L’Éducation de Bacchus

Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 158-159).

L’ÉDUCATION DE BACCHUS

D’APRÈS GIRON

Le chant de la syrinx aux cymbales mêlée
Monte du bois profond cher aux faunes cornus,
Et des filles d’Hellas la troupe échevelée
Aux fraîcheurs des gazons égare ses pieds nus.
Sur leur bouche vermeille et leurs épaules blanches
S’épanouit l’honneur d’un éternel printemps,
Cependant, qu’en fruits d’or, l’Automne rit aux branches,
Ensanglantant les bras lassés des ceps flottants.

— Dans un taillis très clair, au bord d’une fontaine,
Près d’un enfant debout, les porteurs de pipeaux,
Posant le buis troué sur sa lèvre incertaine,
Lui montrent l’art sacré d’appeler les troupeaux,
De déployer au vent les ailes de la danse
Et de chanter l’Amour en rythmes languissants.
Les nymphes, de leur doigt, lui marquant la cadence,
Goûtent une langueur secrète à ses accents.
Sur le sable, tout près, la panthère charmée
De ses yeux étoilés laisse mourir l’éclair
Et, sous l’adieu du jour, la nature pâmée
Boit une ivresse étrange aux caresses de l’air.
— C’est que l’enfant chanteur, sur sa flûte sonore,
Dit la terre domptée et les hommes vaincus
Par les vignes de feu dont Thrace s’honore
Et que cet immortel est le divin Bacchus !