L’Âme nue/Romance 154

G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 154-155).
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L’AUBE









ROMANCE






C’est une puissance inconnue
Qui nous a perdus sous les bois :
Ma main brûlait dans sa main nue
Et mes doigts tremblaient dans ses doigts.


Le vent sautait de branche en branche,
Soupirant des vœux sans aveux,
Et pour baiser sa nuque blanche
Parfois soulevait ses cheveux.

Il me les jetait comme un voile
De parfums tièdes et d’ors roux ;
Il gonflait sa robe de toile,
Et la plaquait sur mes genoux.


Mon front roulait dans les vertiges ;
Le bois chantait, profond et noir :
Les fleurs, en jasant sur leurs tiges,
Se bousculaient pour nous mieux voir…


Elle cueillit à son corsage
Une rose qu’elle m’offrit :
— « Je t’aime… — Je meurs. — Soyez sage,
« On parle ! — C’est le vent qui rit.


— « Vous m’oublierez. — Tes mains sont douces !
— « Je suis bien lasse. — Je suis las… »
Oh ! la complicité des mousses
Et la traîtrise des lilas !