Ollendorff (p. 13-14).

V

ENTRÉE

Je m’attends à du nouveau. Je tombe dans un ménage bourgeois, c’est-à-dire au milieu de gens qui n’ont pas mes idées.

Le bourgeois est celui qui n’a pas mes idées.

J’ai préparé en sot ma première visite aux Vernet. J’allais chez eux avec le plaisir d’avoir à poser un peu et la crainte de n’être pas compris. Je me promettais de faire de l’effet, repassant mes citations, cherchant des noms d’auteurs peu connus et dont la seule étrangeté me ferait honneur. N’avais-je pas, dans la collection de mes gestes, quelque élévation de bras, un ploiement de genou, un coup de nuque en arrière, qui seraient à mes phrases d’élite ce que les projections lumineuses sont aux conférences scientifiques.

Ai-je fait mes frais ?

Je ne me rappelle pas avoir été au-dessus de moi-même.

Nous avons pris du café. J’ai déclaré qu’il était bon, mais un peu chaud. Monsieur Vernet m’a parlé de sa cave. J’ai trouvé cela naturel, « puisqu’il avait du vin dedans ». Inhabile à distinguer la fine-champagne de l’eau-de-vie de marc, j’ai cependant affirmé que la liqueur de mon petit verre bleu devait être très vieille, selon moi, du moins.