L’École des biches/Seizième entretien

J. P. Blanche (p. 245-268).

SEIZIÈME ENTRETIEN.

La chambre à coucher de M. Martin.
marie, louisa.
marie.

Est-on en sûreté ici ?

louisa.

Rien à craindre. Les domestiques ont ordre de ne venir que quand on les sonne. Ici ce n’est pas comme au café Anglais : les verroux sont mis ; la seule entrée libre est la porte par laquelle nous sommes passées. Martin et moi en avons seuls la clef. Le valet de chambre de Martin a campo ; aussi, avant de se retirer, il a eu soin, ainsi que tu le vois, de préparer le service de son maître.

marie.

Effectivement. Voilà la couverture faite, le feu allumé ; jusqu’au bidet et aux serviettes, rien ne manque.

louisa.

Aide-moi à avancer ce canapé près de la cheminée.

marie.

Volontiers. Tiens, voilà ton costume ! On n’y a rien ménagé ; il est bien joli ! Vas-tu l’essayer de suite ?

louisa.

Laisse-le là ; nous avons à mieux employer notre temps. Viens près de moi sur ce canapé.

marie.

Ce feu va me ranimer, le trajet m’avait glacée.

louisa.

Tu n’es pas fâchée de ce que je t’ai fait au café Anglais ?

marie.

Pourquoi fâchée ? Tu m’as fait éprouver trop de plaisir pour cela, et je pense que toi même tu n’as pas été insensible à mes caresses.

louisa.

Elles m’ont fait le plus grand plaisir. Dis-moi, est-ce la première fois que tu caresses une femme ?

marie.

Oui.

louisa.

Moi aussi ; Martin qui m’avait parlé de cela avait excité ma curiosité ; depuis, j’avais un désir immodéré de connaître ces plaisirs. Aussi t’ai-je fait des avances.

marie.

Je t’avoue que, malgré la vue de tes charmes, malgré le désordre que cette vue portait dans mes sens, je n’aurais jamais osé porter les mains sur toi, si tu ne m’y avais excitée. Mais une fois que j’ai senti la chaleur de ta chair palpitante sous mes mains amoureuses, je n’ai plus été maîtresse de mes actions, et par mes attouchements j’essayai d’allumer en toi les feux d’un plaisir que j’aurais désiré connaître moi-même.

louisa.

Dans quel torrent de volupté tu m’as plongée ! Ah ! que j’aurais voulu te rendre une partie du plaisir que tu me donnais ! Mais ce corset et ce pantalon ont été un obstacle à mes désirs passionnés. Aussi comme je veux m’en dédommager ! (Risquant quelques baisers et quelques attouchements.) Tu m’as promis, ma chérie, de me dire comment deux hommes pourraient le mettre en même temps à une femme.

marie.

Comment ! tu penses encore à cela ?

louisa.

Plus que jamais. J’ai ta promesse et ne te laisserai en repos que quand tu m’auras expliqué comment cela se fait.

marie.

Mais, ma chère, je ne sais si je pourrai t’en donner convenablement l’explication. Pourtant je vais te prouver ma bonne volonté en essayant de le faire. De tes deux amants, l’un est sans doute mieux monté que l’autre. Le moins bien monté des deux s’introduira dans ton derrière.

louisa.

Que me dis-tu là ! Aucun d’eux ne me l’a mis ainsi : ils me l’ont bien demandé, mais je ne l’ai pas voulu. Ils n’auraient qu’à m’estropier !

marie.

Que tu es enfant !… Attends, je vais essayer de t’en donner une faible idée avec mes doigts. Débarrassons-nous d’abord de ces importuns vêtements.

louisa.

Viens, que je te délace ! Oh ! quelle jolie gorge que ce vilain corset me cachait ! Comme elle est ferme ! Laisse, que je baise ces deux boutons si frais. Veux-tu que je t’aide à retirer ce pantalon ?

marie.

Non, merci ; voilà qui est fait.

louisa.

Le voilà donc, ce joli chat ; je puis le voir, le caresser tout à mon aise ! (Elle le baise plusieurs fois.)

marie.

Cesse, Louisa. Je ne pourrai jamais te démontrer la chose, si tu ne veux pas rester tranquille.

louisa.

J’obéis. Que faut-il faire ? quelle posture dois-je prendre ?

marie.

Couche-toi sur ce canapé, sur le côté, la face tournée vers moi, ton con bien en évidence, les cuisses légèrement écartées, de manière à pouvoir passer ma main derrière. Bien ! te voilà admirablement placée.

louisa.

Que fais-tu ? Ta langue caresse mon clitoris.

marie.

Cela t’est-il désagréable ?

louisa.

Bien au contraire ! Mais ce que tu m’as promis…

marie.

Quelle impatience !

louisa.

