L’Âme nue/Résipiscence

G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 260-262).
LE SOIR








RÉSIPISCENCE


à madame m. godebska




Mon rêve, ô rêve, tu pleures ?
C’est eux tous qui t’ont chassé.
Je me souviens du passé,
Des vieilles, des belles heures…


Oh ! pitié ! J’ai trop lutté
Contre le moi d’un autre âge,
J’ai trop porté, dans ma rage,
Cet orgueil de révolté.

— J’ignore toutes les haines ;
Je suis bon pour les mauvais,
Et je dis que je vous hais,
Moi qui peine pour vos peines.


Je dis que j’aime ma chair
Quand je sais ma chair immonde ;
J’insulte et nargue le monde,
Et tout ce qui naît m’est cher.


Je ne suis qu’un fou mystique
Épris d’un songe trop pur :
Je vis seul, derrière un mur
Bâti de terreur pudique.


On a tant ri de mon cœur
Qu’un jour j’en ai ri moi-même…
Ah ! sangloter un blasphème,
Pleurer un rire moqueur !

 
Alors j’ai dit à ma harde
De me consoler un peu :
J’ai sali la femme et Dieu.
— Et mon rêve me regarde !