sa mauvaise organisation qui est cause de tout cela ; dorénavant il verra tout en mal et détestera tout le monde. S’il est faible et épuisé, il ira dans le régiment des résignés, de ceux qui ont baissé la tête, ne se sentant pas de force à se révolter, mais prêts à servir les révoltés quand ceux-ci auront donné le premier assaut ; car après tout si les seconds font le mal ce ne sont pas les premiers qui l’empêcheront ; les uns et les autres ont intérêt à la révolution et ceux qui n’osent pas attacher le grelot, à coup sûr ne le détacheront pas.

J’en reviens à mon point de vue spécial c’est-à-dire aux effets fâcheux que produit le déclassement dans les collèges. Le premier est de laisser se former des amitiés auxquelles il faut ensuite couper court ; cela ne se fait pas sans résistance. Il y a de belles protestations d’attachement éternel, voire même des efforts sincères pour franchir les barrières sociales ; mais ces barrières sont terribles, elles repoussent à mesure qu’on les abat et de plus en plus épaisses ; préjugés tant qu’on voudra, mais préjugés qui ont le dernier mot, et y a-t-il rien de plus blessant pour ceux sur lesquels ils pèsent que cette brutale séparation d’avec leurs amis de la veille ? Ce qui est pire encore, ce sont les flatteries, les flagorneries dont sont l’objet ceux que leur position de fortune ou leur nom mettent en évidence ; ils ont de véritables cours et traînent après eux un cortège de courtisans dont beaucoup sont simplement éblouis par l’idée d’avoir pour ami un si haut personnage, mais dont quelques autres plus précoces et plus malins cultivent la connaissance « pour plus tard » : ce sont parfois des diplomates bien habiles. À l’inverse, que d’humiliations, que de blessures d’amour-propre ! Dans une école où j’étais demi-pensionnaire était aussi le fils d’un quincaillier, lequel sans doute avait endommagé l’équilibre de son budget pour placer là son héritier ; l’omnibus s’arrêtait chaque matin devant la boutique, et, comme il y avait beaucoup de lampes à la devanture, on avait baptisé le petit du nom de Carcel. Pauvre Carcel, il en supporta de ces tortures raffinées que les enfants savent si bien se faire endurer les uns aux autres ! À cet égard les lycées de l’État ont peut-être une supériorité ; de tels faits y sont plus rares, parce que les élèves appartiennent à des mondes moins différents. Mais par contre, les mauvaises manières y atteignent leur maximum ; en aucun pays les collégiens ne sont aussi gauches, aussi mal tenus, aussi peu polis, aussi voyous qu’en France ; mais, comme dit M. Alb. Delpit (Figaro), « à quel collégien français enseigna-t-on jamais que la propreté est un devoir qui se change en habitude » ?

Pour avoir une idée du nombre de déclassés que produit notre éducation, il faut faire partie des comités des associations d’anciens élèves ; ces associations limitent aux enfants des membres les secours qu’elles accordent ; elles n’y suffiraient pas s’il fallait secourir les anciens élèves eux-mêmes ; rien n’est instructif comme de jeter un coup d’œil rétrospectif sur l’ensemble d’une classe de Rhétorique et de s’enquérir de ce que sont devenus ceux qui en faisaient partie ; on trouve là-dedans des malheureux qui rédigent le bulletin financier d’un petit journal de province, des chefs d’orchestre de casinos, des commis voyageurs en vins et une foule de petits employés ; comme leur baccalauréat leur a été utile à tous ceux-là ! Vous avez encore ceux qui font la tournée de leurs anciens camarades, extorquant 5 francs de celui-ci, empruntant 20 francs de celui-là, comptant toujours sur quelque jobard qui, ému, fera une grosse aumône — et le trouvant généralement.

Une simple comparaison :

L’éducation anglaise passe pour fort aristocratique. Aucune différence pourtant entre les élèves d’une même classe autres que celles que crée le mérite, soit dans les études, soit dans les jeux ; le fils d’un duc y sera le « fag » de l’héritier d’un commerçant et lui obéira… Lequel des deux systèmes trouvez-vous le plus conforme à la démocratie ? D’autre part les manières sont parfaites, non point parce que tous les enfants qui entrent dans une école appartiennent à la haute classe, mais parce que le seul fait de leur entrée en fait des gentlemen et que, s’ils ne se montrent pas tels, ils devront en sortir. Et enfin pas de déclassement à craindre, parce que les boursiers ont eu à passer un examen et qu’ils sont capables de faire leur chemin ; leur capacité est prouvée.

