L’École centrale de la Haute-Loire


INTRODUCTION



C’est à la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1793) organisant l’ensemble de l’instruction publique, qu’est due la création des Écoles centrales. La Convention codifia, dans cette loi fondamentale, les travaux savamment élaborés dans les assemblées précédentes et auxquels Condorcet, Mirabeau, Lakanal, Daunou ont attaché leur nom.

Distribuer largement l’instruction à tous, reconstituer la nature humaine, en lui donnant une nouvelle trempe, telles avaient été les constantes préoccupations du xviiie siècle. Les assemblées Constituante et Législative n’avaient pourtant accordé qu’une attention insuffisante aux projets de réformes présentés successivement par Cabanis, qui reprenait les idées de Mirabeau, par Talleyrand et par Condorcet.

À la Convention était réservée la gloire de doter la France d’un système complet d’éducation nationale.

« L’histoire, dit un écrivain[1] que l’on ne saurait taxer de partialité pour la Révolution, l’histoire n’a pas enregistré, sans une sorte d’étonnement mêlé de frayeur, l’activité dévorante de cette assemblée. Or, parmi les douze comités qui la composaient, le comité du Salut public seul peut être comparé pour sa terrible ardeur à celui de l’instruction. »

L’École polytechnique, l’École normale supérieure, le Conservatoire des arts et métiers, le Bureau des longitudes, le Muséum d’histoire naturelle, l’Institut de France furent, dans l’ordre de l’enseignement, les plus célèbres de ses créations.

La loi de brumaire, en refondant les législations partielles édictées en l’an II et en l’an III, sur les rapports du conventionnel vellavien F. Lanthenas et de Lakanal, organisait, en première ligne, l’ensemble de l’instruction primaire. Quant à l’enseignement secondaire, la République avait beaucoup moins à fonder.

« Les anciens collèges, assez délaissés du reste depuis 1789, existaient encore et, malgré les vices de leur organisation et l’insuffisance des études, ils présentaient au moins un personnel, des cadres, des traditions qui pouvaient offrir à une construction intelligente les matériaux d’un enseignement mieux approprié aux nécessités de la France nouvelle. Tout était à refondre, tout n’était pas à créer[2]. »

En 1793, le concours général des collèges eut encore lieu et aucune disposition décisive n’avait été prise à l’égard de ceux de ces établissements n’ayant point encore fermé leurs portes, lorsque, le 16 septembre 1793, s’ouvrit la première discussion relative à l’enseignement public. Les esprits se trouvèrent partagés. Romme concluait au maintien provisoire des universités et des collèges. Fourcroy se prononçait contre une instruction secondaire salariée par l’État : « Ici, disait-il, comme dans toutes les autres parties des institutions républicaines, la liberté est le premier et le plus sûr mobile des grandes choses. »

Enfin, à la suite de longues et vives discussions, fut votée la création des Écoles centrales prenant la place des anciens collèges de l’Université.

Le rapporteur de la loi nouvelle fut Daunou, l’homme le plus savant de son temps. « Avec la tradition des anciennes écoles où avait été élevée sa jeunesse, il apportait à ce travail un esprit tout à la fois méthodique et libre : c’était un ancien membre de la congrégation de l’Oratoire et, en même temps, un vrai fils du xviiie siècle, rompu à ses habitudes de profonde et minutieuse analyse, pénétré de l’esprit des temps nouveaux et raisonnant tout, même ses préjugés. Nul n’était plus propre à tenir également compte des leçons de l’expérience et des nécessités de l’innovation[3]. »

Avant d’étudier le fonctionnement des nouvelles écoles, il est bon de se reporter en arrière et de voir ce qu’était l’enseignement secondaire dans l’ancien régime. Les Jésuites et l’Université en avaient, en quelque sorte, le monopole. Les premiers, se préoccupant surtout de la forme, s’attachaient presque exclusivement à apprendre à leurs élèves à écrire élégamment en latin. L’histoire ancienne n’était enseignée qu’accidentellement chez eux et l’histoire de France était presque entièrement proscrite. Pas de sciences, sauf un peu de géométrie. La philosophie est celle d’Aristote. « Discipline à la fois ferme et douce, usage fréquent des distractions et des récompenses, représentations théâtrales qui sont en même temps pour les élèves des leçons de tenue et de bonnes manières, large part faite aux exercices du corps, natation, escrime, équitation, et même aux arts d’agréments, rares sorties dans les familles et courtes vacances pour les internes, surveillance sévère des externes même, maisons spacieuses, bonne nourriture, salles propres et élégantes[4] », tels avaient toujours été les procédés de la célèbre Société et ceux des autres congrégations enseignantes notamment des Oratoriens.

Fermée obstinément aux idées nouvelles, à la philosophie de Descartes, l’Université était devenue, au xviiie siècle, le vrai sanctuaire de la routine. Écrasée par la concurrence des Jésuites, des Oratoriens et de quelques autres ordres, elle ne trouvait rien de mieux que de copier timidement leurs méthodes, enseignant à ses élèves du latin, mais peu ou point d’histoire et de géographie. À la fin des études, le professeur de philosophie consacrait quelques-unes de ses leçons aux principes sommaires des sciences physiques et mathématiques qui entraient alors dans le programme.

En 1763, un des précurseurs de la Révolution française, l’auteur très connu de l’Essai sur l’éducation nationale, La Chalotais, gémissait sur la fâcheuse situation et les nombreuses lacunes de l’éducation d’alors : « Sur mille étudiants, disait-il, qui ont fait ce qu’on appelle leurs cours d’humanités ou de philosophie, à peine en trouverait-on dix en état d’exposer clairement et avec intelligence les premiers éléments de la religion, qui sussent écrire une lettre, discerner une bonne d’une mauvaise raison. On n’acquiert dans nos collèges aucune connaissance de notre langue. On n’y enseigne qu’une philosophie abstraite qui ne renferme pas les principes de la morale. »

La nouvelle organisation comprit l’enseignement :

1o Des lettres et des arts ;

2o Des sciences physiques et mathématiques.

Chaque École centrale eut, comme annexes, une bibliothèque publique, un jardin botanique, une galerie d’histoire naturelle, un cabinet de physique et de chimie. Elle ne recevait pas d’élèves pensionnaires.

Les considérations morales qui avaient amené nos législateurs à la suppression de l’internat étaient des plus louables. « N’avez-vous pas observé, disait Grégoire, que des enfants sont un lien habituel d’amitié entre un mari et une épouse ; que l’existence de ces enfants, en multipliant les rapports entre les auteurs de leurs jours, prévient ou étouffe souvent les divisions ; que la crainte du scandale et la nécessité de maintenir le respect filial empêchent souvent les parents de se livrer à des excès ? Vainement me direz-vous que la proximité de la maison nationale leur permettra de les voir fréquemment ; ces déplacements sont aussi contraires à l’intérêt de leurs travaux qu’à celui de leur cœur. »

Par suite de cette suppression de l’internat, l’enseignement religieux fut écarté des programmes, l’État laissant aux pères de famille le soin d’élever leurs enfants « dans les principes qui leur semblaient être la vérité ».

Plus tard, pour permettre aux écoliers forains la fréquentation de l’École, furent créés des pensionnats qui, confiés à la direction de pères de famille recommandables, rendirent de grands services.

Chaque élève payait une rétribution scolaire qui ne pouvait excéder 2 francs, et encore faisait-on remise de cette faible somme aux parents dans l’impossibilité de la payer et dont les fils se montraient dignes de cette faveur.

Dès la promulgation de la nouvelle loi, deux écoles centrales furent installées à Paris, l’une au Palais Mazarin (École des Quatre-Nations), l’autre au Panthéon, depuis collège Henri IV. Elles comptaient, parmi leurs professeurs, des savants, des littérateurs distingués, au nombre desquels il nous suffira de citer le philosophe Laromiguière, l’humaniste Guéroult, le futur grand maître de l’Université, Fontanes, le mathématicien Lacroix, les naturalistes Cuvier, Valmont de Bomare, etc., etc.

Bientôt, chaque département se mit en mesure de suivre cet exemple.

Les Écoles centrales ont duré trop peu de temps pour donner la mesure exacte de leur utilité. L’on peut cependant affirmer que, dans plusieurs départements, les résultats obtenus furent excellents. Quatre ans après leur création, dans le compte-rendu[5] de sa mission dans le 14e arrondissement militaire, le conseiller d’État Fourcroy appréciait ainsi les services qu’elles avaient déjà rendus : « Malgré les attaques multipliées que la malveillance, la haine de la Révolution, les préjugés leur ont livrées en commun, depuis les premiers moments de leur établissement, elles sont, aux yeux des hommes éclairés et impartiaux, un des monuments les plus remarquables du régime républicain, l’asile de tous les hommes éclairés dans les sciences utiles ; il y a un grand nombre de professeurs de premier mérite… les écoliers y augmentent d’année en année. »

Le savant mathématicien Lacroix, membre de l’Institut, professeur à l’École centrale des Quatre-Nations, dans un discours prononcé à la distribution des prix des Écoles centrales de la Seine, en l’an VIII, réfutait ainsi les objections et les critiques formulées contre le nouvel ordre de choses par les partisans de la routine :

« C’est avec raison que dans l’organisation nouvelle, on s’est écarté du plan des anciens collèges. En faisant marcher l’enseignement des sciences physiques et mathématiques parallèlement à celui des lettres et en réunissant l’étude des sciences qui fondent la théorie des arts chimiques et mécaniques, avec celle du dessin qui sert aussi de base à un grand nombre d’arts, et qui est si propice à développer en nous le sentiment du beau, on n’a fait que se conformer aux progrès des lumières.

Les professeurs de ces écoles, convaincus que le vrai but de l’enseignement est de mettre les jeunes gens en état de s’instruire par eux-mêmes, plutôt que d’accumuler dans leur tête des propositions particulières, des faits, des règles, que les livres rappellent toujours lorsqu’on sait les entendre, s’attachent principalement à inspirer à leurs élèves l’amour de l’étude, à leur en aplanir les difficultés, en insistant sur l’esprit des méthodes, et lorsqu’ils les ont mis en état de surmonter les obstacles qu’ils peuvent rencontrer dans la lecture des bons ouvrages, ils croient avoir rempli leur tâche. Mais, pour en venir là, ils se sont bien gardés de considérer ces élèves comme des auditeurs déjà familiarisés avec les difficultés du travail, ni comme des amateurs attirés seulement par la simple curiosité. Ils les ont traités comme de vrais écoliers. Devoirs à faire, interrogations fréquentes, compositions, encouragements, réprimandes, rien n’a été omis[6]. »

Le temps s’est, de plus, chargé de la justification des Écoles centrales ; les études diverses inaugurées par elles font aujourd’hui partie de l’enseignement des lycées. L’histoire de ces établissements n’en est pas moins très peu connue, aucune étude spéciale ne leur ayant été, croyons-nous, consacrée. À l’aide de documents pour la plupart inédits, empruntés aux archives départementales de la Haute-Loire et à quelques collections privées, nous allons nous efforcer de combler cette lacune et de mettre en lumière une institution qui nous a paru digne d’échapper à l’oubli.






CHAPITRE PREMIER

FONDATION ET ORGANISATION. — RÈGLEMENT. — PERSONNEL ENSEIGNANT.


Depuis la suppression des jésuites en 1763, le collège du Puy était dirigé par des prêtres séculiers, à la tête desquels était l’abbé Proyard[7]. Il se démit de son principalat, le 11 mars 1790, et fut remplacé, dans ces fonctions, par l’abbé Portal. Ce dernier ne les exerça pas longtemps, car l’établissement fut fermé en 1791, pour ne se rouvrir qu’en 1798[8].

Aussitôt après le vote de la loi du 3 brumaire an IV, l’Administration centrale du département de la Haute-Loire se préoccupa vivement de la création, sur les plans nouveaux, d’une maison d’instruction secondaire. Le 21 germinal (10 avril) de cette même année, elle prit, à cet effet, un arrêté dont nous extrayons les passages suivants :

« Vu la loi du 3 brumaire an IV sur l’organisation de l’instruction publique ;

Vu différentes lettres du Ministre de l’intérieur sur le mode d’exécution de cette loi ;

L’Administration, considérant que c’est au progrès des lumières et des sciences que le peuple français doit sa liberté et qu’il ne peut la conserver que par elles ;

Qu’après cinq ans de révolution et d’orages lorsq’une constitution républicaine commence à lui montrer le repos et le bonheur, l’instruction publique peut seule lui en assurer la jouissance et la durée, en calmant et dirigeant ses esprits, l’attachant aux lois et gouvernement, récréant ses mœurs, achevant de déblayer ses préjugés et lui préparant surtout pour toutes les parties du gouvernement et des législateurs éclairés et des magistrats vertueux ;

Considérant que, pour faire jouir ses administrés de ces précieux avantages, il ne suffit pas de leur avoir donné, dans les écoles primaires, les moyens d’acquérir ces connaissances générales et usuelles qui sont la première dette de la patrie envers tous ses enfants ; que les talents et le génie réclament une instruction plus étendue et plus variée, propre à développer et perfectionner les germes que les premières écoles auront fait naître, en déterminant dans la jeunesse ses dispositions et ses goûts différents ;

Considérant que les Écoles centrales, par le choix et la multiplicité des sciences qui doivent y être enseignées, offrent tous ces moyens de développement et de perfection et qu’en activer l’établissement, c’est concourir, de la manière la plus utile, à l’avancement de l’esprit humain, comme à la gloire de la patrie et au bonheur du département ;

Ouï le commissaire du pouvoir exécutif,

Arrête :

Article premier.

L’École centrale du département est fixée dans le local du ci-devant collège du Puy[9].

Art. 2.

L’Ingénieur en chef est invité à présenter ses vues sur les lieux qu’il croira les plus propres dans le ci-devant collège à la tenue des classes.

Art. 3.

Le travail de l’ingénieur sur ces objets sera présenté à l’Administration, avant le 1er prairial prochain, pour être soumis au jury d’instruction publique et au Ministre de l’Intérieur.

Art. 4.

Le préposé à la conservation des monuments et des objets de science et d’arts présentera, dans le plus court délai possible, un état indicatif du nombre et de la qualité des ouvrages composant la bibliothèque et des instruments de physique ou de chimie réunis en dépôt.

Art. 5.

Le Jury d’instruction publique sera assemblé au Puy le premier prairial. L’Administration nomme pour le composer les citoyens Livinhac, président de l’Administration municipale du Puy, Lamothe, entrepreneur de mines de charbon, O’Farrell, ingénieur

en chef du département, Vauzelles fils, homme de loi, et Jamon, habitant de la commune du Puy.

Art. 6.

Les citoyens qui prétendent aux places de professeurs seront admis aux examens, pendant le cours de prairial.

Art. 7.

Les jurés pourront néanmoins, conformément à la loi de prairial, élire, malgré leur absence et sans examen, les sujets que, sur la notoriété publique et les preuves antérieurement faites, ils jugeront, en leur âme et conscience, être les plus propres à remplir les places de professeurs.

Art. 8.

Dans tous les cas, les membres du Jury auront égard, dans leurs choix, à ces hommes, dont la conduite morale et républicaine est sans tache, et dont les talents sont connus, ou par des ouvrages utiles, ou par des succès marqués dans la carrière de l’enseignement.

Art. 9.

Conformément à la loi de brumaire, l’enseignement sera divisé en trois classes.

Il y aura dans la première section :

un professeur de dessin ;

un professeur d’histoire naturelle ;

un professeur de langues anciennes.

Il y aura dans la seconde :

un professeur des éléments de mathématiques ;

un professeur de chimie et de physique expérimentales.

Il y aura dans la troisième :

un professeur de grammaire générale ;

un professeur de belles-lettres ;

un professeur d’histoire ;

un professeur de législation.

Art. 10.

Le Ministre de l’Intérieur sera invité à solliciter, auprès du Corps-Législatif, l’établissement d’un professeur de langues vivantes dans l’École centrale du Puy. Les relations commerciales du département avec l’Espagne et l’Angleterre, pour le commerce des dentelles, rendent cet établissement infiniment précieux et nécessaire.

Art. 11.

L’École centrale sera en pleine activité, au plus tard, le 20 messidor prochain.

Art. 12.

Il sera arrêté par l’Administration du département, de concert avec le Jury d’instruction, un règlement de police pour le régime intérieur de l’École centrale, d’après les convenances locales. Ce règlement sera soumis à l’approbation du Directoire exécutif, conformément à l’art. 9 du titre XII de la loi de brumaire.

Art. 13.

Le présent arrêté sera imprimé, affiché dans toutes les communes du département, envoyé aux membres du Jury, au Ministre de l’Intérieur et à tous les départements de la République.

Fait et arrêté au Puy, les jour et an que dessus.

Signés, Portal, Masson, Martin, Dalbine, Reynaud.

Le 6 prairial (25 mai) suivant, conformément à l’art. 4 du titre V de la loi de brumaire prescrivant la création près de chaque École centrale d’un jardin botanique et d’un cabinet d’histoire naturelle, l’Administration décide « que l’enclos et le couvent précédemment occupés par les Capucins[10], et qui, par leur étendue, leur position, l’abondance de leurs eaux, semblent devoir parfaitement convenir à une appropriation de ce genre, seront provisoirement exceptés de la vente des biens nationaux ordonnée par la loi du 28 ventose ». Le même arrêté, après avoir proclamé l’utilité de l’histoire naturelle et en particulier de la botanique, tant pour l’avancement des connaissances humaines, que pour le bien de ce département qui n’a eu, jusqu’à ce jour, aucun établissement de ce genre, chargea M. O’Farrell, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées, de faire, à cette propriété, tous les aménagements nécessaires. Ce fonctionnaire fut aussi invité à activer, par tous les moyens en son pouvoir, les réparations entreprises dans la partie du collège affectée à l’École centrale.

