L’École du Trocadéro

Revue des Deux Mondes4e période, tome 162 (p. 198-213).
L’ÉCOLE DU TROCADÉRO


I

Encore quelques heures, et l’Exposition aura fermé. Est-ce la dernière ? Nous le souhaitons. On ne donne pas deux fois certaines fêtes. Aucune exposition, dans tous les cas, n’aura jamais porté, comme celle-là, le caractère d’une exception. On ne l’avait pas seulement voulue universelle, mais unique, et son but officiel, hautement et solennellement annoncé, était d’être un enseignement. Enseignement dans les arts, dans l’industrie, dans la pédagogie, dans l’ethnologie, dans la sociologie ; enseignement agricole, scientifique, maritime, militaire, commercial, économique ; enseignement dans toutes les branches de la civilisation et de la vie. Ce but, l’a-t-on bien toujours atteint ? Nous a-t-on bien donné, sur tous les points, la leçon qu’on nous avait promise ?… Nous l’examinerons en matière d’exotisme, car l’exotisme n’était pas une des petites parties de l’Exposition. Il y abondait, y fourmillait, et nous l’y retrouvions à chaque pas. Temples hindous, gourbis sauvages, pagodes, souks, ruelles algériennes, quartiers chinois, japonais, soudanais, sénégaliens, siamois, cambodgiens : c’était un bazar de climats, d’architectures, d’odeurs, de couleurs, de cuisines et de musiques. Et tout cela voisinait, cohabitait, se serrait et se casait, comme un Lapon et un Marocain, un Malgache et un Péruvien coucheraient dans le même sleeping-car. Un Turc aimable, tenant tout à la fois du contrôleur et du janissaire, vous engageait à franchir un rideau derrière lequel un aigre nasillement se mêlait à des trémoussemens saccadés. C’était un concert africain. Vous étiez à Tunis ou à Biskra. Vous ressortiez, et la foule, vingt pas plus haut, vous entraînait dans une salle où toute une ménagerie de bêtes empaillées vous regardaient avec leurs yeux de verre : vous étiez au Canada, et ce n’était plus que bisons, élans, phoques, martres, renards gris ou bleus. Vous ressortiez encore, vous montiez un sentier, et ce pavillon ajouré, multicolore, que vous aperceviez tout à coup, était un restaurant chinois. On vous y offrait des « nids d’hirondelle, » des « ailerons de requins, » et des « beignets de pigeons. » Quant aux « Hues du Caire, » aux « Cafés maures, » aux « Abraham » et aux « Mohamed » installés dans leurs échoppes, au milieu de leurs étoffes, de leurs poteries, de leurs pâtes, de leurs parfums, ils ne se comptaient plus. C’était l’univers dans un jardin ! Un territoire grand comme la moitié de l’Europe se condensait en cinq cents mètres carrés, un désert se résumait en une paillote, une mer en un bassin. Le nord touchait au sud et le pôle à l’équateur. Le même courant d’air vous apportait l’odeur des joncs de l’Océanie et des fourrures du Kamchatka. Vous faisiez là, montre en main, le tour du monde en trois heures. Et les « stéréoramas, » les « cinéoramas, » les « maréoramas, » vous donnaient à la fois, dans ces trois heures, l’illusion du bateau, du ballon et du wagon-bar.

Ce fut là, assurément, une existence suggestive, toute en surprises et en changemens d’horizons. Quelle en fut bien, seulement, la valeur positive exacte, et quel enseignement y recueillait-on, puisqu’on devait m’y donner un enseignement, et un enseignement d’Etat ? Devais-je bien voir, sérieusement, quelque chose de la vraie Chine dans la Chine du Trocadéro, et le Congo aperçu au son d’un carillon russe, entre un charivari arabe et une musique de tziganes, était-il bien vraiment le Congo ?… A présent que l’école est fermée, il est bon de récapituler ce que nous y avons appris…


II

Les Indes Néerlandaises, dans la grande avenue centrale, vous arrêtent particulièrement. Elles étonnent par leur fouillis hiératique, leur luxuriance de dieux et de monstres, et nous sommes là à Java, au pied d’un temple gardé par toute une garde d’idoles assises, un doigt levé, la lèvre énigmatique. Pourquoi, toutefois, faut-il que ces idoles sentent aussi fraîchement l’atelier, et que l’Administration ait dû leur mettre une plaque au flanc, avec ces mots inscrits autour : avertisseur d’incendie ? Il serait puéril, on le pense bien, de reprocher aux plaques d’incendies d’altérer le caractère orthodoxe des vieilles divinités indoues. Mais cet avertisseur n’en décore pas moins bizarrement les idoles du vieux Java, et ne s’en mêle pas moins, si peu que ce soit, à nos impressions javanaises. Ce n’est qu’une note imperceptible, mais c’est déjà pourtant une note.

