Amyot (p. 237-248).
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XXIII.

L’Aigle-Volant.


Les Indiens, à cause de la vie qu’ils sont contraints de mener et de l’éducation qu’ils reçoivent, sont d’un caractère essentiellement défiant : habitués à se mettre constamment en garde contre tout ce qui les environne, à soupçonner les intentions en apparence les plus loyales, de cacher une trahison ou une perfidie, ils ont acquis une habileté peu commune pour deviner les projets des personnes avec lesquelles le hasard les met en rapport et déjouer les embûches tendues sous leurs pas par leurs ennemis.

Mahchsi-Karehde, nous l’avons dit déjà, était un guerrier expert, aussi sage au conseil que vaillant au combat, et qui, bien que très-jeune encore, jouissait à juste titre d’une grande réputation dans sa tribu.

Aussitôt que Bon-Affût, au nom de la loi de Lynch, eut prononcé la sentence de don Estevan, il y eut une espèce de désordre parmi les chasseurs qui rompirent leurs rangs et commencèrent à causer et à discuter vivement entre eux, ainsi que cela arrive toujours en pareil cas. L’Aigle-Volant profita de ce que l’attention était portée ailleurs et que personne ne songeait à lui pour faire à l’Églantine, dont les yeux étaient incessamment fixés sur lui, un signe que la jeune femme comprit, et il se glissa silencieusement au milieu des buissons, où il disparut sans que nul ne s’occupât de son absence.

Après avoir marché pendant environ vingt minutes dans la forêt, se jugeant probablement assez éloigné, le chef s’arrêta, et se tourna vers sa femme qui ne l’avait pas quitté d’un pas.

— Laissons les visages pâles, dit-il, accomplir leur œuvre ; L’Aigle-Volant est un guerrier comanche, il ne doit pas intervenir davantage entre eux.

— Le chef retourne dans son village ? demanda timidement l’Églantine.

L’Indien sourit d’un air fin.

— Tout n’est pas fini encore, répondit-il, l’Aigle-Volant veillera sur ses amis.

La jeune femme baissa la tête, et voyant que l’Indien s’était astis, elle se prépara à allumer le feu du campement. Le chef l’arrêta d’un geste.

— L’Aigle-Volant ne veut pas être découvert, reprit-il ; que ma sœur prenne place à ses côtés, et qu’elle attende ; un ami est en péril à cette heure.

En ce moment il se fit, non loin de l’endroit où les deux Peaux-Rouges étaient arrêtés, un grand bruit de branches cessées et froissées dans le taillis.

L’Indien prêta attentivement l’oreille pendant quelques minutes, le corps penché vers le sol.

— L’Aigle-Volant revient, dit-il en se relevant.

— L’Églantine l’attendra, répondit la jeune femme en lui jetant un doux regard.

Le chef déposa auprès de sa compagne les armes qui auraient pu le gêner dans l’exécution du projet qu’il méditait ; il ne garda que sa reata qu’il lova avec soin dans sa main droite, et se dirigea à pas de loup dans la direction du bruit qu’il avait entendu et qui de seconde en seconde se faisait plus fort.

À peine se fut-il avancé d’une vingtaine de pas en se frayant un chemin à travers les lianes entrelacées et les hautes herbes qui lui barraient le passage, qu’il aperçut, arrêté à dix mètres de lui environ, un magnifique cheval noir qui, les oreilles couchées en arrière, le cou allongé et les quatre pieds tendus, fixait sur lui ses grands yeux intelligents d’un air effaré en renâclant avec force, la bouche couverte d’écume et les naseaux sanglants.

— Ooah ! murmura le chef en s’arrêtant tout court et admirant le superbe animal en connaisseur.