Cinq jours après, furent chargés de l’organisation de l’École, MM. Livinhac, président de l’Administration municipale, Jamon et Gueyffier-Talairat, homme de loi à Brioude.

La première réunion de ces commissaires eut lieu au Puy le 21 germinal. Des modifications se produisirent bientôt dans la composition de ce jury : M. Gueyffier-Talairat, ayant donné sa démission, fut remplacé par M. Bollon second, du Puy. Le 28 fructidor, MM. Claude-Denis Balme, du Puy, et Claude Romeuf, de Lavoûte-Chilhac[11], prirent la place de MM. Jamon et Bollon.

Ce jury d’instruction se réunit, les 2 et 3 frimaire an V (22-23 novembre 1796), dans une des salles de l’Administration centrale et, après lecture des lois et instructions relatives à ses fonctions, du tableau des inscriptions faites, devant la municipalité du Puy, des candidats aux diverses chaires de la nouvelle école, arrêta les nominations suivantes[12] :

M. Beau, du Puy, ex-dominicain, professeur de mathématiques élémentaires ;

M. Pissis fils, médecin de Brioude, professeur de chimie et de physique expérimentales ;

M. Belmont, de Saint-Ilpize, ex-génovéfain, professeur de grammaire générale ;

M. Barrès fils, de Blesle, professeur de belles-Lettres ;

M. Bagès, ex-professeur du collège de Brioude, professeur d’histoire ;

M. d’Authier-Sigaud, du Puy, professeur de langues vivantes.

« La nomination de ce dernier professeur, ajoute le Jury, n’aura d’effet que lorsque le Corps Législatif aura statué sur la demande faite par l’administration du département de l’établissement d’un professeur de langues vivantes dans la ville du Puy[13]. Il sera écrit, en outre, au Ministre de l’Intérieur pour le prier de solliciter une prompte décision à cet égard. Aucun sujet n’ayant paru au Jury réunir les aptitudes nécessaires pour professer, soit l’histoire naturelle, soit la législation, une demande sera adressée au Ministre pour le prier de vouloir bien indiquer des professeurs pour une de ces deux spécialités.

« Relativement à la législation, il lui sera fait part de la demande du citoyen Delodre, ex-professeur de l’Université de Paris, demeurant au collège de Navarre.

En ce qui concerne l’histoire naturelle, l’on demandera au Ministre s’il ne serait pas possible qu’un citoyen du département, ayant déjà quelques connaissances et un goût particulier pour cette science, digne d’ailleurs d’être enseignée dans une École centrale, fût envoyé à Paris, pendant un an, pour suivre le cours de l’École spéciale d’histoire naturelle, en touchant, dès son départ, le traitement de professeur, pour être ensuite confirmé dans cette place, s’il revenait avec les connaissances nécessaires pour en remplir les fonctions. »

Le Jury décide enfin que, conformément au vœu des candidats, la chaire de dessin serait donnée au concours. Il arrêta, à cet effet, le programme que l’on trouvera à la fin de cette notice[14].

L’Administration donna la plus grande publicité à son arrêté, le fit imprimer et distribuer à tous les professeurs ci-dessus désignés, avec invitation, à chacun d’eux, de rédiger sans délai un projet de règlement propre à chaque cours respectif, et de l’adresser au Jury, pour permettre à celui-ci d’y puiser toutes les indications propres à favoriser le progrès de l’instruction publique.

À la suite du concours ouvert pour la nomination d’un professeur de dessin, le choix du Jury se fixa sur M. Giriat. Parmi ses concurrents figuraient MM. Reboul et Auguste.

À titre de compensation, ce dernier fut autorisé à prendre gratuitement possession de la « ci-devant » cure de Saint-Laurent pour y ouvrir une école libre. Il n’occupa qu’un an ce local qui fut assigné comme logement à la Gendarmerie.

Cependant les réparations du collège, adjugées à l’entrepreneur Vauzelles, étaient poussées avec activité. Le tribunal civil et les magasins militaires, installés dans diverses pièces de l’établissement, avaient été transférés ailleurs et le Ministre de l’Intérieur, désireux de venir en aide au département, avait mis à la disposition de l’Administration une somme de 4,650 fr., destinée à réparer les logements des professeurs qui, d’après la loi, devaient tous habiter l’école, de façon à ne former, en quelque sorte, qu’une même famille unie par les liens d’une étroite solidarité.

En même temps, on fit transporter, au Puy, par les soins de M. Million, commis à cet effet, des livres déposés au château épiscopal de Monistrol, livres provenant d’établissements supprimés, ou de personnes prévenues d’émigration. Joints à ceux qui se trouvaient déjà au collège, et à d’autres fonds de différentes provenances, ils formèrent une collection d’une certaine importance qui, mise à la disposition, non-seulement des professeurs et élèves de l’école, mais encore des habitants du Puy, devint pour tous un foyer d’instruction. Enfin, après d’assez longs retards provenant de l’état de délabrement dans lequel se trouvait le collège, fermé depuis sept ans déjà, l’inauguration de l’école eut lieu solennellement le 1er floréal an VI (20 avril 1798)[15].

Peu de jours après, fut approuvé, par l’Administration centrale, le règlement général élaboré par le Jury d’instruction et que l’on lira plus loin[16].

Dès le début, le nombre des élèves qui vinrent s’asseoir sur les bancs de la nouvelle école fut de plus de cent quinze. Ils étaient fournis non-seulement par la Haute-Loire, mais encore par les départements voisins, et surtout par l’Ardèche.

Quelques changements avaient été apportés dans la composition du personnel enseignant. MM. Beau et Belmont, n’ayant pas accepté le poste qui leur était offert, furent remplacés, le premier, dans la chaire de mathématiques élémentaires, par M. Rochefort, ancien professeur au collège de Brioude, le second, dans celle de grammaire générale, par M. André, du Puy.

MM. Robert et Rabany-Vigier furent, de plus, chargés d’enseigner les langues anciennes et la législation.

M. Mollet, de Brioude, ayant été nommé à la chaire d’histoire naturelle, obtint du Ministre un congé, pour aller se perfectionner au Muséum de Paris, en suivant les savantes leçons de Lamark, de Jussieu, de Lacépède, de Cuvier, etc. L’ouverture de son cours n’eut lieu qu’en 1801.

Les vacances qui suivirent ces quelques mois d’études et s’ouvrirent, le 15 fructidor, par une distribution solennelle des prix « délivrés à titre d’encouragement » furent employées à compléter l’appropriation des bâtiments. Ils abritèrent, quelque temps encore, dans leur enceinte, l’atelier d’armes ouvert depuis trois ans, l’Administration du canton et divers autres services publics.





CHAPITRE II

ENSEIGNEMENT. — EXERCICES LITTÉRAIRES. — FÊTE DU CENTENAIRE DE LA MORT DE RACINE. — EXAMENS PUBLICS.


Nous n’entrerons pas dans tous les détails de l’existence de l’École centrale, mais nous nous bornerons à en rappeler chronologiquement les actes les plus mémorables. La reprise des études eut lieu le 15 brumaire an VII (15 novembre 1798). Signalons, au cours de cette deuxième année scolaire, deux solennités importantes. Le 10 germinal an VII (30 mars 1799), eut lieu le premier exercice littéraire. Le récit que nous en reproduisons[17] nous fait connaître une de ces fêtes ou cérémonies auxquelles la Convention attachait une très grande importance, et nous offre un tableau des mœurs d’une époque déjà lointaine.

Quelques jours plus tard, les professeurs de l’École demandèrent l’autorisation de célébrer solennellement le centenaire de la mort du poète Racine. « La réalisation de cette idée, disaient-ils, ne peut qu’être infiniment utile aux arts, aux sciences, et doit inspirer aux jeunes élèves le respect pour les grands hommes et une noble émulation pour les imiter. » Nous empruntons au procès-verbal de cette fête, célébrée le 2 floréal (21 avril), les passages suivants :

« Dès l’aube, des coups de canon, tirés de dix minutes en dix minutes, avaient annoncé au public la perte que les sciences et les arts avaient faite le 21 avril 1699.

À dix heures, toutes les autorités constituées, tant civiles que militaires, étaient réunies dans la maison commune. Une force armée nécessaire pour le maintien de l’ordre et du silence, occupait la place. Un concours immense de citoyens annonçait déjà tout l’intérêt qu’inspirait cette cérémonie nouvelle.

Le cortège se forme. On distingue, dans son centre, le buste de Racine, couronné du laurier de l’Immortalité, porté par quatre élèves de l’École centrale et environné des professeurs.

On traverse les principales rues de la commune, et, aux sons d’une musique harmonieuse[18], on se rend au temple décadaire[19], désigné pour la cérémonie. La force armée groupe ses armes. Les membres du Jury et les professeurs de l’École occupent le bureau. Tous les fonctionnaires et le peuple se rangent dans le plus bel ordre.

Le temple est décoré d’un manière analogue au double objet de la cérémonie. Dans le fond, s’élève un trophée consacré aux arts et aux sciences, et qui présente l’effigie de Racine, avec cette inscription :

À Jean Racine, l’École centrale reconnaissante.

Sur les faces du trophée on lit, en gros caractères, les noms d’Andromaque, de Britannicus, de Bérénice, de Bajazet, de Mithridate, d’Iphigénie, de Phèdre, d’Athalie. Deux statues représentent : l’une, le Génie de la France, avec cette inscription : Honorons les grands hommes, et les grands hommes naîtront en foule ; l’autre, le Génie de la Poésie, montrant à la France l’effigie de Racine et portant ces quatre vers :

Du théâtre français, l’honneur et la merveille,
Il sut ressusciter Sophocle en ses écrits ;
Et, dans l’art d’enchanter les cœurs et les esprits,
Surpasser Euripide et balancer Corneille.

L’encens brûle devant le trophée, dans un vase antique. Le laurier et le chêne rappellent les emblèmes chers à la poésie et aux sciences.

Au milieu du temple, on distingue un autel funéraire, revêtu d’inscriptions uniquement tirées des œuvres de Racine. Des draperies, mêlées de crêpes et de rubans noirs, remplissent les contours de l’autel. Sur le devant, on voit le Génie des sciences dans une attitude de deuil et de larmes. Une urne de forme antique est placée à l’une des extrémités. Le buste de Racine, porté par les quatre élèves, est déposé en face, sur une estrade ornée d’inscriptions et couverte de lauriers.

Autour de l’autel, et depuis l’entrée du temple, sont plantés des groupes de jeunes sapins, entre lesquels des candélabres soutiennent des cassolettes où brûlent de l’encens et des parfums.

La foule est immense. La nouveauté de la cérémonie, son intérêt, la décoration du temple, orné dans toute son étendue de guirlandes et de fleurs, commandent un silence religieux. La séance s’ouvre.

Deux orchestres de musique exécutent, l’un, sous la direction du citoyen Becdelièvre, des morceaux de symphonie propres à rendre l’objet triste et moral de la fête ; l’autre, sous la direction du citoyen Pagès, célèbre les triomphes des arts par une musique guerrière.

Alors, le citoyen Jamon, bibliothécaire de l’École et président d’âge, rappelle en peu de mots l’objet commémoratif de la cérémonie, et offre aux sciences et aux arts, dans la personne de Racine, le premier hommage de l’assemblée.

Après un premier intermède, rempli par l’exécution d’une symphonie de Pleyel, M. Barrès, professeur de belles-lettres, chargé de faire l’éloge de Racine, prononce un discours très-applaudi.

Puis des élèves, pris dans chaque cours de l’École, paraissent successivement à la tribune, et y déclament des morceaux de poésie choisis dans les meilleures pièces de Racine. Un court prologue précède chaque déclamation, et la musique y mêle des airs de triomphe. Un débit aisé, une prononciation agréable, un geste naturel et expressif méritent, aux citoyens Nirandes, Pagès, Marthory, Sahuc, Besqueut second, des applaudissements unanimes et longtemps prolongés.

Des amateurs, avec des jeunes élèves du Conservatoire de musique de la ville, se rangent autour de l’autel funéraire, et y chantent en chœur, en l’honneur de Racine, l’hymne suivant, paroles d’André, professeur de grammaire, musique connue et tirée de l’Estelle de Florian :

Du haut du temple de mémoire,
Racine, reçois notre encens :
Reçois l’hommage qu’à ta gloire
Offrent nos cœurs reconnaissans.
Du haut du temple de mémoire,
Racine, reçois notre encens.

bis.


II

Gloire à l’auteur d’Iphigénie,
De Phèdre, de Britannicus ;
Gloire à l’auteur dont le génie
Écrase Néron sous Burrhus.
Du haut, etc.[20]

bis.


L’hymne, le goût avec lequel il est chanté, les accords de la musique qui l’accompagne, transportent tous les assistants et obtiennent des applaudissements universels.

Les fonctionnaires publics passent devant le buste de Racine, placé sur l’autel funéraire : chacun y dépose, dans un silence religieux, la branche de laurier qu’il avait eue pendant la cérémonie ; et bientôt le buste se trouve reposer sur un lit de verdure. Pendant ce temps, la musique du premier orchestre exécute une symphonie grave et majestueuse : la musique du second y répond par la strophe : Amour sacré de la patrie, au chant de laquelle la séance est levée.

Le cortège se rend en ordre sur la place de la maison commune, où il est remercié par les membres du Jury et les professeurs de l’École[21].

Aux termes du règlement de l’École, les cours de chaque année scolaire devaient être terminés par des examens publics, dirigés par les membres du Jury et un des administrateurs du département. On en trouvera le programme, ainsi que le palmarès de la distribution des prix, à la fin de cette notice[22] ».

Cette cérémonie, des plus pompeuses, eut lieu le 15 fructidor (1er septembre).

La décoration du temple décadaire, nous dit le compte-rendu officiel, était très élégante. Des guirlandes de laurier et de fleurs annonçaient, par leur fraîcheur, que cette fête devait être celle de la jeunesse. Des inscriptions rappelaient les avantages de l’étude, les malheurs de l’ignorance, l’influence et l’empire des récompenses nationales sur l’émulation, l’honneur et la gloire.

… Sur la pyramide triomphale consacrée aux arts, et présentant les noms des hommes célèbres nés dans le département, on remarquait ces inscriptions :

L’éducation est l’apprentissage de la vie et le premier besoin de l’homme.

L’ignorance est la mère de l’erreur et la source de tous les maux qui désolent la terre.

La Grèce ne dut sa gloire et ses chefs-d’œuvres dans les arts qu’aux prix solennels décernés dans les jeux olympiques.

Avant la distribution des prix pour le cours de belles-lettres, le professeur donne lecture du discours qui, dans la composition, avait été, jugé le meilleur. Puis les élèves récompensés sont placés sur les degrés de la pyramide triomphale. Un d’eux, le citoyen Jules Bertrand, ayant mérité le second prix de mathématiques, entonne la strophe : Nous entrerons dans la carrière, annonçant ainsi que les mêmes mains, qui reçoivent aujourd’hui de simples guirlandes de fleurs, sauront cueillir, un jour, des lauriers plus brillants. La musique répond par des accords harmonieux et un hymne de circonstance.

La séance allait être levée, lorsqu’un des élèves, le citoyen Nirandes, ayant reçu le premier prix de mathématiques, demande la parole, au nom de ses condisciples couronnés avec lui et de toute l’école, pour remercier ses maîtres de leur zèle et de leurs soins assidus. Cet hommage inattendu, le ton affectueux du jeune orateur, cette expression spontanée de reconnaissance, pénètrent toute l’assemblée, et les professeurs en particulier, d’une profonde sensibilité.

Le citoyen Rochefort, se faisant l’interprète de ses collègues, témoigne au jeune élève toute sa satisfaction pour ce témoignage de sympathie.

La séance est levée au chant de la strophe Amour sacré de la patrie au milieu des acclamations générales, et en laissant l’idée que cette cérémonie ne sera perdue, ni pour l’instruction, ni pour les mœurs. Les élèves récompensés sont placés au milieu des fonctionnaires publics, et promenés avec pompe dans les principales rues de la commune où ils recueillent, à chaque pas, des témoignages d’intérêt et de satisfaction. La musique les conduit au spectacle, où des places leur étaient réservées au milieu des professeurs et des principales autorités[23]. »

Conformément au vœu des législateurs, les efforts des professeurs tendirent, dès l’ouverture de l’École, à « écarter, suivant une heureuse expression de François de Neufchâteau, par des procédés simples, les ronces difficiles qui hérissent l’entrée du temple des Sciences ». Ils attachèrent une grande importance aux leçons de choses, aux méthodes récréatives qui permettent à l’écolier de s’instruire enjouant, de meubler sans efforts son esprit de connaissances utiles, le maître se bornant à exciter sa réflexion personnelle, à l’orienter vers le vrai, lui laissant le plaisir et le profit d’y marcher tout seul. Ils cherchèrent à dégager l’enseignement du fatras absurde des anciens collèges. Dans ce but, les jours de congé furent, en partie, consacrés à des visites aux ateliers, aux manufactures, où nos jeunes gens purent étudier les procédés de fabrication, les machines nouvelles, l’art merveilleux de la typographie, admirer l’emploi que le génie humain sait faire des produits naturels, acquérir des notions pratiques sur tous les objets nécessaires à la vie. À cette époque, ainsi que l’on en jugera par le tableau que nous publions en note[24], la ville du Puy possédait une plus grande variété d’industries que de nos jours ; aussi ces visites durent-elles être fructueuses.

Le succès de ces deux années d’études avait été aussi complet que l’on pouvait l’espérer. Dès l’ouverture de l’École, cent quinze élèves, nous l’avons dit, étaient venus s’asseoir sur ses bancs et, la deuxième année, ce chiffre fut plus que doublé. Cet heureux résultat était dû, pour une large part, au choix du personnel enseignant, composé de maîtres habiles et solidement instruits, rompus presque tous aux difficultés de la pédagogie[25].