Entrons, et regardons, en entrant, sur le mur d’exhaussement d’une première terrasse, un bas-relief où l’on retrouve la vie de Bouddha… Ce bas-relief a-t-il bien réellement existé comme il est là ? Ce n’est qu’une question que nous nous posons, mais nous ne pouvons pas ne pas nous la poser… Passons, traversons la première terrasse, franchissons la seconde, montons un dernier escalier… Nous voici dans le temple même, dans une petite salle de pierre blanche, et vraiment beaucoup trop blanche. C’est, paraît-il, le temple de Djandi-Sari, et tous les moulages, me dit-on, ont été pris à Java. On est même allé, pour nous mieux montrer le vieux monument, jusqu’à le rétablir, non pas comme il est, mais comme il devrait être, car les Chinois, malheureusement, l’ont détruit depuis fort longtemps. On a donc reconstitué les soubassemens disparus, recherché les détails d’ornementation dans des fouilles savantes, et composé ainsi un Djandi-Sari parfait, irréprochable, un Djandi-Sari auquel pas une ligne ne manque, plus complet qu’il ne Ta jamais été, un Djandi-Sari tout neuf ! Tout cela est fort consciencieux, et témoigne d’un ardent zèle industriel pour l’antiquité javanaise. Mais quel Java, en fin de compte, arrive-t-on ainsi à nous reconstituer ? Le Java actuel ? Non, puisqu’il est en ruines. Le Java antique ?… Nous en douterons, et il ne me semble pas le sentir dans cet édifice tout blanc, tout frais et tout neuf, sur lequel veillent les pompiers. On y prend instinctivement garde aux plâtres. On pourrait presque s’y croire dans la salle d’un nouveau four crématoire à la veille d’être inauguré… Est-ce bien là vraiment le vieux Java ?


III

Le pavillon des Indes Anglaises ressemble assez exactement à une sorte de Louvre ou de Bon Marché de Tyr ou de Bagdad. Je regarde ce décor de tapis, de balles de coton, de vaisselles, de sacs de riz, d’étoffes, de boîtes de conserves, et j’y entends un piano qui joue une gigue. J’approche, et je vois le piano tout fouillé de sculptures où fourmillent les mille petits personnages de légendes et de mystères indous… L’impression, ici, est évocatrice, et j’ai bien, à cette ritournelle, la vision de l’Anglais chez les Brahmes. C’est un « raccourci. » Mais justement, ce n’est qu’un raccourci ? N’ai-je pas là une vision toute littéraire, et toutes les Indes tiennent-elles, d’ailleurs, dans l’opulence bariolée de ce bazar pléthorique ? La notion d’une Inde pareille, d’une Inde-magasin, si magnifique et si partiellement vraie qu’elle soit, n’est vraie que partiellement, trop partiellement pour ne pas être fausse, et toutes ces salles regorgeantes, toute cette forêt d’objets, de tentures, de marchandises, de produits, ne me disent qu’une Inde incomplète et tronquée, celle des comptoirs. Et l’autre ? Celle de la famine ? Car ce pays d’énorme et somptueux commerce est également celui d’une effrayante dégénérescence locale, d’une misère indigène affreuse. Toute une race-fantôme y meurt et y gémit dans la faim. L’Inde n’est pas seulement un dock, c’est un cimetière. L’Anglais prospère s’y rencontre avec l’Indien décharné. Un champ de mort s’étend derrière la boutique. Où nous fournissez-vous l’équivalent de ce contraste ? Où est le conquis tombé à l’état de squelette, en face du conquérant bien en point ? Où est le spectre de la mère assoupie dans le coma de l’inanition, avec son enfant mort au sein, en face de la fraîche lady, ou du sir en belle santé qui se balance dans son rocking-chair, pendant qu’on lui joue la gigue ? On cherche l’humanité indienne dans les Indes du Trocadéro, mais on ne l’y trouve pas, et nous n’y voyons, comme indigènes, que cinq ou six gardiens très laids, très jaunes, et coiffés avec des peignes, mais habillés de costumes éblouissans, ceints de baudriers d’or, et si parfaitement bien portans, qu’ils nous représentent encore, quoique Indiens, l’unique et prospère Angleterre. Ils ont au moins reçu, sans aucun doute, la naturalisation de la nourriture.

