L’Âme qui vibre/L’Insaisissable Paix

E. Sansot et Cie (p. 19).

L’INSAISISSABLE PAIX

Je suis inassouvi de douceur et de calme ;
Je voudrais que mes yeux fussent à jamais clos.
J’ai peur de la rumeur et du roulis des flots,
J’ai même peur du vent qui balance la palme.

J’ai peur de la clarté trop vive du matin
Et du bruit insipide et grinçant des voitures.
Quand on m’écrit, j’ai peur des grosses écritures,
Et j’ai peur quand la nuit sur mes vitres déteint.

J’ai peur des voix, j’ai peur des pas, j’ai peur des cloches
J’ai peur des grands espoirs comme aussi des petits,
J’ai peur de tous les gens, de tous les appétits
Et des passants qui font trop sonner leurs galoches.

Aussi je voudrais bien que, sans quitter le corps,
L’âme pût demander sa mise à la retraite.
T’adresserais de suite, au Seigneur, ma requête,
Mes bras pour la porter n’étant plus assez forts.