Il se rapprocha de quelques pas encore, en ayant soin de ne pas effaroucher davantage le cheval, qui suivait tous ses mouvements d’un œil inquiet ; et à l’instant où il le vit bondir pour s’échapper, il fit siffler sa reata autour de sa tête et la lança avec tant d’adresse que le nœud coulant tomba sur les épaules du cheval ; celui-ci essaya pendant trois ou quatre minutes de reprendre la liberté qui lui était si subitement ravie ; mais bientôt, reconnaissant l’inutilité de ses efforts, il se résigna à accepter de nouveau l’esclavage, et laissa approcher l’Indien sans chercher à continuer plus longtemps la lutte. C’est avec raison que nous disons qu’il se résigna à accepter de nouveau l’esclavage, car cet animal n’était pas un cheval sauvage, mais bien le magnifique barbe de don Estevan, que celui-ci avait probablement perdu pendant le combat lorsqu’il avait été blessé. Les harnais du cheval étaient en partie brisés et déchirés par les ronces, mais cependant encore en état de servir.

Le chef, joyeux de la bonne aubaine que lui procurait le hasard, monta sur le cheval et retourna auprès de l’Églantine, qui, soumise et obéissante comme une véritable femme indienne, n’avait pas bougé depuis son départ.

— L’Aigle-Volant retournera dans son village monté sur un coursier digne d’un aussi grand chef, lui dit-elle en l’apercevant.

L’Indien sourit avec orgueil.

— Oui, répondit-il, les sachems seront fiers de lui.

Et avec ce naïf enfantillage qui s’allie si bien à la rudesse primitive de ces hommes de fer, il s’amusa à exécuter pendant quelques instants les passes, les voltes et les courbettes les plus difficiles, heureux de l’admiration effrayée de celle qu’il aimait et qui ne pouvait s’empêcher de trembler en le voyant manœuvrer aussi facilement ce magnifique animal. Le chef mit enfin pied à terre et vint, tout en conservant dans la main la bride du cheval, s’asseoir auprès de la jeune femme.

Ils demeurèrent ainsi assez longtemps côte à côte sans échanger une parole : l’Aigle-Volant paraissait réfléchir profondément. Ses yeux erraient ça et là dans les ténèbres, comme s’il eût voulu pénétrer et distinguer dans l’obscurité quelque objet lointain ; il écoutait avidement les bruits de la solitude, en jouant machinalement avec son couteau à scalper.

— Les voilà ! s’écria-t-il tout à coup en se relevant, comme poussé par un ressort.

L’Églantine le regarda avec étonnement.

— Ma sœur n’entend-elle pas ? lui demanda-t-il.

— Oui, fit-elle après un instant, j’entends un bruit de chevaux dans les halliers.

— Ce sont les visages pâles qui regagnent leur camp.

— Allons-nous donc les suivre ?

— L’Aigle-Volant ne quitte jamais sans raison le sentier tracé par son mocksens ; l’Églanline accompagnera le guerrier.

— Mon père en doute-t-il ?

— Non ; l’Églantine est une digne fille des Comanches ; elle viendra sans murmurer. Un visage pâle, ami de Mahchsi-Karehde, est en danger en ce moment.

— Le chef le sauvera.

L’Indien sourit.

— Oui, dit-il ; ou, si j’arrive trop tard pour cela, au moins je le vengerai, et son âme tressaillera de joie dans les Prairies bienheureuses en apprenant de son peuple que son ami ne l’a pas oublié.

— Je suis prête à suivre le chef.

— Partons donc alors, car il est temps.

L’Indien se mit en selle d’un bond : l’Églantine se prépara à le suivre à pied.

Les femmes indiennes ne montent jamais le cheval de guerre de leurs maris ou de leurs frères. Condamnées par les lois qui régissent leurs peuplades à demeurer constamment courbées sous un joug de fer, à être réduites à la plus complète abjection, et à s’occuper des travaux les plus durs et les pénibles, elles supportent tout sans se plaindre, persuadées qu’il en doit être ainsi, et que rien ne saurait les soustraire à l’implacable tyrannie qui pèse sur elles depuis leur naissance jusqu’à leur mort. En obligeant sa femme à le suivre à pied au milieu d’une forêt vierge par des chemins impraticables, rendus plus difficiles encore à cause des ténèbres, l’Aigle-Volant était convaincu qu’il ne faisait qu’une chose toute simple et toute naturelle ; l’Églantine, de son côté, le comprit ainsi, car elle ne se permit pas la moindre observation.

Ils se mirent donc en route, tournant le dos à la rivière et s’avançant du côté de la clairière.