Et la « faune ? » On nous la montre peut-être aussi avec quelque fantaisie. Sous un globe de pendule grand comme un appartement, voici, dans des poses jouant la nature, et réunis en famille, tout ce que le climat a de carnassiers, de fauves, de pachydermes, de reptiles et de bêtes de basse-cour. Un éléphant, la trompe haute, débouche d’un fourré de grands joncs, et barrit un discours à des poules qui picorent entre ses pieds. Un sanglier, près d’eux, broute auprès d’un serpent qui se dresse, un singe gambade sur leurs têtes, et un couple de jaguars, dans le voisinage, nourrit patriarcalement ses petits, pendant qu’un ibis rose, évidemment surpris, regarde tout cela sur un pied. Rien ne peut rendre l’effet de cette extraordinaire pantomime, jouée par toutes ces bêtes empaillées, et vous avez au moins le plaisir de vous figurer relire les fables de La Fontaine… Mais l’ « enseignement ? » L’enseignement qu’on nous annonçait ?… Là encore, toute chicane serait enfantine. On ne veut rien nous montrer de sérieux, et nous n’avons rien à demander de sérieux. Mais n’est-ce pas justement le vice de tous ces exotismes d’exposition ? Ils se donnent pour sérieux en ne l’étant pas, et quand ils ne peuvent pas l’être. Qu’une image à deux sous me représente des enfantillages, et je ne lui attribue que l’importance attribuable à une image de deux sous. Mais qu’une Exposition universelle, avec son caractère officiel, national, avec son caractère de leçon, ne soit, comme leçon, qu’une image à deux sous coûtant des millions, c’est ici que le bon sens réclame, et que la critique peut s’élever !


IV

… Vous voulez faire un déjeuner chinois, et vous entrez, pour cela, au restaurant chinois… Qu’allez-vous donc manger ?… Le menu est sur deux colonnes, chinois sur l’une, parisien sur l’autre, et la colonne chinoise énumère de nombreux mets… Vous hésitez, mais le maître d’hôtel, — d’une irréprochable correction parisienne, — est là pour vous conseiller.

— Le menu, lui demandez-vous, porte que certains plats chinois doivent être commandés vingt-quatre heures d’avance… Est-ce absolument rigoureux ?

— Absolument, vous répond le maître d’hôtel… Et ce n’est même pas, en réalité, vingt-quatre heures, mais quarante-huit heures d’avance, que les commandes doivent être faites.

— Alors, pour les « nids d’hirondelles ? »

— Oh ! c’est particulièrement compliqué.

— Mais qu’est-ce que c’est donc ?

— Mais des nids d’hirondelles !

— De vrais nids d’hirondelles ?

— De vrais nids d’hirondelles !… Et c’est précisément ce qui nécessite une préparation si soignée… Pour arriver à bien le » épurer, à bien les nettoyer, c’est très long.

— Et les « ailerons de requins » ?

— Très long aussi… C’est tellement dur…

Et vous indiquez d’autres plats, mais ils exigent tous un stage. Ils sont mystérieux, inquiétans, et le maître d’hôtel, tout en époussetant la table avec de petits coups de serviette, conclut pour vous édifier :

— Toutes les cuisines chinoises, en général, sont à base d’œufs de cane pourris, et les œufs doivent pourrir longtemps…

Que décider ? Vous rabattre sur les articles qui n’offrent ni la complication des « nids d’hirondelles, » ni la dureté des « ailerons de requins, » ni le faisandage des « œufs de cane, pourris, » et vous contenter de plats qui ne soient pas des plats de longue haleine ?… Vous y songez… Mais les « œufs de cane pourris » vous obsèdent, il vous semble que toute la cuisine céleste doit les sentir, et vous finissez par commander, comme déjeuner chinois, une côtelette ou un beefsteak. On vous les sert immédiatement, vous ne voyez même aux tables voisines que des déjeuners chinois dans le goût du vôtre, et vous comprenez alors toute la surprise que vous n’eussiez pas manqué de provoquer en persistant, dans ce restaurant chinois, à vouloir faire un repas chinois.

Pourquoi, d’ailleurs, dans tout ce coin de Chine, tant d’autres choses sont-elles aussi méticuleusement françaises ? Comment, ainsi que l’Allemagne, l’Italie, la Norvège, et d’autres pays, la Chine n’a-t-elle pas expédié de chez elle ses ouvriers et ses matériaux ? C’est une question… Mais rien, en fait, n’est chinois comme travail, dans la Chine du Trocadéro. Les matériaux ? Parisiens. Les ouvriers ? Parisiens. L’architecte ? Parisien. Il n’y a pas là une planche, une moulure, un ornement, un coup de pinceau ou de ciseau, qui ne soient pas uniquement, exclusivement, consciencieusement parisiens, et vous déjeunez, dès lors, pour déjeuner à la chinoise, avec une côtelette de Paris, servie par des garçons de Paris, dans un local construit et décoré avec des matériaux de Paris, par des constructeurs et des décorateurs de Paris ! Si vous ne vous sentez pas, avec tout cela, vraiment transporté dans la vraie Chine, c’est que vous n’avez pas d’imagination !