Ce succès était dû aussi aux persévérants efforts du Ministre initiateur qui signala son administration par un zèle si éclairé pour l’instruction publique, les sciences, les arts et l’industrie. Par de fréquentes circulaires, ce ministre, François de Neufchâteau, traçait aux professeurs les plans et méthodes à suivre, les guidait dans le choix des livres classiques, leur indiquait les leçons de choses les plus pratiques, applaudissait aux progrès accomplis, stimulait leur zèle, dans des termes atteignant parfois l’éloquence.

« Faites en sorte, leur disait-il, qu’un jeune homme, sortant de l’École centrale, sache comment il doit s’y prendre pour perfectionner son être ; qu’il connaisse ce qui lui manque, et quels sont les moyens les plus certains de l’acquérir ; qu’il emporte avec lui le dessein et les bases d’un travail proportionné à ses goûts, à son aptitude et à sa destination ; qu’il dirige, vers cet objet, ses méditations constantes et les extraits de ses lectures. Dans cette vue, accoutumez-le au retour sur lui-même ; tracez-lui sa marche ; cette marche doit embrasser et le plan perspectif de toute sa conduite, et la méthode à suivre pour ne jamais s’en écarter. La méthode est en tout l’architecture de la vie, mais ses fondements reposent sur la première instruction. Voilà votre triomphe, professeurs : c’est d’inculquer à vos élèves, par des actes réitérés, le besoin du travail, la haine de l’oisiveté, l’amour de la vertu, le respect pour les lois, et le culte de la patrie. »

Les dépenses, à la charge du département, s’étaient élevées, pour l’an VII, à raison des frais de premier établissement, à la somme de 48,500 fr. ; l’année suivante, elles descendirent à 37,100 fr.[26].




CHAPITRE III

SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE. — BIBLIOTHÈQUE. — PENSIONNAT. — COURS D’HISTOIRE NATURELLE. — PROMENADES BOTANIQUES. — VULGARISATION DU SYSTÈME MÉTRIQUE. — COURS SPÉCIAUX AUX INSTITUTEURS PRIMAIRES.


À l’histoire de l’École centrale se lie trop intimement celle de la Société libre d’agriculture, pour que nous ne consacrions pas quelques lignes à cette institution qui, depuis près d’un siècle, a rendu à notre département de nombreux et incontestables services.

Le 10 messidor an VI (28 juin 1798), M. Montellier, membre de l’Administration centrale, donnait, à l’occasion de la fête de l’agriculture célébrée ce jour-là, lecture d’une lettre du Ministre de l’Intérieur, invitant nos administrateurs à fonder, au chef-lieu du département, une Société libre d’agriculture :

« Il appartient à un gouvernement républicain, disait le ministre Letourneur, d’employer tous les moyens que le retour de la paix met en son pouvoir, pour consolider les bases de la liberté publique et de sa puissance.

Tous nos maux provenaient de l’oppression et du découragement de l’agriculture ; notre force et nos richesses ne reposeront désormais que sur elle.

C’est en perfectionant cet art nourricier, qui conserve les mœurs, multiplie les hommes appelle ou maintient la liberté politique, que nous redonnerons une nouvelle vigueur à nos manufactures et à notre commerce, que nous éléverons au plus haut degré possible l’abondance des productions de notre sol et de notre industrie, que nous rendrons les peuples des deux mondes tributaires de la grande nation. »

Suivent un tableau de la France agricole, une étude sur l’élevage des bestiaux, la production chevaline, etc. « La France, conclut le Ministre, est dans un état d’infériorité manifeste ; aussi tous les efforts des gouvernants doivent-ils tendre à l’instruction des cultivateurs. Dans ce but, doivent être formées des Sociétés destinées à développer le premier des arts.

La Constitution établit des fêtes nationales ; il en est une spécialement consacrée à l’Agriculture, fixée au 10 messidor. Cette fête ne serait plus une vaine cérémonie, si l’existence d’une société libre d’agriculture ne lui donnait un caractère et un intérêt dont elle a été privée jusqu’ici. Les membres de cette Société formeraient un jury, qui vous guiderait dans la distribution des récompenses et des encouragements que, peut-être, ils multiplieraient eux-mêmes.

J’en appelle à cet amour du bien public qui doit distinguer les magistrats du peuple, et j’ai la confience intime que vous vous hâterez de faciliter de pareils établissements, et d’inviter vos administrés à y concourir.

Nous devons tout faire pour l’agriculture, parce qu’elle seule peut vivifier toutes les branches de l’industrie nationale, et nous assurer les richesses que notre situation nous promet, la force qui en est le fruit nécessaire, et les mœurs qui sont la sauvegarde de la République. »

M. Montellier continue, et montre la nécessité de propager les nouveaux modes de culture, les instruments perfectionnés, de combattre le charlatanisme qui, sous prétexte de guérir les bestiaux, exploite honteusement la crédulité publique. « Dans le but, dit-il, d’introduire l’art vétérinaire dans le ci-devant district du Puy, et d’arrêter le fléau dévastateur des épizooties, l’Administration entretient, à l’école de Lyon, le jeune Bongiraud, du Puy, qui pourra bientôt venir se fixer dans sa ville natale Le district de Brioude a envoyé, à Alfort, un jeune homme originaire de Langeac, Joseph Daye, qui en est revenu, après avoir terminé ses études et obtenu les plus grands succès. Il va se fixer à Langeac, mais il se portera sur tous les points où il pourra être utile. »

Ces projets ne tardèrent pas à être mis à exécution. Le 14 ventôse suivant (4 février 1799), l’Administration centrale prenait un arrêté que nous reproduisons en Appendice[27], et par lequel elle instituait une Société d’agriculture.

L’installation de la nouvelle Société eut lieu le 10 messidor an VII (28 juin 1799), jour de la fête de l’Agriculture, dans la salle littéraire de l’École centrale, décorée des attributs de l’agriculture. On y remarquait les diverses autorités administrative, judiciaire et, militaire de la commune du Puy. Après un discours de M. Jamon, le président de l’Administration centrale fait l’appel des membres de la Société libre d’Agriculture, et leur remet un épi de blé, une branche de chêne, une fleur, et leur donne l’accolade fraternelle. Pendant ce temps, la musique exécute plusieurs morceaux, puis un des membres de la Société, M. Montellier, faisant fonctions de commissaire du Directoire exécutif, prend la parole et prononce un discours auquel il donne cette épigraphe empruntée à un récent article du Journal d’agriculture : « Il ne fallait aux cultivateurs que la liberté ; les Français l’ont reconquise. Voici donc le moment de faire prospérer les campagnes. »

M. Bonnet-Villefort, doyen d’âge des sociétaires, ayant été désigné pour remplir provisoirement les fonctions de président, la séance fut levée.

La cérémonie se termina par une promenade civique dans les principales rues de la ville. Les autorités entouraient un char orné de feuillage et de fleurs, attelé de bœufs et de chevaux, et sur lequel étaient groupés des laboureurs entourés de toutes sortes d’instruments aratoires. Au milieu, se tenait une jeune fille embrassant, d’une main, l’arbre de la Liberté, tenant, de l’autre, un bouquet formé de grappes de raisins et d’épis. Aux deux côtés du char était appendue l’inscription suivante : À ses nourriciers, la patrie reconnaissante[28].

L’an VIII fut marqué par l’ouverture de la bibliothèque de l’École.

Dès le 25 prairial an VI (13 juin 1798), MM. Mathieu Bertrand, membre du Jury d’instruction, Rabany, professeur de législation, Borie, préposé à la conservation de l’ancienne bibliothèque ; Jamon, nommé bibliothécaire définitif, et Montellier, administrateur du département, désignés par arrêté de l’Administration centrale du 19 du même mois, se réunirent pour procéder au récolement de l’inventaire des livres, et autres objets d’arts et de sciences déposés à la bibliothèque.

M. Jamon avait fait la remise des inventaires dont il était dépositaire et consistant :

1o En celui de l’ancienne bibliothèque du Collège contenant 1,822 volumes ;

2o Celui de la bibliothèque de Mgr de Gallard, émigré, contenant 546 articles formant 1,667 volumes ;

3o Inventaire de celle du Séminaire, contenant, y compris le supplément, 1,035 volumes ;

4o Celui de M. Pina, ancien chanoine, contenant 425 volumes ;

5o Celui des instruments et autres objets de physique ayant appartenu au Séminaire ;

6o Celui de M. Chabrière contenant 170 volumes ;

7o Celui de M. Doutre, chanoine, contenant 63 volumes ;

8o Celui de M. d’Apchier, émigré, contenant 398 volumes ;

9o Celui de M. Pélissier contenant 42 volumes ;

10o Celui de la bibliothèque des Dominicains de Pradelles, contenant 65 volumes ;

11o Enfin, l’inventaire des meubles de la bibliothèque.

Ces divers inventaires donnaient un total de 5,687 volumes.

Il fut procédé à leur récolement, pendant sept jours consécutifs. L’on ne constata l’absence que de onze des volumes compris et désignés dans les inventaires ci-dessus.

Par arrêté du 21 messidor an VII (8 août 1799), l’Administration centrale, après y avoir été autorisée par lettre ministérielle du 3 floréal précédent (22 avril), avait décidé que la partie des bâtiments du collège, servant alors de salle d’audience au tribunal civil, serait affectée à l’installation de cette bibliothèque, et qu’il serait procédé sans délai aux réparations jugées nécessaires à cet établissement.

Enfin, l’inauguration solennelle de la bibliothèque se fit, le 16 messidor an VIII (29 juin 1800), en présence de toutes les autorités.

À dater de ce jour, ce dépôt fut ouvert au public tous les jours impairs, savoir, du 1er brumaire au 1er floréal, depuis dix heures du matin jusqu’à midi, et depuis deux heures du soir jusqu’à quatre ; du 1er floréal au 1er vendémiaire, depuis neuf heures du matin jusqu’à midi, et depuis trois heures du soir jusqu’à six.

Mentionnons encore, au cours de cette même année scolaire 1800-1801, la soutenance, par les élèves des classes supérieures, d’une thèse, dont nous avons sous les yeux un exemplaire imprimé sous ce titre :

Thèse de mathématiques dédiée au citoyen Lamothe, préfet de la Haute-Loire. Fructidor an VIII.

Cette thèse, embrassant le calcul, les logarithmes, l’algèbre, la géométrie, la trigonométrie, fut soutenue, sous la présidence de M. Rochefort, le 19 fructidor, par MM. Jules-Mathieu Bertrand, Jacques-Charles Faure, du Puy, Jean-François Delcher, de Brioude, aspirant de la marine de la République, Pierre Fournier-Latouraille, de Saint-Ilpize, et Pierre Courech-du-Pont, de Solier (Hérault).

Un pensionnat, destiné à recevoir les élèves de l’École étrangers à la ville du Puy, fut inauguré au début de l’année 1801. Les vingt places gratuites accordées par le département aux enfants appartenant à des familles peu favorisées de la fortune et dignes d’intérêt, en formèrent le premier noyau. Sa direction avait été confiée à un père de famille des plus recommandables, M. Schlisler, ancien chef de bureau de l’impôt, et alors secrétaire en chef de l’Administration municipale.

L’an IX vit aussi introduire, à l’École centrale, plusieurs créations et perfectionnements notables. Nous citerons, en première ligne l’ouverture du cours d’histoire naturelle.

M. Mottet, nous l’avons vu, nommé titulaire de cette chaire, dès la création de l’établissement, avait été envoyé à Paris, pour y suivre les leçons des professeurs du Museum.

Son retour était impatiemment attendu ; aussi l’ouverture de ses leçons fut-elle un véritable événement, non seulement pour l’École, mais encore pour la ville entière. Le professeur prononça, à cette occasion, un discours très remarqué qui fut imprimé et envoyé à toutes les autorités du département[29].

« L’enseignement de l’histoire naturelle, dit-il, manquait à l’École centrale de ce département. Destiné à cultiver et à professer cette intéressante partie, je promets d’y consacrer mes soins et mes travaux.

Je ne cesserai de présenter le grand livre de la nature comme un spectacle, un délassement assorti à la profession de tous les hommes.

Puisse ce grand Tout, dont l’idée sublime a été, dans tant de contrées, représentée par des emblèmes si divers, et exprimée par des dénominations si différentes, cette force créatrice et préservatrice, cette puissance merveilleuse, la nature, en un mot, devenir l’objet de vos pensées, de vos études, de votre ardeur. Le professeur disparaîtra aisément à côté des objets si dignes de votre attention, et lorsque vous serez accoutumés à ne voir que les remarquables productions de la nature. »

Le professeur donne ensuite, en l’accompagnant d’assez longs développements, le programme de son cours. Il divise l’histoire naturelle en deux branches principales :

1o Les corps organisés vivants.

2o Les corps bruts et sans vie. Il les étudiera successivement dans toutes leurs subdivisions.

Dès ses débuts, ce zélé professeur organisa des promenades botaniques à travers nos pittoresques vallées, et nos écoliers purent étudier cette intéressante branche de l’histoire naturelle, comme le faisait le jeune Gargantua, sous la conduite de son précepteur Ponocrate, « en passant par quelques prez et aultres lieux herbus, visitant les arbres et les plantes, les conférant avec les livres des anciens qui en ont escript… et en emportant les pleines mains au logis. »

Il fit, de plus, créer un emploi de jardinier, pour le service du jardin botanique de l’École installé, comme nous l’avons vu, dans l’ancien jardin du couvent des Capucins.

Ce jardinier était chargé de tous les travaux relatifs à la culture et à l’entretien des plantes, des semis de graines accordées par le Museum de Paris, des pépinières établies dans le bois du Séminaire, et d’où sont sortis la plupart des arbres d’agrément qui embellissent les environs de la ville du Puy.

Il devait, de plus, accompagner le professeur dans les promenades d’herborisation que celui-ci dirigeait, chaque dimanche, aux environs du Puy.

Le sieur Lagrange occupa le premier cet emploi ; son traitement était de 400 francs.

Le 6 germinal (27 mars) de la même année, il fut créé, dans la même salle de la bibliothèque de l’École, un Museum destiné à réunir les peintures et les fragments de sculpture disséminés dans les diverses salles de l’établissement, un certain nombre de tableaux provenant de la galerie du Palais-Royal et achetés par le préfet ; comme aussi les collections de minéralogie, de botanique, d’ornithologie et autres offertes par la direction du Jardin-des-Plantes. Cette création fut le premier noyau du Musée municipal de la ville du Puy. Installé, en 1820, dans l’ancien couvent des religieuses de Sainte-Marie, sous le nom de Musée Caroline, puis à l’extrémité du Fer-à-Cheval, il est connu aujourd’hui sous celui de Musée Crozatier.

Une réforme, sur la nécessité de laquelle tout le monde était d’accord, venait d’être accomplie : nous voulons parler de l’unification des poids et mesures, ce vœu irréalisé de la France monarchique.

La confusion était extrême entre les provinces du royaume, et les mêmes dénominations n’y représentaient nullement les mêmes mesures.

C’est ainsi que, dans le seul département de la Seine, le mot arpent représentait cinq mesures diverses. Il y avait, en outre, à Paris, jusqu’à quarante-cinq noms différents pour désigner les poids et les mesures. Le gouvernement promit de satisfaire au vœu général, et chargea de ce travail d’unification l’Académie des Sciences, qui se mit à l’œuvre avec une remarquable activité, présenta bientôt un projet établissant le système métrique dans toute l’étendue de la République, projet immédiatement converti en loi et exécuté.

Aussitôt après, étaient envoyées partout des instructions claires et précises, pour faciliter à tous l’emploi des nouveaux poids et mesures.

Le 21 floréal an IX (11 mai 1801), il fut ouvert à l’École centrale, par le professeur de mathématiques, un cours destiné à familiariser les habitants de la Haute-Loire avec le nouveau système. Son programme comprenait : 1o l’exposition du calcul décimal ; 2o l’application de ce calcul à toutes les règles en usage dans le commerce ; 3o la méthode pour convertir toutes les mesures linéaires, de superficie et de solidité, en usage dans le département, en mesures nouvelles, et réciproquement. Ce cours fut très suivi, et rendit de grands services au pays[30].

Enfin, un cours spécial, destiné à former des instituteurs primaires, fut inauguré à cette même époque et fréquenté par un certain nombre de jeunes gens qui devinrent, pour nos écoles rurales, de très bons maîtres.

En l’an IX, la situation de notre École allait toujours s’améliorant. Cependant, mus par le désir de complaire au premier consul qui avait déjà posé sa main de fer sur la France, et voué à une destruction prochaine les œuvres de la Révolution, les membres du Conseil général de la Haute-Loire demandaient, dans leur session de germinal an IX, par une délibération que nous donnons en appendice[31], le rétablissement des anciens collèges du Puy et de Brioude, et la création, à Monistrol, d’un nouvel établissement d’instruction secondaire.

L’année suivante, le 11 floréal an X, (1er mai 1802), les lycées sont créés et les principaux pères de famille se mettent en mesure d’en obtenir un. Dans ce but, ils rédigent un mémoire assez étendu que nous reproduisons à la fin de cette étude[32]. Ce mémoire est adressé, non-seulement au Ministre de l’Intérieur, mais encore au général Suchet, le futur duc d’Albufera, qui, lors d’un récent voyage au Puy, avait témoigné de l’intérêt à cette ville, reconnu la légitimité de ses prétentions à un lycée, et promis de s’intéresser au succès de la demande qui serait formée dans ce but.

Le 15 brumaire an XI (6 novembre 1802), à l’occasion de l’ouverture des cours, le Préfet de la Haute-Loire adressa à ses administrés la circulaire suivante :


« Citoyens,

Une loi du 11 floréal dernier a consacré un nouveau mode d’instruction publique. Le gouvernement s’occupe de le régulariser ; mais, en attendant que ses sages conceptions puissent être réalisées, son active prévoyance ne permet pas que l’enseignement public éprouve la moindre interruption. Une nouvelle année scolaire va recommencer, et les cours d’étude de l’École centrale de département seront ouverts, comme les années précédentes.