Les remèdes au déclassement scolaire sont de deux sortes : les uns, qu’une réforme légale peut seule appliquer ; les autres, qui ne dépendent guère que de l’opinion publique et qui peuvent être employés tout de suite. Les premiers sont : l’augmentation des prix de pension ; la mise au concours des bourses. Je ne les discute pas davantage en ce moment ; avant que pareils desiderata deviennent des réalités et puissent même le devenir, on aura tout le temps d’examiner leurs avantages et leurs inconvénients, de chercher des combinaisons, etc. Il est plus pratique de ne parler que de ce qui est immédiatement réalisable.

Chercher à enrayer le mouvement qui porte chacun à s’instruire est chose inutile ; n’est-il pas légitime d’ailleurs ce mouvement, autant qu’irrésistible ? Mais on peut s’instruire de bien des façons différentes ; on le peut surtout sans sortir de sa spécialité grâce à l’enseignement professionnel qui, fort heureusement, tend chaque jour à se développer. Il progresserait encore plus vite si ceux auxquels il s’adresse n’étaient éblouis par le grec et le latin et dévorés de l’ambition de recevoir la même éducation que les riches. Eh bien ! c’est aux riches à commencer. Qu’ils prennent eux aussi le chemin des écoles professionnelles (j’emploie ce mot dans son sens le plus large) ; qu’ils se souviennent de toutes les ressources qui leur sont offertes sous ce rapport. L’agriculture, le commerce, l’industrie leur ouvrent des carrières s’ils veulent abandonner définitivement les sots préjugés qui les en ont tenus écartés. Pendant longtemps on a estimé que moins l’on en savait et plus on se livrait à la routine, mieux l’on réussissait en agriculture ; la vérité est que l’agriculture est peut-être ce qui exige le plus de connaissances pratiques et théoriques ; aujourd’hui, à côté des fermes-écoles et de l’établissement de Grignon, il y a l’Institut agronomique où l’on étudie à fond la chimie rurale, l’anatomie et la physiologie végétale et animale, la machinerie agricole, etc. De telles études conviennent autant aux jeunes gens riches que les études « libérales ». La division ou si l’on veut la spécialisation de l’enseignement est dès à présent réalisable ; les Anglais, nous l’avons vu, établissent une distinction entre le classique et le moderne ; faisons comme eux. C’est le meilleur moyen que chacun reste à sa place.


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Le sujet que j’aborde maintenant est fort grave : ce ne serait pas à moi à le traiter ; ce serait à ceux qui ont plus d’autorité et d’expérience. Mais puisqu’ils ne le font pas, puisqu’on s’obstine à laisser dans l’ombre le problème dont la solution est la plus urgente, je n’hésite pas à comparer encore sous ce triste point de vue des mœurs les collèges de France et d’Angleterre.

Comme on l’a fort bien dit, « toute agglomération d’hommes constitue un ensemble de vices et de corruptions, et les enfants, c’est de la graine d’hommes ». Les Anglais savent cela ; ils savent aussi que le mal se communique d’un membre à un autre quand on ne prend pas soin de couper celui que la gangrène a envahie ; de là ce grand principe proclamé par Arnold et toujours observé depuis, de renvoyer sans pitié, sans hésitation !… Peu importe que l’élève soit intelligent, qu’il travaille bien ; aucune de ces considérations-là ne peut empêcher l’exclusion ; pas de repentir, pas de pardon ! Rien ! on n’écoute rien. Agit-on de même en France ? Je voudrais pour notre honneur pouvoir l’affirmer, mais ce serait un gros mensonge. Quand le scandale est par trop grand, par trop public, alors, oui, on renvoie le ou les coupables ; mais combien d’histoires à demi connues des élèves et grossies par eux naturellement dont les héros ont continué à fréquenter le collège ! Combien de maîtres ont reculé devant la crainte d’ébruiter une affaire qui fît du tort à l’établissement — ou de se priver d’un élève capable de remporter des prix du concours ou de réussir d’emblée ses examens ! Le fait s’est produit maintes fois dans les lycées aussi bien que dans les écoles religieuses ; ce sont là des calculs inqualifiables ; et ceux qui se sont oubliés jusqu’à faire de pareils raisonnements ne sont pas moins coupables envers les enfants que les juges qui font évader des criminels ne le sont vis-à-vis de la société.