Rien n’est-il donc chinois dans cette Chine d’exposition ? Si, et la vraie Chine s’y retrouve dans les bibelots, pièces d’art, et marchandises de toute sorte : bronzes, laques, tables, cabinets, sièges, poteries, poupées, petites maisons, petites scènes, petits bateaux, petits joujoux. Beaucoup de ces poupées et de ces joujoux sont même singulièrement évocateurs, et toute l’habitation, toute la vie chinoise semblent vous apparaître dans ces maisonnettes d’un pied de haut, où des personnages de six pouces se livrent, comme au naturel, à tous les actes de l’existence bourgeoise, populaire, domestique, commerciale, administrative. Voici des marchands qui vendent, des barbiers qui font la barbe, des pêcheurs qui rassemblent leurs cormorans de pêche sur les rebords de leur bateau, et des « fonctionnaires » — du bureau des supplices — qui bâtonnent magistralement, avec des rotins grands comme des allumettes, de pauvres petits suppliciés tout nus, agenouillés dans leurs liens, la figure sanglante et gonflée. Et toutes ces petites scènes de la vie marchande, rustique, ouvrière, pénitentiaire, se multiplient par centaines et par milliers. Ce ne sont plus seulement des poupées, mais tout un peuple de poupées, toute une nature en bimbeloterie ! C’est curieux, fin, joli, subtil, minusculement vivant et humain ! N’est-ce pas, toutefois, ici encore, comme à l’audition de la gigue jouée sur le piano indien, une vision d’artiste, une impression de littérateur ? Or, faites pour les foules, avec l’argent des foules, les expositions ne s’adressent-elles pas à elles ? Est-ce bien là l’enseignement des foules ?


V

Voulez-vous vous rendre un compte précis de ce qu’est vraiment un pays exotique, puis de l’idée qu’on peut en prendre aux vitrines et aux tableaux vivans du Trocadéro ? Entrez au village dahoméen, feuilletez-y les photographies du Dahomey, puis regardez le village lui-même, ses restitutions et ses exhibitions. Vous percevez très nettement, dans les simples vues du pays, une certaine vie primitive et un certain cadre sauvage. Le ton manque, et la perception est incomplète, mais les silhouettes, les reliefs, les grands linéamens se fixent néanmoins dans l’œil. Maintenant, examinez les objets exposés, armes, fétiches, meubles, engins, instrumens, ustensiles, et vous ne retrouvez plus aucun rapport entre les ensembles donnés par les photographies et le détail figuré par les objets. Les premiers et les seconds devraient cependant correspondre, s’expliquer, se compléter, concorder, mais ils ne concordent pas. Les photographies vous représentent une contrée, des sites, des mœurs, des figures, des horizons, quelque chose de vivant, qui existe, qui respire. Les objets ne sont que des fragmens, des débris, on ne sait quoi d’incompris, d’informe, d’incohérent, qui ne signifie rien et ne se rattache à rien. On ne peut même pas dire que l’idée propagée est fausse. Elle est nulle, elle n’est pas. Vous voyez devant vous des morceaux bizarres, imitant vaguement des têtes d’oiseaux, de lions, de bêtes, de monstres, et l’on vous montre même une façon de grossier guéridon, tout hérissé de flèches et de coutelas, qui simule une « table des sacrifices. » Mais tout cela est tellement dépourvu d’âme, et de toute âme quelconque, que ce n’est rien. Le sauvage se confond souvent avec le puéril, et tous ces engins de bois ou de cuivre, mal dégrossis, sans figure, finissent par friser la mystification. Ils viennent du Dahomey, mais pourraient aussi bien venir de n’importe où, et nous touchons ici à un autre vice des exhibitions d’exotisme, c’est que toutes ces choses exotiques ne peuvent, visiblement, avoir leur vrai caractère, sinon même un caractère, que dans leur milieu, sous le soleil qui doit les éclairer, dans l’air où elles devraient baigner. Il en est des fétiches, des armes, des dieux, des objets qu’on nous montre là, et même des constructions et des paillotes, d’un torchis trop rose et trop neuf, comme de certaines paroles d’opéra. Elles peuvent servir de prétexte à de puissans effets musicaux, mais ne sont plus que des niaiseries sans la musique. Or, la musique, ici, c’est le pays même, et nous n’avons que le livret. Un effort, sans aucun doute, et un effort consciencieux, intelligent, a été fait par l’exposant. Il a même probablement réalisé tout ce qu’on pouvait réaliser, mais n’a pas pu exposer l’atmosphère, et c’était l’atmosphère qu’il fallait surtout exposer.