Professeurs, élèves de l’École centrale, tous les motifs d’émulation et d’encouragement que vous pouviez désirer se réunissent dans cette circonstance pour ranimer votre ardeur. Des travaux de cette année vont dépendre, pour vous, les récompenses qui vous ont été promises. Le gouvernement en a donné l’assurance, en a pris l’engagement sacré. C’est dans les Écoles centrales que seront choisis et les maîtres et les élèves qui doivent peupler les nouveaux lycées ; c’est dans ces établissements que son œil vigilant ira chercher le mérite modeste, pour le placer au rang que lui destine sa généreuse prévoyance.

Pères de famille, réfléchissez que le nouvel ordre de choses, qui va s’établir, exige plus fortement encore que cette année soit mise à profit pour l’instruction. Quel est celui d’entre vous qui ne sent pas combien la perte d’une année peut être fatale à la jeunesse, moins par le défaut de connaissances que vous manqueriez d’acquérir, que par l’interruption de vos études ?

En conséquence, l’ouverture de l’École centrale aura lieu par une séance publique, le 17 courant, et, le lendemain 18, les cours seront repris. »

Cet aperçu ne serait pas complet, si nous ne mentionnions les autres établissements d’instruction secondaires existant, au Puy, sous le Consulat et au début de l’Empire.

Le premier fut un pensionnat créé, à l’automne de l’année 1800, dans les anciens bâtiments du Séminaire, par M. Rochefort, professeur de mathématiques à l’École centrale, sous le patronage du préfet, M. Lamothe.

Pour être admis dans ce pensionnat, les enfants devaient être âgés de plus de huit ans, savoir lire et écrire. Ceux d’entre eux qui, par l’état de leurs connaissances, pouvaient assister fructueusement aux leçons données à l’École centrale, y étaient conduits. Les autres recevaient dans la maison, de trois professeurs, les premiers principes des langues française et latine, d’histoire, de géographie et de mathématiques.

Le pensionnat de Saint-Maurice donnait le même enseignement que celui du Séminaire. Il était dirigé, avec la collaboration de trois autres maîtres, par M. Pomier, qui plus tard devint bibliothécaire de la Ville et fonda, en 1813, le Journal de la Haute-Loire[33].

Enfin, un homme très instruit, M. Biziou, ancien professeur au collège d’Épinal, ancien sous-principal à celui du Puy, admettait chez lui des élèves externes.

Le 15 fructidor an XII (2 septembre 1804), les maîtres et les élèves de l’École centrale se séparèrent définitivement[34].

Ici s’arrête notre tâche. Puissions-nous avoir atteint le double but que nous nous étions proposé : l’exactitude et la vérité !




APPENDICE


I

PROGRAMME DU CONCOURS POUR LA CHAIRE DE DESSIN.


Les concurrents dessineront, au Puy, sur un plan de deux pieds carrés :

1o La tête d’homme du grand tableau qui est dans la grande salle du département[35] ;

2o La chienne du même tableau ;

3o La petite statue de La Fontaine qui est sur la cheminée de la même salle[36] ;

4o La perspective du cours de la Borne passant sous le pont d’Estroulhas, à mi-chemin d’Espaly ;

5o L’intérieur de la ci-devant église cathédrale du Puy, vu de l’extrémité inférieure de l’église, sous l’orgue ;

6o Une guirlande de fleurs.

Les tableaux devaient être signés par leurs auteurs, et déposés, avant le 20 pluviôse suivant, entre les mains du président de l’Administration du département pour être exposés dans la salle des séances de l’Administration départementale.


Nous avons sous les yeux un prospectus imprimé de dessins exécutés par Giriat et mis par lui en vente en 1807. Le voici :

Description analytique de douze dessins représentant différentes vues perspectives de la ville du Puy, département de la Haute-Loire. Lesdits dessins, de 19 pouces et demi de largeur sur 14 pouces de hauteur, dessinés au crayon rouge, d’après l’invitation de l’ex-ministre François de Neufchâteau, pour le sieur Giriat :

No I. — Vue perspective des environs du Puy, des rochers de Corneille et Saint-Michel, prise du côté du levant.

No II. — Vue perspective des ruines de la Chartreuse du Puy et des environs, dessinée de la plaine de Chadrac.

No III. — Vue perspective des environs du Puy, prise de la plaine de Chadrac, des prairies de l’Hôpital et d’une partie de la rivière de Borne.

No IV. — Vue perspective des environs du Puy, des rochers Corneille, Saint-Michel, Espaly, l’Arbouset, la Croix-de-la-Paille, Brunelet et une partie de la ville du Puy, prise du côté du couchant.

No V. Vue perspective de la ville du Puy, prise du côté de Mons.

No VI. Vue perspective du Puy, prise du côté de Bonnassous, au-dessus du vallon de Vals.

No VII. — Vue perspective du Puy, prise du côté des Capucins.

No VIII. — Vue perspective de l’ancien fort de Ceyssac, prise à une heure et demie de chemin, du côté du couchant.

No IX. — Vue perspective de l’ancien fort et plateau de Polignac.

No X. — Vue perspective des villages de Charentus, Coubon, du château et village de Bouzols, et des ruines du fort de la Roche, à une lieue et demie du Puy, qui servent encore de retraite à plusieurs familles indigentes menacées journellement d’être encombrées.

No XI. — Plan et élévation de la façade de la Cathédrale du Puy, prise du côté du grand escalier pour parvenir dans l’intérieur de l’église.

No XII. — Vue perspective de la Cathédrale du Puy, sans aucun ordre d’architecture, ni régularité d’aucun ordre ni par les bases, ni par les chapiteaux, ayant été bâtie à plusieurs reprises.


II

RÈGLEMENT PRÉSENTÉ PAR LE JURY CENTRAL D’INSTRUCTION PUBLIQUE À L’ADMINISTRATION DU DÉPARTEMENT, EN EXÉCUTION DE L’ARTICLE 4 DE SON ARRÊTÉ DU 22 GERMINAL AN VI ET APPROUVÉ PAR ARRÊTÉ DU 21 FLORÉAL SUIVANT.


ÉCOLE CENTRALE

libertéégalité

Département de la Haute-Loire.


CHAPITRE PREMIER.
ORDRE ET RÈGLE DE L’ENSEIGNEMENT

I. — À compter de l’an VII de la République, l’École centrale de la Haute-Loire entrera en activité le 15 brumaire de chaque année. L’ouverture de l’école sera faite en présence du Jury et d’après les dispositions données par l’Administration centrale.

II. — Les divers cours de l’École centrale, déterminés par la loi du 3 brumaire, seront ouverts tous les jours, excepté les quintidi, décadi et les fêtes nationales.

III. — Les leçons de chaque cours seront de deux heures distribuées ainsi qu’il suit :

Histoire naturelle, langues anciennes, mathématiques, depuis huit heures du matin jusqu’à dix.

Dessin, belles-lettres, histoire, depuis dix heures jusqu’à midi.

Physique et chimie, législation, grammaire générale, depuis deux heures après midi jusqu’à quatre.

IV. — Les leçons du nonidi seront une revue générale de toutes les leçons de la décade. Les professeurs s’attacheront surtout à faire connaître l’esprit et la méthode d’analyse qui doit diriger tous les cours.


CHAPITRE II.
INSCRIPTION

Les citoyens, voulant suivre les cours de l’École centrale, seront tenus de se faire inscrire et resteront assujettis, sans exception, à tous les règlements de l’École.

II. — Les inscriptions pour les divers cours ne seront reçues qu’en justifiant de l’âge déterminé par la loi du 3 brumaire ; savoir, douze ans, pour le dessin, l’histoire naturelle, et les langues anciennes ; quatorze ans, pour les mathématiques, la physique et la chimie expérimentales ; et seize ans au moins pour la grammaire générale, les belles-lettres, l’histoire et la législation.

III. — Les inscriptions pour les divers cours seront reçues au secrétariat de l’École et chez les professeurs de chaque cours. Les élèves au-dessous de dix-huit ans seront tenus de se faire présenter par leurs parents, ou par un citoyen domicilié, auxquels les professeurs puissent avoir recours en cas d’absence ou d’indiscipline. Les noms, prénoms et demeures de tous les élèves, ainsi que ceux de leurs répondants seront inscrits sur un double registre, l’un pour rester au secrétariat, l’autre pour être remis au Jury d’instruction.

IV. — Le prix de l’inscription sera déterminé chaque année par l’Administration centrale et fixé, pour l’an VI, à trois francs jusqu’à la fin du cours.

V. — Chaque élève ne payera qu’une seule rétribution, de conformité à la loi, quoiqu’il suive plusieurs cours : elle sera payable par trimestre et d’avance.


CHAPITRE III.
POLICE INTÉRIEURE DES CLASSES

La police intérieure des classes appartient aux professeurs : les moyens d’encouragement ou de censure, ainsi que ceux d’assurer l’exactitude des élèves, sont laissés à leur disposition et à leur expérience.

Le Jury d’instruction se rendra de temps à autre dans les différentes classes pour exciter l’émulation des élèves, connaître leurs progrès, ainsi que leurs principes républicains.

II. — Aucun élève ne pourra être exclu de l’école que pour faute grave, jugée telle par le conseil des professeurs, après avoir pris l’avis du Jury d'instruction, sauf la recours à l’autorité du département.

III. — Les élèves ne pourront en aucun cas prendre la parole, qu’après l’avoir demandée et sur la permission expresse du professeur : ils seront tenus de rendre compte de leurs travaux et de l’objet des cours qu’ils suivront toutes les fois que le professeur le demandera.


CHAPITRE IV.
ADMINISTRATION ET POLICE DE L’ÉCOLE

I. — Tous les professeurs assemblés constitueront le conseil de l’École et se réuniront en assemblée générale, tous les trois mois, et extraordinairement lorsqu’ils seront convoqués par le bureau de l’École.

II. — Le bureau de l’École sera composé de trois membres et renouvelé par tiers de trois mois en trois mois.

III. — Les fonctions du bureau de l’École sont de tenir les registres et la correspondance de l’École, de recevoir les inscriptions et d’en rendre compte, de veiller à la conservation des effets, meubles ou dépôts d’instruction appartenant à l’École.

IV. — Les fonctions du conseil de l’École sont de prendre, avec le Jury d’instruction, toutes les mesures de police générale dans l’intérieur de l’établissement, de présenter, au commencement de chaque année, à l’administration centrale un état par aperçu des dépenses nécessaires à l’école, visé par le Jury, ainsi que les mandats qui seront tirés pour lesdites dépenses.

V. — Le Jury d’instruction présentera le concierge et autres agents nécessaires à l’École qui seront nommés par le département.

VI. — Le département donnera incessamment un règlement pour fixer les fonctions tant du concierge que des autres agents de l’École et déterminera leur traitement.

VII. — Les élèves ne pourront jamais rester dans les cours et jardin de l’école après la sortie des classes ; les portes en seront ouvertes un quart d’heure avant les leçons.

VIII. — Les professeurs, en cas d’indisposition ou d’absence indispensable, se feront remplacer par d’autres professeurs de l’École ; si l’absence doit être prolongée au-delà d’une décade, il en sera référé au Jury d’instruction. Toute absence prolongée au-delà du terme fixé par le Jury, sans nouveau motif, sera censée une démission ; et on procédera au remplacement selon les formes prescrites par la loi du 3 brumaire.


CHAPITRE V.
MOYEN D’ENCOURAGEMENT ET D’INSTRUCTION

Article premier. — Les professeurs s’assembleront les premiers quintidis de chaque mois pour conférer sur des objets de science et d’éducation.

Art. II. — Il y aura au milieu et à la fin de l’année scolaire, aux jours indiqués par le département, des assemblées publiques. Les élèves y rendront compte de leurs travaux et de l’objet de leurs cours ; on distribuera des prix chaque année à ceux qui auront montré le plus d’assiduité et de talent ; les prix seront décernés aux élèves désignés par le conseil général des professeurs réunis aux membres du Jury.

Art. III. — À la fin de chaque cours, il sera délivré par le professeur à chaque élève qui aura suivi son cours un certificat d’étude visé par le Jury d’instruction ; il sera tenu registre double dont l’un sera déposé au bureau du Jury.

Art. IV. — La bibliothèque près l’École centrale sera ouverte au public, tous les jours impairs, depuis neuf heures du matin jusqu’à midi, et depuis deux heures jusqu’à cinq. Le bibliothécaire veillera à la conservation des livres et en répondra.

Art. V. — Le présent règlement sera affiché dans chaque salle destinée aux cours ; distribué aux membres du Jury, aux professeurs ; envoyé à toutes les communes du département et au directoire exécutif par l’intermédiaire du Ministre de l’Intérieur, pour obtenir son approbation.

Signés : Livinhac, Jamon et Mathieu Bertrand.


Extrait des registres des délibérations de l’Administration centrale du département de la Haute-Loire.

Du 22 floréal an VI de la République française, une et indivisible.

Vu le projet de règlement pour l’École centrale du département présenté par le Jury d’instruction publique de conformité à l’article 4 de l’arrêté de l’administration du 22 germinal dernier ;

Ouï le commissaire provisoire du Pouvoir exécutif,

L’Administration centrale arrête que ce projet de règlement est définitivement adopté et approuvé dans tout son contenu ; en conséquence, qu’il sera transcrit sur le registre des délibérations à la suite du présent arrêté et imprimé au nombre de trois cents exemplaires en cahier et de cent cinquante placards, pour être affiché dans toutes les classes de l’École centrale, distribué aux professeurs et envoyé aux chefs-lieux de canton.

Fait et arrêté au Puy, les jour et an susdits.

Présents : les citoyens Masson, président ; Vidal, Jamon, Montellier, administrateurs ; Bardy, commissaire provisoire du Pouvoir exécutif ; Gaubert, secrétaire général.


III

INSTALLATION DE L’ÉCOLE CENTRALE


égalitéliberté

Département de la Haute-Loire.

L’an VI de la République française, une et indivisible, et le premier jour du mois de floréal, après midi, en la commune du Puy, chef-lieu du département de la Haute-Loire. En exécution de l’arrêté de l’administration centrale, en date du 22 de germinal dernier, portant, art. 1er et 2, que l’installation de l’École centrale sera faite cejourd’hui dans une des salles du ci-devant Collège, en présence du Jury d’instruction et des professeurs nommés ; et d’après l’invitation faite, en conséquence de l’article 3 du même arrêté, à toutes les autorités constituées de ladite commune.

Les administrateurs du département et le commissaire du Pouvoir exécutif se sont réunis, avec le secrétaire général, dans la salle ordinaire de leurs séances ; et, après avoir revêtu leurs costumes, ils se sont rendus sur les trois heures, accompagnés des vétérans nationaux, à la maison commune, d’où ils sont sortis peu après avec les membres des autorités civile, judiciaire et militaire, décorés aussi de leurs marques distinctives, les membres du Jury central d’instruction, et les professeurs élus.

Le cortège, précédé par les tambours et la musique de la quatre-vingt-sixième demi-brigade d’infanterie, stationnée au Puy, qui faisaient entendre alternativement leurs sons, et suivi d’un concours considérable de citoyens de tout âge et de tout sexe, parmi lesquels on distinguait les instituteurs primaires et leurs jeunes élèves, s’est rendu dans la salle des exercices du ci-devant collège.

L’administration centrale, les autres autorités constituées, les membres du Jury d’instruction et les professeurs, se sont placés sur une élévation qui régnait dans une des extrémités de la salle. Les instituteurs primaires et les autres citoyens se sont placés au centre, et la musique militaire a occupé l’autre extrémité.

Le président de l’administration centrale a ouvert la séance, et le secrétaire général a fait lecture :

1o Du titre second de la loi du 3 brumaire an IV (no 1216), relative à l’instruction publique ;

2o De l’arrêté de ladite administration, du 22 germinal dernier, précité ;

3o De la liste des professeurs nommés par le Jury, et dont la nomination a été approuvée par l’administration centrale.


Membres du Jury central.

Les citoyens Livinhac, Jamon et Mathieu Bertrand, du Puy.


Professeurs élus.

Classes.Les Citoyens.

première section
Dessin 
Giriat.
Langues anciennes 
Robert.
Histoire naturelle 
***


seconde section
Éléments de mathématiques 
Rochefort.
Physique et chimie expérimentales 
Pissis.


troisième section
Grammaire générale 
André 4e.
Belles-lettres 
Barrès.
Histoire 
Bagès.
Législation 
Rabany.


Bibliothèque
Bibliothécaire 
***


Cette lecture faite, la musique a exécuté le Chant du depart, aux applaudissements du public : après quoi le citoyen Richond, président de l’administration centrale, a prononcé un discours analogue à la circonstance.

Le citoyen Livinhac, membre du jury central ; les citoyens Barrès, Robert, Pissis, André et Rabany, professeurs, lui ont succédé, ont prononcé des discours, et lu les programmes particuliers des cours qu’ils se proposent de faire.

Ces discours ont été écoutés avec le plus profond silence et la plus grande attention : ils ont été suivis des plus vifs et des plus nombreux applaudissements, et des acclamations réitérées de Vive la République ! on en a même demandé l’impression. Pour reposer agréablement l’attention des auditeurs, la musique a exécuté, dans les intervalles d’un discours à l’autre, des airs républicains et des symphonies. On a ensuite annoncé au public qu’attendu que le règlement pour l’École centrale n’était pas encore terminé, les classes ne pouvaient être mises de quelques jours en activité et que l’administration centrale en ferait publier l’ouverture, dès qu’elle pourrait avoir lieu : mais qu’en attendant cette époque tant désirée, les professeurs recevraient dans le ci-devant collège, bâtiment destiné à l’école, les inscriptions de ceux qui voudraient faire des cours.