En Angleterre cependant ce remède énergique — l’expulsion — est moins indispensable que chez nous ; ce qui engendre le mal, ce qui le développe et l’étend surtout, c’est l’ennui ! Parmi les enfants il y a des vicieux précoces, mais il y a encore plus d’inconscients et de natures malsaines que de vicieux proprement dits ; il faut faire la chasse aux premiers et mettre à l’abri les seconds, c’est-à-dire les soustraire à l’action pernicieuse de l’ennui et faire disparaître peu à peu leur anémie. Or chez nous, c’est tout le collège, ces deux mots là : ennui et anémie ; à part de rares exceptions ils résument l’existence du collégien. — Ce qu’on a toujours vu autour de soi, on est porté à le croire normal ; il faut la réflexion, le raisonnement ou bien l’observation chez les autres pour arriver à la conclusion opposée. Véritablement, quand on y réfléchit, rien ne semble en soi plus inepte que le mélange de caserne et de prison auquel, sous le nom d’internat, on condamne les enfants ; il n’y a pas d’homme fait dont on exige ce qu’on exige d’eux, et justement à l’âge où ils ont surtout besoin d’espace, de lumière et de liberté. Au collège, la seule distraction de l’enfant, quand il est redescendu des siècles reculés qu’on offre à sa contemplation, c’est de penser, et de retourner sa pensée et de l’éplucher. Dans les longues études que pas un instant de délassement ne vient couper, entre deux vers latins son cerveau travaille à résoudre quelques-uns des « pourquoi » qui assaillent l’enfance, quand on la laisse penser ; après ces interminables périodes de silence, le bonheur n’est pas de jouer au chat coupé ou à la balle au mur, mais de causer ; la conversation achève ce que la réflexion avait commencé ; elle est timide d’abord, à mots couverts ; puis un autre « plus avancé » vient s’y mêler, et très vite on en arrive aux obscénités de langage.

Et ce n’est pas tout encore ! Ainsi naissent les intimités douteuses, et tout leur cortège de choses inavouables ; l’anémie y porte plus encore que l’excès de vitalité, quoi qu’on dise, et l’ennui, cet insurmontable ennui dont les murailles sont tendues et tous les meubles revêtus, l’ennui a raison de bien des bonnes volontés et de bien des résistances enfantines, mais héroïques parfois.

Voilà ce dont on ne veut pas convenir ; les parents se barricadent derrière cette colossale illusion que la surveillance peut empêcher la corruption. Il n’y a pas de surveillance, quelque rigoureuse, quelque incessante qu’elle soit, à laquelle les enfants ne trouvent moyen d’échapper quand ils en ont bien envie ; l’uniformité des règlements est, sous ce rapport, plus nuisible qu’utile ; de telle heure à telle heure toute une partie du collège est vide ; à tel moment précis les passants sont très rares dans les corridors, etc., sans compter les innombrables petits trucs qu’inventent les imaginations fertiles, les balles à aller chercher, les commissions improvisées, les billets de parloir falsifiés… et toujours le mensonge sur les lèvres et dans les yeux, ou au moins cette habile tromperie qui y ressemble beaucoup. Le mensonge est, chez les collégiens français, élevé à la hauteur d’une institution et je dois dire que les maîtres s’en inquiètent assez peu. Ils puniront bien plus sévèrement celui qui est dissipé en classe ou qui fait leur caricature sur les marges de son dictionnaire que celui qui ment.

Tous, cela va sans le dire, ne subissent pas au même degré les désastreux effets de la corruption ; ordinairement dans un collège, à partir de la troisième, le petit noyau de ceux qui sont restés ignorants et naïfs va diminuant sans cesse ; la grande masse est corrompue en paroles et en pensées ; si pour beaucoup cela ne va pas plus loin, l’effet se fera sentir au sortir du collège ; dans la réaction qui se produit alors, les sens sont pour beaucoup. Ce n’est pas impunément que pendant des années et des années les adolescents ont été privés, je ne dis pas de gâteries, de luxe, d’inutilités, mais du simple confort qu’il est raisonnable de leur donner ; ce c’est pas impunément qu’on les a mal nourris, qu’on les a numérotés, qu’on les a épiés, soupçonnés, qu’on a étouffé leur besoin de bruit et de mouvement. La réaction doit se produire : elle est une conséquence logique de ce régime ; elle vient en effet et présente un côté sensuel parfaitement caractérisé ; le corps se venge du mépris avec lequel il a été traité. Ainsi la corruption atteint à leur sortie de l’école ceux qui lui ont échappé jusque-là, et ses ravages, pour avoir moins de portée, n’en sont pas moins bien regrettables.

Des remèdes ?… ils résultent de l’ensemble des faits que j’ai amassés dans ce volume. Pour balayer complètement cette pourriture scolaire il faut persuader d’abord à l’opinion publique qu’elle existe : c’est laborieux, car les gens prévenus ne veulent croire ni les yeux des autres ni même quelquefois leurs propres yeux. Mais le mal peut dès à présent être combattu efficacement d’abord par la pratique de l’expulsion, seul moyen de maintenir à une hauteur satisfaisante le niveau moral d’une maison d’éducation ; et ensuite par le développement des exercices du corps. Il faut absolument tailler dans l’éducation française une place au sport ; voilà ma conclusion principale ; elle peut paraître étrange. Je prie ceux dont elle excitera l’incrédulité de ne point se former là-dessus un jugement définitif ; il est impossible d’étudier même superficiellement les écoles anglaises sans reconnaître l’immense et je dirai presque l’incompréhensible influence du sport sur l’éducation.

