Ollendorff (p. 1-2).

I

MONSIEUR VERNET

C’est un homme de quarante ans, un peu raide et lourd, convenablement vêtu. On sent qu’il n’a pas lui-même soin de sa personne, qu’il ne s’habille pas seul. Madame Vernet le boutonne, l’épingle, le peigne. Rarement un jour se passe sans que la raie, droite et pure, se défasse, et que la cravate remonte. Mais Monsieur Vernet est incapable de « revenir sur sa toilette », et il semble, pour cette raison, plus distingué le matin que le soir.

Le peu qu’il montre de ses yeux est d’un bleu tendre. Ses paupières pesantes jouent mal, constamment presque fermées. Il est obligé de lever la tête, de la pencher en arrière, comme les gens qui regardent par-dessous leurs lunettes. Je le dis sans malice, la forme de ces yeux rappelle quelque chose de déjà observé aux yeux des porcs.

En omnibus, Monsieur Vernet se met de préférence au fond et regarde les derrières des chevaux lourdement secoués. « Le pavé de Paris use les meilleures bêtes. » Suivant les recommandations du préfet de police, Monsieur Vernet ne descend pas de voiture avant qu’elle ne soit immobile. Mais une fausse honte, bien excusable chez un homme, l’empêche de « demander le cordon » au conducteur pour lui seul : il attend qu’une dame fasse arrêter, et profite de l’occasion. Sinon, il s’entête, dépasse le but, va jusqu’à la station prochaine et retourne sur ses pas.