Le président ayant levé la séance, les membres des autorités constituées, ceux du Jury d’instruction, les professeurs et plusieurs autres citoyens, sont sortis, accompagnés des vétérans nationaux et ont fait une promenade civique dans la commune, au son alternatif de la musique et des tambours qui précédaient le cortège.

Parvenus sur la place située au-devant de la maison communale, la musique a exécuté la Marseillaise et le cortège s’est séparé.

(Ce procès-verbal, ainsi que les discours prononcés dans la cérémonie, furent imprimés en huit cents exemplaires in-8o).


IV

EXERCICE LITTÉRAIRE À L’ÉCOLE CENTRALE


10 germinal an VII (30 mars 1793).

Les autorités, tant civiles que militaires, se sont réunies dans la salle des séances de l’Administration municipale de la commune du Puy.

La force militaire était en armes sur la place et un concours nombreux de citoyens, attirés par l’importance et la nouveauté de la cérémonie, annonçait déjà tout l’éclat qu’elle devait avoir.

Le cortège se forme et, précédé des amateurs composant l’institut de Musique, se rend à la salle décadaire disposée et décorée d’une manière analogue à la fête.

Au fond de la salle, est attaché un grand cartouche portant ces mots : Aux sciences, aux arts, à l’instruction.

À droite, est un panneau avec ces mots : L’ignorance avait créé le despotisme.

À gauche, en est un second avec cette inscription : Les sciences et les arts soutiendront la liberté.

La tribune de l’orateur est au milieu de la salle ; sur le devant on lit :


Toi de qui tout est né, toi de qui tout dépend,
Être puissant et bon, rends nos destins prospères ;
Que le peuple soit toujours généreux et grand,
Et donne-lui, de plus, des mœurs et des lumières.


Dans l’enceinte et aux divers piliers de la salle, on lit, à droite :

Pères ! de vos enfants guidez le premier âge,
Ne trompez point leurs goûts, mais dirigez leurs pas,
Consultez leur esprit, leur talent, leur courage :
On conduit la nature, on ne la change pas,


Prix d’un enfant qui se comporte bien.

On le recherche, on l’aime, à le voir on s’empresse,
Et par les vœux publics, il se voit secondé.


Châtiment d’un enfant paresseux :

Mais, pour le lâche enfant qu’enchaîne la paresse,
En lui parlant, hélas ! on se croit dégradé.


À gauche :

Heureux le jeune élève animé d’un bon zèle,
En qui la vertu brille et devance les ans !
De tous ses compagnons, c’est le digne modèle,
L’honneur de son logis, l’amour de ses parents.

Au centre de la salle et dans l’amphithéâtre destiné aux fonctionnaires publics, s’élève un piedestal sur lequel on a érigé un trophée aux hommes qui, nés dans le département, l’ont illustré par des ouvrages et des talents utiles. Le haut du trophée porte cette inscription, comme un hommage de l’École centrale. Il est surmonté par un globe et un soleil et orné des attributs des différents arts. À droite et à gauche du trophée, sont deux statues, l’une représentant le génie de la France, couronné par la Victoire, l’autre le Génie des sciences, souriant aux triomphes de la Liberté. Des drapeaux tricolores, des branches de laurier, des chaînes de feuilles de lierre décorent le trophée ; l’encens brûle devant lui dans un vase antique.

Sur les quatre faces du trophée, on lit, en gros caractères, les noms de Melchior de Polignac, auteur de l’Anti-Lucrèce, né au Puy le 11 octobre 1661 ; de Maurice Bernard, jurisconsulte célèbre ; de Guy François, surnommé le Grand, peintre distingué de l’École française ; de François, surnommé l’Illustre, fils de Guy et digne émule de son père ; de Jacques de Montagne, historien ; de Fillère et Gévolde, jésuites et poètes distingués ; de Bergonhoux, habile chimiste ; de Joseph Galien, auteur d’un essai sur l’art de naviguer dans les airs, ouvrage qui a préludé à la découverte des aérostats ; de Guillaume de Saint-Didier, de Dorlhac et Lebrun, troubadours célèbres ; de Portal et Vaneau, sculpteurs fameux ; de François Lanthenas, dont les ouvrages ont servi la cause de la liberté et de l’instruction, auteurs tous nés au Puy ou dans les communes voisines ; de Du Belloy, auteur dramatique distingué, élevé à Brioude ; de Dubos, l’un des quarante de l’Académie, auteur de plusieurs ouvrages de littérature très estimés, né à Blesle ; enfin de Julien, sculpteur, dont le nom rappelle les talents et la modestie, né à Saint-Paulien et encore vivant.

À droite et à gauche du trophée, sont placés les instituteurs et les élèves des écoles primaires, les élèves de l’École centrale et les professeurs qui reçoivent le cortège à la porte du temple décadaire.

La force armée dépose ses armes en faisceaux et chacun prend place dans l’ordre suivant :

Le devant du trophée est occupé : 1o par le vice-président, les membres et le secrétaire de l’Administration centrale ; 2o par le président et les membres de l’Administration municipale de la commune ; 3o par un membre du Jury de l’instruction, le général de brigade commandant la ville en état de siège et son état-major.

Le vice-président de l’Administration centrale occupe le fauteuil ; des prix d’encouragement, destinés aux élèves et donnés par un membre de l’Administration, sont placés devant lui ; les autres fonctionnaires occupent les deux faces latérales de l’amphithéâtre destiné à les recevoir. Au-dessus, se range l’Institut de musique dans un orchestre pratiqué à cet effet.

La foule est immense, cependant l’ordre est maintenu. Des applaudissements et des cris de : Vive la République ! se font entendre spontanément ; la musique y répond par la symphonie de l’air : Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? et la séance s’ouvre.

Le citoyen Rochefort, professeur de mathématiques, rend compte, au nom de l’École, de l’ordre et de la suite de ses travaux pendant le premier semestre de l’an VII, de l’objet et du but de cette réunion.

Son discours est couvert d’applaudissements et la musique marque ce premier intermède par des airs patriotiques.

Alors, les élèves de l’École, désignés dans l’exercice scolastique du 20 ventôse, pour représenter chacun des cours, sont appelés successivement à la tribune et entendus, avec le plus grand intérêt, sur les matières qui ont fait l’objet de leurs études respectives.

Le citoyen Schisler parle le premier du dessin, objet d’un cours suivi par plus de cent cinquante élèves. Il expose les principes et les premiers procédés de cet art dont les applications sont si variées et si utiles. De nombreux applaudissements l’accompagnent au bureau, où il reçoit du vice-président de l’Administration centrale l’accolade fraternelle et un cahier de modèles de dessins au crayon de la plus grande beauté, par Putifat.

Les citoyens Vacheron et Bresson se succèdent, pour représenter les cours des langues anciennes. Dans un dialogue vif et animé, rendu avec beaucoup de précision et d’agrément, ils présentent les grands principes de morale développés dans le catéchisme de Muret traduit par François de Neufchâteau. Ils reçoivent, à titre d’encouragement, l’un les Géorgiques de Virgile, traduction de Delille ; l’autre les Aventures de Télémaque.

Les citoyens Rousson et Nirandes représentent le cours de mathématiques, les principes du calcul arithmétique et l’histoire de sa découverte. Ils reçoivent les Éléments de mathématiques de La Caille.

Le citoyen Pagès est entendu sur le cours d’histoire. Il compare les anciennes constitutions d’Athènes et de Sparte à celle que la France s’est donnée en l’an III et de ce parallèle, il fait ressortir la supériorité de notre pacte social sur tous ceux qui l’ont précédé. Une logique serrée, un organe agréable, un débit assuré obtiennent à ce jeune élève des applaudissements nombreux, au milieu desquels il reçoit les éléments de l’Histoire de France par Milliot. 3 vol. in-12.

Le citoyen Giraud parle sur les principes développés dans le cours de grammaire générale. Il présente l’histoire naturelle de la parole, montrant le langage, non-seulement comme enfant du besoin et de la nécessité qu’avaient les hommes de se communiquer leurs idées, mais comme le résultat nécessaire de la faculté de penser, comme le lien commun de l’ordre social et le principe de toutes les connaissances rattachant à un même tronc tous les idiomes. Le Dictionnaire de Richelet lui est donné en prix.

Le citoyen Silvain Mouton[37] ayant mérité par son assiduité un encouragement, le professeur lui offre la Logique de Condillac.

Le citoyen Gineys est appelé à la tribune pour représenter le cours de belles-lettres. Il trace les caractères, les principes de l’éloquence républicaine : il en célèbre les triomphes dans l’aréopage et aux rostres. Il fait voir ses succès toujours liés à ceux de la liberté. Son discours portant tous les caractères de la belle nature qu’il avait développés est couvert d’applaudissements. Le bureau lui offre les Lettres de Dupaty sur l’Italie.

Les élèves de l’école primaire du citoyen Roussel demandent à partager les succès de leurs aînés ; toute l’assemblée applaudit à cet acte d’émulation d’un augure si flatteur et quatre jeunes gens, d’un âge encore bien tendre, sont entendus sur la géographie, avec le plus vif intérêt.

Le bibliothécaire de l’École, le citoyen Jamon, termine l’exercice littéraire par un discours éloquent, dans lequel il relève avec force l’importance du culte des arts et témoigne ses regrets au public de ce que les circonstances n’ont pas encore permis l’ouverture de la Bibliothèque.

La séance se lève aux cris de : Vive la République ! et de Guerre au gouvernement anglais !

Le cortège, formé dans le même ordre qu’en venant à la salle décadaire, se rend dans la grande cour de l’École pour l’inauguration de l’arbre de la liberté planté dans son enceinte. L’arbre est décoré de guirlandes tricolores et d’inscriptions ; tous les fonctionnaires sont rangés autour. Le citoyen Barrès, professeur de belles-lettres, parle sur l’objet moral de cette cérémonie, sur le prix et les caractères de la vraie liberté. L’Institut de musique répond à ce discours par les airs chéris des républicains, puis un chœur de jeunes élèves chante quelques couplets de circonstance sur l’air Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

La promenade civique ne pouvant avoir lieu à cause de la longueur de la cérémonie, les diverses autorités se séparent. Le soir, les artistes dramatiques donnent L’Homme oisif ou les Amis de collège, pièce qui, par son but moral et son à-propos, ne pouvait mieux terminer cette aimable fête.


V

CRÉATION DE L’INSTITUT DE MUSIQUE


Le Puy, le 27 frimaire an VII


Les professeurs composant le bureau de l’École centrale du département de la Haute-Loire à l’Administration centrale du même département,

Citoyens administrateurs,

La musique, cet art que ses détracteurs nomment frivole, mais dont l’influence sur le caractère et les mœurs des peuples fut si bien sentie par les législateurs les plus sages et les plus éclairés de l’antiquité, pouvait-elle être oubliée par des administrateurs républicains et son importance échapper leur sollicitude pour tout ce qui intéresse le progrès des sciences et des arts, tend à améliorer l’esprit public et à faire fleurir le gouvernement ? Les professeurs de votre École centrale ne le pensaient pas et ils ont vu avec la plus vive satisfaction que vous ayez cherché à devancer l’organisation de cette intéressante partie de l’instruction publique, en voulant établir un Institut de Musique dans le chef-lieu du département.

Mais, plus vous avez connu l’utilité d’un établissement de ce genre, plus il est urgent d’en hâter la formation. Voici les raisons sur lesquelles le conseil des professeurs fonde l’invitation qu’il vous fait de ne pas différer plus longtemps.

Vous le savez, Citoyens, le projet de résolution sur les écoles de musique, présenté au Conseil des Cinq-Cents et qui va être soumis à la discussion du Corps-Législatif, laisse au Directoire la faculté de désigner les lieux où elles devront être placées. Le département de la Haute-Loire se trouve au centre de ceux du Cantal, de la Lozère, de l’Ardèche et de la Loire, dont les chefs-lieux, moins importants que le Puy, ne présentant pas d’ailleurs un aussi grand nombre d’artistes musiciens que cette dernière commune, ne doivent pas espérer de solliciter avec avantage une de ces écoles. Que sera-ce donc lorsqu’à la position graphique de la Haute-Loire, vous aurez, pour appuyer votre demande auprès du Gouvernement, un Institut de Musique en activité ? Le Directoire, soyez-en sûrs, Citoyens, mettra à l’accueillir un empressement égal au zèle que vous déployez chaque jour pour justifier sa confiance.

Cependant, nous ne nous arrêterons pas plus longtemps à cette considération. De quelque poids qu’elle nous paraisse, elle ne présente à l’esprit qu’un intérêt de localité qu’on pourrait dédaigner peut-être ; mais, il en est une majeure, dans les circonstances où nous nous trouvons, et que nous vous prions d’examiner sérieusement.

Depuis longtemps, les républicains gémissent sur le peu de concours qu’attirent les fêtes nationales en général et les réunions décadaires en particulier. Dans les campagnes, l’on n’y voit que des administrateurs presque seuls. Attribuera-t-on cette espèce d’abandon au mauvais esprit qui y règne ? Il y contribue sans doute, mais l’on se tromperait étrangement, si l’on présumait que c’est la seule cause à laquelle nous puissions le rapporter. Disons-le franchement c’est que les réunions décadaires ne présentent pas un intérêt qui fixe et attache assez ceux qui s’y rendent. La lecture qu’on y fait du bulletin décadaire et des lois ne peut seule remplir le but que s’est proposé le Gouvernement ; elle exige une attention soutenue de la part de ceux qui l’écoutent, et pour s’en pénétrer, des connaissances au-dessus de celles qu’ont communément de simples cultivateurs.

N’attendez pas, Citoyens administrateurs, que cet état de choses change, tant qu’on ne trouvera pas dans les fêtes civiques l’agréable joint à l’utile et le plaisir à côté de l’instruction. L’homme est avide de connaissances ; il est non moins avide de plaisirs, et rarement, on les lui voit sacrifier au besoin qu’il a de s’instruire. L’on peut assurer d’avance qu’il préférera toujours ce qui flatte ses sens à tout ce qui ne tend qu’à la culture de son esprit et de son cœur. Eh bien ! emparez-vous de cette disposition presque générale dans les individus, sachez la mettre à profit ; elle peut tourner encore au profit de l’esprit public et la musique seule peut produire cet effet. La puissance de cet art favori des cœurs sensibles est connue depuis longtemps, et, quand nous ne saurions point tout ce que nous raconte l’histoire, les conquêtes de la liberté l’attesteraient assez. C’est en partie à l’enthousiasme qu’elle excite dans l’âme de nos guerriers que nous devons cette multitude de victoires qui ont étonné l’Europe, ébranlé le trône des rois, immortalisé le nom français. Ah ! elle a pu doubler le courage des soldats de la liberté, augmenter leur audace, les rendre gais et joyeux en présence de la mort même, pourquoi ne pourrait-elle pas, à l’intérieur, rallier à la patrie des cœurs qui ne l’ont peut-être connue que pour la haïr ! Ce prodige est-il plus surprenant que tous ceux dont nous avons été les témoins ? Non, sans doute ; et c’est ce qui nous permet de l’espérer.

N’éloignez donc pas davantage, Citoyens administrateurs, l’époque de l’organisation d’un établissement qui peut être utile, puisqu’il ne dépend que de vous de le créer. Que par vos soins, les fêtes nationales présentent toute cette pompe et cette majesté qui imposent, cet attrait qui subjugue. C’est là le vœu de la loi, celui de tous les républicains ; votre patriotisme nous atteste qu’il sera rempli.

Salut et fraternité.

M. A. Rochefort, Rabany, Barrès,
F. André, Giriat.


VI

PROGRAMME POUR LES EXERCICES LITTÉRAIRES QUI DOIVENT TERMINER LE COURS DE L’AN VII DE L’ÉCOLE CENTRALE


25 thermidor an VII (12 août 1799)


Examen public.

Article premier. — En exécution de l’art. 12 du règlement de l’École centrale, et de conformité à la lettre du Ministre de l’Intérieur du 10 germinaL dernier, tous les élèves de l’École seront examinés sur les matières traitées, pendant l’an VII, dans leurs cours respectifs.

Art. 2. — L’examen sera fait par les membres du Jury d’instruction publique, l’Administration centrale ou un commissaire nommé par elle et par les professeurs réunis.

Art. 3. — Il sera fait d’après les programmes particuliers rédigés par chaque professeur. Le cours de dessin sera examiné par voie de concours et d’après les compositions de chaque élève. Le cours de belles-lettres composera aussi. L’Administration centrale est invitée à déterminer de suite le sujet de la composition, à en fixer le jour et à nommer un commissaire pour y assister et prévenir toute fraude.

Art. 4. — Il sera dressé procès-verbal de l’examen de chaque cours et du dépouillement des diverses compositions. Ce procès-verbal sera rendu public dans la distribution solennelle des prix.

Art. 5. — Après l’examen de chaque cours, l’Administration centrale ou son commissaire, les membres du Jury et les professeurs détermineront, à la majorité des voix, ceux des élèves à qui leurs talents, leurs études, leur assiduité et leur conduite méritent des encouragements et des prix.

Art. 6. — Les cours, divisés en plusieurs sections, recevront un prix pour chacune, avec un accessit. Ceux qui n’ont qu’une section auront un premier, un second prix et deux accessits.

Art. 7. — Les examens commenceront, le 8 fructidor au matin, et seront continués les jours suivants. Le 14, l’exposition des sujets traités par les élèves du cours de dessin aura lieu, pour être prononcé par le Jury, sur le plus grand mérite des diverses productions. Après le prononcé du Jury, l’exposition deviendra publique et durera le 15, tout le jour.


Distribution des prix.

Art. 8. — Le 15 fructidor, jour fixé par le règlement pour la clôture de l’École, l’Administration centrale fera la distribution solennelle des prix aux élèves à qui le jury d’examen les aura décernés.

Art. 9. — Toutes les autorités constituées, tant civiles que militaires, seront invitées à cette cérémonie, ainsi que les pères et mères de famille.