Dans quel but le chef retournait-il sur ses pas et reprenait-il le trajet qu’il avait accompli une heure auparavant afin de s’éloigner des gambucinos ?

C’est ce que bientôt nous apprendrons probablement.

À une centaine de mètres de la clairière environ, ils entendirent le bruit d’un coup de feu.

L’Aigle-Volant s’arrêta.

— Ooah ! murmura-t-il, que se passe-t-il donc ? me serais-je trompé ?

Mettant immédiatement pied à terre, il donna son cheval à garder à sa femme, en lui ordonnant de le suivre à distance ; et se glissant parmi les herbes, il s’avança en toute hâte vers la clairière, inquiet de ce coup de feu qu’il ne savait à quoi attribuer, car l’idée ne lui vint pas un seul instant que ce fût don Estevan qui l’eût tiré dans l’intention de se tuer ; le chef était convaincu qu’un homme de ce caractère n’abandonnait jamais une partie, quelque désespérée qu’elle fût. Son appréciation n’était pas complètement fausse.

Persuadé de ce que nous avons dit plus haut, l’Aigle-Volant, redoutant un malheur dont il semblait avoir prévu la possibilité, se hâtait donc de gagner la clairière, afin d’éclaircir ses doutes, et tremblant de les voir se changer en certitude.

Arrivé sur la lisière de la clairière, il s’arrêta, écarta les branches avec précaution, et regarda. Les ténèbres étaient tellement épaisses, qu’il ne put rien distinguer ; un silence funèbre régnait sur cette partie de la forêt. Soudain les buissons s’écartèrent, un homme, ou plutôt un démon, bondit comme un chacal, passa auprès de lui avec une vélocité extrême, et se perdit bientôt dans l’obscurité.

Un triste pressentiment serra le cœur du peau-rouge ; il fit un mouvement pour se lancer à la poursuite de l’inconnu ; mais se ravisant presqu’aussitôt.

— Voyons ici d’abord, murmura-t-il ; cet homme je suis certain de le retrouver quand je le voudrai.

Il entra dans la clairière. Les feux abandonnés ne jetaient plus aucune lueur, tout était ombre et silence.

Le chef marcha rapidement vers l’endroit où la fosse avait été creusée. Elle était vide, don Estevan avait disparu ; sur le revers du talus, formé par les terres rejetées en dehors de la fosse, un homme étendu gisait sans mouvement.

L’Aigle-Volant se pencha sur lui et l’examina attentivement pendant quelques secondes.

— Je le savais ! murmura-t-il en se redressant avec un sourire de dédain, cela devait arriver ainsi, les faces pâles sont de vieilles femmes bavardes, l’ingratitude est un vice blanc, la vengeance est une vertu rouge.

Le chef demeura pensif, les yeux fixés sur le blessé.

— Le sauverai-je ? reprit-il enfin. À quoi bon ? ne vaut-il pas mieux laisser les coyotes se déchirer entre eux ; les guerriers rouges se rient de leur fureur ; celui-là ajouta-t-il, était cependant un des meilleurs entre ces faces pâles pillardes qui viennent nous relancer jusque dans nos derniers refuges ! Bah ! que m’importe ! nos deux races sont ennemies ; les bêtes fauves l’achèveront, à chacun sa proie.

Et il fit un geste pour s’éloigner. Soudain il sentit une main se poser sur son épaule, et une voix timide murmura doucement à son oreille :

— Ce visage pâle est l’ami de la tête grise qui a délivré l’Aigle-Volant ; le sachem l’ignore-t-il ?

Le Chef tressaillit à cette question qui répondait si bien à ses pensées intérieures ; car, tout en se parlant à lui-même et en cherchant à se prouver qu’il avait raison d’abandonner le blessé, l’Indien savait fort bien que l’action qu’il préméditait était répréhensible et que l’honneur exigeait qu’il secourût l’homme étendu à ses pieds.

— L’Églantine connaît ce chasseur ? répondit-il évasivement.

— L’églantine l’a vu il y a deux jours pour la première fois, lorsqu’il a sauvé si courageusement l’ami du chef.