À une condition toutefois ! c’est qu’il ne verse pas dans le militarisme ; c’est là un écueil vers lequel nous voguons et qu’il faudra éviter. Le génie unitaire de Napoléon Ier créa l’internat tel qu’il subsiste encore aujourd’hui ; l’empereur avait besoin de soldats et se souciait médiocrement d’avoir des citoyens. Or, aujourd’hui, sous l’influence d’une idée noble à coup sûr mais très spéciale, il y a une tendance à militariser de plus en plus l’éducation. La revanche que l’on prépare ne sera, si elle a lieu, qu’un épisode de notre histoire. Qu’elle la prenne ou qu’elle y renonce, la France n’en restera pas moins une très grande nation, rayonnant au dehors, occupant une place d’honneur dans l’avant-garde de la civilisation ; et c’est de citoyens plus que de soldats qu’elle a besoin.

Ce qu’on peut appeler le sport militaire, par opposition au sport tout court, ne produira pas de bons citoyens. Les nombreuses sociétés de tir et de gymnastique qui ont été fondées depuis la guerre forment, on ne saurait le nier, une grande école de discipline et de patriotisme, mais d’autre part l’appareil militaire dont elles s’entourent n’est propre qu’à engendrer des vues étroites et à éteindre l’initiative individuelle qu’elles auraient dû avoir pour but de développer. Bien plus utiles à cet égard sont les 2 ou 3 sociétés nautiques existantes à Paris que les 33 sociétés de gymnastique qui comptent 3 041 membres dans les 20 arrondissements de notre capitale.

iv


Ce n’est pas le militarisme qu’il faut à notre éducation, c’est la liberté ; ce ne sont point des administrés et des subordonnés, mais des hommes libres que nos maîtres doivent former ; et ce serait une singulière introduction à la pratique de cette liberté que d’apprendre aux enfants la seule obéissance du soldat. À l’heure où j’écris ces lignes, la presse fait connaître à ceux qui n’ont pas eu la bonne fortune de les entendre deux discours qui viennent d’être prononcés sous la coupole de l’Institut : l’un par M. Gréard, faisant l’éloge du comte de Falloux, dont il va occuper le fauteuil à l’Académie française ; l’autre par le duc de Broglie, répondant au vice-recteur de l’académie de Paris. Dans ces discours, où il est si éloquemment parlé de la noble science de l’éducation, je veux prendre le mot de la fin. Formulant l’opinion de l’illustre inspirateur de la loi de 1850, le duc de Broglie dit quelque part que « rien ne sert moins, rien ne compromet au contraire autant l’unité d’une nation que la prétention d’imposer aux enfants une uniformité mécanique de sentiments et d’habitudes ». Rappelant les difficultés de l’heure présente et faisant ensuite appel à tous les dévouements pour les résoudre, M. Gréard prononce ces paroles : « L’esprit d’affranchissement a pénétré partout, confondant trop souvent les privilèges abusifs et les inégalités nécessaires, la liberté et la licence, le pouvoir et le droit. Et en même temps, de ces mouvements confus et mal réglés se dégagent un sentiment plus vif de la dignité humaine, une conception plus saine de la justice, tout un ensemble d’efforts qui témoignent d’une raison publique plus largement éclairée. » — Et plus loin : « Quelle force pour la France, le jour où tous ceux qui ont le souci de l’avenir associeraient leurs lumières et leurs efforts pour travailler de concert à l’éducation de la démocratie et asseoir sur des institutions protectrices de toutes les libertés, respectueuses de tous les droits, l’unité morale du pays. » On ne peut mieux résumer les besoins de la démocratie, mais on ne peut non plus en distinguer avec plus de franchise ce nivellement égalitaire qui, poussé à l’extrême, ne fait en réalité que porter au sommet tant de médiocrités. Dans l’éducation aussi — et même là plus qu’ailleurs — il y a des « inégalités nécessaires ». — Renonçons donc à cette dangereuse chimère d’une éducation égale pour tous et prenons modèle sur un peuple qui comprend si bien la différence entre la démocratie et l’égalité.


Paris, 20 janvier 1888.

fin
  1. Mgr Dupanloup rapporte cette parole si simplement éloquente qui lui fut dite un jour par ses élèves : « Si vous saviez, monsieur le supérieur, comme ça nous ennuie de nous amuser de la sorte ».