La population indigène ne manque pas au « village, » mais nous ne l’y rencontrons que dans la personne de superbes factionnaires nègres, dont la consigne, imperturbablement exécutée, est d’empêcher les visiteurs de fumer. Dès qu’ils aperçoivent un fumeur, ils fondent sur lui, lui secouent le bras, et lui font signe de jeter sa cigarette. Le fumeur, quelquefois, se rebiffe, refuse d’obtempérer, essaye de s’échapper, et regarde de travers ce grand noir qui le rudoie, mais le grand noir le rattrape par le collet, lui prend sa cigarette dans la bouche, la jette par terre, et l’éteint sous son pied… Est-ce bien cependant cette scène-là qui nous initiera sérieusement au Dahomey ?… Ou bien l’apprendrons-nous encore auprès des trois négresses parquées là-bas entre leurs barrières, assises sur leur pirogue renversée, et qui provoquent les exclamations des badauds ? Elles crient à ceux qui les agacent : « Toi méchant ! » Et ce « toi méchant » est peut-être bien d’un nègre un peu trop convenu, toutes les négresses ne sont pas du Dahomey, et celles de la pirogue ont une manière de s’effaroucher qui rappelle les « scènes dans la salle… »


VI

Si l’Andalousie au temps des Maures est de l’exotisme, le personnage sous la figure duquel elle nous apparaît d’abord a déjà de quoi nous étonner. Il est en pantalon gris-perle, en gilet blanc, avec un tuyau de poêle de l’époque de Bolivar et un habit noir de celle de Robert Macaire. Le visage fortement boucané vous rappelle seul, sous ce costume, le croisement Maure-Andalou… Mais entrons. L’homme nous y invite d’un geste large, nous le suivons dans une suite de cours où s’alignent des boutiques façon mauresque, puis nous parvenons à des arènes… Là, nous assistons à des spectacles de cirque, mais où les chameaux remplacent les chevaux, et où la troupe figure l’Andalousie populaire, guerrière, paysanne, héroïque ou burlesque. Exercices de chameaux, cavalcades de chameaux, chameaux dressés en liberté, chameaux qui s’agenouillent, chameaux qui saluent, chameaux qui valsent ! C’est le Franconi des chameaux ! Et des garçons de café colportent des rafraîchissemens. Ils crient, leurs plateaux en l’air : « Orgeat, limonade, bière !… » Des tapis à vendre pendent aux murailles, avec les prix marqués dessus. La clientèle va et vient dans les restaurans des loggias. Tout le long d’un large promenoir, le public, en gaîté, regarde, pour deux sous, des scènes licencieuses dans des stéréoscopes… Les chameaux, pendant ce temps-là, cavalcadent et saluent toujours, trimballent et secouent la troupe maure sur leurs bosses, et l’homme au pantalon gris-perle, à la fin de la représentation, apparaît, lui aussi, au milieu des chameaux, mais à cheval. Il s’incline sur son gilet blanc, dans son habit du temps de Robert Macaire, et salue théâtralement, son bolivar à la main.

Peut-être, après ce spectacle, nous reste-t-il encore quelque chose à apprendre sur les Maures d’Andalousie… Mais vous sortez, et vous voici, au bas d’un escalier, dans une petite cour d’un cachet délicieusement archaïque, car toutes ces exhibitions, où perce malgré tout une recherche d’art, sont pleines de choses curieuses et de jolies choses, et vous trouvez, ici, un coin de vieille construction, légère et compliquée, toute rongée du temps, toute brûlée des étés. Des ogives, des colonnettes. Un reste d’armoiries s’effrite dans le mur roussi. Un vieux puits, la margelle à moitié démolie, s’ouvre rustiquement devant la porte… Nous sommes là, évidemment, dans la plus légendaire Espagne, et voilà bien, cette fois, de la bonne reconstitution, de la plus fidèle et de la plus délicate. Je sens, dans ces vieux murs, dans ce puits brisé, dans ces colonnettes qui se descellent, dans ce blason qui s’efface, cinq siècles de mystère et de soleil… Alors, je regarde, j’observe de plus près, et je remarque, au-dessus de la porte, dans la patine de la pierre, comme la trace de lettres gothiques…

J’approche, et qu’est-ce que je déchiffre ?

Simplement : Chocolat Menier


VII

C’est principalement dans les théâtres que se trahit l’étrange exotisme auquel nous initient les leçons du Trocadéro… J’assiste à la représentation du Théâtre Indo-Chinois, installé avec beaucoup de soin, de luxe, et non sans goût. Sur la scène, comme toile de fond, un grand paysage de paravent, où d’extraordinaires personnages fuient dans une nature chimérique. Sur les côtés, là où se rangeaient autrefois les seigneurs dans notre vieux théâtre, seize musiciens annamites, assis par terre jambes croisées, et jouant, entre leurs genoux, d’aigres et bizarres instrumens. On représente La Bague enchantée, et le programme nous fournit l’argument suivant : « La littérature cambodgienne abonde en légendes, en contes bleus, roses et mauves… C’est dans une de ces légendes, la légende de Vorvong et Sauvirong, que se trouve l’épisode de La Bague enchantée… Un jeune homme vertueux, du nom de Vorvong, est perdu dans un bois solitaire. Un bon ermite, touché de son sort, lui donne une bague merveilleuse qui doit le préserver des maléfices. Vorvong échappe, grâce à la vertu du talisman, au bâton d’une méchante et perfide vieille qui, pour se venger, va le dénoncer à la reine comme voleur. Il ne doit son salut qu’à l’amour de la douce princesse Kessey qui intercède pour lui auprès de la reine. Il obtient, fort du prestige que lui donne son mystérieux talisman, la main de la douce Kessey, et ces heureuses fiançailles sont l’occasion de grandes réjouissances dans toute la cour. » Sous leurs costumes tout claquans d’or, et couronnés du mas, sorte de diadème en forme de tour, les danseuses s’agitent et se dandinent. La lumière électrique inonde le ballet, les dorures, les laques, le décor, les vagues visages de cire des musiciens accroupis, et une légère musique, grêle, acidulée, résonne, monte, s’enroule à la pantomime, l’enrubanne comme d’une vignette. Joli, un peu enfantin, tout cet ensemble est agréable. Mais quelle étoile cambodgienne vois-je danser devant moi, dans ce spectacle indo-chinois ?… Mlle Cléo de Mérode !… Oui, Mlle Cléo de Mérode elle-même, avec ses bandeaux !… Et la visite que je vais faire aux coulisses me fixe sur le vrai et le faux de toute cette Indo-Chine de parade.