Art. 10. — La réunion des autorités se fera dans la maison de l’Administration centrale, à trois heures du soir. De là, le cortège, précédé de l’Institut de Musique, se rendra au temple décadaire désigné pour la cérémonie.

Art. 11. — Dans le centre du cortège, seront portés les prix de distribution avec les branches de laurier et les rubans tricolores destinés aux vainqueurs.

Art. 12. — Le temple sera décoré, orné d’inscriptions rappelant l’influence des récompenses nationales sur l’instruction et les mœurs et paré, dans toute son étendue, de guirlandes de feuillage.

Art. 13. — Sur la pyramide triomphale consacrée aux arts et aux sciences sera placé un grand cartouche avec cette inscription Quid leges vana proficient sine meritum, à quoi serviraient les lois sans l’instruction et les mœurs ? Derrière le cartouche seront inscrits, en gros caractères, les noms de tous les élèves ayant mérité des encouragements ou des prix. Cette inscription restera exposée au public jusqu’à la rentrée des écoles.

Art. 14. — L’Institut de musique ouvrira la séance par l’invocation à la Liberté et une symphonie de Pleyel. Alors, un des professeurs rendra compte de l’ordre de l’enseignement et des travaux de l’École.

Art. 15 — L’Administration centrale, sur la réquisition de son commissaire et après un discours de son président, fera faire l’appel nominal des divers élèves à qui le Jury d’examen aura décerné des encouragements et des prix.

Art. 16. — L’appel de chaque cours sera précédé d’une esquisse légère sur les matières traitées pendant l’an VII et sur le résultat de l’examen.

Art. 17. — Chaque élève appelé recevra du président, avec le prix ou le titre d’encouragement, l’accolade fraternelle, une branche de laurier et un ruban tricolore. La musique accompagnera cette distribution.

Art. 18. — Les élèves récompensés seront placés honorablement au milieu des fonctionnaires publics. Une promenade civique terminera la cérémonie.



Palmarès de l’an VII.


Cours de dessin
Professeur : le citoyen Giriat.


Ce cours ayant été suivi par un très grand nombre d’élèves de différents âges et de diverses aptitudes, il a été indispensable de le diviser en plusieurs sections.

Dans la première section, qui a été celle des objets dessinés d’après nature, le citoyen Schisler mérite le premier prix. Il recevra le Cours d’histoire naturelle, 9 vol. avec figures.

Le citoyen Giraud[38] en a le plus approché. Il recevra la Marine militaire ou Recueil de différents bâtiments, in-4o.

Le citoyen Richard mérite la mention la plus honorable.

Dans la deuxième section, qui a été celle du paysage et des animaux, le citoyen Roche, des Estables, canton de Fay, a mérité le premier prix (Lettres sur la mythologie, 4 vol. in-8o avec figures).

Le deuxième prix (Éléments de mythologie, in-12 avec figures), au citoyen Champavert, de Sainte-Agrève.

Mentions très honorables aux citoyens Richond et Filliol. Le professeur voulant récompenser particulièrement le citoyen Richond de son assiduité et de son zèle, lui offre un tableau de sa composition représentant un officier de dragons.

Dans la troisième section, celle des académies, le citoyen Robert a mérité le premier prix (La découverte de l’Amérique, 3 vol. in-12 avec cartes). Le deuxième prix (Les fables d’Ésope, in-12 avec figures) est décerné au citoyen Brenas.

Mention honorable aux citoyens Senac et Soulier.

Quatrième section. — Têtes et principes, premier prix (Les Histoires fabuleuses, 2 vol. in-12), à l’élève Vachier ; deuxième prix (Les Fables de La Fontaine, in-12 avec fig.), à l’élève Paris.

Mentions honorables aux citoyens Granet et Beaurepaire.


Cours de langues anciennes
Professeur : le citoyen Robert.

Le citoyen Rabany, professeur de législation, a partagé, quelque temps, les travaux du citoyen Robert.

Ce cours a été examiné sur les principes et a composé en thème et en version, Première section. — Prix de thème (Les Commentaires de César, latin-français, 2 vol. in-12), au citoyen Vacheron premier.

Prix de version (Histoire des auteurs profanes, latin-français, 2 vol. in-12), au citoyen Faure premier.

Deuxième section. — Les citoyens Bresson et Sanial ont mérité les prix.

Accessits aux citoyens Artien, Vacheron deuxième, Dagier, Souchon. Mention honorable aux citoyens O’Farrell, Richond, Balme, Filliol, Thomas premier, Pagès premier et Pagès deuxième.


Cours de mathématiques
Professeur : le citoyen Rochefort.

Première section. — Premier prix (Récréations mathématiques et physiques, 4 vol. in-8 avec fig.), au citoyen Nirandes ; deuxième prix (La Physique mise à la portée de tout le monde, 2 vol. in-8 avec fig.), au citoyen Richard. Mention honorable au citoyen Granet.

Deuxième section. — Premier prix (Principes de physique, par Brisson, 2 vol. in-8 avec fig.), au citoyen Jules Bertrand ; deuxième prix (Éléments d’arithmétique et d’algèbre, 1 vol. in-8o avec fig.) au citoyen Faure premier. Mentions honorables aux citoyens Richond, Pagès, Montagne et Parrel.


Cours de grammaire générale
Professeur : le citoyen André.

Première section. — Premier prix (Cours d’étude de Condillac, 8 vol. in-16), au citoyen Giraud (Silvain) ; deuxième prix (Vies des enfants célèbres, par Fréville, 2 vol. in-12 avec fig.), au citoyen Schisler.

Deuxième section. — Premier prix (Dictionnaire de la langue française, par Gallet, 2 vol. in-8) au citoyen Mouton. Deuxième prix, partagé entre les citoyens Sanial et Robert. Mention honorable au citoyen Thomas.


Cours d’histoire
Professeur : le citoyen Bagès.

Premier prix (Les Études de la nature, par Bernardin de Saint-Pierre, 10 vol. avec fig.) au citoyen Augustin Pagès-Montagne.

Deuxième prix (Annales de la vertu, 1 vol. in-12) au citoyen Vacheron.

Premier accessit (Aventures de Télémaque) au citoyen Roussel.

Deuxième accessit (Le paradis perdu de Milton) au citoyen Faure, deuxième. Mention honorable aux citoyens Hilaire et Aulagnier.


Cours de belles-lettres
Professeur : le citoyen Barrès.

Les élèves ont composé sur cette question donnée par l’administration centrale : à quoi serviraient les lois sans les mœurs ? quid leges sine moribus vana proficient ?

Premier prix (Fables de La Fontaine, 4 vol. in-8, édition Didot, avec fig. enluminées), à l’élève Eugène Besqueut [39].

Deuxième prix, partagé entre les citoyens Florimond Besqueut et Henri Marthory.

Premier accessit (Voyage en Auvergne, par Legrand d’Aussy, 1 vol. in-8 avec fig.) au citoyen Sahuc.

Deuxième accessit (Œuvres poétiques de Thomas, 1 vol. in-12) au citoyen Arnaud.

Avant la distribution des prix pour le cours de belles-lettres, le professeur donne lecture du discours qui, dans la composition, a été jugé le meilleur.

Ce discours est accueilli par d’unanimes applaudissements.

Les élèves récompensés sont placés sur les degrés de la pyramide triomphale ; un d’eux, le citoyen Jules Bertrand, ayant mérité le second prix de mathématiques, entonne la strophe Nous entrerons dans la carrière. La musique y répond par des accords harmonieux, puis la séance est levée au chant de la strophe : Amour sacré de la patrie, au milieu des acclamations générales et en laissant l’idée que cette cérémonie ne sera perdue ni pour l’instruction, ni pour les mœurs. Les élèves ayant reçu des prix sont placés au milieu des fonctionnaires publics et promenés avec pompe dans les principales rues de la commune, où ils recueillent à chaque pas des témoignages d’intérêt et de satisfaction.

La musique les conduit au spectacle, où des places leur étaient réservées, au milieu des professeurs et des principales autorités.


VII

TABLEAU DES NOMS ET DEMEURES DES CHEFS DES ATELIERS ET FABRIQUES EXISTANT DANS LA COMMUNE DU PUY, EN L’AN VII (1799) ET VISITÉS PAR LES ÉLÈVES DE L’ÉCOLE CENTRALE


NOMS ET PRÉNOMS DE CES CITOYENS LIEUX DE LEUR HABITATION
1o L’Hospice national, fabrique d’étoffes, rue de l’Hôpital.
2o Raisin, fabricant de draps, faubourg du Breuil.
3o Toussaint-Dubois, fondeur, rue et porte Gilles.
4o Dubois-Robert, id., place du Breuil.
5o Baudier, armurier, rue Jacques.
6o Urbe, fabricant d’épingles, rue des Tables.
7o Clet, imprimeur, rue du Collège.
8o Crespy, id., id.
9o Lacombe, id., place de la Liberté.
10o Dulac, potier d’étain, rue Raphael.
11o Badon, brasseur, faubourg Barthélémy.
12o Senac, fabricant de bas, rue Gilles.
13o Armand, fabricant de chandelles, place des Tables.
14o Viallat, fabricant d’amidon, faubourg Barthélémy.
15o Bergounhoux, fabricant de chandelles, faubourg Jacques.
16o Dessaignes, tanneur, place de la Liberté.
17o Assézat Ier, id., faubourg Barthélémy.
18o Vigouroux, sellier, place du Breuil.
19o Limouzin, id., rue Porte-Aiguière.
20o Lavialle, horloger, place du Breuil.
21o Reynaud, id., rue Gilles.
22o Thomas, id., rue Meymard.



VIII

BIOGRAPHIE DES PROFESSEURS


Barrès (Pierre), né à Blesle le 27 septembre 1766, était diacre lors de Révolution. Il quitta alors l’habit ecclésiastique et fut élu professeur de l'École centrale. L’installation de cet établissement, la nomination des professeurs choisis presque tous parmi ses compatriotes dans le personnel de l’ancien collège de Brioude, l’impulsion heureuse imprimée à l’institution naissante sont dues, pour une large part, à l’intelligence et au mérite de l’abbé Barrès.

Dès la création des préfectures, il devint secrétaire général de celle de la Haute-Loire, emploi qu’il occupa avec une haute distinction pendant seize ans.

En 1812, il fut délégué à Paris pour soutenir les droits de la ville à un lycée. En 1816, il fut envoyé à Lyon, pour défendre auprès des autorités autrichiennes les intérêts du département.

Au retour de cette dernière mission, il se retira au grand séminaire de Bordeaux, fut ordonné prêtre, devint successivement professeur à la Faculté de théologie, grand vicaire des archevêques d’Aviau, de Chéverus et Donnet. Il est mort à Bordeaux en 1838.

Le père de l’abbé Barrès, médecin de mérite, a publié : Description topographique du ci-devant canton de Blesle, arrondissement de Brioude. Au Puy, J.-B. Lacombe, an XI, 46 p. in-8.


Pissis (Pierre-Joseph), D.-M.-M., était né à Brioude en 1771. Son père, médecin distingué lui-même, inspecteur du bureau des sources minérales de l’Auvergne, le destina à lui succéder.

À la dissolution des Écoles centrales, il revint à Brioude exercer la médecine.

Il mourut à Blesle, en février 1811, des fatigues qu’il éprouva en allant voir un malade.

Il a publié :

Manuel d’hygiène, par P.-J. Pissis, médecin, professeur de chimie à l’École centrale du département de la Haute-Loire. Au Puy, chez J.-A. Crespy et Guillaume, an XI (1803) in-8.

Le volume est terminé par le Discours du philosophe Phavorin, tendant à engager une dame illustre à nourrir elle-même ses enfants, traduit du latin d’Aulu-Gelle (Nuits attiques, liv. XII, ch. I).

Pissis a laissé plusieurs manuscrits pleins d’intérêt, dont l’un, qui se trouve entre les mains de M. Francisque Mandet, est relatif à la manière de rétablir les vins altérés et contient des observations fort bien faites et fort utiles aux pays vignobles de ce département.

Voy. Richond des Brus, Notice biographique sur les médecins de la Haute-Loire. Annales de la Société académique du Puy, 1832-33, p. 122.


Mottet (Pierre-Antoine), né à Brioude en 1748, était engagé dans les ordres, lorsqu’éclata la Révolution dont il embrassa le parti. Il prêta le serment à la constitution et fut vicaire épiscopal de l’évêque de la Haute-Loire. Après le Concordat, il devint curé d’Armaux, département de l’Yonne, où il mourut au printemps de 1824, âgé de soixante-seize ans.

Il publia en janvier 1792 : Les Veillées villageoises ou tableau de la Révolution de France, pour servir d’instruction au peuple, par un citoyen du département de la Haute-Loire. Au Puy, de l’imprimerie de Crespy et Guilhaume s. d., in-12 de 100 pages.

Plusieurs de ses leçons à l’École centrale furent consacrées à la vulgarisation de la science apicole. Il avait réuni cet enseignement dans un petit traité intitulé Éducation des abeilles qui, malheureusement, est resté manuscrit et n’est pas parvenu jusqu’à nous.


Bagès (Pierre), né également à Brioude, appartenait au clergé et avait professé au collège de sa ville natale. Il dirigea plus tard cet établissement pendant deux ans (1805-1806) et mourut au Puy en 1826.


Rochefort (Marie), originaire du Puy-de-Dôme, avait appartenu à la congrégation des Sacramentaires et occupé, en cette qualité, une chaire du collège de Brioude. Il mourut curé de Sauxillanges, en Auvergne, assassiné dans son presbytère, par un aliéné.


Claude Rabany-Vigier, frère du littérateur Rabany-Beauregard, était aussi un enfant de Brioude. Ancien moine bénédictin, il était alors dans toute la maturité de l’esprit. Il est mort à Brioude, vers 1850.


Pierre Giriat, né à Bourg-en-Bresse, ancien élève de l’Académie de peinture et de sculpture de Paris, avait d’abord professé le dessin aux officiers du régiment de la Reine-Dragons, de 1776 à 1780, puis à ceux du deuxième régiment des chasseurs des Pyrénées, de 1780 à 1788. À cette époque, il obtint son congé, avec des certificats de l’état-major de son corps attestant sa capacité, et vint se fixer au Puy. Sous les auspices de Mgr  de Galard et des consuls, il établit, dans cette ville, une école de dessin, dans un des locaux de l’Hôtel-de-Ville, où il dirigea son cours jusqu’à son entrée à l’École centrale.


Jamon (François-Dominique), né à Montfaucon-du-Velay, le 20 avril 1742, joua un rôle actif, lors de la Révolution, dans sa ville natale, où il fut successivement directeur de l’atelier de salpêtre et commissaire du Pouvoir exécutif près l’administration municipale. Il occupa cet emploi jusqu’à son entrée à l’École centrale.

Son frère, Jean-Baptiste, fut l’un des sept députés de la Haute-Loire à l’Assemblée Législative.


Quant à MM. André et Robert, nous n’avons pu nous procurer sur eux aucun détail biographique. Nous avons dit plus haut que le premier était né au Puy.


IX

BUDGET DE L’AN VIII


(Extrait du registre des délibérations du conseil général de la Haute-Loire, du 1er thermidor, an VIII.)


INSTRUCTION PUBLIQUE


Les dépenses à la charge du département sont celles de l’École centrale établie au Puy.

Traitement de neuf professeurs et d’un bibliothécaire à raison de 2,000 fr. 
20,000 »
Pension de vingt élèves admis provisoirement à en jouir, dans le pensionnat de l’École, à 300 fr. chacun 
6,000 »
Gages et salaires des concierges, garçons de salle, jardinier du jardin botanique, etc. 
3,100 »
Frais d’entretien et réparation de la maison 
2,000 »
Entretien des instruments de physique et laboratoire de chimie 
1,500 »
Entretien du jardin botanique 
1,800 »
Entretien de la bibliothèque, des gravures et objets servant à la classe du dessin 
1,500 »
Distribution des prix 
600 »
Menues dépenses de l’École 
600 »
Total 
37,100 »

(Ces dépenses avaient été réglées pour l’an VII à 48,500 fr., à raison des frais de premier établissement.)

Les cours d’histoire naturelle et de chimie ne sont pas encore organisés, mais le Préfet s’en occupe, ainsi que de faire placer dans le pensionnat les vingt élèves gratuits reçus par la loi du 3 brumaire.

Il existe près de l’École centrale une Société libre d’agriculture établie par ordre du Gouvernement. Cette Société a besoin de quelques fonds, tant pour les impressions des ouvrages de ses membres que pour les abonnements aux journaux d’agriculture. On pourrait l’arbitrer de 12 à 1,500 fr. Le conseil voudra bien prendre cet objet en considération.

(Le chiffre des dépenses afférentes à l’École centrale ne s’éleva en l’an XI qu’à 26,800 fr.)