— Ooah ! murmura l’Indien, ma sœur dit vrai ; ce guerrier est brave, son cœur est large, il est l’ami des peaux-rouges, l’Aigle-Volant est un chef renommé pour sa grandeur d’âme, il n’abandonnera pas le visage pâle aux hideux coyotes.

— Mahchsi Karehde est le plus grand guerrier de sa nation, sa tête est pleine de sagesse, ce qu’il fait est bien.

L’Aigle-Volant sourit avec satisfaction à ce compliment de la jeune femme.

— Visitons les blessures de cet homme.

L’Églantine alluma une branche d’ocote dons elle se fit une torche ; les deux Indiens se penchèrent sur le blessé toujours immobile, et à la flamme vacillante de la torche, ils l’examinèrent de nouveau et plus attentivement.

Balle-Franche n’avait qu’une blessure légère occasionnée par le pommeau du pistolet dont il avait été frappé ; la force du coup, en amenant une abondante hémorragie, avait causé un étourdissement suivi d’une syncope ; la plaie était assez étroite, peu profonde et placé à la partie supérieure du front entre les deux sourcils ; évidemment, don Estevan avait essayé d’assommer le digne chasseur de la même façon que dans les Corridas de toros de Mexico ; les espadas expérimentés se plaisent parfois à tuer ainsi un taureaux, afin de faire briller leur adresse aux yeux de tous les spectateurs groupés anxieusement sur les gradins del acho. Son coup, bien que lancé d’une main ferme, avait été porté trop précipitamment, et n’avait pas été calculé assez sûrement pour être mortel ; seulement, il est évident que si le chef indien ne l’avait pas secouru avant la fin de la nuit, le chasseur aurait été tout vivant dévoré par les bêtes fauves qui rôdaient aux environs en quête d’une proie.

Tous les Indiens, lorsqu’ils sont en voyage, portent sur eux, passé en bandoulière, un sac en parchemin qui a à peu près la forme d’une gibecière et qu’ils nomment sac à la médecine ; ce sac contient les simples dont ces hommes primitifs se servent afin de guérir les blessures qu’ils reçoivent dans les combats, leurs instruments de chirurgie et les poudres destinées à couper les fièvres.

Après avoir examiné la blessure de Balle-Franche, le chef hocha la tête avec satisfaction, et il se mit immédiatement en devoir de la panser. Avec un instrument tranchant fait d’une pierre d’obsidienne aiguisée et coupant comme un rasoir, il commença d’abord, aidé par l’Églantine, par raser les cheveux autour de la plaie ; ensuite il fouilla dans son sac à la médecine, en tira une poignée de feuilles d’oregano qu’il pila et pétrit avec soin, avec de l’eau-de-vie de Barcelone nommé refino. Nous ferons remarquer ici que, dans tous les médicaments indiens, l’eau-de-vie joue un grand rôle ; il ajouta à ce mélange un peu d’eau et de sel, forma du tout une pâte assez compacte, et après avoir lavé la plaie à deux reprises avec de l’eau coupée de refino, il appliqua dessus cette espèce de cataplasme, en l’assujettissant avec des feuilles d’abanijo.

Ce remède si simple produisit un effet presque instantané : au bout de dix minutes au plus, le chasseur poussa un soupir, ouvrit les yeux, et se redressa en regardant de tous les côtés, comme un homme réveillé en sursaut d’un profond sommeil, et qui ne se rend pas encore bien compte des objets extérieurs.

Cependant Balle-Franche était un homme doué d’une organisation trop solide pour que cet état durât longtemps ; bientôt il parvint à remettre de l’ordre dans ses idées, se souvint de ce qui s’était passé, et de la trahison dont il avait été la victime de la part de l’homme qu’il avait sauvé.

— Merci, Peau-Rouge, dit-il d’une voix faible encore, en tendant la main au chef.

Celui-ci la serra cordialement.

— Mon frère se sent mieux, répondit-il avec sollicitude.

— Je me sens aussi bien maintenant que si rien ne m’était arrivé.

— Ooah ! mon frère se vengera de son ennemi alors.

— Rapportez-vous-en à moi pour cela, le traître ne m’échappera pas, aussi vrai que mon nom est Balle-Franche, répondit énergiquement le chasseur.