L’orchestre est bien annamite, et vous ne pouvez vous tromper ni aux physionomies des musiciens, ni surtout à celle de leur chef. En longue souquenille noire, et d’une étonnante minceur, d’une minceur d’archet vivant, avec une figure de vieil ivoire becqueté, il parle cependant français, et me renseigne sur ses artistes, tous en souquenille noire comme lui. Ils sont huit joueurs de tranh, ou de guitare à seize cordes, un joueur de kim, ou de guitare à quatre cordes, un joueur de co, ou de violon à deux cordes, deux joueurs de doc, ou de violon à une corde, un joueur de tiou, ou de flûte, un joueur de ty, ou de guitare à l’ongle, un joueur de liou, ou de violon à grand archet, un joueur de tam, ou de mandoline qu’on pince d’un bout de corne… Le chef, avec beaucoup de complaisance, m’explique tous ces instrumens, et, de ses longs doigts pointus, m’écrit leurs noms sur la feuille d’un carnet. Je suis donc bien vraiment ici en Indo-Chine, mais pour quelques secondes seulement, et une question, tout de suite, me rejette dans un Annam et un Cambodge tout de convention. Les musiciens eux-mêmes, tout annamites qu’ils soient, ne jouent jamais, chez eux, dans les conditions où ils jouent là. Il existe bien, d’autre part, un théâtre cambodgien, ou l’équivalent d’un théâtre cambodgien, mais qui ne ressemble en rien à celui qui est là. La Bague enchantée, en outre, comme le programme même l’annonce, est tirée de légendes cambodgiennes, mais n’est pas elle-même un spectacle cambodgien, et les Cambodgiens, au Cambodge, n’ont jamais donné, ni vu, aucun spectacle analogue. Mlle Cleo de Mérode, enfin, est-elle bien, parmi les danseuses, la seule Indo-Chinoise de son espèce ? Non, et tout le corps de ballet est aussi indo-chinois qu’elle. Il vient peut-être de Milan, mais il n’arrive pas de plus loin.


VIII

Passons maintenant au Théâtre Egyptien, monté par un commissaire et des collaborateurs aussi informés des choses de Paris que de celles mêmes de leur pays, et nous y serons encore beaucoup moins en Égypte que nous n’étions au Cambodge au Théâtre cambodgien, malgré toutes les bonnes intentions et l’érudition égyptienne probable, certaine même, de l’impresario et des auteurs…

Je vois une vaste salle, riche, confortable, avec des fauteuils d’orchestre, un parterre, des loges, des fauteuils de balcon. Or, il n’a jamais existé, en Égypte, aucune sorte de théâtre égyptien. Alors, si le théâtre égyptien n’a jamais existé, pourquoi un théâtre égyptien ? Est-ce au moins pour me représenter l’Égypte ? Pas même, car je lis sur le programme : « Une fête à la cour persane de l’ancien temps. Chants, musique, danses de pages, de négresses, de ghaouazi, de courtisanes, d’odalisques… » Et tout cela se réalise. C’est très vivant, très sauvage, très coloré ! Mais pourquoi suis-je donc en Perse ? Et par quelle ironie, ensuite, pour achever de me renseigner sur l’Égypte, le guerrier qui vient troubler les Persans dans leur orgie est-il Antar, le héros arabe ? Et pourquoi encore, après tout cela, nous donne-t-on Une nuit à Bagdad ?… Récapitulons, et, si beau que soit le spectacle, si somptueux que soient les costumes, si capiteuses que vous supposiez les danses, si captivantes que vous puissiez imaginer les pièces, nous n’en constatons pas moins, comme enseignement égyptien, un théâtre égyptien quand il n’y a pas de théâtre égyptien, et des pièces persanes, turques, arabes, pour nous renseigner sur l’Égypte… Digne électeur français avide de l’instruire, et qui as vu ton Exposition universelle inaugurée par tout ce que les nations du monde entier ont d’illustre, crois bien toujours qu’elle est, comme on te l’a dit, l’Acropole, la Mecque et la Jérusalem de la Science ! Ajoutes-y une foi d’autant plus forte que ton gouvernement te l’a garanti, rends-toi par-là-dessus au théâtre égyptien, et tu en emporteras, pour la vie, l’image d’une Égypte qui a des théâtres quand elle n’en a jamais eus, et dont l’histoire se confondra, dans ta démocratique cervelle, avec celles de la Perse, de Bagdad et du légendaire Antar !