X

CRÉATION DE LA SOCIÉTÉ LIBRE D’AGRICULTURE


14 ventôse an IV

L’Administration centrale,

Considérant que l’agriculture étant la vraie base de la prospérité publique et particulière, on ne peut, sans une vive affliction, la voir dans une sorte d’enfance dans ce département, où le plus grand nombre des agriculteurs est conduit par une routine aveugle ;

Que ces mêmes cultivateurs sont bien éloignés de penser qu’il existe des principes, des découvertes, des procédés dont une connaissance approfondie quadruplerait peut-être leurs productions, ainsi que la puissance, la force et la richesse de la République ;

Que la nécessité de tourner aujourd’hui les esprits vers les divers objets de l’économie rurale est généralement sentie ;

Que l’instruction et les encouragements sont les plus sûrs moyens pour élever l’agriculture au plus haut degré de perfection et de prospérité ; Qu’en conséquence, il est essentiel de placer dans chaque canton, dans chaque commune, dans chaque hameau, s’il est possible, un homme intelligent, ami de l’agriculture, patient et capable d’inspirer de la confiance à tout ce qui l’environne, pour y faire des expériences et s’associer à des laboureurs, qu’il mettra en état de juger par eux-mêmes des résultats :

Que, par ce moyen, sans efforts pour convaincre les cultivateurs, sans encouragements même, on les verra adopter des méthodes nouvelles qui auront eu des succès et dont ils se croiront les inventeurs parce qu’ils auront coopéré aux essais qu’on en aura faits ;

Considérant que, pour l’exécution de ses moyens, il s’agit de former, sous les auspices du Gouvernement et, sous la direction du Ministre de l’Intérieur, une Société libre d’agriculture ;

Qu’à cet effet l’Administration a eu des conférences avec les professeurs de l’École centrale et qu’elle a d’ailleurs demandé et recueilli des renseignements sur les citoyens qu’elle est obligée de nommer pour créer la Société,


Arrête :

Article premier. — Il y aura une Société libre d’agriculture, dans le chef-lieu du département ; elle tiendra ses séances dans la salle littéraire de l’École centrale.

Art. 2. — La première séance aura lieu le 30 floréal prochain.

Art. 3. — Toutes les autorités civiles et militaires du chef-lieu du département seront invitées à l’inauguration de la Société, qui se fera par l’Administration centrale, ledit jour, 30 floréal, à dix heures du matin.

Art. 4. — La Société ne pourra s’occuper que des objets tenant directement à la restauration et à l’amélioration de l’agriculture.

Art. 5. — Les membres nommés par l’Administration centrale sont les citoyens professeurs et bibliothécaire de l’École centrale, les membres du Jury de l’instruction centrale, Arnaud, médecin ; Bertrand-Morel, commissaire du Directoire exécutif près le canton rural du Puy ; Chabalier, négociant ; Bonnet-Villefort, père, propriétaire ; O’Farrell, ingénieur ; Schisler, secrétaire de l’administration municipale du Puy ; Charles Tallogros, propriétaire ; Liogier de Roche, juge de paix ; Mauras, père, de Champclause, propriétaire ; Mauras, fils, de Saint-Julien, notaire public ; Vernet, de Saugues ; Delaigue, secrétaire de l’Administration municipale à Craponne ; Vauzelle, fils ; Gueyffier Talleyrat, propriétaire à Brioude ; Barrès, père, de Blesle ; Dalbine, d’Auzon ; Marie-Vachier, propriétaire, commissaire du Directoire exécutif pour le canton de la Chaise-Dieu ; Tuja, propriétaire, commissaire du Directoire exécutif, à Langeac ; Celle-Dubia, propriétaire à Saint-Didier ; Coffy, de Monistrol ; Fusil-Laplanche, de Grazac ; Dussuc, de Tence.

Art. 6. — Tous les sus-nommés seront invités par l’Administration centrale, à se rendre ledit jour, 30 floréal, dans la commune du Puy, pour se former en société, rédiger un règlement et nommer des membres, pour compléter le nombre des sociétaires.

Ce nombre ne pourra excéder, quant à présent, celui de cent.

Art. 8. — L’un et l’autre seront envoyés aux administrations municipales et, par leur intermédiaire, aux agents des communes, pour y être publiés, lus et affichés en la forme ordinaire, etc.


XI

VŒU DU CONSEIL GÉNÉRAL POUR LE RÉTABLISSEMENT DES ANCIENS COLLÈGES


20 germinal an IX (18 avril 1801).


Le Conseil général, convaincu qu’une seule École centrale dans le département ne peut remplir les vues salutaires du Gouvernement, sur l’instruction publique, en ce qu’elle offre aux élèves une double difficulté, par la trop grande élévation des objets de l’enseignement et par son isolement qui la sépare trop du plus grand nombre, renouvelle le vœu au Gouvernement de rapprocher des élèves les moyens d’instruction en rétablissant les anciens collèges et pour cela le Conseil propose :

1o La suppression de l’École centrale ;

2o Le rétablissement des anciens collèges du Puy et de Brioude et l’établissement d’un nouveau collège à Monistrol : on y enseignera dans les langues française et latine, les éléments de mathématiques et les belles-lettres. Le collège du Puy, comme plus important, aura, en outre, des professeurs d’histoire et de géographie, de logique et physique, de morale et un maître d’armes.

Le traitement de chaque professeur devra être, dans le collège du Puy, de 1,000 à 1,500 fr. et, dans les autres, de 800 à 1,200 fr. proportionnellement à l’importance des cours.

Dans chaque collège, les professeurs seront sous la direction d’un principal chargé de veiller sur leur conduite et de rendre compte de leur talent et de leur zèle.

Leur choix sera confié à un jury éclairé et impartial nommé par le Préfet, d’après les instructions données par le Conseil général du département, et, pour préparer le succès qu’on doit attendre des établissements proposés, il sera établi, dans chaque chef-lieu de nouvelles justices de paix, un ou plusieurs instituteurs primaires avec un traitement de 4 à 500 fr., sans aucune rétribution de la part des élèves nommés par les Conseils généraux des communes et confirmés par le sous-préfet de l’arrondissement.

Le Conseil général se voit d’autant plus fondé à proposer ses vues au Gouvernement et à l’inviter de les remplir, qu’il a pris, sur les établissements publics destinés à l’instruction et qui existaient avant la Révolution, des renseignements précis et étendus qu’il croit utile de lui transmettre :

1o L’arrondissement du Puy avait trois établissements de cette espèce : le Séminaire dirigé par les Sulpiciens, le Collège par des prêtres séculiers et l’école des frères des Écoles Chrétiennes, communément appelés ignorantius.

Le collège de Brioude était gouverné par des congrégationnaires (sic) dits du Saint-Sacrement, affiliés à Valence ;

2o Le Séminaire du Puy réservé à la philosophie, avait neuf professeurs sous un principal et un sous-principal. Les frères des écoles se bornaient aux premiers éléments de la lecture, de l’écriture, de l’arithmétique et de la religion. Le collège de Brioude avait sept professeurs, un principal et un économe. Les deux collèges avaient des pensionnaires et des externes ; celui du Puy, cent internes et trois cent cinquante à quatre cents externes ; celui de Brioude, quarante pensionnaires et cent cinquante à deux cents externes ;

3o On enseignait dans les deux collèges, les langues latine et française, la poésie latine, la logique et la physique. Dans celui du Puy, il y avait, en outre, pour les pensionnaires, des cours d’histoire, de mathématiques, de botanique, d’histoire naturelle, non compris les arts d’agrément suivant les désirs, mais aux frais des pensionnaires ;

4o Le collège du Puy jouissait d’un revenu d’environ 40,000 fr. provenant de biens fonds laissés par les Jésuites ou de dimes, censives et redevances perçues dans diverses communes. Les étudiants ne donnaient rien à l’entrée. Celui de Brioude avait un revenu de 6,850 fr. provenant de diverses propriétés, rentes, Prébendes du Chapitre, dimes et d’une somme de 10 fr. versée par chaque élève à son entrée ;

5o Les bâtiments de ces deux collèges subsistent en bon état. Le pensionnat n’exigerait, dans celui du Puy, que le rétablissement des lits qui ont été employés au service militaire ; mais les biens fonds de l’un et de l’autre ont été vendus, les censives, dimes et revenus supprimés.

Tous les anciens professeurs du collège du Puy vivent encore ou dans la commune ou dans les environs, excepté le principal, retiré dans sa famille à Arras. Les autres, à un près, s’occupent, dans diverses communes du département, à des enseignements particuliers, et le conseil se plait à rendre à tous le témoignage que leur conduite a toujours été celle des hommes paisibles et vertueux.

Parmi les professeurs du collège de Brioude, le supérieur s’étant retiré sur ses foyers à Issoire, il en reste trois qui professent différents cours à l’École centrale.

Les conseils d’arrondissement ne craignent pas d’assurer que ces citoyens se rendraient avec empressement à leurs places, s’ils y étaient appelés ;

7o Le Conseil général renouvelle ici que les vœux émis sont fondés sur l’intime persuasion où il est, que le mode actuel d’instruction prépare ou annonce une décadence effrayante pour la science qui peut s’éloigner et s’effacer même et que par le nouveau mode proposé, les pères de famille verront leurs enfants sous l’influence des lumières, du zèle et de la moralité ;

8o Pour réaliser ce plan, on demande, après le rappel des anciens professeurs et le choix éclairé qu’on fera pour remplacer ceux qui manqueront, l’application des sommes actuellement destinées à l’École centrale, des fonds suffisants pour remplacer ceux qui ont été perdus par le collège existant à Brioude et celui qu’on propose à Monistrol.

Tels sont les vœux ardents et précis que le Conseil émet et invite le Gouvernement à adopter avec l’espoir fondé que toutes les dépenses d’instruction publique seront jugées par lui devoir être à sa charge.


XII

OBSERVATIONS ET MOTIFS POUR L’ÉTABLISSEMENT D’UN LYCÉE, EN LA VILLE DU PUY, CHEF-LIEU DU DÉPARTEMENT


24 fructidor, an X (11 septembre 1802)


Le Gouvernement organise les lycées. La loi du 11 floréal qui les a créés, porte qu’il en sera établi au moins un par arrondissement de tribunal d’appel. La ville du Puy, chef-lieu du département de la Haute-Loire, comprise dans l’arrondissement du tribunal de Riom, réclame avec confiance un de ces établissements. Voici ses titres :

1o Elle est la plus centrale et la seule ville considérable de toute la chaine des montagnes qui forment les départements de l’Ardèche, de la Lozère, du Cantal et de la Loire.

Cette centralité est prouvée par l’éloignement presque égal où le Puy se trouve des villes de Privat, Mende, Saint-Flour et Montbrison, chefs-lieux de ces divers départements des montagnes, par la déclinaison des eaux et la direction des principales rivières qui, presque toutes, coulent dans les vallons du Puy ou à des distances très rapprochées, par la chute même des montagnes dont les divers prolongements viennent s’effacer en quelque sorte dans les deux grands bassins de la Loire et de l’Allier, qui tous deux ceignent et entourent la ville du Puy.

Elle est la seule ville considérable, de 15 à 16,000 âmes, ce qui lui donne une supériorité de deux tiers sur les villes principales qui l’environnent :

Par son commerce, en cuirs, mulets, légumes et surtout en dentelles, commerce presque exclusif qui occupe, dans l’arrondissement dont le Puy est le centre, plus de cent mille ouvrières, qui versait autrefois dans le commerce dix à douze millions et à qui le zèle et les travaux des fabricants cherchent à rendre aujourd’hui tout son ancien éclat.

Par ses établissements, réunissant autrefois un évêché célèbre, un collège nombreux, un séminaire magnifique, plusieurs grands hôpitaux, un grand nombre de collégiales, paroisses, communautés religieuses, ayant des États particuliers, un présidial, une sénéchaussée, une prévôté et un commandement militaire spécial, ayant toujours été regardée comme la quatrième ville de l’ancien Languedoc.

Or, cette chaine de montagnes dont la ville du Puy est le centre, indépendamment des droits qui lui sont propres avec les autres contrées, a encore des droits particuliers à réclamer l’établissement d’un lycée.

Elle a des droits communs :

Par la population qu’on peut arbitrer à neuf cent mille, en ne prenant que la partie desdits départements situés dans les montagnes, ce qui la met en proportion avec la population de la France entière, calculée sur vingt-neuf tribunaux d’appel, en supposant encore que le nombre des lycées n’excède pas le nombre des tribunaux. Par son étendue qui, calculée sur la carte, est à peu près de 900 lieues carrées et qui comparée avec celle de tous les départements composant les vingt-neuf tribunaux d’appel, est encore en correspondance avec la surface de la France entière.

Elle a des droits particuliers à l’établissement d’un lycée :

1o Par sa position géographique. Les points du centre sont à une distance de 30 lieues de Clermont, de 28 de Lyon, de 35 de Nimes, seules villes voisines qui peuvent ambitionner et espérer cet établissement ; éloigner jusque-là les moyens d’instruction, c’est en rendre l’usage illusoire ;

2o Par le caractère propre et natif de ses habitudes, de ses mœurs, de ses usages : on trouve dans toutes ces montagnes, même idiome, même costume, même manière de vivre, mêmes rapports de religion, de commerce, d’échange

Séparer, ces contrées pour les envoyer à des lycées différents, ce serait diviser ce que la nature a réuni et contrarier des habitudes, peut-être essentielles au bien-être de ceux qui les habitent.

3o Par un besoin plus grand d’instruction ; parce que l’éloignement des grandes villes et la difficulté des communications y ont nécessairement retardé la culture des lettres et que l’âpreté du climat n’a pas peu contribué à y maintenir des mœurs plus agrestes ;

4o Par l’intérêt qu’a le Gouvernement de cultiver, de favoriser des dispositions aux sciences qui sont plus naturelles, plus répandues peut-être qu’ailleurs et qui ne demandent que des mains habiles et des secours moins onéreux pour paraître avec avantage. La nature eût-elle été aussi avare dans le moral envers les peuples de nos montagnes qu’elle l’a été dans le physique, ce ne serait qu’un motif de plus de créer au milieu d’eux et dans les villes principales de plus grands encouragements ; mais qu’on consulte l’Histoire littéraire des départements méridionaux et plus récemment encore le succès de quelques écoles centrales, on retrouvera partout un germe fécond et abondant qui n’a besoin que de moyens de développement et de culture ;

5o Par les ressources mêmes que le sol de ces montagnes, celui en particulier de la Haute-Loire, offrent à tous ceux qui cherchent à s’instruire. Les sites les plus pittoresques, des volcans éteints, d’autres presque fumant encore, les richesses géologiques les plus abondantes, les plantes les plus rares y arrêtent à chaque instant le curieux, le voyageur, le savant. On peut s’en convaincre en lisant les livres de MM. de Soulavie, de Legrand d’Aussy, de M. Faujas de Saint-Fond et plus récemment les relations de Dolomieu et de plusieurs de ses élèves.

Un lycée étant indispensable au milieu de ces montagnes, concluons que le siège en appartient de droit à la ville du Puy qui est le centre et la ville la plus considérable.

L’air qu’on respire dans la ville du Puy est pur et salubre, la climature tempérée et agréable, les eaux saines et abondantes, le territoire fertile et bien ombré, les grains d’une qualité supérieure, les légumes et les fruits d’une bonté qui les fait rechercher au loin.

Avantages précieux pour un grand établissement d’instruction publique où le développement des facultés physiques doit être suivi avec autant de soin que celui des facultés intellectuelles et morales.

Le collège du Puy, servant aujourd’hui à l’École centrale et qui serait destiné à recevoir le lycée, est un des plus vastes et des plus beaux qu’on puisse affecter à cet établissement.

Établi par des lettres patentes du roi, doté de plusieurs bourses par les États de Languedoc, agrégé à une Université, augmenté d’un personnel nombreux il réunissait autrefois la plus grande partie des élèves des cinq départements de montagne qui doivent concourir aujourd’hui à la formation du lycée.

On peut juger par le plan seul du rez-de-chaussée, annexé à ce mémoire, de l’étendue de ses cours, de la grandeur de ses salles, de la beauté de ses jardins. Une bibliothèque nombreuse, bien choisie, est placée dans un vaste local réparé à neuf. Un superbe dortoir, un cabinet d’histoire naturelle, un museum de tableaux, un jardin botanique avec de belles serres, des appartements nombreux et bien distribués complètent ce magnifique édifice, de tout temps consacré à l’instruction publique, plus que jamais réclamé par elle et qui, affecté à un lycée, peut seul dédommager cette cité de la perte de son évêché, de son séminaire, de ses chapitres et d’une foule d’autres moyens de splendeur que la Révolution lui a enlevés.


XIII

PROCÈS-VERBAL DE LA VISITE DES ÉCOLES SECONDAIRES


30 frimaire an XII


Le 30 frimaire an XII de la République française, nous, préfet du département de la Haute-Loire, accompagné du citoyen Sigaud-Lestang, conseiller de préfecture et du citoyen Barrès, secrétaire général, pour nous conformer aux dispositions de l’arrêté du Gouvernement, du 19 vendémiaire dernier, qui ordonne qu’il sera fait, dans chaque arrondissement de sous-préfecture, la visite des écoles secondaires et maisons d’éducation qui y sont établies, nous nous sommes rendus : 1o à la maison, dite de Saint-Maurice, où est placée l’école secondaire établie sous la direction du citoyen Pomier, suivant l’arrêté du Gouvernement du 18 pluviôse an XI ; nous avons été reçus dans cette école par les divers professeurs réunis ; après leur avoir annoncé l’objet de notre visite, nous avons invité le citoyen Pomier, directeur, à nous conduire dans chacune des classes qui composent son école, à l’effet d’y voir les élèves, de les interroger sur les parties de l’enseignement qui leur sont données ; et de suite nous avons été introduits dans la classe de mathématiques et de géographie confiée au citoyen Million, ancien professeur de divers collèges ; nous l’avons trouvée composée de vingt élèves, auxquels diverses questions ont été faites sur les sciences qui leur sont enseignées et dont les réponses nous ont paru entièrement satisfaisantes sous tous les rapports. Nous nous sommes assurés que les livres élémentaires mis entre les mains des élèves sont les mêmes que ceux indiqués par le Gouvernement pour les écoles secondaires communales. Passant ensuite à la classe des langues française, latine et belles-lettres divisées en six sections, dont les deux premières, sous la direction du citoyen Pomier, directeur, la troisième, quatrième et cinquième sous celle du citoyen Breysse, la sixième sous celle du citoyen Déléage, nous nous sommes également fait représenter les compositions des divers élèves de chacune de ces sections, nous leur avons demandé l’explication des auteurs latins qu’on leur enseigne et nous avons reconnu que leurs études étaient dirigées dans les meilleurs principes et que le succès des élèves répondait parfaitement aux soins des maître. Sur le compte qui nous a été rendu par le directeur, un grand nombre d’élèves se livrent à l’étude du dessin et de la musique ; plusieurs ont fait dans ces deux arts des progrès rapides.