Je sens que tu me mets le doigt dans le derrière. Il ne pourra pas entrer.

marie.

Bast ! avec un peu de cold-cream, de la patience et de l’adresse, tu verras que nous en viendrons bien à bout.

louisa.

Arrête ! tu me fais mal… là ! pousse à présent… il entre un peu ; pousse encore… Ça y est ! Remue… remue… Oh ! ne quitte pas mon clitoris… Que vas-tu faire encore ?… Voilà que tu mets l’autre doigt dans mon con ! Il y est, ma foi ! Oh ! enfonce-le bien ! Quel frottement délicieux ! qu’elle fournaise de volupté ! Tiens ! pompe mon foutre !… tiens, pompe ma vie… Ah ! ah !… je me meurs.

marie.

Quel tempérament !

louisa.

Avec ton habileté tu ferais bander un paralytique.

marie.

As-tu maintenant la preuve que deux hommes peuvent en même temps donner du plaisir à une femme et en recevoir.

louisa.

Oui, mais les boute-joies de ces messieurs sont plus gros que tes doigts.

marie.

Ta boutonnière est déjà faite à leur grosseur ; quant à l’œillet, tu as senti qu’il prêtait comme un gant.

louisa.

C’est pourtant vrai ; je veux faire l’essai de cette élasticité-là ce soir avec Martin.

marie.

Tu ne perds pas de temps !

louisa.

Tu m’as si bien préparée que je veux en profiter. En attendant, je meurs d’envie de te rendre une partie des plaisirs enivrants que tu m’as fait éprouver ; y consens-tu ?

marie.

Ton désir ne peut égaler le mien ! Jetons-nous sur le lit : nous y serons plus commodément… Mettons-nous tête-bêche, toi dessous, moi dessus, ta tête un peu plus élevée par l’oreiller, comme cela. Me voici à cheval sur toi, ta tête est encadrée dans mes deux cuisses, ta bouche et tes mains sont à portée de faire commodément le service désiré. Moi, par le bas, je me charge de toi.

louisa.

Quelle perspective délicieuse ! Je vois depuis ta motte jusqu’à ton trou mignon. Attends que j’écarte tes poils ; en caressant mes lèvres, ils gênent l’exercice de ma langue.

marie.

Pas mal ! plus légèrement ta langue… plus vite tes doigts ; ne crains pas de les enfoncer ; très-bien ; fais-les toujours mouvoir ensemble. Ah !… ah !…

(Arrivées là, trop ardentes toutes les deux pour s’arrêter en si beau chemin, c’est à qui des deux amies s’empressera le plus, par d’ardentes caresses, de prouver sa passion. Les sensations violentes qu’éprouve Marie ne lui font pas négliger son amie : elle la fait passer par tous les degrés de jouissances que lui a si bien appris Caroline. Enfin, la crise finale arrive trop vite au gré de nos amies, qui auraient voulu prolonger ce jeu ravissant.

Martin entré à petit bruit sur la fin de cette lutte amoureuse, et, caché par un rideau, en a vu les derniers incidents.)

martin.

Charmant ! délicieux ! ravissant !

(À cette apparition soudaine, Louisa et Marie se sont roulées dans leurs couvertures.)

Eh ! pourquoi dérober à mes regards un si joli spectacle ?

louisa.

Fi ! l’indiscret ! on ne s’introduit pas ainsi chez les dames ! C’est de la trahison !

martin.

Vous m’avez demandé une heure : il y a une heure cinq minutes que je vous ai quittées.

louisa (à Marie).

C’est vrai ; il est dans son droit ; nous lui avons promis qu’il n’aurait pas à s’en repentir s’il nous laissait notre liberté pendant une heure ; il s’est prêté de bonne grâce à notre fantaisie, il est juste que nous nous exécutions. Permets donc, ma chère, qu’il partage nos plaisirs.

marie.

Puisque tu nous as laissées surprendre, il y aurait mauvaise grâce, après ce qu’il a vu, à faire de la pruderie. Il faut bien que j’y consente. Mais au moins peut-on compter sur sa discrétion ?

louisa.

Pour cela, sois tranquille je l’ai mis à l’épreuve : discret comme un mort. Viens, mon chéri, viens entre deux jolies femmes, recevoir la récompense de ta complaisance.

(Martin, qui a vivement quitté ses habits, se trouve bientôt couché entre nos deux amoureuses, et commence par les accabler l’une et l’autre de caresses de toutes sortes.)

louisa.

Calme-toi donc ! et mettons un peu d’ordre dans nos plaisirs : je suis en train, de bonne humeur et toute prête à faire ce que tu voudras : ordonne.

marie.

Sais-tu à quoi tu t’engages ?

louisa.

Ça m’est égal !

(Martin, se penchant à l’oreille de Louisa, lui fait savoir à voix basse ce qui le rendrait bien heureux.)

louisa.