— Bon ! mon frère tuera son ennemi, et il suspendra sa chevelure à l’entrée de son wigwam.

— Non, non, chef, cette vengeance peut convenir à un Peau-Rouge, mais ce n’est pas celle d’un homme de ma race et de ma couleur.

— Que fera donc mon frère ?

Le chasseur sourit finement, puis au bout de quelques instants, il reprit la conversation, mais sans répondre à la demande de l’Indien.

— Depuis combien de temps me trouvé-je ici ? dit-il.

— Une heure environ.

— Pas davantage ?

— Non.

— Dieu soit loué ! mon assassin ne peut être loin encore.

— Och, une mauvaise conscience est un puissant aiguillon, observa sentencieusement l’Indien,

— C’est juste.

— Que veut faire mon frère ?

— Je ne sais encore ; la position est des plus délicates pour moi, reprit Balle-Franche d’un air pensif ; poussé par mon cœur et le souvenir d’un service rendu il y a longtemps déjà, j’ai commis une action qui peut être interprétée de plusieurs façons différentes ; je reconnais maintenant que j’ai eu tort ; cependant je vous avoue, Peau-Rouge, que je ne me soucie nullement d’être en butte aux reproches de mes amis ; il est dur pour un homme de mon âge, dont les cheveux sont blancs et qui devrait avoir de l’expérience, de s’entendre dire qu’il a agi comme un enfant, et qu’il n’est qu’un sot.

— Il vous faut pourtant prendre un parti.

— Je le sais bien ; voila justement ce qui me tourmente, d’autant plus qu’il est urgent que don Miguel et don Mariano soient avertis le plus tôt possible de ce qui est arrivé, afin de remédier aux suites de ma sottise.

— Écoutez, dit le chef, je comprends combien l’aveu qu’il vous faut faire vous répugne ; il est excessivement pénible pour un vieillard de courber la tête sous des reproches, quelque mérités qu’ils soient.

— Eh bien ?

— Si vous y consentez, je ferai moi, ce que vous avez tant de peine à vous résoudre à faire. Pendant que vous accompagnerez l’Églantine, j’irai trouver vos amis, les visages pâles ; je leur rapporterai ce qui s’est passé, je les mettrai en garde contre leur ennemi, et vous, vous n’aurez rien à redouter de leur colère.

À cette proposition du chef indien, le rouge de l’indignation empourpra le visage du chasseur.

— Non, s’écria-t-il avec véhémence, je n’ajouterai pas une lâcheté à ma faute ; je saurai subir les conséquences de mon action, tant pis pour moi ; je vous remercie, chef ; votre proposition part d’un bon cœur, mais je ne puis l’accepter.

— Mon frère est le maître.

— Hâtons-nous, s’écria le chasseur, nous n’avons perdu que trop de temps ; Dieu sait quelles peuvent être les conséquences de mon action et les malheurs qui peut-être en découleront, S’il m’est impossible de les prévenir, il est de mon devoir de faire tout pour en amoindrir la portée ; venez, chef, suivez-moi, rendons-nous au camp sans plus tarder.

En prononçant ces paroles, le chasseur se leva avec une impatience fébrile.

— Je suis sans armes, reprit-il, le misérable me les a enlevées,

— Que mon frère ne se chagrine pas pour cela, répondit l’Indien, il trouvera au camp les armes nécessaires.

— C’est vrai ; allons retrouver mon cheval que j’ai laissé à quelques pas.

L’Indien l’arrêta.

— C’est inutile, dit-il.

— Comment cela ?

— Cet homme s’en est emparé.

Le chasseur se frappa le front avec découragement.

— Que faire murmura-t-il.

— Mon frère prendra mon cheval.

— Et vous, chef ?

— J’en ai un autre,

— Ah ! reprit Balle-Franche.

Sur un signe de l’Aigle-Volant, l’Églantine amena le cheval.

Les deux hommes se mirent en selle ; le chef prit sa femme en croupe et se penchant sur le cou de leurs chevaux, ils s’élancèrent à toute bride dans la direction du camp des gambucinos, où ils arrivèrent au bout d’une heure environ sans nouvel accident.