L’Échange Avertissement

AVERTISSEMENT[1]




Cette comédie fut représentée, sous le titre du Comte de Boursoufle, à Cirey, chez la marquise du Châtelet, en 1734. Elle en distribua les rôles aux personnes de sa société, s’en réservant un pour elle et un autre pour l’auteur[2]. Voltaire paraît n’avoir point gardé le manuscrit de cette pièce, ni de celle des Originaux[3], qui l’avait précédée de deux ans ; et l’une et l’autre restèrent longtemps ignorées du public. Les plus anciens amis de l’auteur seulement en avaient conservé quelque souvenir. Nous avons entendu dire à M. d’Argental que Voltaire avait fait autrefois, au château de Cirey, des comédies fort gaies, entre autres un Comte de Boursoufle ; que même il y en avait eu deux de ce nom, et qu’on les distinguait par les dénominations de Grand et de Petit Boursoufle. La différence consistait apparemment en ce que l’une était en trois actes, et l’autre en un. En effet, on a trouvé, dans le catalogue des livres de M. de Pont-de-Veyle, l’indication d’un Comte de Boursoufle en un acte ; mais il y est rangé dans la section des opéras-comiques, ce qui doit faire supposer que l’auteur avait ajouté de la poésie à sa pièce. Nous ne connaissons point cet opéra-comique, et nous ignorons s’il existe encore[4].

Le 26 de janvier 1761, on représenta à Paris, sur le théâtre de la Comédie italienne, une comédie en trois actes, en prose, intitulée Quand est-ce qu’on me marie ?[5] sans nom d’auteur. C’était le Comte de Boursoufle sous un autre titre[6], et avec d’autres noms de personnages. On ne soupçonna point que Voltaire en fût l’auteur anonyme : cela n’est pas surprenant ; mais ce qui paraît singulier, c’est que cette pièce fut jouée et imprimée dans la même année à Vienne en Autriche. Écrite d’abord avec une certaine liberté que le genre, le sujet, et la circonstance d’un pareil amusement comportaient, elle dut, en paraissant à Vienne, éprouver quelques modifications. On la mit en deux actes, avec un nouveau dénouement. Les noms des personnages y furent probablement ceux qui avaient été substitués aux anciens, sur le théâtre de la Comédie italienne, à Paris. Le comte de Boursoufle s’y trouve changé en comte de Fatenville ; le baron de la Cochonnière, Thérèse, Malaudin, Pasquin, madame Barbe, etc., sont remplacés par le baron de la Canardière, Gotton, Trigaudin, Merlin, madame Michelle, etc. Il est probable que les motifs des changements faits à la pièce, en 1761, étaient, non-seulement de la rendre moins libre, mais encore d’éloigner l’idée ou le souvenir de l’ancien Comte de Boursoufle et de son auteur.

Cette comédie paraît ici telle que l’auteur l’avait faite pour Cirey, mais avec le titre, les personnages, et quelques légères corrections de détail, tirés d’une seconde édition donnée à Vienne en 1765.





  1. Cet avertissement est de feu Decroix, l’un des éditeurs de l’édition de Kehl, qui le composa pour l’édition de M. Lequien, publiée en 1827. (B.)
  2. La pièce fut aussi jouée, en 1747, à Anet ; voyez le Prologue, p. 253. (B.)
  3. Voyez cette pièce, Théâtre, tome Ier, page 391.
  4. Le manuscrit ne s’est pas retrouvé dans la bibliothèque de Pont-de-Veyle, lorsque M. de Soleinne en a fait l’acquisition. (B.)
  5. Ce titre est pris du premier couplet de la scène VII de l’acte II. Voltaire désavoue cette pièce dans une lettre à Damilaville, du 7 mai 1762, qu’il inséra, en 1770, dans l’article Ana de ses Questions sur l’Encyclopédie. Cela ne m’empêcha pas, en 1817, d’admettre l’Échange dans le tome VII d’une édition in-12 des Œuvres de Voltaire, qui a été terminée par M. L. Dubois. J’avais réimprimé sur l’édition qui avait paru à Vienne en 1761, et qui y eut une seconde édition en 1765, in-8. Ces éditions anonymes sont en deux actes. C’était tout ce que j’avais pu me procurer.

    Après moi, en 1818, on réimprima l’Échange dans le tome XXIX de l’édition in-8 en quarante-deux volumes y compris la table.

    Peu après, M. de Soleinne ayant acquis la bibliothèque de Pont-de-Veyle, y trouva, sous le no 1042, un manuscrit contenant deux pièces en trois actes, Monsieur du Cap-Vert et le Comte de Boursoufle. C’est d’après ce manuscrit que M. A.-A. Renouard donna, en 1819, dans le tome VII de son édition des Œuvres de Voltaire, le Comte de Boursoufle en trois actes, qui, sauf les scènes de plus, n’est autre que l’Échange.

    Feu Decroix, ayant aussi un manuscrit de la pièce, crut devoir rétablir le titre que j’ai conservé.

    Voilà donc deux pièces en trois actes dans lesquelles figure un comte de Boursoufle. Mais il y avait encore un Petit Boursoufle en un acte. Le manuscrit, inscrit au catalogue Pont-de-Veyle sous le no 1216, paraît perdu, comme je l’ai dit dans ma note précédente.

    Lorsqu’en 1826 le gouvernement présenta un projet de loi pour le rétablissement du droit d’aînesse, on réimprima le Comte de Boursoufle ou les Agréments du droit d’aînesse, comédie de Voltaire, in-32. Des exemplaires sans millésime, portant l’adresse de M. Jules Renouard, ont une couverture sur laquelle on lit : Le Comte de Boursoufle ou l’Avantage d’être l’aîné, comédie par feu M. de Voltaire. Des exemplaires avec millésime portent l’adresse de M. Touquet, et la couverture a le même intitulé que le frontispice. (B.)

    Il y a quelques années, on représenta sur le théâtre de l’Odéon le Comte de Boursoufle, et l’on annonça au public que c’était une comédie inédite de Voltaire !

  6. Fréron rend compte de la représentation dans l’Année littéraire, 1761, t. IV, pages 73-85. (B.)