Oh ! le vilain homme ! Sais-tu, ma chère, qu’il me propose de me sodomiser ! Pouvais-je m’attendre à cela ! Je ne veux pas.

(Marie, qui voit bien où Louisa veut en venir.)

marie.

Je te l’avais bien dit que tu t’engageais imprudemment ! Alors refuse, si tu ne crains pas de manquer à ta parole.

martin.

Je sais bien, ma chère amie, que c’est la plus grande preuve d’amour que tu puisses me donner, et c’est pour cela que je te le demande.

louisa.

Quelle folie !

marie.

C’est une folie que bien d’autres ont faites avant lui ; laisse-le essayer.

louisa.

Mais il va me pourfendre.

martin.

J’irai bien doucement, je prendrai toutes les précautions possibles.

louisa.

Vois ce boute-joie : comment cela pourra-t-il entrer ?

martin.

Penses-tu que le cold-cream n’ait été inventé que pour la figure ?

louisa.

Je crois qu’il perd la tête ! Essaie donc. Suis-je bien comme cela ?

martin (qui se met en position).

Voyez donc, Marie, quelle belle croupe ! quelle belle chute de reins !

(Martin cherche à s’introduire, mais la voie n’étant pas faite, ses efforts sont infructueux.)

louisa.

Tu vois bien ! qu’il ne peut pas entrer.

martin.

Quand j’avance, tu recules ; comme cela je ne pourrai jamais.

louisa.

J’écarte cependant les fesses tant que je peux.

martin.

Voilà qu’il entre ; courage, il y sera bientôt tout entier !

louisa.

Ahi !… ahi !…

(La douleur qu’éprouve Louisa lui fait faire un mouvement en avant, ce qui déloge Martin de son gîte.)

Maladroit… le voilà dehors !

martin.

Ce n’est pas ma faute : tu remues toujours.

marie.

Je vois bien que si je ne m’en mêle pas, vous n’en viendrez pas à bout. Tiens, mignonne mets-toi à genoux entre mes cuisses ; penche-toi sur moi, lève bien ton cul. Recommencez, Martin ; donnez un léger postillonnage d’abord, pour préparer la voie. Je vais maintenant vous faciliter l’entrée en écartant ses fesses. Présentez-vous… Poussez. Vous voyez, la tête y est déjà logée. Ne bouge plus, Louisa ; je vais en dessous te branler.

louisa.

Le plaisir que tu me donnes diminue un peu ma douleur. Donne-moi aussi ta langue. Ah ! il pénètre… le bougre ! Pas si fort donc ! Pousse… pousse encore… Cristi !… enfin il est entré jusqu’aux poils. Oh ! mignonne, branle-moi toujours. Voilà le plaisir qui commence. Le drôle d’effet C’est comme un tison ! Va !… va !… mon ami ; encore… encore ! Ah ! gredin tu décharges ! Tiens ! et moi aussi : c’est fini.

marie.

Eh bien ! tu vois, tu n’en es pas morte ?

louisa.

Oh ! comme mes pauvres fesses me cuisent !

marie.

Eh bien ! va te rafraîchir : le bidet n’est pas loin.

louisa (bas à marie).

Et d’une !

(Martin et Louisa, après leurs ablutions réciproques, se sont remis au lit. Ce dernier s’est empressé de donner quelques baisers à Marie pour la remercier de sa complaisance.)

Tu peux bien la remercier, car sans elle je ne me serais jamais prêtée à cette infamie. Tu bandes encore, je le vois bien, et où as-tu la prétention de loger ce monsieur-là ? D’abord je ne prête plus ni devant ni derrière ; je souffre trop. J’ai des cuissons insupportables qui ne portent guère à l’amour.

martin.

Qui donc aura pitié de moi ?

louisa.

Demande cela à Marie.

marie.

Es-tu folle ?

louisa.

Des scrupules ! Si c’est par rapport à moi, sois tranquille ; puisque c’est moi qui te propose la chose, je ne puis m’en froisser ; quant à ton peintre, il ne le saura pas, et un mal qu’on ignore n’existe pas.

martin.

Voyez comme il est beau ; ne lui refusez pas l’hospitalité.

marie.

Quelle idée as-tu eue là !

martin.

Allons, venez sur moi en petit garçon !

marie (faisant l’ignorante).

Je ne sais pas comment !

martin.

Vous allez vous mettre sur moi.

marie.

Il faut que ce soit moi qui monte sur vous !

martin.

Oui ; vous allez vous placer comme sur un cheval, pas en me tournant le dos ; faites-moi face… Bon… vous y voilà ! Posez-le vous-même… Voyez comme il entre !

marie.

Maintenant, que faut-il faire ?

martin.

Agissez comme ferait un homme, et moi, en soulevant vos fesses avec mes deux mains, je vais seconder vos mouvements ; partons !

marie.