Nous avons ensuite parcouru les divers locaux où est établie cette école ; ils nous ont paru assez convenables, mais néanmoins susceptibles de beaucoup de réparations. Nous avons également remarqué la bonne tenue du réfectoire et des salles de récréation. Le nombre des élèves est de trente-trois internes et de trente-quatre externes. Le directeur nous a annoncé qu’il avait encore plusieurs places retenues.

Les livres usités dans les diverses classes sont les mêmes que ceux désignés dans le règlement des écoles secondaires communales. La différence des auteurs pour les classes de langues ne consiste que dans celle des classes elles-mêmes et de la capacité des divers élèves qui les fréquentent.

L’ordre des exercices que nous nous sommes fait représenter ne diffère pas de celui prescrit aux écoles communales : la discipline est maintenue dans les dortoirs comme dans les salles par la surveillance continuelle des divers maîtres qui s’étend également à tous les exercices.

Une église attenante à la maison est destiné aux exercices religieux des élèves qui sont séparés du public par une enceinte particulière. Tous les renseignements que nous avons pris, tous les rapports qui nous ont été faits et ce que nous avons vu nous font regarder cet établissement comme absolument conforme au vœu du gouvernement, utile au pays et réunissant tout ce qui est nécessaire à la bonne éducation des jeunes gens. Nous en avons témoigné notre satisfaction au directeur et aux professeurs et leur avons donné l’assurance que nous en rendrions compte au Gouvernement.

Cette visite finie, nous sommes sortis de cette école, pour nous rendre à la maison du ci-devant séminaire du Puy, où est établie l’école secondaire dite du Séminaire sous la direction du citoyen Rochefort.

La première classe où nous sommes entrés comprend la première section des langues française, latine et belles-lettres ; elle est confiée au citoyen Avit, ancien professeur au collège du Puy. Sur notre demande, plusieurs élèves ont expliqué divers morceaux des auteurs mis entre leurs mains, Cicéron, Virgile, Quinte-Curce. Passant à la seconde section dirigée par le citoyen Cénat de l’Herm, nous avons remarqué chez les élèves le même fond d’enseignement, dans les explications qu’ils nous ont données, des églogues de Virgile, d’Eutrope et des oraisons de Cicéron qui sont entre leurs mains. La troisième section n’a pas moins fixé notre attention par la manière claire dont les élèves ont traduit divers morceaux du De viris, du Selectæ, de l’Epitome.

Nous avons également remarqué par les réponses qui nous ont été faites que dans chaque section les éléments d’histoire et de géographie étaient enseignés concurremment avec les langues latine et française.

Un maître spécial est exclusivement consacré à l’enseignement de la grammaire française. Nous n’avons pu que rendre justice à la clarté de sa méthode.

Nous avons été ensuite introduits dans la classe de mathématiques dirigée par le citoyen Laurent, ancien professeur à l’École de la Marine à Calais, classe comprenant de nombreux élèves.

Le directeur nous a annoncé que plusieurs élèves prenaient des leçons de dessin et de musique.

Nous avons ensuite parcouru tous les bâtiments affectés à l’école. La belle distribution et la bonne tenue dans laquelle ils se trouvent, nous a vivement satisfaits. L’école compte cinquante élèves internes et vingt-deux externes.

Plusieurs maîtres d’études sont chargés de les surveiller dans les divers exercices, tant intérieurs qu’extérieurs.

Cette maison d’éducation nous a paru mériter, sous tous les rapports, la protection particulière du Gouvernement. L’objet de notre visite étant rempli, nous nous sommes retirés à l’hôtel de la Préfecture, où le secrétaire général a dressé le présent procès-verbal, pour être transmis au conseiller d’État chargé de l’instruction publique, conformément à ses instructions.

Le Préfet de la Haute-Loire,
Lamothe.


XIV

ARRÊTÉ PORTANT SUPPRESSION DE L’ÉCOLE CENTRALE DE LA HAUTE-LOIRE ET ÉTABLISSEMENT D’UN LYCÉE À CLERMONT-FERRAND


Saint-Cloud, le 30 fructidor an XII


Le Gouvernement de la République, sur le rapport du Ministre de l’Intérieur,

Arrête ce qui suit :

Article premier. — Dans le cours de l’an XIII, il sera établi un lycée dans la ville de Clermont-Ferrand.

Ce lycée sera placé dans les bâtiments de l’ancien collège.

Art. 2. — Les écoles centrales du Puy-de-Dôme, de la Corrèze et de la Haute-Loire, seront fermées à dater du 1er frimaire an XIII.

Art. 3. — Les préfets, à la réception du présent arrêté, feront mettre les scellés sur les bibliothèques, cabinets et autres dépôts appartenant aux dites écoles centrales.

Art. 4. — La municipalité de Clermont prendra les mesures convenables pour qu’au 1er brumaire, le lycée soit pourvu conformément à l’état ci-joint, de tout ce qui sera nécessaire pour recevoir cent élèves, le 1er frimaire, et cinquante de plus le 1er pluviôse.

Art. 5. — La commission chargée de l’organisation du lycée de Clermont se rendra dans cette ville, à la fin de vendémiaire.

Art. 6. — La commission fera les dispositions préparatoires, soit pour le local, soit pour l’organisation du lycée. Elle interrogera les professeurs des trois écoles centrales et tous les citoyens qui se présenteront, de quelque département qu’ils soient : elle enverra au Ministre de l’Intérieur son rapport et sa nomination en nombre double, conformément à l’art. 19 de la loi du 11 floréal an X.

Art. 7. — La commission inspectera toutes les écoles des trois départements, qui sont déclarées écoles secondaires, en conséquence de l’arrêté du 4 messidor an X.

Art. 8. — La commission désignera le nombre d’élèves que doit avoir chacun des départements, en conséquence de l’art. 34 de la loi du 11 floréal an 10 et conformément au tableau ci-joint. Elle fera une présentation double et la transmettra au ministre le 15 brumaire, pour que les élèves choisis puissent entrer au lycée le 1er frimaire.

Art. 9. — Le Ministre de l’Intérieur désignera trente élèves du Prytanée, qui seront transférés le 1er frimaire au lycée de Clermont.

Art. 10. — Le proviseur, le censeur et le procureur gérant seront rendus au lycée de Clermont, avant la fin de vendémiaire.

Art. 11. — Le Ministre de l’Intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin des lois.

Le premier Consul,
Signé : BONAPARTE.

Par le premier Consul :

Le Secrétaire d’État,
Signé : Hugues Maret.
Le Ministre de l’Intérieur,
Signé : Chaptal.




Tableau du nombre d’élèves à choisir dans les départements situés près des lycées qui vont être formés.


LYCÉE DÉPARTEMENTS
dont
on supprime les écoles.
NOMBRE
d’élèves
qu’ils doivent fournir.
Clermont 
Puy-de-Dôme 
50
Corrèze 
24
Haute-Loire 
24
Total 
98




  1. H. de Riancey, Histoire de l’instruction publique, t. II, p. 20.
  2. Eug. Despois, Le Vandalisme révolutionnaire. Paris, Germer-Baillière, 1868 ; 1 vol. in-18.
  3. Eug. Despois, loc. cit.
  4. Lud. Carrau, L’éducation en France depuis le xvie siècle (Revue des Deux-Mondes, 15 janvier 1880).
  5. Publié par F. Rocquain. Paris, Didier, 1874.
  6. Voir, pour de plus amples détails : Discours sur l’Instruction publique, prononcé à la distribution des prix des Écoles centrales de la Seine, le 29 thermidor an VIII, suivi de notes sur l’état actuel et le régime des Écoles centrales par S. F. Lacroix, membre de l’Institut national, professeur de mathématiques à l’École centrale des Quatre-Nations. Paris, Duprat, an IX, 1 vol. in-16.
  7. Proyard (Liévain-Bonaventure), né vers 1743 dans la province d’Artois, embrassa l’état ecclésiastique. Après avoir rempli les fonctions de sous-principal au collège Louis-le-Grand, et publié plusieurs ouvrages de pédagogie qui le firent connaître avantageusement, il fut chargé d’organiser le collège du Puy. Cet établissement devint bientôt, sous sa direction, un des plus florissants du royaume.

    Après sa démission, il put à peine prendre possession d’un canonicat de la cathédrale d’Arras ; condamné à la déportation pour avoir refusé le serment constitutionnel, il résida successivement dans les Pays-Bas, la Franconie, etc. À sa rentrée en France, après le Concordat, il se fixa à Saint-Germain-en-Laye, où il écrivit plusieurs livres sur l’histoire de la Révolution. Il mourut le 22 mars 1808.

    Ses œuvres ont été publiées en 1822, en 17 vol. in-8o.

  8. V. J. Denais, Recherches sur le collège du Puy-en-Velay (1570-1791). Paris, Dumoulin, 1876. 1 vol. in-8o.
  9. La ville de Brioude, qui possédait, à cette époque, un personnel enseignant distingué et nombreux, que nous retrouverons, soit à notre École centrale de la Haute-Loire, soit à celle du Puy-de-Dôme, avait fait de nombreuses démarches pour obtenir que le nouvel établissement fût placé dans son ancien collège. Elle fit valoir en vain les avantages offerts par la belle situation des bâtiments de ce collège, par la salubrité de son climat et la « proximité de la rivière d’Allier qui favorisait la jeunesse dans l’art utile de la natation et dans les usages de la navigation intérieure, » etc. la balance pencha eu faveur du Puy.

    La ville de Brioude, battue une première fois, aurait pu revenir à la charge et demander la création d’une École centrale supplémentaire, conformément à l’art. 10 du titre II de la nouvelle loi. Nous ne voyons pas qu’elle ait insisté.

  10. Une partie de ces constructions, où se trouvaient installés l’Administration centrale et le Directoire du département, avait été dévorée par un incendie dans la nuit du 16 au 17 décembre 1791.
  11. Claude-Denis Balme naquit au Puy, le 9 octobre 1762. Après d’excellentes études médicales à Montpellier, il se fixa dans sa ville natale, où il prit la première place, parmi les médecins du temps. Il publia un grand nombre de mémoires importants, et plusieurs ouvrages qui lut valurent les encouragements et les récompenses de la Société de Médecine. Nous citerons ses Recherches diététiques publiées en 1791 ; puis, Réclamation importante sur les médecins accusés d’irréligion, 1804.

    Il mourut au Puy, le 1er décembre 1805.

    Claude Romeuf, né à Lavoûte-Chilhac le 1er septembre 1763, participa, jusqu’à sa mort, à l’administration du pays, soit comme conseiller général soit comme conseiller de préfecture.

    Quant à l’abbé Faure de Livinhac, le troisième membre du jury, il était chanoine du chapitre de la Cathédrale au moment de la Révolution. Après avoir prêté le serment constitutionnel, il devint maire du Puy et remplit deux ans, avec beaucoup de sagesse et de modération, ces fonctions encore plus délicates alors qu’en tout autre temps.

  12. À l’exception de celle de dessin, toutes les chaires de l'École furent données au choix et sans que les candidats eussent été soumis au concours. Cette décision du Jury était parfaitement justifiée par le mérite des nouveaux professeurs ayant, pour la plupart, appartenu, depuis de nombreuses aunées, au corps enseignant et connus par leurs aptitudes spéciales.
  13. L’Administration apporta la plus grande persévérance dans la solution de cette question. Dans la correspondance qu’elle entretint, à ce sujet, avec le ministre de l’Intérieur et les députés de la Haute-Loire au Corps Législatif, en insistant pour la création d’une chaire de langue italienne, elle faisait valoir les nombreuses relations commerciales de la ville du Puy avec l’Italie et les avantages nombreux que nos jeunes concitoyens retireraient de cet enseignement. Malheureusement, ses efforts, sur ce point, ne furent pas couronnés de succès.
  14. Appendice, no 1.
  15. Voy., à l’appendice (no 2), le compte-rendu de cette inauguration.
  16. Appendice (no 3).
  17. Appendice (no 4).
  18. À dater de l’an VII, la société d’harmonie créée sous le nom d’Institut de Musique embellit, au Puy, toutes les fêtes publiques. Il en fut de même de l’orchestre d’amateurs dirigé par M. de Becdelièvre. L’on trouvera à l’Appendice (no 5) une intéressante lettre, par laquelle le bureau de l’École centrale invite l’Administration départementale à hâter la formation de cet Institut, sur la composition duquel voy. Henry Mosnier, Le Théâtre au Puy-en-Velay. Paris, Champion, 1881, 1 vol. in-12, p. 47.
  19. L’église du Collège.
  20. Les exigences de notre cadre nous obligent à ne reproduire qu’une strophe et le refrain de cette cantate.
  21. Le récit complet de cette fête a été imprimé en une brochure in-8o, sortie des presses de J.-B. Lacombe.
  22. Appendice, no 6.
  23. Non-seulement nos écoliers étaient conduits, les jours de fêtes, à des spectacles composés spécialement des tragédies de Corneille, Racine ou Voltaire, mais encore, à partir de l’an VII, les plus méritants d’entre eux furent appelés à interpréter, devant leurs concitoyens, les chefs-d’œuvres de ces illustres maîtres. À cette époque, une société dramatique libre se forma au Puy, et inscrivit dans son règlement « l’admission momentanée et à titre de récompense, parmi ses membres, de ceux des jeunes étudiants qui auraient le mieux mérité par leur application, leurs succès et qui joindraient à cela quelque aptitude pour la déclamation ». Nous n’avons pas à faire ressortir l’utilité le cet exercice qui donnait à nos jeunes compatriotes l’habitude de la parole, de la grâce, du maintien.
  24. No 7 de l’Appendice.
  25. Nous donnons en Appendice (no 8), sur ces divers professeurs, presque tous nos compatriotes, quelques renseignements biographiques.
  26. Voir à l’Appendice (no 9) le détail de ce budget, pour l’an VIII.

    Au moment où ces lignes étaient sous presse (décembre 1881), M. Albert Duruy, publiait dans la Revue des Deux-Mondes, sur les Écoles centrales, une étude dont nous regrettons, vu l’état d’avancement de notre travail, de ne pouvoir réfuter certaines assertions.

    C’est ainsi que, contrairement aux dires de cet auteur, qui nous représente les professeurs des Écoles centrales, comme convenablement rétribués sur le papier, mais en réalité mourant de faim, endettés, réduits aux expédients par suite du défaut presque général de paiement, les feuilles d’émargements, que nous avons sous les yeux, nous montrent ceux de la Haute-Loire payés, chaque mois, avec une grande régularité.

  27. No 10 de l’Appendice.
  28. Sur cette Société. V. Compte-rendu par M. de Brive, président, dans les Annales de la Société pour 1849, p. 10.
  29. Le Puy, imp. Lacombe, 30 pp. in-8.
  30. De son côté, l’Administration ne perdait pas de temps. Le 15 thermidor an X, un arrêté du Préfet, renouvellant les défenses antérieures de se servir des anciens poids et mesures, ordonnait à l’impression de tableaux comparatifs entre les anciennes mesures et les nouvelles. Cette publication suivit bientôt ; en voici le titre :

    Tables de comparaison entre les mesures anciennes en usage dans le département de la Haute-Loire et les mesures nouvelles, imprimées par ordre du Préfet et d’après son arrêté du 15 prairial an X. Au Puy, Lacombe, an X, in-8 de 55 p.

    L’année suivante, parut un nouveau recueil relatif au même sujet, sous ce titre :

    Nouvelles tables de comparaison entre les anciens poids et les anciennes mesures en usage dans le département de la Haute-Loire et les poids et mesures du nouveau système métrique et de ceux-ci avec les anciens ; avec la comparaison des prix mise à la portée de toutes les classes de la Société, par A. Mandet, homme de loi, secrétaire du Préfet de la Haute-Loire. Riom et Clermont, Landriot, an XI, in-fol, de 8 feuil, non chiffrés.

    Le Préfet, dans un avis, en date du 22 ventôse an XIII, recommandait à ses administrés l’achat de ce dernier recueil.

  31. Appendice (no 11).
  32. Appendice (no 12).
  33. V. à l’Appendice, no 13, le procès-verbal de visite de ces écoles en l’an XII.
  34. V. à l’Appendice, no 14, l’arrêté portant suppression de notre École et établissement d’un lycée à Clermont-Ferrand.
  35. Ce tableau, dont les figures sont de grandeur naturelle, est inscrit sous le no 66 au catalogue du Musée du Puy, avec cette mention : Copie d’après François Sneyders (École Flamande). Il représente un intérieur de cuisine.
  36. Cette statuette, œuvre de notre compatriote, le statuaire Julien, né à Saint-Paulien, près le Puy, avait été offerte par le celèbre artiste à l’Administration départementale.
  37. Cousin germain du général Mouton-Duvernet, né au Puy, en 1769, fusillé à Lyon, en 1816.
  38. Florentin Giraud, né en 1781, mort en 1864, miniaturiste de talent.
  39. Nous avons sous les yeux un volume dû à la plume de Besqueut et dont voici le titre : « Mémoire qui a concouru pour le prix proposé par la section des sciences morales et politiques de l’Institut national, sur cette question : « Quelles doivent être, dans une république bien constituée, l’étendue et les limites du pouvoir du père de famille » ? Ouvrage mentionné honorablement dans la séance publique de l’Institut national, du 15 germinal, an X.

    Patria potestas in pietate debet non in atrocitate consistere…

    Par E… B… (de la Haute-Loire), élève de l’Université de jurisprudence, Paris, imp. Renaudière, an XI, 173 pp. in-8.

    L’on trouve dans cette étude une somme considérable de connaissances, noyées, il est vrai, dans beaucoup de phraséologie, mais dénotant chez l’auteur une intelligence très développée, si l’on tient compte de son jeune âge.