— Mais Sada Yacco, dira-t-on, la fameuse Sada, Sada, l’actrice japonaise ?…

Soit !… Sada Yacco est Japonaise, et c’est là, sans contredit, un commencement de japonisme. Mais un de ses admirateurs, M. de Fourcaud, nous confie que les plus antiques usages japonais interdisent sévèrement la scène aux femmes, et que les rôles féminins, en conséquence, sont tenus, au Japon, par des « adolescens… » Alors ?… Alors, Sada Yacco est une réformatrice, une initiatrice, une révolutionnaire, mais n’a jamais été le théâtre japonais. Elle poussera peut-être même un jour la révolution japonaise jusqu’à s’habiller comme Mme Sarah Bernhardt, et représente ainsi le Japon qui sera, mais ne représente pas le Japon qui est, ni qui fut. L’acteur Antoine, lui aussi, était un révolutionnaire, et jouait de dos, quand tous les autres jouaient de face. Faudrait-il, pour cela, aller se figurer que tout l’art de l’acteur, en France, a toujours tenu dans la méthode du dos, et serait-ce là une idée juste ?… Eh bien, Sada Yacco est l’Antoine du Japon, et son jeu est le jeu japonais comme le dos est le jeu français.


IX

Nous pourrions encore nous arrêter à beaucoup d’autres exotismes. Tous, ou presque tous, inévitablement, auraient ce même caractère de nullité, de bouffonnerie, d’altération grossière ou d’absolue fausseté. Une exposition, avant tout, doit être une exposition, c’est-à-dire une certaine espèce de banquisme didactique dont le premier but est d’attirer, de retenir, et d’attirer et de retenir par d’exclusifs moyens de banque. Fût-il, par conséquent, un érudit du plus sérieux mérite, l’exposant d’exotisme dépouillera d’abord l’érudit. Un cadre lui est fourni, et il s’y renfermera. Des obligations de police, d’économie, d’emplacement, de salubrité, lui sont imposées, et il s’y soumettra. Et la recherche du succès, de l’attrayant, du voyant, de l’excitant, de tout ce qui amuse, de tout ce qui divertit, sera nécessairement sa règle. La vérité, l’histoire, le sens commun, s’arrangeront ensuite comme ils pourront. Pourquoi donc des « avertisseurs d’incendie » sur les vieilles idoles de Java, dont l’archaïsme, assurément, est mis là à une rude épreuve ? Parce qu’il n’existe pas de considération d’archaïsme pour prévaloir, dans une exposition, contre une considération de sécurité. S’il fallait même, pour bien les « assurer, » une large plaque d’assurance sur la figure de chaque idole, toutes les idoles auraient sur la figure une large plaque d’assurance ! Et pourquoi le vieux temple, qui est une ruine à Java, devient-il, au bord de la Seine, un joli four crématoire tout battant neuf ? Parce que la simple reproduction des ruines n’eût fait, là où on l’eût mise, qu’une figure insuffisante, et qu’il fallait faire figure. Et pourquoi, dans les Indes anglaises, la panthère, le sanglier, la perdrix, l’éléphant, le singe, l’ibis et le serpent se présentent-ils tous en famille, et forment-ils ce touchant phalanstère ? Parce que cette fable attroupe, et qu’il s’agit, avant tout, d’attrouper. Et pourquoi l’Inde affamée s’incarne-t-elle dans des Indiens bien peignés, bien nourris, bien chamarrés ? Parce que la famine n’est pas, et ne peut pas être, article d’exposition. Et pourquoi, au restauraut chinois, l’intention de manger des ailerons de requins aboutit-elle presque invariablement au beefsteak ? Parce qu’un restaurant chinois, dans une exposition, doit être un restaurant, avant d’être chinois. Et pourquoi les femmes dahoméennes jouent-elles, du matin au soir, sur leur pirogue renversée, une scène aussi continue, et peut-être aussi peu dahoméenne ? Parce que la scène est gaie, parce que le Dahomey ne l’est pas, et parce qu’il est d’autant plus nécessaire de le rendre gai qu’il l’est peu. Et pourquoi l’Andalousie — au temps des Maures — nous recommande-t-elle le chocolat Menier ? Parce que les véritables Maures et la véritable Andalousie ne devaient pas, selon toute apparence, suffisamment comporter les annonces, et qu’une exposition ne va pas, n’est jamais allée, et n’ira jamais sans annonces. Et pourquoi un théâtre cambodgien aussi extra-cambodgien ? Et pourquoi, surtout un théâtre égyptien, quand l’Egypte et le théâtre s’excluent ? Toujours par la nécessité d’amuser et de racoler, et parce que tout, dans une exposition, cède à cette nécessité. Quoi de plus attirant qu’un théâtre ? — Rien ! — Nous ouvrirons donc un théâtre égyptien ! — Mais il n’y a jamais eu de Théâtre égyptien ! — Nous y jouerons des sujets égyptiens ! — Mais vos sujets, comme sujets égyptiens, ne sont que des sujets turcs, arabes ou persans, et vos spectacles, au lieu de l’histoire des Pharaons, nous racontent celle des Califes ! — C’est que la Perse est plus scénique, l’Arabie plus héroïque, et les Califes plus élégans ! — Et vous êtes quand même le Théâtre Égyptien ? — Nous sommes quand même le Théâtre Égyptien !