Ah ! ma chère, que ce jeu est plaisant ! C’est moi qui le baise ; je presse ou ralentis les mouvements à ma volonté.

martin.

Pas si vite ! je finirais tout de suite.

marie.

Tiens… tiens !… comme cela es-tu content ?

martin.

Ah !… oui, ah !… ah !…

louisa.

Je crois que ta parole s’embarrasse, mon pauvre Martin ; nous n’y sommes plus ; et toi, coquine, où en es-tu ?

marie.

Je… je…

louisa.

Et toi aussi ! Ah ! bon ! voilà mon cavalier qui tombe sur sa monture. Il paraît que tout est fini.

martin.

Sacredié ! Marie, vous m’avez mené si grand train, que je n’ai pas pu me retenir : tout est parti malgré moi.

marie.

J’ai trouvé cette manière de courir une poste, (manière que je ne connaissais pas,) si originale et si agréable, qu’emportée par mon ardeur, j’ai pressé le dénoûment.

martin.

Nous allons recommencer ?

louisa.

Non, mon ami, il faut de la raison ; aie pitié de Marie : vois comme elle est fatiguée.

marie.

Si c’est là ton seul motif, ne te préoccupe pas. Le petit cavalier se sent encore bien en état de faire une course.

martin.

Marie, vous êtes une bonne fille !

louisa.

Faire l’homme te tiens donc bien au cœur ?

marie.

Dis plutôt ailleurs !

louisa.

Qu’elle libertine tu fais !

(Marie ayant gaiement enfourché Martin, après s’être préalablement assurée de l’état de sa monture :)

marie.

Me voilà en selle, partons ! et puisque vous aimez le petit trot, on va vous en donner, et à l’anglaise encore ! Hop ! hop ! hop ! hop là !

martin.

Oh ! que c’est bien cela ! Quelle allure voluptueuse ! Comme elle vous distille le plaisir !

(Louisa sent bien que ce jeu va se prolonger. Impatiente qu’elle est d’en voir la fin, elle se place derrière Marie, et de ses mains délicates elle excite en dessous les fesses de la jeune fille ainsi que toutes les parties de son amant qu’elle peut atteindre. À ce surcroît de jouissance, Martin n’y tient plus : c’est lui à son tour qui va presser Marie.

martin.

Ah !… vite… vite… plus vite… tiens… tiens… je décharge !…

louisa.

Enfin ! c’est bien heureux !…

martin.

Quelle jouissance !

louisa.

Égoïste ! Ne sentais-tu pas que tu fatiguais cette pauvre enfant ? C’est elle qui était obligée de faire tout l’ouvrage. Vois comme elle a chaud. Viens, mignonne, reprends ta chemise : tu pourrais avoir froid et attraper du mal. Que fais-tu là ? tu te rhabilles donc tout à fait !

marie.

Oui, il est déjà tard, et Adrien, qui me croit à dîner chez toi, si je tardais à rentrer, pourrait vouloir s’assurer du fait. Ça ferait de belles affaires !

louisa.

Tu as raison, c’est plus prudent. Attends, je vais t’aider ; pendant ce temps, Martin va aussi s’apprêter pour te reconduire car je ne veux pas que tu t’en ailles seule.

(Nos trois personnages sont descendus du lit. Marie, avec l’aide de Louisa, est occupée à remettre un peu d’ordre dans sa toilette.)

louisa.

Voilà ta coiffure refaite, ce n’était pas le plus facile. Au corset maintenant !

marie.

Ne va pas passer des œillets ! C’est Adrien qui m’a lacée ce matin.

martin (qui de son côté a repris ses vêtements, tire de sa poche deux petits écrins et les présente à nos belles).

Au lieu d’aller à mon club, je suis passé chez mon bijoutier. J’ai choisi à votre intention ces deux bibelots que je vous prie d’accepter en souvenir de ce jour fortuné.

louisa.

Ah ! ce sont deux bagues pareilles !

marie.

Un saphir entouré de diamants !

louisa.

Viens, que je t’embrasse, mon chéri, ou plutôt non, que nos lèvres et nos trois langues réunies se confondent dans un seul et même baiser !

(Après ce témoignage voluptueux d’une reconnaissance réciproque, Louisa a regagné son lit ; elle y reçoit sur toutes les parties de son corps, pour adieux, les baisers brûlants de son amie.)

marie.

Que c’est ennuyeux d’être obligée de se quitter ! Mais il le faut. Tenez, Martin, quittons ces lieux : j’y oublierais ma raison.

(Martin, donnant le bras à Marie, s’apprête à sortir.)

louisa (de son lit).

Renvoie-le moi tout de suite.

marie.

Crains-tu qu’il n’aille ailleurs ? Pour ce soir, tu sais bien qu’il n’y a plus d’huile dans la lampe !