Il en est, en réalité, de l’exotisme d’exposition comme des drames ou des comédies. Avant d’être véridique, historique, psychologique, honnête, ou même raisonnable, une pièce doit être une pièce, afin qu’on y vienne, et presque toutes les pièces, conformément à cette loi, ne sont ni véridiques, ni historiques, ni psychologiques, ni honnêtes, ni même raisonnables, mais sont des pièces, et enrichissent quelquefois leurs auteurs, j’allais dire leurs exposans. Un Molière ou un Shakspeare apparaissent bien de loin en loin, et font alors, de temps à autre, une pièce raisonnable qui est une pièce, mais les Molière et les Shakspeare sont rares, et il faudrait des hommes comme eux, des hommes aussi rares qu’eux, pour nous donner, sous notre ciel d’Europe, la juste et vraie vision d’un véritable exotisme, pour savoir transposer et synthétiser les climats, comme un dramaturge de génie synthétise et transpose les sentimens.


X

Quoi qu’il nous soit encore réservé comme expositions d’exotisme, si l’avenir nous réserve encore des expositions, l’habitude d’aller y prendre nos informations africaines et asiatiques n’en a pas moins une grande disposition à s’enraciner chez nous. C’est un lieu commun que le Français est casanier. Nous ne quittons que trop volontiers notre province pour Paris, mais nous n’allons pas plus loin. Nous y échouons. Est ce mépris de l’étranger ? Nullement, et personne, au contraire, ne l’aime comme nous l’aimons. La perspective de connaître le Japon, Bornéo, Terre-Neuve, Honolulu, est pleine de séductions pour nous, mais celle de la traversée nous refroidit. Comment, dans un pareil état d’esprit, l’idée de voir les Antipodes sans nous y rendre ne nous enchanterait-elle pas ? Ce n’est plus nous qui allons à la montagne, mais la montagne qui vient à nous I Est-ce bien, seulement, le vrai Japon, le vrai Terre-Neuve et le véritable Honolulu qui viennent ? N’est-ce pas un Japon suspect, un Terre-Neuve de contrebande, un Honolulu de table d’hôte ?… Bah ! nous n’y regardons pas de si près, et tout notre souci est surtout devenu d’éviter tout effort. L’effroi, l’horreur de l’effort, n’est-ce pas nous maintenant tout entiers ? Ni du voyage difficile à faire, ni de la langue difficile à parler, ni du mariage difficile à supporter, nous ne voulons plus rien de cela, et la même psychologie est au fond de la loi du divorce, du décret qui supprime les participes, et de celui qui autorise l’ouverture d’une section malaise. La première nous dit : « Pour être marié, tu n’as plus besoin de l’être. » Le second : « Pour écrire le français, tu n’as plus besoin de le savoir. » Et le troisième : « Pour aller en Malaisie, tu n’as plus besoin d’y aller. » Méthodes commodes ! Mais sommes-nous bien sûrs de prendre un bain de mer en mettant un paquet de sel dans notre baignoire, et de revenir de Chine, des Indes ou du Soudan, en revenant du Trocadéro ?

La chronique de l’émigration contient une anecdote symbolique. Un gentilhomme gascon, réfugié dans une petite ville allemande, s’y donne, pour gagner sa vie, comme professeur d’italien. Ignorant, toutefois, foncièrement l’italien, il se contente de faire des cours de gascon, et peut, fort heureusement, regagner sa Gascogne avant qu’un de ses élèves soit allé contrôler, en Italie, l’italien qu’on lui a appris… Il y avait, au Trocadéro, d’attirans et vivans spectacles, mais leur histoire n’en est pas moins un peu celle de l’émigré. On nous y apprenait les pays de l’autre hémisphère, on y tenait école d’exotisme, mais vous faisiez bien de vous demander, en sortant du cours, si on y professait l’italien, ou si on y enseignait le gascon !


MAURICE TALMEYR.